Plantes adaptogènes "revisitées" - Partie 2 : (abonnez-vous au podcast ici)
Ceci est la 2e partie de ma discussion sur les plantes adaptogènes. Si vous n'avez pas vu la première partie, je vous invite vraiment à la regarder sinon vous allez être un peu perdu, on va vous mettre le lien dans la description. Dans la partie 1, on a parlé de l'histoire des adaptogènes et de la naissance du concept en Russie dans la période après-guerre. On a parlé de la définition classique d'une plante adaptogène, et de la promesse que cette définition renferme.
L'idée derrière cet épisode, ça démarre d'une question postée par Arthur sur la chaîne YouTube qui dit : "Pouvez-vous parler du concept de plantes adaptogènes, est-ce un mythe ou une réalité ?" Et effectivement, ça m'a fait réfléchir, je me suis dit que lorsque j'ai démarré ma pratique il y a maintenant plus de 15 ans, la promesse des plantes adaptogènes m'a parue juste démesurée. J'avais un peu du mal à y croire, peut-être un peu comme Arthur. Des plantes qui semblent tout équilibrer, qui semblent nous aider à nous adapter à tout type de stress. J'en veux dans l'eau du robinet ! Ou comme dirait mon père, mets-en un peu dans le pastis !
Du coup, cette 2e partie, elle m'est très personnelle.
Biais potentiel pour les adaptogènes ?
Mais d'abord, je veux être clair, j'ai probablement un biais en faveur de ces plantes. Je me suis lancé dans les années 2000, j'habitais aux États-Unis à l'époque, et on était vraiment en plein boom de la recherche et de l'utilisation des adaptogènes. Donc tous les praticiens en parlaient, on partageait beaucoup d'expérience à leur sujet, les fournisseurs étaient nombreux avec des produits de qualité. Et on ne se posait pas autant de questions écologiques à l'époque, on va pas se mentir. On va d'ailleurs parler de l'aspect écologie plus bas.
Du coup, ces plantes sont un peu devenues un fer de lance de ma pratique. J'ai aujourd'hui tempéré mon utilisation. Il y a certaines que je n'utilise plus du tout - codonopsis, rhaponticum et quelques autres. J'en ai gardé d'autres que je conseille toujours assez régulièrement. Je l'avoue, j'ai du mal à m'en passer. Mais j'essaie de vraiment orienter le conseil vers des cultures plus locales, et ça on va y revenir.
Donc oui, je suis un peu biaisé par le boom adaptogène des années 2000. D'un autre côté, il y a d'autres plantes que j'ai découvertes à l'époque, que j'ai essayé d'intégrer à ma pratique et qui ne sont pas nécessairement restées. Si je les ai gardées c'est que j'avais mes raisons. Mais bon, dans l'ensemble, la position que je vais vous présenter, c'est ma position, gardez-le en tête, elle est ni universelle, ni infaillible.
Chaque plante adaptogène a son caractère
Le premier point que j'aimerais vous faire passer est le suivant : un piège se cache derrière cette catégorisation qu'on a vu dans l'épisode 1. On nous donne l'impression que toutes les adaptogènes font toutes à peu près les mêmes choses d'une manière interchangeable. Et lorsqu'on commence la pratique, on s'aperçoit que ce n'est pas du tout le cas. Elles ont toutes leurs caractère bien spécifique. On peut retrouver cette information parfois dans certains livres ou études. On va souvent trouver beaucoup d'informations dans la tradition Ayurvédique ou Chinoise, si ces plantes appartiennent à ces traditions et si on arrive à déchiffrer grossièrement les caractéristiques énergétiques bien sûr.
Et puis surtout, on se fait sa propre opinion, et au fil des années, peu à peu, on voit qu'elles prennent tout doucement leur position. Prenons les plantes adaptogènes de la famille des araliacées. Je vais mettre le ginseng américain (Panax quinquefolium) et les aralias (Aralia californica, A. racemosa et compagnie) de côté car c'est un peu trop spécifique à la phytothérapie américaine. Gardons-en deux, le ginseng asiatique (Panax ginseng) et l'éleuthérocoque (Eleuthérococcus senticosus). Ces deux n'ont pas le même caractère figurez-vous ! Il y a des effets grossièrement similaires sur certains points, et pas sur d'autres.
