Ginkgo biloba : grand protecteur circulatoire et cérébral : (abonnez-vous au podcast ici)
Ginkgo biloba : On va parler d'un grand arbre qui a probablement vécu au temps des dinosaures. On pense qu'il a dans les 150 millions d'années. Darwin en parlait comme un fossile vivant. Je vais vous présenter ses propriétés et indications, je vais essayer de les positionner avec beaucoup de prudence car certaines touchent des pathologies cardiovasculaires ou neurologiques. Donc là faut pas faire n'importe quoi, il y a souvent médicamentation, il faut travailler avec votre équipe médicale en premier lieu.
J'en profite d'ailleurs pour vous rappeler que je ne suis ni médecin, ni pharmacien, ni professionnel de la santé, je partage avec vous une information que j'essaie de rendre la plus pratique et utile possible, mais ceci ne se substitue pas à un suivi médical, c'est donc à vous de faire le nécessaire pour valider avec votre médecin en fonction de votre problématique.
Dernier point avant de démarrer, vous nous demandez régulièrement comment nous soutenir pour tout le contenu gratuit qu'AltheaProvence met à votre disposition depuis 2010 et qui représente un nombre incalculable d'heures de travail pour moi et toute l'équipe. On vous met un lien avec les explications sous cet épisode, avec toute notre gratitude.
Ginkgo biloba : un peu de botanique
Je vous propose de démarrer par un peu de botanique. Le Ginkgo est un arbre qui peut atteindre une taille assez conséquente. Il appartient à la famille des Ginkgoaceae. Dans cette famille, un seul genre, Ginkgo. Et dans ce genre a subsisté une seule espèce : Ginkgo biloba. Donc comme famille, on ne pouvait pas faire plus petit.
L'arbre peut atteindre dans les 30 à 40 m de hauteur pour les plus gros. En Chine et au Japon on compte quelques arbres qui ont entre 1000 et 3500 ans, il peut vivre très vieux. Il a une croissance très lente, donc si vous en plantez un tout petit au jardin, soyez patient, il est fort probable que ce soit les prochaines générations qui en profitent.
Je pense que vous avez dû en voir dans des jardins et des parcs en France, c'est un arbre magnifique. La feuille a cette forme caractéristique d'éventail, souvent divisée au milieu en 2 lobes, d'où le nom latin "biloba". Elle n'a pas de nervure centrale contrairement à la plupart des feuilles. La feuille est d'abord de couleur verte puis elle devient jaune d'or à l'automne.
L'arbre est dioïque, c'est-à-dire que l'arbre est soit mâle, soit femelle. Les mâles vont avoir des chatons qui contiennent le pollen. Et les femelles portent les ovules qui donneront naissance au fameux fruit que vous connaissez peut-être par son odeur. Il ressemble à une petite prune jaune et dégage une odeur assez désagréable.
Parties utilisées
L'utilisation moderne du Ginkgo comme plante médicinale se fait avec la feuille. Vous lirez qu'il existe une longue tradition d'utilisation en médecine chinoise. C'est vrai, mais pour le fruit uniquement.
En médecine chinoise, on utilisait le fruit pour les conditions pulmonaires dans lesquelles il y avait sécrétions abondantes de mucus avec difficulté à respirer, sifflement respiratoire, donc applicable pour certaines conditions d'asthme, en particulier lorsque condition de chaleur présente. On l'utilisait aussi pour les pertes vaginales, pour certains troubles urinaires... il a une énergétique assez astringente en fait, qui contrôle les fluides. Je mentionne ceci car on va retrouver cette caractéristique astringente dans la feuille aussi.
L'utilisation de la feuille est relativement récente. Et c'est la science qui a propulsé la feuille de Ginkgo sur le devant de la scène, pas la tradition, ce qui est plutôt rare comme situation. Du coup, c'est de la feuille dont nous allons parler aujourd'hui, et sachez que je vais me reposer uniquement sur la science et pas sur une longue tradition qui n'existe pas, à ma connaissance, pour la feuille.
