Humble et élégante, présente sur tout le territoire et cultivée pour son esthétique, la pâquerette est l'une des grandes oubliées de la phytothérapie moderne.
Si on la délaisse dans ses fonctions de guérisseuse, c'est certainement car elle est trop commune. En effet, la pâquerette ne déclenche pas des passions comme le feraient certaines plantes plus exotiques.
Mais qu'à cela ne tienne, voici les informations nécessaires pour la redécouvrir.
En ce qui concerne son nom, certains écrits disent que la Jolie pérenne (Bellis perennis) verrait son nom latin dérivé de bellus (joli) et au fait qu’elle peut fleurir toute l’année (pérenne) quasiment sans interruption.
D’autres y verraient plutôt un dérivé du mot bello dont est issu le mot combattre, guerroyer... certainement dû à ses capacités cicatrisantes et au fait qu’elle poussait sur la plupart des champs de bataille et était utilisée pour panser les plaies… Le débat reste ouvert !
Il y a plusieurs espèces dont celle qui fleurit à Pâques, et qui est la pâquerette annuelle, mais pour nous amateurs de plantes, leurs qualités médicinales sont identiques.
Noms communs: Pâquerette, fleurs de Pâques, petite marguerite, fleur de pâturage, œil du jour.
Nom latin: Bellis perenis
Famille: Astéracées
Constituants de la Pâquerette
- Saponine triterpénique
- Acides organiques (malique, tartrique, acétique, oxalique , etc.)
- Tanins
- Flavonoïdes (kaempférol, quercitine, apigénine)
- Sels minéraux
- Anthoxanthine : (un pigment colorant)
- Inuline
- Huile essentielle : polyacéthylènes (anti bactériens)
- Mucilages
- Substances amères
Goût :
- Doux et très légèrement amer
Tempérament :
- Rafraîchissant
Description botanique de la pâquerette
La pâquerette est une plante vivace. Ses feuilles allongées, techniquement de forme "obovale-spatulé" (forme de spatule, ovale, avec la partie la plus large en haut), sont disposées en rosettes. Leur limbe n’a qu’une nervure nette qui rétrécit.
En bonne astéracée, son inflorescence est faite d’une multitude de petites fleurs, jaunes au centre, et à la périphérie s’élancent les fleurons (ligules) blancs.
Une de ses particularités est de se fermer à la tombée de la nuit, de se réveiller avec le soleil et de le suivre dans sa course. D’où un de ses surnoms, l’œil du jour - elle fait partie de ces plantes dites "héliotrope".
Remarquez aussi que l'inflorescence se ferme sur elle-même lorsque la pluie menace, on pourrait dire que c'est la première dame météo de l’histoire!
J’ai observé que lorsqu'elle arrive à un certain stade de maturité, le moment où son énergie se centre sur ses futures semences, ses ligules prennent une teinte plus ou moins lie de vin et restent fermés jusqu’à la "naissance" des graines.
Propriétés de la pâquerette
C'est une plante douce qui peut faire beaucoup de choses. Voici ses propriétés principales.
Problèmes de peau
Et oui, la beauté se cueille aussi dans les prés, et notre Pâquerette veille au grain, surtout celui de notre peau. C'est un peu une esthéticienne des prés.
C'est avec une certaine dextérité que notre pâquerette stimule la micro circulation et atténue les problèmes d'inflammations chroniques de peau.
N'hésitez pas à la sortir pour les problèmes :
- d'acné ;
- de rosacée ;
- d'eczéma ;
- de psoriasis.
Vous pouvez l'utiliser seule ou combinée avec d'autres classiques pour les soins de peau : plantain ou souci par exemple.
Les préparations les plus utiles pour apaiser et nourrir la peau sont les préparations grasses : le macérat huileux, l'onguent ou la crème. Pour préparer tous ces beaux produits chez vous, d'une manière simple, voir ma formation ici accessible à tous.
En tant que dépurative douce (voir plus bas), elle fonctionnera très bien à l'intérieur (pour aider les organes d'éliminations à évacuer les toxines qui enflamment la peau) comme à l'extérieur, en applications régulières.
