Gentiane (Gentiana lutea)

Je reviens d’un périple dans les Alpes avec les yeux pleins de gentiane en fleur (et l’appareil photo bien rempli). Cette grande dame de la phytothérapie française a hélas été rabaissée à une simple plante-apéritif. C’est une plante exceptionnelle lorsqu’on sait bien l’utiliser. J’espère lui rendre hommage dans cette fiche.


Nom commun : Gentiane, gentiane jaune, gentiane officinale, quinquina d’Europe

Nom latinGentiana lutea

Notez bien : d’après certains écrits (chez Maux Grieve par exemple), les espèces suivantes peuvent être utilisées d’une manière interchangeable : G. purpurea, G. pannonica, G. punctata et G. acaulis du coté Européen. Du coté américain : G. puberula, G. saponaria et G. Andrewsii.

D’autres gentianacées ont aussi des utilisations similaires (Centaurium erythraea par exemple).

FamilleGentianaceae

Constituants :

  • Séco-iridoïdes qui sont responsables de l’amertume : gentiopicroside (majoritaire, jusqu’à 9%), amarogentioside, swéroside, swertiamarine.
  • Xanthones et glycosides de xanthones responsables de la couleur jaune : gentisine, isogentisine, gentiosides.
  • Oligosides (sucres) eux aussi responsables de l’amertume : gentiobiose et gentianose
  • Triterpènes (dérivés de l’ursane) et stéroides (phytostérols)
  • Acides-phénols
  • Oligosaccharides
  • Pectine

Goût :

  • Très amer, avec une amertume qui persiste longtemps en bouche.

Energétique :

  • Refroidissant

Gentiane (Gentiana lutea)


Utilisation de la gentiane

Un vieux médecin affirmait, d’après sa propre expérience, qu’il suffisait de prendre chaque jour un fragment de sa racine pour parvenir, en parfaite santé, à une extrême vieillesse.
Docteur Henri Leclerc

La santé est un édifice qui repose sur une fondation importante : la digestion. Peut-on encore douter du lien entre mauvaise digestion et détérioration progressive de notre vitalité ?

Stimulation digestive

Gentiane (Gentiana lutea)

A la base est l’amertume. Lorsqu’une substance amère entre en contact avec nos papilles gustatives, un message est envoyé au cerveau, puis à tous nos organes digestifs. Le message est simple : réveillez-vous ! La substance amère doit être goûtée pour favoriser cet effet. Et sur la question de l’amertume, aucune plante n’arrive à égaler la gentiane. La racine est encore amère à une dilution de 1/120.00 !

Aujourd’hui, de nombreuses personnes souffrent de problèmes digestifs divers et variés. Ceci est provoqué par plusieurs facteurs. D’abord une alimentation morte et inadaptée à nos besoins. Mais surtout une vie de stress chronique dans laquelle nous ne prenons plus le temps de nous alimenter en conscience. Le stress est l’un des inhibiteurs principaux de nos fonctions digestives.

Quelque soit les raisons de cette malfonction, la gentiane peut tout doucement relancer cette machine défectueuse. Et pour ce faire, elle agit à plusieurs niveaux :

  • Dès la bouche, son amertume déclenche la salivation. N’oublions pas que la digestion commence dans la bouche, et qu’une salivation abondante est nécessaire pour cette première phase clé.
  • Elle provoque une meilleure production de tous les sucs digestifs: acide chlorhydrique et pepsine de l’estomac, amylases, lipases et protéases du pancréas et de la muqueuse du grêle, et bile du foie et de la vésicule biliaire.
  • Elle favorise une meilleure contraction des muscles lisses qui tapissent nos organes digestifs.

Peu de plantes arrivent à travailler sur tous ces axes d’une manière aussi efficace. L’appareil digestif retrouve peu à peu ses outils, et la personne passe enfin de la dé-nutrition à la re-nutrition.