Et pour information, la feuille de Ginkgo a été incorporée dans la pharmacopée de médecine chinoise, mais relativement récemment par rapport au fruit.
Ginkgo : ramasse et constituants
A quel moment ramasse-t-on la feuille ? Je ne sais pas s'il y a consensus.
On m'a expliqué qu'il faudrait ramasser la feuille à l'automne au moment où elle commence juste à tourner au jaune. Apparemment, il y a un équilibre entre la quantité en flavonoïdes qui est maximisée lorsque la feuille devient jaune, et la quantité des ginkgolides et bilobalides qui sont maximisés à la fin de l'été juste avant que la feuille commence à tourner au jaune, donc quand elle est encore verte (1). Donc si on ramasse au moment où ça tourne juste, on a probablement le meilleur des deux. Si on attend que la feuille soit complètement jaune et tombe, la richesse en constituants diminue.
Ceci dit, je vois que certains laboratoires ramassent la feuille encore verte. Donc comme toujours, différentes manières de faire dans différents pays.
D'un point de vue constituants, vu le nombre d'études, on a une très bonne idée de ce que la feuille de Ginkgo contient. Nous avons 3 grandes classes :
- Les terpènes : avec les ginkgolides (qui sont des diterpènes), le bilobalide (qui est un sesquiterpène)
- Les flavonoïdes (ils sont nombreux)
- Et les proanthocyanidols.
Avec ces 3 grandes classes, on arrive à expliquer à peu près toutes les propriétés du Ginkgo.
Ginkgo : propriétés médicinales
Parlons des propriétés médicinales. Sachez qu'il y a eu énormément d'études ces dernières décennies avec beaucoup de propriétés, soit validées par les études cliniques sur humains, soit présumées au travers d'études sur animaux.
Donc il va falloir que je simplifie, sinon on va avoir une liste qui n'en finit plus. Je vais sélectionner les propriétés qui me semblent principales et les plus utiles, sachant que ça ne sera pas une liste exhaustive. Je vais laisser les propriétés secondaires de côté.
Exemple de propriétés secondaires : le Ginkgo pourrait bien avoir un effet antiviral intéressant. OK. Est-ce que c'est quelque chose d'unique au Ginkgo ? Non, on a plein d'antiviraux naturels, et à ma connaissance pas d'étude sur humains pour l'instant.
Mémoires et troubles cognitifs
On commence par la première propriété importante du Ginkgo. Et ça touche la sphère cérébrale. Il existe une condition qu'on pourrait appeler insuffisance cérébrale. Ce n'est pas vraiment une condition médicale à proprement parler, mais on pourrait parler d'une collection de symptômes qui sont associés à une détérioration des capacités cérébrales à cause de l'âge.
On pourrait lister ici :
- Une difficulté à se concentrer
- Des troubles de la mémoire
- Une capacité à faire des tâches mentales difficiles comme des calculs ou des mots croisés ou sudoku d'une manière plus lente qu'auparavant
- Parfois une certaine confusion mentale, on ne sait plus trop ce qu'on fait à cet endroit-là par exemple, on était venu faire quoi exactement ?
- Une condition d'anxiété ou de dépression.
Bien sûr, tout ceci pourrait être l'expression de la maladie d'Alzheimer à un stade précoce, c'est pour ça qu'il est toujours essentiel de consulter un médecin dans ce genre de contexte. On va reparler de la maladie d'Alzheimer dans quelques minutes.
Mais là, on parle de conditions que l'on pourrait considérer comme normales pour cause d'âge. Bien sûr, le terme "normal" ici est à prendre avec des guillemets, vu que l'on sait aujourd'hui que le vieillissement cellulaire prématuré peut être dû à de nombreux paramètres de l'environnement, depuis l'alimentation jusqu'au stress oxydatif, pollution, etc. Du coup, ce qu'on appelle "normal" aujourd'hui, c'est en partie l'impact d'un certain environnement plus ou moins toxique.