Pour la petite histoire, au 16ème siècle, A. Lonicer, un médecin et botaniste allemand, la préconise en décoction dans de l’eau de pluie pour faire disparaitre les taches de l’épiderme.
Pour nettoyer la peau et lui redonner tonus et vitalité, une simple infusion, à appliquer à l'aide d'un coton tous les jours, participera à l’éclat et la bonne humeur de votre épiderme.
Le macérat huileux de la pâquerette est connu pour avoir un effet tonifiant et raffermissant des tissus, offrant un effet galbant sur la poitrine et le buste.
Et donc lorsque la peau a tendance à se relâcher (le poids des ans) ou lorsque, suite à un accouchement, elle a du du mal à retrouver son élasticité, n'hésitez pas à appliquer soit l'un des produits gras mentionnés ci-dessus.
Plaies, bosses et cie
La pâquerette a toujours été utilisée pour ses propriétés anti-hématome. Aucune étude scientifique n'a été faite, à ma connaissance, pour confirmer cette propriétés.
La médecine homéopathique et la tradition nous donnent en revanche d'excellentes pistes d’utilisations (que la science confirmera peut-être un jour) :
On l'utilise pour les traumatismes, blessures, coups, en particulier des tissus mous et profonds, très vascularisés ou riches en terminaisons nerveuses.
Elle est utilisée comme anti-inflammatoire pour les entorses.
On retrouve ici les indications classiques de l'arnica (Arnica montana). Peut-on dire pour autant qu'elle est aussi efficace que l'arnica ? Non, pas dans mon expérience. Mais on peut définitivement l'appeler "petit arnica" pour les services qu'elle peut rendre.
Elle est intéressante pour traiter les œdèmes persistants, quand après un choc violent les tissus présentent une grande tuméfaction avec congestion veineuse les rendant hyper sensibles. On peut alors appliquer l'infusion ou la teinture diluée en compresse, pourquoi pas accompagné du remède homéopathique.
Elle a des propriétés antibactériennes démontrées par la science (Al-Snafi, 2015) - contre les bactéries à gram positif et négatif (et donc un spectre d'action assez large).
Elle peut donc désinfecter une plaie, sous forme d'infusion ou de teinture diluée. De plus, la pâquerette accélèrera la résolution de la plaie, un peu comme le souci (Calendula officinalis) - démontré sur animal (Al-Snafi, 2015).
L’utilisation de l’infusion, du macérât huileux (ou autres préparations grasses) en massage quotidien sur les mastoses (particulièrement quand engorgement lors de l’allaitement), permet de résorber les œdèmes ainsi que d'assouplir les zones indurées, c’est-à-dire les zones avec formation de kystes.
Muqueuses enflammées
En général, les plantes antiinflammatoires et réparatrices de la peau ont des propriétés similaires sur les muqueuses. C'est le cas ici.
Contre les irritations buccales, aphtes par exemple, le fait de mâcher ses feuilles, ou faire des bains de bouches avec son infusion aura un effet apaisant et cicatrisant sur l'inflammation.
L'infusion peut aussi être utilisée pour toute inflammation du tube digestif, œsophage, estomac, intestins, pourquoi pas en association avec d'autres excellentes calmantes des muqueuses enflammées - souci, matricaire, réglisse, plantain, etc.
Affection des voies respiratoires
Astringente et émolliente, elle est recommandée pour traiter l’inflammation des voies respiratoires et faciliter l’expectoration.
N’hésitons pas à l’ajouter aux protocoles pour contrer les problèmes respiratoires, en particulier rhumes, bronchites et autres états inflammatoires des voies respiratoires supérieures.
Dépurative et diurétique
De la même manière que les autres plantes de printemps, Fournier la cite comme dépurative de par son action sur le métabolisme et légèrement laxative grâce à ses mucilages.
Au 16ème siècle, elle était traditionnellement utilisée comme tonique printanier, pour "nettoyer le sang".
Valnet la positionne de la même manière avec des utilisations pour les oedèmes, insuffisances rénales ainsi que les applications traditionnelles des plantes dépuratives : pour les problèmes de rhumatisme, goutte, etc.
