Cyprès toujours vert (Cupressus sempervirens) : circulation, hémorroides, antiviral : (abonnez-vous au podcast ici)
Il est partout ce cher cyprès toujours vert, du moins dans ma région en Provence. On l'appelle d'ailleurs le cyprès de Provence. Il borde les champs, il sépare les terrains. C'est l'un des arbres de haies les plus utilisés chez moi. Il est beau, il est grand, il est… toujours vert (d'où son nom de Cupressus sempervirens). Et comme nous allons le voir, il est super utile pour tout ce qui est problèmes de circulation. Les hémorroïdes aussi, ce qui est un petit peu moins sexy, mais faut bien qu'on en parle. La congestion du petit bassin. Bref, tout un programme !
Cyprès toujours vert : un peu de botanique
Je vous propose de faire un peu de botanique. Le cyprès toujours vert appartient à la famille des cupressacées. Et cette famille, je pense que vous la connaissez bien. On a le genévrier qui appartient à cette famille, super plante médicinale dont je vous ai déjà parlé. Vous avez le thuya aussi, qui est délicat à utiliser, principalement pour des applications externes, je vous en parlerai un de ces jours.
Et nous avons le cyprès. Vous le reconnaîtrez avec son feuillage vert, parfois un peu bleuté en fonction de l'espèce. Il a des feuilles persistantes, c'est-à-dire que vous verrez ses feuilles pendant tout l'hiver. Les feuilles sont minuscules et organisées en écailles si vous le regardez de près. Ce sont de petites écailles de moins d'un millimètre qui sont imbriquées et plaquées sur les rameaux. Vous verrez ces petites écailles si vous utilisez une loupe de botaniste.
Les fleurs sont réunies en chatons qui sont localisés en bout des branches. D'ailleurs les fleurs relâchent beaucoup de pollen et ce pollen peut être très allergisant chez certaines personnes. Si vous avez des allergies saisonnières, vous savez peut-être de quoi je parle. En Provence les pollens atteignent leur maximum en février-mars, et c'est là que se réveillent certaines allergies.
Les chatons vont devenir des cônes, très durs, formés d'écailles et qui passent du vert au marron avec la maturation. Et ils vont aussi s'ouvrir, c'est-à-dire que les écailles vont s'écarter avec le temps. Cette maturation prend 2 années.
Vous trouverez plusieurs sortes de cyprès dans notre pays. Le classique, c'est Cupressus sempervirens, le cyprès toujours vert. Chez moi, j'ai aussi le cyprès de l'Arizona qui a une teinte gris-bleu, Cupressus arizonica. Il est fort probable que tous les cyprès puissent être utilisés d'une manière interchangeable. Mais on n'est pas sûr à 100%. Comme le dit si bien Pierre Lieutaghi, "leur équivalence médicinale ne peut être que supposée" à ce stade, et il est préférable de n'utiliser que le cyprès toujours vert si vous avez le choix.
C'est un arbre qui a joué un rôle essentiel dans les plantations parce qu'il constitue des haies brise-vent. Et chez moi avec le fort mistral, c'est très utile. On pense que c'est l'un des arbres introduits les plus communs dans le midi de la France.
Cyprès toujours vert : des tanins pour la circulation veineuse
Allez, on parle maintenant des propriétés médicinales du cyprès toujours vert.
C'est l'un des arbres médicinaux les plus intéressants, et ceci grâce à ses cônes. Ces petites boules marrons qu'on appelle aussi galbules. Vous verrez peut-être ce nom dans les herboristeries. On les appelle aussi les noix de cyprès. Ces cônes sont très riches en tanins. Et si vous vous souvenez de tout ce que je vous ai expliqué au sujet de ces tanins, ce sont des substances qui tonifient les tissus sur lesquels ils se déposent. C'est comme lorsqu'on tanne le cuir, on transforme l'apparence de la peau de quelque chose de fragile et perméable en quelque chose de dur et résistant.
Il faut vous imaginer une muqueuse, ou un endroit du corps, un tissu, qui va être imprégné de ces tannins, et qui va retrouver une certaine élasticité. Et ici, il y a un terme que vous allez retrouver encore et encore, c'est le terme de "tanins condensés" ou OPC, pour Oligomères ProanthoCyanidiques. Ce sont des tanins qui peuvent passer en circulation sanguine, contrairement à certains tanins qui sont trop gros pour pénétrer au travers de la muqueuse intestinale. Donc ceux-là vont circuler et ils vont permettre de renforcer le tissu veineux.
Ceci en fait une excellente plante pour tout problème de retour veineux, insuffisance veineuse, varices, sensations de jambes lourdes, hémorroïdes. Et je vous expliquerai comment on prépare les cônes dans quelques minutes. On peut faire à la fois une application externe et une prise interne.
Personnellement, je fais une prise interne en priorité, car on va pouvoir avoir cette action large et systémique qui agit de l'intérieur. Mais si on a un endroit particulièrement affecté, peut-être la zone des mollets, ou les hémorroïdes, alors on peut aussi faire une application externe. Très bonne plante pour les problèmes d'hémorroïdes.