Simon Mills & Kerry Bone, qui ont fait une très longue étude bibliographique du Ginkgo, expliquent qu'il a une spécificité pour ce qu'ils appellent "ischémie de la substance blanche" du cerveau. Je vous explique.
Dans le cerveau, on parle beaucoup de la substance ou matière grise, c'est le lieu des opérations et du stockage des données si vous voulez. C’est la couche externe du cerveau, qu'on appelle aussi "cortex". Mais en dessous, vous avez une masse de substance blanche qui remplit quasiment la moitié du cerveau. Et là, vous avez tout le câblage. Vous avez les axones des neurones, ces longs fils de connexion entouré d’une substance blanche, qu'on appelle myéline.
Cette substance blanche est très vulnérable aux ischémies, c'est-à-dire aux insuffisances circulatoires locales. En général, cette zone est très bien irriguée par des artérioles. Et les études montrent qu'une ischémie de cette zone, c'est-à-dire une privation de la circulation, pourrait bien avoir un impact sur les fonctions mentales et la cognition (2). Cette ischémie pourrait être due à la progression de l'âge, à de l'hypertension, ou à des AVCs ou AICs (3).
Mills & Bone estiment que le Ginkgo peut bien améliorer cette situation.
Comment fonctionne-t-il ?
Comment agit-il ? Et là, je pense que ça vaut la peine qu'on fasse une pause, car la diversité de ses actions est assez remarquable. Juste pour son action sur la circulation artérielle :
- Il relaxe les parois vasculaires, il a un effet vasodilatateur donc, il permet aux tuyaux de laisser passer plus de sang artériel ;
- Il bloque l'action du facteur d'agrégation plaquettaire, donc il a un effet sur les plaquettes, il réduit leur capacité à s'agglutiner et à former des caillots sanguins, donc imaginez le sang qui a une texture un peu moins... réactive, qui a tendance à moins s'agglutiner si vous voulez ;
- Il protège les parois vasculaires contre les dommages, c'est un anti-inflammatoire et anti-oxydant puissant.
Ensuite, c'est un grand neuroprotecteur :
- Il protège les neurones des lésions diverses ;
- Il semble améliorer la plasticité cérébrale ;
Ces deux points-là vont nous guider dans quasiment toutes les indications du Ginkgo pour la sphère cérébrale et nerveuse. On protège le système nerveux, on protège le système artériel, on améliore l'apport de nutriments et d'oxygène vers les régions mal irriguées.
Résultats sur les troubles cognitifs
Nous avons eu de nombreuses études sur les bénéfices cérébraux, et je ne vais pas les passer en revue ici, ça serait trop compliqué. On va en prendre une pour illustrer. C'est une étude brésilienne de 2003 (4), elle a été faite sur une cinquantaine d'hommes entre 60 et 70 ans d'âge, pas de désordre neurologique ou psychiatrique. Réalisé en double aveugle contre placebo pendant une période de 8 mois, donc une prise assez longue.
A la fin de la période, on leur a fait passer toute une batterie de tests, évaluations cognitives, tests sanguins, imagerie cérébrale, etc.
Résultats : une augmentation significative de la perfusion cérébrale. Dans des termes plus simples, le cerveau est mieux irrigué par la circulation artérielle. Ensuite, réduction de la viscosité sanguine. Le sang est moins visqueux, il circule mieux. Et pour finir, meilleures capacités cognitives, meilleure capacité à retenir les informations.
Donc je résume, c'est important. Chez la personne vieillissante qui n'a pas de trouble neurologique, psychiatrique ou autre, mais qui subit une diminution des capacités cognitives, le ginkgo semble améliorer la circulation et les fonctions cérébrales.
Et donc la grande question : est-ce qu'on devrait tous faire des cures de Ginkgo à partir d'un certain âge ? Je ne pense pas nécessairement, je pense que c'est du cas par cas, en fonction des personnes, peut-être en fonction du risque familial. Mais s'il y a besoin, le Ginkgo semble être une bonne plante pour accompagner la situation.
