Avant les teintures mères, avant les capsules, il y avait les infusions. L'infusion est l'une des plus anciennes méthodes d'administration des plantes médicinales.
J'ai récemment écrit un article se concentrant sur les méthodes détaillées pour infuser les plantes médicinales. J'aimerais aujourd'hui discuter avec vous de la philosophie des infusions.
Faire des infusions, c'est prendre le temps
Prendre le temps de faire bouillir de l'eau, liquide primordial de vie. Prendre le temps de toucher la plante, de la placer dans un bocal, de verser l'eau. Prendre le temps de laisser le temps faire son travail. Nous sommes en pénurie constante de temps.
En d'autres mots, infuser, c'est prendre soin de soi. L'alternative est de continuer d'avaler des petites pilules blanches sans goût, sans odeur, sans nom, entre deux courses frénétiques de la vie quotidienne.
Quels sont donc ces obstacles multiples qui nous empêchent de sortir les théières du placard ?
Complainte n°1 : je n'ai pas le temps de préparer des infusions
- Verser 1L d'eau dans la bouilloire : 5 secondes
- Faire bouillir ce litre d'eau : 3 minutes 10 secondes dans ma bouilloire électrique
- Placer les plantes dans un bocal : 30 secondes
- Verser l'eau et laisser infuser :
- Une ou deux minutes pour les aromatiques, avant que les composants astringents et amers ne prennent le dessus ;
- 5 à 10 minutes pour les amères et astringentes ;
- 20 minutes pour beaucoup de plantes chinoises pulvérisées, pour les plantes minéralisantes (luzerne, folle avoine, trèfle, etc), et bien d'autres.
- Expérimentez afin d'optimiser le goût et le parfum désiré par rapport au temps d'infusion.
- Filtrer l'infusion et la placer dans un thermos : 1 minute
Total du temps investi : 4 minutes 45 secondes, pour préparer la dose d'infusion nécessaire pour la journée. Si vous ne pouvez pas débloquer 5 minutes par jour pour votre santé, alors les plantes médicinales ne sont probablement pas pour vous.
Complainte n°2 : je travaille, je n'ai pas le temps de boire les infusions
C'est pour cela que nous avons placé la dose journalière (à peu près 1L) dans un thermos dans l'étape précédente. Le thermos vous suit au bureau, à l'école, à l'usine, vous permettant de boire un petit verre pendant les pauses.
Complainte n°3 : les infusions ont mauvais goût
L'effet thérapeutique vient souvent du goût. Pour les plantes amères par exemple, nos récepteurs de goût doivent être titillés par les substances amères afin de transmettre un signal à notre cerveau qui va déclencher la relâche d'enzymes digestives et encourager le foie à détoxifier plus efficacement.
Souvent, il est possible d'ajouter une plante ou deux pour rendre le goût plus agréable. La menthe, le réglisse ou le gingembre sont souvent utilisées pour rendre un mélange plus attrayant.
Par contre, il faudra s'assurer que les plantes de goût n'interfèrent pas avec les plantes thérapeutiques, ou avec la constitution de la personne. Le gingembre par exemple sera à éviter si la personne est déjà de tempérament chaud, la réglisse si la personne a une tendance à faire de l'hypertension essentielle, la menthe si la personne souffre de reflux gastro-oesophagien.
Complainte n°4 : les infusions sont longues à agir
Certes, les teintures mères fournissent un effet plus prononcé, plus concentré. Mais les tisanes, je trouve, offre d'autres avantages : elles travaillent plus en douceur, il leur faudra plusieurs semaines pour agir, mais elles résoudront les problèmes d'une manière durable. Peut être parce qu'elles fournissent juste assez de stimulus à notre corps pour qu'il reprenne les rênes, sans pour autant le supplanter dans ses fonctions.
De plus, je trouve que l'ingestion d'un liquide chaud fait du bien à une grande majorité d'entre nous, vu que nous avons de plus en plus tendance à avoir des constitutions froides et des organes déficients. L'infusion nous réchauffe les boyaux, le coeur et l'âme.
Complainte n°5 : il est difficile de trouver les plantes en vrac
Certes, il nous reste peu d'herboristeries de renom. Dans le sud-est, nous avons l'herboristerie du Père Blaize à Marseille. A Lyon, nous avons l'herboristerie Bonneval. A Paris, l'herboristerie de Palais Royal. Mais il nous en reste, et elles fournissent une plante bien séchée, qui sent bon et qui garde une belle couleur, et donneront de bonnes infusions. Les plantes peuvent être commandées par internet.
Mais de plus en plus de plantes nous sont interdites, sous la pression constante des lobbies pharmaceutiques, car comme nous le savons, la plante n'est pas brevetable, les profits sont donc limités.
C'est pour cela qu'il faut réapprendre à reconnaitre les plantes autour de nous. De plus en plus de personnes organisent des sorties "reconnaissance de plantes", moi y compris. Profitez-en, sachez reconnaitre et utiliser ce qui se trouve autour de chez vous, afin de retrouver votre indépendance.