L'éleuthérocoque est un peu plus neutre, moins fougueux, beaucoup moins "chaud" en termes énergétiques. Il va relativement bien passer chez la personne jeune ou d'âge moyen, alors que le ginseng, on a parfois des surprises.
La différence entre le tulsi, qu'on appelle aussi basilic sacré (Ocimum sanctum et autres) et le reishi (Ganoderma lucidum - un champignon) est énorme. Et pourtant, on leur a collé la même étiquette "adaptogène". Pour de bonnes raisons, attention. Mais il faut aller creuser chacune de ces plantes et apprendre à les connaitre. Au départ, souvent, on se laisse prendre au piège. L'une ou l'autre, peu importe. Ils n'ont pas d'ashwagandha au magasin, je vais prendre de la rhodiole. Eh oui, mais non. Pas pareil.
Aspect équilibrant nerveux
Autre point. Je vais revenir aux 3 axes de la définition - non toxiques, non spécifiques et équilibrantes. Et je vais parler du dernier point, c'est lui qui me pose le plus de problème.
Car au départ, lorsqu'on lit tous les livres, les études, on a l'impression qu'elles ramènent toujours le système nerveux vers le milieu. Et ce n'est pas exactement mon expérience. Certaines plantes ont vite tendance trop à exciter les fonctions. Donc on perd l'effet équilibrant.
Le ginseng asiatique peut tellement stimuler la personne, en particulier celle qui n'en a pas vraiment besoin, qu'au bout d'un moment, la personne a du mal à se relaxer, à se reposer, le sommeil est perturbé.
Idem pour la rhodiole et j'ai même vu cela pour l'éleuthérocoque lorsqu'on utilise des extraits secs et concentrés. Cela n'arrive pas tout le temps, mais j'ai pu observer cela de temps à autre. C'est souvent avec des personnes qui sont plutôt jeunes ou d'âge moyen, ou même des personnes un peu plus âgées mais qui n'ont pas vraiment besoin de ces plantes mais qui en prennent car elles ont lu beaucoup de bonnes choses à leur sujet. Ici la médecine traditionnelle Chinoise aura une bien meilleure lecture de ces situations, avec peut-être des excès de chaleur chez ces personnes.
Le système cardiovasculaire peut s'emballer, avec une augmentation de la tension chez le sujet sensible. Il peut y avoir des palpitations. Et pourtant, toutes ces plantes sont supposées uniquement équilibrer les choses. Comme quoi, entre ce qu'on lit et la pratique, il y a quelques petites différences.
Je n'ai pas observé ces réactions avec le tulsi, l'ashwagandha, l'astragale de Chine, la schisandra, les champignons adaptogènes. Ceci dit mon expérience a ses limites, donc là encore à prendre avec un grain de sel.
Mieux foncer droit dans le mur
Autre point important que j'aimerais vous faire passer. Cet effet stimulant physique et mental, si on y met les bonnes doses, ça fonctionne, mais c'est une arme à double tranchant.
Petite étude de cas. Imaginez que je sois en train de démarrer ma propre petite entreprise. Je viens de changer de métier, donc j'ai un stress énorme de réussir car je démarre de zéro et pourtant faut payer les factures. En plus, c'est un métier passion, donc j'ai bien du mal à mettre la limite entre temps personnel, temps familial et travail. Je ne sais même pas si un jour j'arriverai à gagner ma vie, beaucoup de doutes. Donc je fonce, je ne prends pas le temps de me ressourcer, pas le temps. Semaine après semaine, mois après mois, je tape dans mes réserves.
Que se passe-t-il si je prends des adaptogènes assez énergiques, peut-être comme une rhodiole ou un ginseng, bien dosées, pendant 3 ou 4 semaines ? Ah tiens, je sens que j'ai un regain d'énergie… j'ai l'esprit un peu plus aiguisé. Génial, on fonce. Et là, chers amis, je vais vous dire ce qu'il se passe. C'est qu'à un moment, on se prend un mur. Et lorsqu'on a un nez qui dépasse beaucoup comme le mien, le mur, ça fait très mal. Si ça sonne comme du vécu... je vous laisse terminer la phrase.