Insuffisance cérébrale post-AIC / AVC
Ce qui nous amène à la question qui est définitivement d'ordre médical ici, le Ginkgo pourrait-il aider dans les situations d'insuffisance cérébrale post-AIC ou post-AVC ? La bibliographie est complexe à éplucher, car certaines études tiennent la route, d'autres ont des problèmes de méthodologie.
Si le Ginkgo est compatible avec la médicamentation, si votre médecin est ok, et vu la très faible liste d'effets indésirables, j'ai envie de dire - pourquoi ne pas envisager le Ginkgo ? J'ai vu assez de données positives, dans cette biblio un peu complexe, pour me dire que ça serait probablement dommage de passer à côté.
En tout cas, cette indication est clairement listée dans les ouvrages de référence, aussi bien du côté anglophone avec Mills & Bone que du côté français avec le docteur Eric Lorrain par exemple. Mais là encore, je me répète, c'est une décision à prendre avec votre médecin.
Troubles de l'audition
Bien sûr, s'il y a insuffisance circulatoire au niveau du cerveau, il est possible que les systèmes d'audition et de vision ne fonctionnent pas d'une manière optimale.
Au niveau de l'oreille, on peut avoir des vertiges, des acouphènes. Pourquoi des vertiges, eh bien parce qu'on a, dans l'oreille interne, un système qui s'appelle "vestibulaire", constitué de canaux semi-circulaires qui sont placés dans les 3 plans de l'espace en 3 dimensions, qui nous permettent de détecter les mouvements de rotation, d'accélération de la tête. Si ce petit appareil est mal alimenté, mal irrigué en circulation sanguine, il ne pourra pas bien faire son travail.
Donc chez la personne qui souffre de vertiges, d'acouphènes, avec suspicion d'une mauvaise circulation cérébrale, c'est intéressant de tester le Ginkgo pour voir si ça améliore la situation.
Nous avons une revue systématique de 2011 (5) sur l'efficacité du Ginkgo dans les acouphènes. Je trouve la revue bien menée, avec des auteurs qui ont pu écarter les études qui ont utilisé un extrait de Ginkgo sous-dosé, qui ont utilisé des durées de prise trop courtes (de 2 semaines par exemple). Dans cette revue, on a 3 études cliniques démontrant des preuves d'efficacité lorsque les acouphènes sont le symptôme principal, et 5 études cliniques démontrant une efficacité lorsque les acouphènes sont secondaires à une situation de perte cognitive, voir de démence. On voit une diminution du niveau sonore des acouphènes, en fonction des études, qui varie de 2 ou 3 jusqu'à 8 décibels.
Troubles de la vision
D'un point de vue de la vision, on positionne le Ginkgo dans les déficits rétiniens d'origine ischémique. C'est-à-dire que la rétine souffre, à cause de la diminution de l'apport en circulation sanguine et oxygène, avec diminution de l'acuité visuelle. Bien sûr, ça relève de l'ophtalmologie médicale. Mais on pense que le Ginkgo pourrait apporter une aide.
On a une revue d'études sur l'impact du ginkgo sur la progression de la DMLA (6), la Dégénérescence Maculaire Liée à l'Age. On n'a pas énormément de données, la taille des études reste relativement faible, mais on a au moins deux études cliniques (une en France, une en Allemagne) qui rapportent des effets positifs sur la vision grâce au Ginkgo.
Dans l'étude Française, réalisée sur un petit groupe de 10 personnes, dans le groupe Ginkgo, on est passé de 3,8/10 dans un test d'acuité visuelle à 6,1/10 au bout de 6 mois, un gain de 2,3 points sur 10. Dans le groupe placebo on a un gain de seulement 0,6 points sur 10.