Infusions d'hiver
Pour finir, je vous donne un petit mélange facile à réaliser pour les petits froids d'hiver, car c'est un mélange diaphorétique, qui nous aide à transpirer, c'est-à-dire à évacuer chaleur et toxines au travers des pores de la peau. Ce mélange a été créé par Rosemary Gladstar, fameuse herbaliste Américaine :
- Une proportion de fleurs de sureau (Sambucus nigra) ;
- Une proportion de parties aériennes d'achillée millefeuille (Achillea millefolium) ;
- Une proportion de menthe poivrée (Mentha piperita).
Mélangez dans un saladier, stockez dans un bocal, et buvez le en infusions au premier froid !
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haziel dit
Bonjour, merci pour cet article. J'ai entendu dire qu'il ne fallait pas mettre de jus de citron dans une tisane pour en améliorer le goût car celui ci peut faire précipiter des molécules : est-ce vrai ? Si oui, est-ce que cette précipitation est vraiment problématique et peut biaiser l'effet de la tisane ? Merci.
sabine dit
Bonjour Haziel
Pouvez vous me donner vos sources ?
Laurence Bernard dit
Bonjour, lorsqu'on a une plante fraîche dans le jardin (la bourrache) peut-on faire une infusion de plante fraîche directement. Aura t-elle les mêmes propriétés que si elle était séchée ?
sabine dit
bonjour Laurence
oui la plante fraiche a les mêmes propriétés fraiche que sèche, par contre la bourrache ne me parait pas l'exemple le plus adapté , car cette plante (hormis ses fleurs) contient des alcaloïdes pyrrolizidiniques donc prudence https://www.altheaprovence.com/consoude-tussilage-alcaloides-pyrrolizidiniques/ , le sujet ne fait pas consensus mais il me parait important de le savoir
Gérard Verret dit
Quelle mine d'informations ! Il y a le côté technique, bien sûr, mais accompagné du regard philosophique qui m'enchante ! Un véritable art de vivre que je vais avoir plaisir à partager avec mes stagiaires. Merci de tout coeur pour le partage. Gérard
Emmanuel dit
Bonjour Christophe,
Est-il possible de rechauffer une infusion refroidie (pour la boire le lendemain, ou quelques heures plus tard par exemple) sans que celle-ci perde ses qualités ?
Merci
Christophe BERNARD dit
Bonjour Emmanuel,
Oui possible mais faire chauffer tout doucement et pas trop non plus. Elle ne perdra pas ses qualités.
XAV32 dit
Bonjour Christophe,
besoin de quelques éclaircissements :
1. Certaines infusions changent de couleur dans la tasse ou dans le thermos. Parfois c'est accompagné d'un changement de goût assez marqué.
Est-ce qu'il faut attribuer le changement de teinte à une oxydation ? Si oui, est-ce que la qualité (pas organoleptique) et donc les propriétés, s'en trouvent très modifiées ? Sachant que l'oxydation n'a rien de bon par exemple sur les graisses (huiles pour les macérations, etc).
2. Lorsque j'étais cuisinier je pratiquais ce qu'on appelle le "départ à froid". Par exemple pour les pommes de terre ou pour des cuissons dites par expansion ou mixtes (ragouts, etc) il s'agissait de plonger le produit dans un liquide froid, eau, sauce, etc., et de monter en température jusqu'à cuisson. L'intérêt, dans certains cas, étant d'utiliser l'osmose des concentrations et les transfert thermiques à la fois (toujours chaud vers le froid) pour extraire des substances plus en profondeur.
Bon ça a l'air très technique dit comme ça mais ma grand-mère le pratiquait sans trop avoir été à l'école ! 🙂
Je me demande pourquoi on ne pratique pas ces techniques avec les infusions ou les décoctions. Personnellement je le fais, instinctivement selon la plante, en ajoutant d'autres plantes plus "légères" ou "fragiles" en cours de décoction/infusion.
Par exemple si je réalise une décoction de racines, je pars à froid tout le temps. Mais si je dois y adjoindre des feuilles fines et aromatiques, je les ajoute à la fin, feu éteint (infusion).
Christophe BERNARD dit
1. oxydation, fermentation, il y a plusieurs processus qui prennent place dans une préparation aqueuse, surtout lorsqu'elle contient des substances dont les bactéries sont fan. La couleur, oxydation d'abord je dirais, mais il y a peut être plus, je ne connais pas le procédé chimique exact. Toujours est-il que de tous temps, cela a été considéré comme une dégradation de la préparation. Les propriétés s'en trouvent probablement modifiées (je dis probablement car je n'en ai pas la certitude, et cela doit certainement dépendre du constituant et de sa nature chimique - est-il oxydable, etc).