Donc attention, lorsque vous travaillez avec ce type de profil. Lorsque j'ai accompagné des personnes qui avaient, par exemple, un travail à responsabilités, ou qui avaient une pratique sportive très intense et qui venaient me demander conseil, je leur ai dit la chose suivante. OK, vous êtes fatigués à ce stade, vous savez pourquoi. Je vais vous proposer un accompagnement. Mais là, votre corps est en train de vous dire que vous tapez dans vos réserves.
Donc en parallèle, qu'allez-vous faire, qu'allez-vous changer pour y remédier. Je ne vais pas être derrière vous, vous êtes adulte responsable, donc vous décidez. Mais sachez que si vous ne changez rien, c'est le mur qui se profile à l'horizon. Ou le précipice, si vous préférez cette image. Comme dirait mon fils, qui fait le malin tombe dans le ravin.
Adaptogènes : mon bilan plutôt positif
Ceci dit, mis à part ces points-là, globalement, mon évaluation de ces plantes adaptogènes est très positive. C'est pour ça que j'ai toujours du mal à m'en passer pour ma pratique à l'heure actuelle. Et là attention, très positif mais pas comme plante miracle. Du style je suis stressé et épuisé et hop, une petite gélule d'ashwagandha et 2 jours plus tard ça va mieux... Non. C'est du long terme. Il faut avoir les bonnes formes. Parfois il ne faut pas hésiter à bien doser. Et puis être patient.
Mais elles fournissent un bon accompagnement de tout l'axe nerveux et immunitaire. Ce sont des plantes qui tournent un peu en tâche de fond, pour utiliser un terme informatique. On les démarre, et on les fait tourner pendant plusieurs semaines, aussi longtemps que nécessaire. On les oublie un peu en fait, et plus tard, on se dit "tient, mais en fait, je me sens mieux, ça ne serait pas les plantes adaptogènes ?" Je ne pense pas que ce soit un effet placebo, mais je ne peux pas l'écarter non plus, bien évidemment. En tout cas, en ce qui me concerne, si c'est un effet placebo, les adaptogènes me fournissent l'un des meilleurs effets placebo que je connaisse !
Personnellement, je ne fais pas de fenêtre de prise et de pause, j'estime qu'elles sont un peu longues à s'installer. Il leur faut bien 4 à 6 semaines, puis elles commencent à bien s'exprimer. Donc si le besoin est bel et bien là, je précise, car on ne prend pas les adaptogènes juste comme ça, faut avoir une bonne raison. Mais si le besoin est là, je ne fais pas de pause. Pas de consensus sur ce point-là, vous trouverez des personnes qui procèdent autrement. Parfois, la prise peut durer plusieurs mois.
Risques de déception
Et puis parfois, vous savez quoi ? Elles ne font rien. Elles ne fonctionnent pas. Zéro résultats. "Mais pourtant tu m'avais dit qu'avec l'ashwagandha j'allais pouvoir calmer mes crises d'angoisses et retrouver un meilleur sommeil !". Oui, je t'ai dit ça. "Oui mais ça fait 2 mois que j'en prends, aux bonnes doses, avec un bon produit, et ça marche pas pour moi !". Welcome to the monde merveilleux des plantes médicinales.
En moyenne, sur un ensemble de personnes, les effets adaptogènes seront en principe au rendez-vous, à des niveaux variables en fonction de la personne, mais pas toujours j'ai bien peur. C'est tout ce que je peux vous dire. Et ceci s'applique à absolument toute intervention dans le monde de la santé. Et même, à la vie en général.
Comme l'a dit Benjamin Franklin : “En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts.”
Adaptogènes pour tous ?
Il y a un autre piège dont je voudrais vous parler. C'est de dire qu'on a tout le temps besoin de ces plantes aujourd'hui. Qui n'est pas un minimum stressé par la vie ? Qui n'est pas un minimum fatigué par ses responsabilités ? Du coup, on fait quoi, on prend des adaptogènes tous les jours pendant les douze mois de l'année ? Dès qu'il y a adaptation à faire, on va chercher la poudre de racines d'ashwagandha ?
