Parlons du fenugrec, une petite graine très utilisée en Inde et qui a fait son apparition il n’y a pas si longtemps chez nous.

On en parle beaucoup pour augmenter la prise de masse musculaire chez ceux qui font de la musculation. De même pour augmenter les taux de testostérone. Ceci est hélas une vue très unidimensionnelle poussée par un gros marketing des « anabolisant naturels ».

Nous allons laisser tout ce marketing de côté afin de voir ce qui se cache vraiment derrière cette graine.

Petite papilionacée

Le fenugrec est d’abord une plante de la famille des fabacées, anciennement appelées papilionacées. Nous parlons donc de la famille du pois et du haricot.

C’est une plante annuelle qui peut atteindre dans les 50 à 70 cm de hauteur. Elle a des feuilles trifoliées, c’est-à-dire qu’elles sont composées de 3 folioles. Un peu comme le trèfle mais un peu plus allongées.

Elle fait des petites fleurs blanches qui vont donner naissance à des gousses vertes qui vont produire autour des 10 à 20 graines chacune. Les graines deviennent très dures une fois sèches et ont une entaille, comme si on leur avait donné un coup de couteau. On récolte les graines et on les fait sécher pour les consommer plus tard.

Le fenugrec est très facile à cultiver au jardin, la graine germe très bien, par contre il faut avoir de nombreux plants pour pouvoir produire une quantité suffisante de graines pour une consommation régulière. Sinon, on trouve la graine très facilement en herboristerie, c’est devenu un produit classique.

Constituants du fenugrec

La graine est très riche en gommes et mucilages. Ces substances adorent l’eau, elles vont se gonfler d’eau et former un gel. Regardez la vidéo si vous voulez voir un gel de graines moulues, c’est un gel très épais et très adoucissant.

La graine est riche en protéines, elle en contient quasiment 1/3 du poids sec, donc elle va avoir un aspect nutritif important. On a aussi 7% de lipides, des acides gras monoinsaturés, polyinsaturés et saturés, donc là encore un aspect nutritif assez intéressant.

La graine contient des saponosides à génines stéroidiques. Ce sont des composants qui vont être métabolisés par notre flore intestinale et qui vont libérer une molécule qui ressemble à une substance stéroïde. La graine contient 3% de ces constituants, la diosgénine en particulier, c’est beaucoup.

L’industrie pharmaceutique utilise parfois ces substances pour justement produire des stéroïdes. Mais il faut les transformer. Le corps ne sait pas utiliser la diosgénine directement comme stéroïdes, attention à ce que vous lisez sur internet, ne vous faites pas berner.

La graine contient aussi :

• Des stérols de type sitostérol ;
• Des flavonoïdes : vitexine, tricine, naringénine, quercétine, etc ;
• Des coumarines ;
• Une faible quantité d’huiles essentielles ;
• Vitamines C (10.54 mg/g), B1, B2, B6, B9 et B12 (0.11 mg/g, 0.04 mg/g, 0.05 mg/g, 0.04 mg/g et 0.87 mg/g respectivement) (7) ;
• Minéraux (Ca, Cu, Fe, Mg, Mn, K, Se, Zn)

Propriétés

Je vais vous donner des indications à la fois anciennes et nouvelles.

La plante a un long historique d’utilisation comme plante médicinale : on trouve des traces écrites dans les papyrus Égyptiens, dans les vieux écrits de médecine ayurvédique, chinoise, grecque ou arabe. C’est donc important de rendre hommage à la tradition.

D’un point de vue un peu plus moderne, on a eu de nombreuses études ces dernières décennies qui ont mis en évidence des propriétés vraiment intéressantes pour certains problèmes métaboliques en particulier.

Inflammations digestives

On commence par l’aspect mucilagineux. Ce gel que vous voyez dans la vidéo former un pansement naturel qui va recouvrir les muqueuses et calmer l’inflammation.

On peut en boire pour les inflammations de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin. Pas besoin d’en prendre beaucoup, on peut en boire une gorgée puis on laisse agir. Par contre, il faut répéter l’opération régulièrement.

On peut donc se préparer un verre du gel, et dès qu’on est embêtée par des inflammations digestives ➜ œsophagite, gastrite, colite, etc – on en prend une gorgée, on répète l’opération régulièrement dans la journée. Idem pour les problèmes de gorge ou de toux sèche, le fenugrec peut adoucir la situation.

Revitalisante lorsque perte de poids et fatigue

Le fenugrec a un long historique en tant que plante qui rebâtit la personne, en particulier la personne qui est faible et qui a perdu beaucoup de poids.

Cela peut arriver après une longue maladie par exemple, ou après une période d’anorexie. Ou parfois après un choc émotionnel, la personne a très peu mangé pendant une longue période, et elle s’est affaiblie.

Dans tous les cas, on retrouve le profil d’une personne maigre, qui se sent faible, et surtout qui n’a plus envie de manger et qui a un peu perdu la sensation de faim.