Je vous donne une citation du fameux docteur Henri Leclerc, un homme qui avait une grande expérience des plantes. Et il faut peser chaque mot ici.
"Une expérimentation de plusieurs années m'a permis d'affirmer que les noix du cyprès constituent un vaso-constricteur d'une grande efficacité dans les affections du système veineux et dont l'action est identique et même de beaucoup supérieure à celle de l'Hamamélis virginica."
C'est génial ! Pour les troubles de retour veineux, on voit dans quasiment tous les ouvrages que l'hamamélis est la plante à utiliser. Oui, si on vit dans les régions du monde où elle pousse. Mais chez nous, on a le noisetier (je vous ai fait un épisode à son sujet d'ailleurs) et on a les noix de cyprès !
Décongestion pelvienne
La deuxième utilisation intéressante du cyprès toujours vert, c'est pour toute congestion pelvienne. Lorsque vous avez une zone enflammée dans votre corps, vous allez assister à un phénomène de congestion. C'est normal. Le corps va amener une forte quantité de sang vers la zone pour la réparer en mode local. Ça va aussi créer une sorte de barrière, une pression pour que toute toxicité locale ne se propage pas dans le reste du corps. C'est un peu une manière de définir un périmètre de sûreté.
En pratique, il s'avère que cette réaction inflammatoire, bien qu'elle soit très utile dans l'ensemble, va parfois s'exprimer d'une manière un peu trop aiguë et provoquer cette sensation de tension, de pression, et aggraver la douleur, car ça va faire pression sur certaines terminaisons nerveuses. Et là, ce qu'on essaie de faire souvent avec les plantes, c'est de soulager cette sensation et décongestionner un peu. On ne va jamais bloquer ce processus, avec les doses traditionnelles on va juste permettre à la zone de respirer un peu si je puis dire.
Le cyprès toujours vert est un excellent décongestionnant du petit bassin. Dans le petit bassin, on a la partie inférieure du système digestif, on a le système urinaire, et on a le système reproducteur. À quel moment va-t-on avoir une congestion du petit bassin ? Eh bien lorsque ces organes sont enflammés, ou lorsque la circulation se fait mal. Prenons un exemple avec le système urinaire.
Cystites et problèmes de prostate
Une cystite va provoquer une congestion. C'est une infection aussi. Donc on va utiliser nos plantes désinfectantes urinaires comme la busserole ou la bruyère, on va utiliser nos plantes diurétiques comme la verge d'or ou l'ortie, nos plantes adoucissantes comme la barbe de maïs, etc. Mais si on la joue finement, on va aussi rajouter un petit quelque chose pour décongestionner le petit bassin. Le cyprès toujours vert par exemple.
Donc là, on a applique le concept à un problème aigu. Mais imaginez maintenant un problème chronique. Regardez la situation chez l'homme avec les problèmes de prostate. L'homme passe une partie de sa vie le cul sur une chaise. Donc forte pression sur la zone. On ne bouge pas, on ne marche pas assez. Au fil des années, est-ce que vous pensez que la circulation autour de la prostate se fait bien ? Est-ce que vous pensez que la circulation lymphatique se fait bien ?
Eh non, justement. Donc chez l'homme sédentaire qui a des problématiques de prostate, ne devrait-on pas décongestionner cette zone d'une manière régulière ? Vous connaissez la réponse.
Ménopause
Le cyprès est une plante que vous retrouverez parfois dans les mélanges pour aider à mieux gérer les symptômes les plus gênants de la ménopause. Pourquoi ? Ca vient faire quoi dans un mélange ? Eh bien même chose, on va décongestionner le petit bassin. On va permettre une meilleure circulation dans cette zone qui a diminué son activité, peut-être d'une manière un peu trop brutale justement à cause d'un manque de circulation. De toute manière, dès que vous permettez une meilleure circulation autour d'un organe, vous facilitez sa fonction, il faut garder ceci en tête.
Une autre hypothèse, c'est le fait que le cyprès contient probablement des constituants aux propriétés phytoestrogéniques. Donc des constituants qui vont activer les récepteurs estrogéniques, certes d'une manière faible, mais un effet notable lorsque les taux d'estrogènes en circulation ont beaucoup diminués pendant la ménopause.
Saignements chez la femme
Autre aspect très utile, c'est lorsqu'il y a saignements chez la femme : règles très abondantes qui fatiguent la personne, saignements entre les règles, saignements provoqués par des fibromes ou autre, saignements abondants de la péri ménopause. Même explication, les tanins condensés, encore eux, qui vont avoir cet effet tonique et vasoconstricteurs sur les vaisseaux sanguins.
Et bien sûr, comme toujours, je vous le répète assez souvent, je ne suis pas médecin, donc allez toujours consulter pour avoir un diagnostic clair pour ce genre de situations.