Et c’est là le paradoxe actuel. Nous n’avons jamais mangé autant en quantité, et nous n’avons jamais été aussi vide en nutriments ! Chaque cellule de notre corps est bâtie à partir d’aliments déconstruits par la digestion. Le retour à la santé démarre donc par la re-nutrition, qui implique à la fois une grande remise en cause de nos habitudes alimentaires ainsi qu’une relance digestive.

La gentiane était traditionnellement utilisée après les longues convalescences lorsque la personne était épuisée mais n’avait pas bien faim. Et quand bien même la faim était là, le système digestif ne s’était pas encore remis de la maladie. La gentiane arrivait alors à la rescousse pour relancer la digestion et rétablir la personne plus rapidement.

Sachant que de nombreux déséquilibres digestifs proviennent aujourd’hui d’une déficience, d’un manque d’activité du système parasympathique, autrement dit d’un manque de fonction, la gentiane est la première plante à essayer lorsque la digestion tourne mal : difficultés à digérer protéines et graisses, ballonnements intempestifs, indigestions fréquentes, reflux gastrique, etc.

Et ne pensez pas que tout va se remettre en place en quelques jours. Il faudra de la patience et une remise en cause de votre alimentation et de votre hygiène de vie. En effet, prendre de la gentiane avec un kébab-frites avalé devant la télé n’a aucun intérêt. Mais si vous êtes prêt à tout remettre à plat, la gentiane sera l’un des rouages essentiels de votre retour à l’équilibre digestif.

Notez que je vous donne un programme détaillé dans ma formation sur l’accompagnement des troubles digestifs (entrez votre email, vous aurez ensuite accès à la description détaillée de la formation). Avec du temps et de la patience, les plantes peuvent vous ramener vers un état d’équilibre digestif.

Gentiane (Gentiana lutea)

Stimulation immunitaire

Cette propriété est peu connue du grand public. Comme le dit Leclerc, la gentiane est « […] apte à favoriser la défense de l’organisme en déterminant l’accroissement du nombre des globules blancs ; elle est donc indiquée dans tous les cas d’infériorité physiologique, de débilité résultant d’une maladie prolongée, chez les convalescents, les anémiques, les scrofuleux« .

Sachant que 80% du système immunitaire est localisé autour des intestins, ceci n’est pas étonnant. En améliorant la digestion, en calmant les agressions et les provocations des molécules mal digérées (les peptides en particulier), la gentiane pourrait bien donner du répit à une majorité de notre système immunitaire constamment sollicité.

Elle n’est pas aussi active que l’échinacée, l’astragale de chine ou les plantes adaptogènes sur ce point-là (voir aussi mon article ici). Mais c’est une locale, et il est bon de ramener cette propriété dans notre conscience collective. Il se pourrait bien que nous en ayons un jour besoin…

Antidépresseur

Certaines études montrent que la gentiane agit comme inhibiteur de la monoamine oxydase (Haraguchi, 2004), ce qui favoriserait un taux plus élevé de sérotonine dans l’environnement cérébral. Cette action est similaire à celle de certains médicaments antidépresseurs. Mais la dépression ne se résume pas seulement à un déficit en sérotonine, sinon les choses seraient tellement simple !

Il faut donc l’utiliser dans le bon contexte : chez la personne dépressive qui souffre aussi de déséquilibres digestifs et/ou qui est dans un état de faiblesses ou de dénutrition. De nombreux neurotransmetteurs sont après tout fabriqués à partir de substances digérées, en particulier des acides aminés (tryptophane par exemple) qui sont compliqués à extraire des protéines alimentaires et requièrent une bonne acidité gastrique.

De plus, nous connaissons aujourd’hui le lien étroit entre système nerveux central et entérique (digestif). Les deux communiquent constamment. Et lorsque le système entérique souffre dû à une hypofonction, le système nerveux central sera automatiquement affecté.

Gentiane (Gentiana lutea)

Action sur le système nerveux

D’une manière générique, toute amère aura une action « refroidissante » et calmante sur le système nerveux central. En effet, la gestion du signal nerveux est bâtie sur un équilibre entre système orthosympathique et parasympathique. Pour simplifier les choses, le système nerveux orthosympathique est responsable des états de stress, le système nerveux parasympathique est responsable des états de repos, digestion et reconstruction. Les deux travaillent en concert et l’un ne doit pas prendre le dessus sur l’autre.