Le fenugrec va faire plusieurs choses ici. D’abord il va apporter des mucilages adoucissants, ce qui est intéressant en période de faiblesse du système digestif. À une époque où on utilisait encore les plantes dans les hôpitaux, on préparait des bouillies à base de plantes riches en amidon et mucilages – guimauve, rhizome de chiendent, racine de réglisse, etc.

Ces mucilages sont bien tolérés et ils sont digérés par notre flore intestinale qui va faire tout le travail pour nous et fabriquer, au passage, ce qu’on appelle des acides gras à courte chaîne, une source d’énergie pour notre corps.

Ensuite, le fenugrec est amer, et toute plante amère va relancer l’activité du système digestif et va, peu à peu, ramener l’appétit.

Ensuite, et nous allons en reparler un peu plus bas, le fenugrec permet un meilleur métabolisme du glucose. Il permet au glucose d’être mieux utilisé par nos cellules.

Si on prend toutes ces propriétés ensembles, voici ce qui en ressort : le fenugrec est une plante qui accompagne les états de faiblesses afin d’aider la personne à retrouver ses capacités digestives et reprendre du poids.

Prise ou perte de poids ?

Du coup, c’est un peu une plante qui fait peur aussi. J’ai souvent entendu qu’elle faisait grossir, et qu’elle est problématique lorsqu’on a des kilos en trop.

Ce n’est pas mon expérience, c’est une plante que j’ai beaucoup utilisée et je n’ai jamais remarqué ce type de problème.

Au contraire, si vous avez des problèmes métaboliques, en particulier des problèmes avec le métabolisme du glucose, c’est une plante qui peut vous faire perdre du poids en vous aidant à mieux gérer la glycémie sanguine et éviter la surproduction de triglycérides dans ces situations.

Prise de « masse » ?

Je pense que cette histoire de prise de poids a été un peu étirée pour devenir « prise de masse », prise de muscle.

Mais d’abord, en toute franchise, je tiens à vous dire que je n’ai pas d’expérience dans le monde de la musculation. Je ne peux pas vous dire avec certitude que le fenugrec ne va pas fonctionner.

Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que les produits que l’on vous vend aujourd’hui dans les boutiques de sport, ce n’est pas du simple fenugrec. C’est du fenugrec dans lequel on a rajouté une substance qui s’appelle de la diosgénine.

Le fenugrec naturel en contient un peu certes, mais là on en a rajouté beaucoup : 20% du poids ! Donc ce n’est plus vraiment du fenugrec, c’est une nouvelle substance.

Nous avons une petite pincée d’études, financées par les sociétés qui fabriquent ces produits, qui montrent que cette nouvelle poudre fait monter les taux de testostérone chez l’homme. Par exemple, l’un de ce produit s’appelle le Furosap™, il est fabriqué par un laboratoire américain qui a financé une de ces études (5).

Je ne dis pas que l’étude est mauvaise ou truquée, je dis juste que ceci me gêne, il y a conflit d’intérêt.

Maintenant, comme je vous disais, je n’ai pas d’expérience dans le monde de la musculation, peut-être que ces produits fonctionnent, mais peut-être que c’est aussi de l’argent balancé par la fenêtre.

Diminution de la glycémie sanguine

Aujourd’hui, de nombreuses personnes ont des problèmes de glycémie. Ils ne sont pas diabétiques à proprement parler, mais la glycémie est trop élevée, et s’ils ne font rien, ils ont un risque de développer un diabète de type 2.

(pour information, d’après l’étude Monica, le syndrome métabolique touche 22,5 % des homme et 18,5 % des femmes françaises – voir données de l’INSERM ici).

Le fenugrec est vraiment intéressant dans cette situation. Il va permettre au corps de mieux gérer le glucose en excès.

D’abord, si vous prenez le gel avant le repas, il va ralentir la pénétration du glucose. Il va avoir un effet coupe-faim et emprisonner le sucre au passage, et donc bloquer une absorption trop rapide.

Ensuite, et ceci est la partie la plus importante, il va rendre les cellules plus sensibles à l’insuline (1). En effet, dans de nombreux problèmes métaboliques aujourd’hui, les cellules ont perdu leur sensibilité à l’insuline.

Le pancréas en fabrique toujours plus, mais les cellules sont devenues sourdes, elles n’entendent plus le signal. Elles n’absorbent donc plus le glucose pour le métaboliser. Ceci est très problématique car cela entraîne un état inflammatoire et la dégradation des tissus au travers d’un phénomène de glycation des protéines.

C’est pour cela que les plantes qui redonnent la sensibilité à l’insuline, comme le fenugrec, ont énormément de potentiel. Le tout accompagné de changements nutritionnels, c’est évident.

Dosage efficace/nécessaire

Voici maintenant la partie plus complexe. Dans les études, on voit que la dose efficace varie entre 18 g des graines en poudre par jour, et 100 g (2) en fonction des études.

Dans certaines études faites en Inde, les chercheurs ont fait intégrer les graines en poudre dans la farine de chapati, qui sont les galettes rondes utilisées comme du pain, afin de faciliter la prise lorsque la quantité était élevée.