Alimentaire
Et n’oubliez pas de la rajouter à votre alimentation car notre belle pâquerette est aussi une excellente comestible. Dans 100 g de plantes (feuilles et fleurs), vous trouverez les constituants suivants (Weise) :
- 600 mg de potassium ;
- 190 mg de calcium ;
- 88 mg de phosphore ;
- 33 mg de magnésium ;
- 2,7 mg de fer ;
- 160 mg de vitamine A ;
- 2,6 mg de protéines.
Et elle est recommandée pour les enfants amaigris ou qui ont du mal à se développer (Valnet). Au même titre qu’elle aide les sols en voie de décalcification (Ducerf), elle pourrait aider l’organisme à mieux fixer le calcium.
Un regard vers le futur...
Voici une liste de propriétés qui ont été démontrées soit au travers d'études in-vitro, soit in-vivo sur animal.
Comme toujours, il est difficile d'en extrapoler un protocole exact (dosage, durée) pour l'humain. Ceci nous donne néanmoins des pistes de réflexion lorsque nous sommes à cours de solutions.
Ceci nous fait aussi réaliser la pleine puissance d'une petite plante si commune.
- Des études mettent en relief l’action de l'apigénine-7-O-glucopyranoside (ApG), un flavonoïde localisé dans les fleurs, qui pourrait avoir un rôle modulateur dans le traitement des maladies neurovégétatives, la maladie d'Alzheimer en particulier (prévention ou traitement). Ce flavonoïde semble en effet agir comme inhibiteur de l'acétylcholinestérase (Costa Marques, 2013) ;
- La plante a des propriétés anti-tumeur in-vitro (Al-Snafi, 2015)
- Chez la souris, la pâquerette a des propriétés hypolipidémiante, elle fait baisser les taux de triglycérides (Morikawa, 2008)
Préparation de la pâquerette
Parties utilisées
Ramassez les inflorescences (fleurs) tout au long de sa période de floraison, au besoin.
Faites-les sécher sur des grilles dans un endroit sec, bien aéré et à l'abri de la lumière directe. Attention de ne pas trop les entasser pour qu'elles sèchent plus vite.
Stockez-les ensuite dans des sachets en papier afin de les utiliser tout au long de l’année.
Formes utilisées
- Infusion : des fleurs sèches, faire frémir et laisser infuser 10 minutes ;
- Teinture : des fleurs fraîches ou sèches ;
- Macérât huileux : des fleurs sèches pour applications locales ;
- Cataplasme : de fleurs fraîches contuses.
Doses
- Infusion : 1 cuillère à dessert par tasse, bouillir 10 minutes, 3 tasses par jour entre les repas (Valnet) ;
- Teinture : 20 gouttes dans un peu d'eau, 2 à 3fois par jour en interne (Valnet), 60 gouttes dans un peu d'eau bouillie tiède en externe - compresses (Valnet) ;
- Macérât huileux : application locale au besoin, plusieurs fois par jour si nécessaire ;
- Cataplasme : idem
Références
- Ducerf, Gérard, "Encyclopédie des plantes bio-indicatrice", 2014
- Fournier, “Dictionnaire de Plantes Médicinales et Vénéneuses de France“, 1947
- Valnet, “La Phytotherapie“, 2001
- Weise, Vivien, "Cooking Weeds, Vegetarian Recipes", 2004.
Costa Marques, Thiago H, Santos De Melo, Cassio H, Fonseca De Carvalho, Rusbene B, Costa, Luciana M, De Souza, Alexandre A, David, Jorge M, De Lima David, Juceni P, & De Freitas, Rivelilson M. (2013). Phytochemical Profile and Qualification of Biological Activity of an Isolated Fraction of Bellis perennis. Biological Research, 46(3), 231-238.
Al-Snafi, Ali. (2015). The Pharmacological importance of Bellis perennis - A review. International Journal of Phytotherapy. 5. 63-69.
Morikawa T, Li X, Nishida E, Nakamura S, Ninomiya K, Matsuda H, Ody Y, Muraoka O and Yoshikawa M. Perennisosides I-VII, acylatedtriterpenesaponins with antihyperlipidemic activities from the flowers of Bellis perennis. J Nat Prod, 71, 2008, 828-835.