Troubles de l'érection
Chez l'homme qui a des troubles de l'érection, lorsqu'on écarte les causes psycho émotionnelles : à partir d'un certain âge, je vous rappelle que ça peut être un signe d'athérosclérose. Le corps caverneux est très vascularisé, il faut une bonne circulation artérielle, un bon processus de vasodilatation. Si on développe de la plaque artérielle, ça peut commencer à se voir à cet endroit. C'est un peu, chez l'homme, un baromètre d'une bonne circulation artérielle. Donc déjà, allez consulter un médecin.
Mais en fonction de la situation et du diagnostic, comme je vous disais toute cause psycho émotionnelle mise de côté, le Ginkgo peut aider. Et là on n'a pas grand-chose dans les études, peut-être 2 ou 3 faites sur des rats, ce sont plutôt des retours d'expériences de praticiens dans différents pays que je partage avec vous.
Démence et Alzheimer
On passe maintenant à un contexte plus pathologique. La démence de type Alzheimer. Là encore, pas mal d'études et de revues d'études. Et là, on va élargir le champ d'action avec les démences séniles de tout type : maladie d'Alzheimer à des stades pas trop avancés non plus, démence de la maladie de Parkinson, démence vasculaire.
On a beaucoup d'études sur le sujet. Beaucoup de variations aussi sur les formes utilisées, les durées de prise. Beaucoup de controverses, je ne sais pas si vous avez vu les articles ces 10 à 15 dernières années, un article positif, puis un article qui démonte le Ginkgo, puis un article positif, puis un article qui démonte. Puis une revue d'étude positive, puis une revue qui démonte. Donc on ne sait plus vraiment où donner de la tête je vous l'accorde, sachant qu'en fonction des études que l'on inclut dans la revue, on va avoir des méthodologies qui tiennent plus ou moins bien la route. Et franchement, je ne pense pas être la bonne personne pour trancher dans cette masse de données qui se contredisent.
Je peux vous donner mon avis de praticien. Ces situations sont complexes, il faut l'aval du médecin, car il y a souvent des médicaments de type inhibiteur de l'acétylcholinestérase (Donépézil et compagnie) ou mémantine... Donc faites attention de ne pas faire n'importe quoi parce qu'il peut y avoir interactions.
En pratique, on voit qu'accompagner ce genre de situations demande du temps et lorsque les résultats sont au rendez-vous, ce sont des améliorations modestes. Mais... qui font tout de même une différence sur la qualité de vie de la personne et surtout (enfin, je trouve) sur la qualité de vie de l'accompagnant. Souvent, on aura d'ailleurs comme interlocuteur principal l'accompagnant, qui nous dit "tient, maintenant, il arrive à faire telle ou telle tâche alors qu'avant il n'y arrivait pas"... ou alors "j'ai l'impression qu'elle arrive à se souvenir de plus de choses"... C'est modeste, mais c'est aussi énorme lorsqu'on y réfléchit.
Artériopathie oblitérante des membres inférieurs
Autre indication. On parle du Ginkgo pour l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs. C'est quoi cette bestiole ? C'est une réduction du calibre des artères et artérioles à destination des membres inférieurs. Dit d'une manière plus simple, la tuyauterie est bouchée en direction du bas. Notez qu'on ne parle pas de troubles du retour veineux ici, mais bien de troubles artériels, donc l'incapacité d'envoyer le sang artériel vers les extrémités.
Le médecin va parfois mesurer la pression artérielle à la cheville avec un Doppler, puis au niveau du bras, comme on le fait d'habitude, et va calculer le rapport des deux. S'il y a trop peu de pression au niveau de la cheville, c'est mauvais signe.
Quelles sont les causes ? En général l'athérosclérose là encore. La plaque artérielle qui vient entraver la circulation. Toutes ces petites structures doivent rester souples et élastiques et là, elles vont se rigidifier et se boucher. Pourquoi ? Eh bien les causes classiques, nous avons l'hypertension qui vient provoquer des micro-dommages dans l'endothélium artériel, les troubles métaboliques de type diabète, le tabagismes et d'autres déséquilibres de l'hygiène de vie qui viennent fournir un environnement pro-inflammatoire, pro-oxydant, provoquer l'oxydation du LDL et démarrer ce processus de formation d'athérome qui a été relativement bien décrit aujourd'hui.