2. oui, c'est ce que j'appelle l'infusion "puriste" (j'en parle dans mes formations, pas sur mon site), avec un arrêt autour des 85°C. S'applique aux infusions et décoctions. Ensuite je demande aux individus de noter la "force" de l'infusion ou de la décoction. Résultats : 50/50. Certains préfèrent la méthode "puriste", d'autres la méthode "simple". La logique veut que ce soit une meilleure approche. Ma propre expérience (échanges avec des centaines d'individus) me dit que puriste ou pas, lorsque la plante est bonne et bien sélectionnée, les résultats sont au RDV.
Rio dit
Bonjour Chrisophe,
Juste pour signaler une petite erreur dans "Complainte nº3" : vous avez écrit hypertension essentielle.
Bien à vous,
Lénia
Christophe BERNARD dit
Bonjour Lénia,
J'ai du mal à trouver l'erreur. Orthographe ?
Rio dit
oh pardon Christophe, je pensais juste que vous aviez fait un lapsus avec artérielle 🙂 Au temps pour moi...Oubliez|
Christophe BERNARD dit
Bon pour être précis j'aurais dû dire "hypertension artérielle essentielle" 🙂
isabelle dit
Bonsoir Sabine et Christophe,
contente d'apprendre que mon achillée est de bonne qualité! 😉
J'ai suivi les conseils de Maria Treben: cueillie en plein soleil, c'est peut-être ça...
Quand à ma tolérance,en principe je supporte assez bien l'amertume, mais l'achillée et la ballote nigra trop infusées...niet
Merci pour ces échanges.
sabine dit
alors je vais faire des tests dans la journée
- avec une infusion d'achillée (sèche) ==> 10mn, puis tjrs sèche ==> 1mn
- avec infusion (fraiche) ==> 1mn, puis tjrs fraiche ==> 10mn
et je vais noter si je perçois des différences de goût et je vous en ferai part
cela pourrait être intéressant d'avoir les expériences gustatives et olfactives d'autres personnes ...
Christophe BERNARD dit
Voici en effet une excellente proposition, un vrai test, la seule manière de trancher. Tenez-nous au courant !
isabelle dit
Bonsoir Christophe,
un mot pour te faire part de ma perplexité... Le temps que tu donnes pour les infusions est de 20mn. Maria Treben indique une demie mn pour la plante fraîche et 2 mn pour la sèche...Et moi j'en perds mon latin..cela fait un grand écart. Pour ma part j'ai constaté que la tisane d'Achillée infusée plus d'une mn est imbuvable.
Si tu as le temps de m'éclairer.......
Merci encore pour ton site dans lequel je me balade comme dans une mine de pierres précieuses
Christophe BERNARD dit
Bonsoir Isabelle,
C'est vraiment du cas par cas. Pour les aromatiques, une à deux minutes suffisent pour n'extraire que les aromatiques et ne pas laisser les astringents et amers prendre le dessus. Sauf si tu veux profiter aussi des amers. Pour la matricaire par exemple, tu peux faire une infusion légère et aromatique, ou profiter des amères en (1) rajoutant les feuilles et (2) infusant beaucoup plus longtemps.
Pour beaucoup de plantes chinoises, au plus on laisse, au mieux se passe l'extraction. Une demi-minute pour la scutellaire fraiche par exemple, ou pour les plantes minéralisante (luzerne, trèfle, etc), est bien trop peu, amenant une infusion loin d'être optimale. Je me dois donc d'éclaircir ce point dans l'article, chose que je vais faire de ce pas.
isabelle dit
ok, merci, j'y "bois" plus clair....
sabine dit
bonjour Christophe , bonjour Isabelle
je m’emmêle dans le fil de la discussion ...
car la remarque d'Isabelle concernant le goût "imbuvable" de l'infusion après plus d'une minute m'interpelle, car lorsque je fais une infusion d'achillée (10mn) je la trouve, certes amère, mais buvable voire même assez agréable , donc la réflexion qui me vient au sujet du goût :
si je trouve mon infusion buvable au bout de 10mn et qu'Isabelle, passée une mn la trouve imbuvable , quelle conclusion en tirer ?
- subjectivité ? (les goûts et les couleurs .....)
- ou est ce que cela peut être un indicateur de qualité, à savoir mon achillée serait peut être moins chargée en principes actifs malgré le fait qu'elle sente bon (aromatique)mais certainement moins que celle citée par Christophe !
(forcément je risque d' être fort fort désappointée si j'apprends que la tonne d'achillée que je viens de ramasser n'est que de qualité médiocre ..et que j'ai transformé ma maison en lieu de séchage ce qui rétrécit grandement l'espace pour les zhumains!, mais bon en tant que bonne chiantifique en quête de vrai ... j'ai envie de savoir ...
Christophe BERNARD dit
Bonjour Sabine,
Je vais laisser Isabelle commenter sur sa perception. Voici la mienne : 2 facteurs en jeux.