Donc clairement, la réponse est non. On n'est pas en carence de schisandra. Il n'existe pas de condition qui s'appelle "aschisandrose" comme il y aurait une avitaminose. Ceci ne serait pas responsable ni pour notre propre fonctionnement interne, qui n'a pas besoin d'être constamment régulé par une substance externe, ni pour l'environnement. Ou alors, faut cultiver un plant de schisandra entre chaque plant de blé et de maïs.
N'oublions pas non plus que certains types de stress nous rendent plus forts au travers du processus d'hormèse, tant qu'on a assez de ressources pour les gérer.
Donc comment décide-t-on si la situation justifie la prise ? Ceci sera laissé à la discrétion de la personne qui évalue la situation. La qualité de vie est-elle affectée de telle manière qu'il faut faire appel à des leviers externes pour aider la personne ? Parfois oui, parfois non. Je vous laisse répondre à cette question, je n'ai pas les éléments pour le faire.
Adaptogènes : impact écologique
En ce qui concerne l'impact écologique, il y a clairement beaucoup de choses à présenter ici. Je n'aurai pas le temps de pleinement rendre justice à ce sujet. Je vais passer en revue rapidement les opportunités de production locale. A l'heure actuelle, le plus gros du marché vient d'Inde ou de Chine, mais on commence à voir des productions locales pour certaines adaptogènes, et ça c'est encourageant.
Il y a la discussion de la viabilité de prendre une plante d'un certain écosystème et le transplanter dans un autre écosystème : quels sont les actifs, l'efficacité est-elle la même, etc. Dans mes tests à petite échelle, pour toutes les adaptogènes que j'ai cultivé au jardin, j'ai toujours été très agréablement surpris, dans le sens où ma récolte fraichement transformée était plus efficace que les produits que je trouvais dans le commerce sous forme sèche avec un circuit plus long.
Alors, je sais, un test à cette petite échelle, dans les yeux de certains, ça ne vaudra pas grand-chose. Mais pour moi, ça compte car j'aime bien me fier à mon nez, ma bouche, mon ressenti. C'est pas une chromatographie en phase liquide, mais c'est un outil que j'ai tout le temps avec moi. Cultiver du ginseng américain, Panax quinquefolium, à l'ombre des chênes pubescents dans un jardin de Provence, ça peut paraitre comme une idée saugrenue voire stupide. On est d'accord. Mais je peux vous dire que l'alcoolature que j'ai faite avec ces racines, c'était juste magnifique.
Certains se demandent pourquoi on irait cultiver une plante qui n'est pas de chez nous. Je ne vais pas rentrer dans ce débat, car il y a des avantages et des inconvénients. Et puis il faudrait tirer la ligne et se dire : si ce n'était pas déjà dans notre écosystème avant les années X, on ne l'utilise pas. C'est un peu arbitraire. Parce qu'on a la patate douce, le quinoa et d'autres aliments qui ont été introduits relativement récemment, donc pourquoi pas des plantes remèdes tant qu'elles ne menacent pas l'environnement ? Et même pour les plantes remèdes, on a la verveine odorante qui n'est pas si vieille que ça, on parle probablement fin 1700 début 1800.
Donc, allons-y, passons en revue les opportunités de culture. Je précise que je ne fournirai aucune adresse commerciale ici, ne me demandez pas, ça me met dans des positions compliquées aujourd'hui.
Ginseng asiatique : compliqué à cultiver mais possible, j'ai testé pour vous à petite échelle. Plante de croissance très lente, il faut attendre plusieurs années pour une plante mature, donc rendement faible. Mais si on cherche bien, on arrive à trouver du ginseng français. Idem pour le ginseng américain. Pas facile à faire germer du tout, sauf si on arrive à se procurer des graines fraiches, et ça c'est très compliqué aussi.