Les symptômes : en général des douleurs, des crampes ou une sensation de fatigue dans les jambes lors de la marche ou de l'exercice. Dans les cas avancés, il peut y avoir douleur même au repos. Froideur dans les jambes. Engourdissements et pertes de sensations. Des plaies qui guérissent mal.
Ici, le Ginkgo favorise une meilleure circulation artérielle, permet la diminution de la peroxydation des lipides et donc, probablement, de stabiliser en partie la situation. Le docteur Eric Lorrain en parle pour les artériopathies au stade II, c'est-à-dire un début de symptômes (type douleurs et crampes), mais on n'est pas encore au stade avancé de douleurs au repos ou même de nécrose, les stades III et IV. Tout ceci à voir avec votre médecin bien sûr.
Retour veineux et hémorroïdes
Bien, on a parlé de la tuyauterie artérielle, parlons maintenant de la tuyauterie veineuse. Le Ginkgo est une plante classique pour les troubles du retour veineux et de la circulation lymphatique, dans les insuffisances veineuses, les hémorroïdes. Il peut agir assez efficacement si la situation est encore gérable avec les plantes.
Ici on va stabiliser la situation grâce à un effet antiinflammatoire et antioxydant, on va diminuer la perméabilité capillaire et la fuite de liquide dans les tissus, augmenter le tonus veineux, protéger le collagène du tissu conjonctif en inhibant les collagénases, ces enzymes qui détruisent le collagène. Donc on a une action assez globale au travers de multiples constituants : terpènes, flavonoïdes, proanthocyanidols. Excellente plante pour ces situations.
Mal des montagnes
On a de bons retours sur l'utilisation du Ginkgo pour le mal des montagnes et les troubles liés à l'altitude. Lorsqu'on monte en altitude, il y a raréfaction de l'oxygène. Notre corps va s'adapter en fabriquant plus de globules rouges, mais il faut plusieurs jours pour que l'adaptation se fasse. En attendant, on respire plus vite, le cœur bat plus vite pour essayer de mieux oxygéner le cerveau et les cellules dans ce contexte d'oxygène qui se raréfie.
Ici, le Ginkgo peut aider à favoriser une meilleure microcirculation, une meilleure oxygénation, on soulage un peu certains symptômes comme les maux de tête avec une action anti-inflammatoire cérébrale. On a une étude Chilienne de 2007 (7) réalisée à 3700 m d'altitude qui confirme cet effet. Bien sûr, on suppose ici qu'on est dans une situation totalement bénigne et qu'on ne rentre pas dans des situations d'œdèmes cérébraux ou pulmonaires.
Phénomène de Raynaud
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que le Ginkgo peut aider dans le phénomène de Raynaud, qui est un trouble de la circulation dans les petits vaisseaux au niveau des extrémités, principalement les mains, parfois les pieds. C'est une vasoconstriction temporaire des vaisseaux qui va priver les extrémités de sang, du coup une partie des doigts devient blanche... on perd la sensation, c'est tout froid... et puis un peu plus tard la circulation et la chaleur revient, et ça peut faire relativement mal.
Je ne sais pas si vous vous souvenez, je vous avais parlé du jus de betterave pour Raynaud, on vous remettra un lien dans l'article associé à cet épisode. Eh bien, vous pouvez rajouter le Ginkgo sur la liste, qui va venir rééquilibrer cette partie neurovasculaire un peu trop réactive, aider les artérioles à mieux se dilater.
On a une étude de 2002 (8), randomisée contre placebo qui a duré 10 semaines. Avant la prise de Ginkgo, le nombre moyen d'attaques par semaine était de 13,2. Après la prise de Ginkgo, on descend à 5,8, une diminution de 56% alors que dans le groupe placébo, on voit une diminution de 27%, donc un gain de 20% finalement. On peut dire que c'est significatif d'un point de vue statistique mais aussi d'un point de vue clinique.