La dose est vraiment importante, on voit que certaines études ne montrent aucune efficacité car les doses étaient trop basses (3). Il faut en prendre autour des 15 à 20 g par jour pour voir un effet marqué sur la glycémie. Le plus simple est de diviser cette dose en 3 ou 4 prises, le mélanger avec une bonne quantité d’eau pour faire un gel, puis boire avec la poudre.

Le problème c’est qu’à ces doses, le fenugrec peut créer des ballonnements et/ou avoir un effet laxatif. Ceci complique les choses si on veut en prendre sur plusieurs semaines. C’est à tester, dans mon expérience ça passe bien avec certaines personnes, et d’autres ont plus de mal à le tolérer d’un point de vue digestif.

Diminution des lipides sanguins

Autre propriété intéressante, le fenugrec peut faire diminuer la lipidémie sanguine lorsqu’elle est trop élevée – cholestérol total, LDL, triglycérides.

Basé sur mes observations, il fonctionne bien en particulier lorsque ces problèmes de lipidémie sont associés à des problèmes de glycémie, c’est dans cette situation que le fenugrec bien dosé peut faire toute la différence.

Favorise la production de lait

Le fenugrec a des propriétés qu’on appelle galactogènes, c’est-à-dire qu’il favorise la production de lait chez la mère qui allaite.

Ceci est une propriété traditionnelle, nous avons un long historique d’utilisation dans ce contexte. Pas besoin d’en prendre 20 g par jour ici, on voit dans les ouvrages de référence qu’on tourne plutôt autour d’une demi à une cuillère à café de poudre 2 à 3 fois par jour.

Formes et dosage

D’un point de vue alimentaire, on peut utiliser les graines germées. C’est très facile à faire, vous faites tremper les graines pendant 2 ou 3 heures, vous les égouttez et vous placez le tout dans un germoir. Vous pouvez consommer au bout de 2 ou 3 jours après germination. Voir photo ci-dessous.

D’un point de vue médicinal, il faut moudre les graines au moulin à café (ou acheter les graines déjà en poudre). Ensuite vous faites macérer la dose voulue dans un grand verre d’eau pendant une bonne heure, puis vous remuez et vous buvez ce gel.

Je vous préviens, c’est pas une boisson plaisir non plus, mais je connais largement pire dans le monde des plantes. Les doses vont varier entre 2 ou 3 g jusqu’à 15 à 20 g par jour comme nous avons vu, en particulier pour les problèmes métaboliques.

Je ne sais pas si la graine germée peut s’utiliser d’une manière médicinale, on m’a posé plusieurs fois la question. En général la germination va transformer certaines substances et en créer de nouvelles. On a donc on cocktail légèrement différent au final.

Je pense que oui, j’ai trouvé des études Indiennes qui me font dire que c’est probable (6). Mais je n’ai pas le recul pour vous confirmer l’efficacité pour les problèmes de glycémie par exemple.

Contre-indication et les précautions

• Pas chez la femme enceinte ;
• La plante peut provoquer des ballonnements et devenir laxative à partir d’une certaine dose ;
• Vu ses propriétés hypoglycémiantes, attention si prise de médicaments hypoglycémiants, il y a un risque d’accident hypoglycémique ;
• Vu sa richesse en mucilages, à consommer loin de toute prise de médicaments ou compléments alimentaire, car les mucilages agissent comme une éponge et vont bloquer une partie de l’absorption.

Références

(1) Kiss R, Szabó K, Gesztelyi R, et al. Insulin-Sensitizer Effects of Fenugreek Seeds in Parallel with Changes in Plasma MCH Levels in Healthy Volunteers. International Journal of Molecular Sciences. 2018;19(3):771. doi:10.3390/ijms19030771.

(2) Sharma RD, Raghuram TC, Rao NS. Effect of fenugreek seeds on blood glucose and serum lipids in type I diabetes. Eur J Clin Nutr. 1990 Apr;44(4):301-6.

(3) Neelakantan N, Narayanan M, de Souza RJ, van Dam RM. Effect of fenugreek (Trigonella foenum-graecum L.) intake on glycemia: a meta-analysis of clinical trials. Nutrition Journal. 2014;13:7. doi:10.1186/1475-2891-13-7.

(4) Sowmya P, Rajyalakshmi P. Hypocholesterolemic effect of germinated fenugreek seeds in human subjects. Plant Foods Hum Nutr. 1999;53(4):359-65.

(5) Maheshwari A, Verma N, Swaroop A, et al. Efficacy of FurosapTM, a novel Trigonella foenum-graecum seed extract, in Enhancing Testosterone Level and Improving Sperm Profile in Male Volunteers. International Journal of Medical Sciences. 2017;14(1):58-66. doi:10.7150/ijms.17256.

(6) Voir par exemple : Sowmya P, Rajyalakshmi P. Hypocholesterolemic effect of germinated fenugreek seeds in human subjects. Plant Foods Hum Nutr. 1999;53(4):359-65.

(7) Buba, Fatimah & Ngura, U & Abdulrahman, A.A.. (2015). Studies on the physicochemical properties of fenugreek (Trigonella Foenum-Graecum L.) seeds. Der Pharmacia Lettre. 7. 104-107.