Ashwagandha : très simple à cultiver, j'en ai fait pendant des années. Si vous savez faire pousser un plant de tomate, vous savez faire pousser l'ashwagandha qui est, elle aussi, une solanacée. Pour les graines, faites une recherche sur votre moteur de recherche favori. Les formes alcoolature ou gélules sont trouvables aujourd'hui chez certains petits producteurs.
Schisandra : cette année, je teste un pied de schisandra autofertile au jardin, je devrais en savoir plus en fin de saison, du moins si on se prend pas à nouveau ici en Provence une grosse sécheresse qui crame toutes mes plantes.
Eleuthérocoque : j'en ai vu au CNPMAI de Milly la Forêt. Si ça pousse au conservatoire, ça doit pousser ailleurs. C'est un buisson épineux qui peut devenir envahissant, donc là attention à ce point, il y aurait clairement une réflexion à faire. Il pousse en général dans les contrées froides. Je n'ai pas connaissance de cultures locales aujourd'hui.
Tulsi ou basilic sacré : super facile à cultiver, comme un basilic classique, j'ai testé pour vous, ça donne des infusions ou des alcoolatures magnifiques. Là vraiment, pas de raison de s'en priver si on est intéressé par les propriétés de cette adaptogène particulière.
Cordyceps : j'ai rencontré au moins un producteur français qui devrait lancer sa boutique, je l'espère, dans pas très longtemps. Il a fait analyser ses cordyceps avec un bon titrage en actifs. Donc, c'est pas une culture "inerte" comme on a pu le dire pour certaines cultures. Je ne pourrais pas vous en dire plus au sujet de la culture à ce stade, ce n'est pas un domaine que je connais.
Rhodiole : très compliqué à cultiver, faut être en altitude, j'ai essayé plusieurs fois au jardin et ça ne survit pas dans le sud. Une productrice en Suisse en cultive, mais pour l'instant, c'est très limité. Je pense que ça va être difficile et il faudra, pour l'instant, utiliser d'autres plantes adaptogènes car celle-ci est sérieusement menacée en nature.
Astragale de Chine : tout à fait possible, pas compliqué à cultiver, j'ai testé pour vous, j'en ai eu de pleines rangées. J'espère que la production locale sera envisagée un de ces jours. En tout cas, je ne vois pas pourquoi ça ne se ferait pas au même titre que l'ashwagandha ou d'autres. Pour la germination, des graines scarifiées germeront mieux.
Je vais m'arrêter là avec la liste, il y a d'autres adaptogènes, mon but n'était pas de vous donner une liste exhaustive mais juste de vous montrer qu'il y aura des opportunités dans le futur, là encore pour ceux que ça intéresse et qui y trouvent une logique.
Des adaptogènes chez nous ?
Une question que vous m'avez souvent posée : pourquoi n'a-t-on pas d'adaptogènes de chez nous ? On a la rhodiole qui pousse dans les montagnes, mais absolument pas assez pour faire face à la demande. C'est une plante menacée dans plusieurs pays, il y a des cueillettes illégales car la demande est forte. Donc là, on a un gros problème avec la rhodiole, ce qui fait que j'ai quasiment arrêté de la conseiller.
Et à part celle-ci, en nature, à ma connaissance, nous ne connaissons pas, à l'heure actuelle, de plante conforme à la définition des adaptogènes qui pousse naturellement chez nous.
Pourquoi on n'en connait pas plus ? Je pense que ceci est dû à deux phénomènes. D'abord, aux fondations même de notre vision de la santé holistique, nous n'avons pas vraiment eu dans notre tradition française ce concept d'énergie vitale à la base de tout processus de vie. Et donc on n'a jamais trop recherché quelque-chose qui pourrait ressembler à un "tonique du Qi" ou un "rasayana" si je peux me permettre d'utiliser ces expressions. Plus tard, on n'a pas eu cet élan qu'ont eu les Russes de rechercher ces plantes chez nous. Donc aujourd'hui, on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Certains positionnent le macérat de bourgeons de cassis, en gemmothérapie, comme approche adaptogène. Bon, ça c'est quelque-chose que j'ai testé en comparaison avec mon expérience des adaptogènes, et pour moi, ça n'arrive pas à la hauteur de mes attentes. Ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas adaptogène, juste que j'ai mis la barre à un certain endroit, et la gemmo de cassis n'arrive pas à cette barre. Attention, c'est personnel, c'est mon expérience, elle est limitée, je n'ai pas la prétention de vous délivrer une vérité ici. Chacun pourra faire sa propre opinion.