Gestion des allergies
En ce qui concerne les allergies, on positionne aujourd'hui le Ginkgo comme une addition intéressante à des programmes un peu plus classiques à base de plantes, un peu plus alignées avec notre tradition, aide pour les situations d'asthme allergique, d'asthme ou de bronchite chronique, ou même BPCO.
Les bénéfices se feraient au travers de ce fameux effet anti-inflammatoire et antiagrégant plaquettaire. Sachant que les plaquettes ont plusieurs rôles, et pas que dans la coagulation. Elles sont très pro-inflammatoires et sont impliquées dans les réactions allergiques. Elles participent à la libération d'histaminique par les mastocytes en fait (9).
Ginkgo biloba : préparations et dosages
En ce qui concerne les préparations et les dosages.
La dose journalière recommandée est en général de 120 à 240 mg d'un extrait de Ginkgo standardisé contenant 24% de glycosides flavoniques et 6% de lactones terpéniques. Ce sont les produits que vous trouverez un peu partout dans le commerce, tout se monde s'est plus ou moins aligné sur ce titrage. Et vous verrez parfois la mention EGb761, qui est la préparation originale créée en Allemagne dans les années 1980 pour ce type de préparation, et depuis tout le monde s'est plus ou moins aligné sur ce fameux EGb761.
En principe, ces produits standardisés contiennent une quantité minime d'acides ginkgoliques qui peuvent être allergisants. Bien sûr, utilisez un laboratoire de qualité pour l'achat de ces formes standardisées.
Ceci correspond à 4 à 16 g des feuilles par jour, en fonction de la qualité et de l'origine des feuilles, donc vous voyez que ça fait une grande fourchette. Tout ça pour dire que si on voulait prendre des formes traditionnelles de type infusion ou extrait hydroalcoolique, qu'on appelle aussi teinture, on ne parle pas de faibles doses pour répliquer les mêmes résultats.
Je n'ai pas de dosages efficaces à partager avec vous ancrés dans ma pratique, car pour le ginkgo, exceptionnellement, je me suis reposé sur ces formes standardisées, et je vous expliquerai pourquoi après. Ceci dit, je vous mets des dosages recommandés par Moore, Mills & Bone, et Lorrain.
En général, on va faire des cures relativement longues pour voir des résultats, 2 à 3 mois sont souvent recommandés.
Teinture :
- Moore : [1:5, alcool à 60°] 30-60 gouttes jusqu'à 3 fois par jour
- Lorrain : 20-40 gouttes 2 à 3 fois par jour
Infusion :
- Lorrain : 2 à 3 c. à café des feuilles séchées par litre d'eau, 1 tasse 1 à 3 fois par jour (NDR : je ferais autour des 6 à 9 g/L)
Précautions
➜ Contrindiqué si prise d'anticoagulants. On a des données contradictoires ici, la discussion est complexe et je vais nous simplifier la vie dans cette vidéo grand public. Si prise d'anticoagulants, mieux vaudra éviter le Ginkgo par principe de précaution.
➜ Arrêtez la prise 5 à 7 jours avant toute intervention chirurgicale (ref : Mills & Bone)
➜ Contrindiqué si hémophilie ou autres troubles de la coagulation sanguine.
➜ L'acide ginkgolique peut provoquer des réactions allergiques, c'est pour ça que les comprimés standardisés, qui contiennent un minimum d'acide ginkgolique, présentent beaucoup moins de risques, on aura plus ce type de risque avec les formes brutes - infusion des feuilles, teintures, gélules.
➜ Le Ginkgo peut parfois provoquer certains types de maux de tête, assez caractéristiques, avec la barre devant le crâne. J'ai commencé ma pratique dans les années 2000 à une époque où on expérimentait pas mal avec les formes non standardisées, teinture des feuilles, infusion des feuilles, gélules des feuilles. Effectivement, on remarquait beaucoup plus ce type de réactions qu'avec les comprimés standardisés.