La problématique moderne, vous vous en doutez, est que l’orthosympathique fait pencher la balance de son coté, et le parasympathique est inhibé. La gentiane, en activant le parasympathique nécessaire pour effectuer la digestion, rééquilibre la balance et calme l’orthosympathique.

Autre explication qui me parle : à une époque où nous sommes tous un peu trop perdus dans les méandres d’un mental hyperactif, la gentiane nous ramène dans nos tripes. Elle nous permet de revenir vers l’intuitif qui est souvent complètement étouffé par le mental et l’analytique.

Ceci nous explique donc comment une plante amère et digestive peut avoir un effet calmant sur le stress. Là encore pas d’effet fulgurant, mais plus un rééquilibrage au long terme.

Autres utilisations potentielles

  • Comme stimulant biliaire dans les cas de constipation chronique (ref : Cook)
  • Pour éliminer les vers intestinaux/oxyures (ref : Cook)
  • Contre l’aménorrhée chez la personne faible et en dénutrition (ref : Cook)
  • Pour évacuer des déchets articulaires chez la personne souffrant de douleurs articulaires chroniques (ref : Valnet).
    • En extrapolant l’utilisation de Qin-Jiao en médecine chinoise (Gentiana dahurica), on retrouve le même effet anti-inflammatoire articulaire (Wang, 2013).
  • Comme antidiabétique – effet démontré chez la souri (Suh, 2015).
  • Comme protecteur de nos cellules contre les radiations (Menkovic, 2010).

Précautions et contrindications

  • De trop fortes doses peuvent causer des nausées et vomissements – telle est la réaction du corps aux amers…
  • Certaines personnes sensibles peuvent développer des maux de têtes, là encore lorsque la quantité ingérée est trop élevée.
  • Contrindiquée dans les cas d’ulcère gastrique ou duodénal, ou de gastrite.
  • D’une manière générale, elle n’est pas appropriée chez la personne de forte constitution dotée d’une excellente digestion.

Gentiane (Gentiana lutea)


Préparation de la gentiane

Parties utilisées

La gentiane se trouve dans de nombreux massifs montagneux (Alpes, Vosges, Jura, Massif Central, Pyrénées). Notez bien qu’elle est protégée dans de nombreux pays, et que la récolte est réglementée. Renseignez-vous avant d’entreprendre une quelconque cueillette.

C’est la racine qui est utilisée. On emploie en général une fourche spéciale pour déraciner la plante. La récolte se fait soit au début du printemps, soit à l’équinoxe d’automne. Elle doit se faire d’une manière raisonnée sinon nous risquons d’épuiser nos réserves naturelles.

Seuls les plus gros pieds sont récoltés, et ils ont parfois 15 à 20 ans. Ceci laisse à la plante plusieurs années pour se ressemer. On ne cueille aussi jamais aux mêmes endroits.

La racine peut ensuite être découpée en tronçons et mise à sécher sur des claies à l’air libre, puis conservée dans des bocaux ou des sacs en papier.

Attention : la gentiane peut être très facilement confondue avec le vératre blanc (Veratrum album) qui lui ressemble et pousse dans les mêmes milieux. Voir photo ci-dessous avec gentiane à gauche et vératre à droite. Le vératre a des feuilles alternes alors que la gentiane a des feuilles opposées. Le vératre possède aussi des grappes allongées de fleurs blanches qui sont très différentes des fleurs de gentiane. Vous trouverez en fin d’article une photo de vératre en fleur.

Gentiane (Gentiana lutea) et vératre blanc (Veratrum album)
Gentiane à gauche, vératre blanc à droite
Gentiane (Gentiana lutea)
Gentiane à droite et en premier plan, vératre blanc à gauche et en arrière plan

Formes utilisées

La forme la plus pratique et efficace est la teinture. Elle permet de consommer une faible quantité de plante, juste assez pour provoquer le réflexe amer. Les autres formes (décoction en particulier) sont plus difficiles à consommer sur le long terme.