En fait, je pense que la vraie opportunité se trouve peut-être à trois endroits différents.
➜ Premièrement, je pense qu'il y a vraiment quelque-chose d'intrigant dans les racines de certaines apiacées. J'ai bien dit les racines et pas les fruits, ou les graines en termes courants. Ici j'ai 3 plantes en tête. L'angélique, la berce et l'impératoire.
- L'angélique, je commence à bien la connaître. J'avais des a priori fondés sur mes ouvrages de référence, certains livres qui disent que l'angélique des jardins (Angelica archangelica) est plus puissante que l'angélique des bois (Angelica sylvestris). Quand Paul-Victor Fournier nous dit ça, en général, on écoute. Aujourd'hui, je suis convaincu que c'est inexact, après avoir testé plusieurs préparations à base d'Angélique des bois. Je sens bien la puissance. Elle n'a rien à envier à l'angélique des jardins.
- La grande berce (Heracleum sphondylium), pas la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) attention. Je la connais mal à ce stade, je pense que c'est un bon candidat et il faut que je me familiarise avec les propriétés des racines.
- L'impératoire (Peucedanum ostruthium), je la connais très peu à ce stade. C'est Guillaume Besson qui me l'a faite découvrir en Haute-Savoie, voir mon interview de Guillaume. Par la suite, j'ai pu me procurer des racines pour continuer mes tests. Et je suis assez impresionné par la force de cette plante.
Donc ça, c'est ma première catégorie de grandes "toniques" de chez nous, racines de certaines apiacées.
➜ Deuxièmement, cette grande amère de chez nous qui s'appelle la gentiane (Gentiana lutea) m'interpelle beaucoup. Là encore, il y a une force tranquille qui se déploie lorsqu'on l'utilise sur le long terme, dans les périodes de fatigue. On dit souvent "périodes de fatigue accompagnées de manque d'appétit, de situation de dénutrition". Mais au plus j'utilise la gentiane, au plus je me dis... pas forcément. Il y a un aspect tonique plus générique.
Qu'en est-il des autres toniques amères comme le chardon-béni, le ményanthe, la feuille d'artichaut et d'autres ? Je ne sais pas, mais quelque part je place la gentiane en chef de file des toniques amères.
➜ Troisièmement, les lamiacées aromatiques du sud à caractère chaud et stimulant. Je pense ici aux plantes suivantes :
- Le romarin (Salvia rosmarinus)
- La sauge officinale (Salvia officinalis)
- Le thym (Thymus vulgaris)
- Le calament (Clinopodium nepeta)
Je vous en ai déjà parlé dans d'autres épisodes, en mentionnant cet aspect tonique et stimulant, parfois digestif, parfois cérébral, parfois générique bien que pas autant que les adaptogènes. Là encore ça se fait tout doucement, au fil des semaines, lorsqu'il y a un besoin réel.
Individuellement, séparément, ces plantes ne sont pas adaptogènes, du moins pas dans la définition russe du terme. Mais peut-être que si on les mélange (elle est là la clé), on arrive à se créer un "mélange adaptogène" qui serait unique à la personne et sa situation spécifique, en fonction de ses déséquilibres digestifs, nerveux, éliminatoires ou autres.
Donc les opportunités sont là pour explorer, pour combiner et pour voir si on ne pourrait pas, avec des plantes de chez nous, se recréer cet effet assez particulier. A ce stade, je n'ai pas assez d'information ni d'expérience pour conclure.
Eh bien voilà qui termine cette longue discussion. C'est ma version des adaptogènes revisitées, un peu comme on ferait un Paris-Brest revisité en pâtisserie. Sans les calories et les excès glycémiques bien évidemment. Et avec un peu d'amertume, d'astringence et de piquant ! Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poster sur ci dessous, ça fera peut-être un épisode sur les adaptogènes re-revisitées.
Allez je vous laisse, merci et à très bientôt !