Ceci termine cette longue revue d'une plante qui a un très long passé dans l'histoire de notre planète. C'est un arbre survivant, peut-être qu'il pourra nous apporter un peu de sa sagesse pour qu'on puisse, nous aussi, prendre de l'âge avec un minimum d'inconvénients.
Merci pour votre écoute, à très bientôt !
Références
(1) Lin Y, Lou K, Wu G, Wu X, Zhou X, Feng Y, Zhang H, Yu P. Bioactive metabolites in of Ginkgo biloba leaves: variations by seasonal, meteorological and soil. Braz J Biol. 2020 Oct-Dec;80(4):790-797. doi: 10.1590/1519-6984.220519. PMID: 31800764.
(2) Tuladhar AM, van Norden AG, de Laat KF, Zwiers MP, van Dijk EJ, Norris DG, de Leeuw FE. White matter integrity in small vessel disease is related to cognition. Neuroimage Clin. 2015 Feb 16;7:518-24. doi: 10.1016/j.nicl.2015.02.003. PMID: 25737960; PMCID: PMC4338206.
(3) Zamboni G, Griffanti L, Mazzucco S, Pendlebury ST, Rothwell PM. Age-dependent association of white matter abnormality with cognition after TIA or minor stroke. Neurology. 2019 Jul 16;93(3):e272-e282. doi: 10.1212/WNL.0000000000007772. Epub 2019 Jun 14. PMID: 31201296; PMCID: PMC6656647.
(4) Santos RF, Galduróz JC, Barbieri A, Castiglioni ML, Ytaya LY, Bueno OF. Cognitive performance, SPECT, and blood viscosity in elderly non-demented people using Ginkgo biloba. Pharmacopsychiatry. 2003 Jul;36(4):127-33. doi: 10.1055/s-2003-41197. PMID: 12905098.
(5) von Boetticher A. Ginkgo biloba extract in the treatment of tinnitus: a systematic review. Neuropsychiatr Dis Treat. 2011;7:441-7. doi: 10.2147/NDT.S22793. Epub 2011 Jul 28. PMID: 21857784; PMCID: PMC3157487.
(6) Evans JR. Ginkgo biloba extract for age-related macular degeneration. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jan 31;2013(1):CD001775. doi: 10.1002/14651858.CD001775.pub2. PMID: 23440785; PMCID: PMC7061350.
(7) Moraga FA, Flores A, Serra J, Esnaola C, Barriento C. Ginkgo biloba decreases acute mountain sickness in people ascending to high altitude at Ollagüe (3696 m) in northern Chile. Wilderness Environ Med. 2007 Winter;18(4):251-7. doi: 10.1580/06-WEME-OR-062R2.1. Erratum in: Wilderness Environ Med. 2008 Spring;19(1):51. PMID: 18076292.
(8) Muir AH, Robb R, McLaren M, Daly F, Belch JJ. The use of Ginkgo biloba in Raynaud's disease: a double-blind placebo-controlled trial. Vasc Med. 2002;7(4):265-7. doi: 10.1191/1358863x02vm455oa. PMID: 12710841.
(9) Muñoz-Cano RM, Casas-Saucedo R, Valero Santiago A, Bobolea I, Ribó P, Mullol J. Platelet-Activating Factor (PAF) in Allergic Rhinitis: Clinical and Therapeutic Implications. J Clin Med. 2019 Aug 29;8(9):1338. doi: 10.3390/jcm8091338. PMID: 31470575; PMCID: PMC6780525.
Ouvrages mentionnés :
- Lorrain, Éric. Grand manuel de phytothérapie. Dunod, 2019.
- Bone, Kerry, & Simon Mills. Principles and Practice of Phytotherapy: Modern Herbal Medicine. 2nd ed, Churchill Livingstone, Elsevier, 2013.