Toutes les formes sont à prendre 10 minutes avant les repas.

  • Teinture
    • Teinture des racines fraîches au taux de 1:2 avec de l’alcool à 90° (ref : Moore)
    • Teinture des racines sèches au 1:5, alcool à 50° (ref : Moore).
  • Infusion
    • 1/2 cuillère à café de racines par tasse, laissez infuser 5 minutes (ref : Corjon).
  • Décoction et autre
    • Possible mais difficile à boire. Placer 30 g de racines coupées dans un litre d’eau, faire bouillir 2 minutes puis infuser toute la nuit (ref : Valnet).
    • Macération lente : 3 g placés dans un verre d’eau et laissés à macérer toute une nuit (ref : Fournier).
  • Poudre
    • A mélanger dans une cuillère de potage (ref : Valnet).
  • Vin
    • 30 g de racines dans un litre de vin blanc. Laisser reposer 10 jours (ref : Valnet).

Doses

Ce n’est pas la dose qui compte, mais l’effet amer en bouche. Il faut choquer vos papilles gustatives avec une amertume bien prononcée. Sachant ceci, prenez les doses ci-dessous avec un grain de sel et ajustez en fonction de votre tolérance au goût amer.

  • Teinture
    • 30 à 50 gouttes (ref : Valnet)
    • 3 à 50 gouttes (ref : Fournier)
    • 5 à 20 gouttes (ref : Moore)
  • Infusion
    • 1 tasse
  • Décoction et autre
    • 1 tasse (ref : Valnet)
  • Poudre
    • 1 g (ref : Valnet)
    • 1 à 5 g (ref : Fournier)
  • Vin
    • 1 verre à liqueur (ref : Valnet)

Gentiane (Gentiana lutea)


Références

Haraguchi H, Tanaka Y, Kabbash A, Fujioka T, Ishizu T, Yagi A. Monoamine oxidase inhibitors from Gentiana lutea. Phytochemistry. 2004 Aug;65(15):2255-60.

Suh HW, Lee KB, Kim KS, Yang HJ, Choi EK, Shin MH, Park YS, Na YC, Ahn KS, Jang YP, Um JY, Jang HJ. A bitter herbal medicine Gentiana scabra root extract stimulates glucagon-like peptide-1 secretion and regulates blood glucose in db/db mouse. J Ethnopharmacol. 2015 Aug 22;172:219-26.

Wang YM, Xu M, Wang D, Yang CR, Zeng Y, Zhang YJ. Anti-inflammatory compounds  of « Qin-Jiao », the roots of Gentiana dahurica (Gentianaceae). J Ethnopharmacol. 2013 May 20;147(2):341-8.

Menkovic N, Juranic Z, Stanojkovic T, Raonic-Stevanovic T, Savikin K, Zdunić G, Borojevic N. Radioprotective activity of Gentiana lutea extract and mangiferin. Phytother Res. 2010 Nov;24(11):1693-6.

Moore, Michael, Materia Medica, 2ème Edition

Leclerc, Henri,“Précis de Phytothérapie”, 1973

Corjon, Gilles, “Se Soigner Par Les Plantes“, 2015

Valnet, Jean, “La phytothérapie : Se soigner par les plantes”, 2001

Fournier, Paul-Victor, “Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France”, 1947

Cook, William,“The Physiomedical Dispensatory”, 1869

 

Attention au vératre qui est toxique (ci-dessous) !

Vératre blanc (Veratrum album)
Vératre blanc (Veratrum album)

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119 réponses

  1. Bonjour,
    Auriez-vous des références de teinture mère de gentiane à conseiller ? Je vous remercie par avance !
    Bien cordialement.

    1. Bonjour Marine
      Nous ne donnons plus de référence, car difficile de tout vérifier et tout change rapidement ,
      on peut se fier déjà au goût

  2. Bonjour Sabine,
    Je me demandais si l’on pouvait imaginer faire un macérat huileux par extraction alcoolique de ses racines en vue d’une utilisation en externe sur des problématiques d’eczema ou psoriasis ?

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