Énurésie nocturne
Une autre utilisation que je ne connaissais pas et que j'ai découvert lors de mes recherches, et là encore elle nous vient du docteur Leclerc, c'est pour soulager l'énurésie nocturne. Donc le pipi au lit.
Leclerc mentionne des succès là où tous les autres traitements avaient échoué. Ça, c'est intéressant. Là encore, probablement les tanins qui passent au travers du système urinaire et qui vont tonifier certains muscles, certains sphincters qui sont dans un état de laxité, de relâchement. On retrouve l'effet tonique sur les tissus urinaires cette fois.
Une autre citation de Leclerc :
"Un collégien de 11 ans qui, malgré les thérapeutiques les plus variées, malgré toutes les admonestations et toutes les promesses, inondait chaque nuit son matelas et fut délivré de cette déplorable habitude après avoir pris pendant 6 jours 20 gouttes d'extrait fluide de cyprès au milieu de chacun des repas."
Bon, c'est à tester. Personnellement, à l'heure où j'enregistre cet épisode, ce n'est pas un outil que j'ai conseillé donc je ne peux pas vous dire. Mais si Leclerc en parle, on écoute ! Là il utilise un extrait fluide qui est 5 fois plus concentré qu'une teinture, donc ça nous ferait un équivalent d'une centaine de gouttes de teinture des cônes par dose.
Toux spasmodique
On trouve dans les ouvrages classiques l'utilisation du cyprès pour les toux de nature spasmodiques. C'est-à-dire des toux pour lesquelles la personne part dans des quintes qui sont parfois épuisantes et qu'on a du mal à contrôler. Peut-être suite à une grippe, peut-être pendant une coqueluche.
Dans ce contexte les cônes de cyprès peuvent apporter un soulagement, intégrés à un mélange un peu plus large pour ce genre de situation, peut-être avec du thym, de la racine d'aunée, hysope, origan, etc.
Le docteur Morel l'indique aussi dans les problèmes d'emphysème, probablement là encore pour renforcer des tissus qui ont perdu leur élasticité, qui ont été en partie détruits. Bon rien de miraculeux bien sûr vu la sévérité de la situation ici.
Antiviral
Je termine avec une propriété qui me semble décidément bien intéressante par les temps qui courent. C'est une propriété antivirale. Je vous donne une citation du docteur Lorrain à son sujet, qui en parle dans le contexte d'un extrait standardisé. Il nous dit :
"L'extrait standardisé de plante fraîche de noix de cyprès est plébiscité par les prescripteurs autant que par les patients, au point que celui-ci est devenu l'antiviral polyvalent de référence dans la pratique médicale courante."
Là encore, une citation claire et nette, sans demi-mesure, construite sur l'expérience pratique, comme on aime. Et donc le docteur Lorrain recommande cette plante pour les infections de la sphère ORL et de l'arbre respiratoire, entre autres choses.
Cyprès toujours vert : formes et quantités
Voici les formes les plus utilisées :
- Décoction des galbules (cônes) concassées : 20 à 30 g par litre d'eau, faire bouillir 10 à 15 minutes, filtrer et prendre 1 tasse 2 à 3 fois par jour, voire plus si besoin (Lorrain).
- Teinture ou extrait fluide 30 à 60 gouttes avant chacun des 2 repas (Leclerc)
- Si vous habitez en France (produit de laboratoire) : Extrait de Plante fraîche Standardisée (EPS) : 5 ml 1 à 2 fois par jour dans un verre d'eau en entretien, 2 à 3 fois plus en cas d'infection virale aiguë (Lorrain)
Pour la récolte des noix, Thierry Thévenin nous explique qu'elle se fait en général à la fin de l'hiver lorsqu'elles sont vertes et que les écailles sont encore soudées. Elles sèchent facilement et se conservent pendant 2 ans sans problème. Et je vous dirais que j'ai aussi parfois ramassé ces noix au besoin, alors qu'elles étaient déjà ouvertes sur l'arbre, et d'un point de vue goût, les préparations m'ont semblé tout à fait satisfaisantes.
Cyprès toujours vert : précautions
Pour les précautions, cela va en fait dépendre des ouvrages que vous consultez. Certains vous diront aucunes précautions connues. D'autres vont vous en donner une liste. Voici ce que vous pourrez trouver :
- Le cyprès toujours vert est déconseillé chez la femme enceinte et allaitante ;
- Il est déconseillé en usage prolongé, donc plutôt faire sous forme de cure ;
- Vu que la plante contient probablement des constituants phytoestrogéniques, il y a une mise en garde qui est devenue classique sur le fait que ces substances sont contrindiquées si passé de cancer hormonodépendant, une très grossière simplification du rôle des phytoestrogènes qui sont en fait modulateurs des récepteurs, et pas simplement stimulateurs. Mais le sujet est complexe, et donc je vais en rester sur cette contrindication classique car je n'aurai pas le temps de développer.
Je finis par une petite anecdote. Vous savez peut-être qu'on plantait des cyprès dans les cimetières, et donc dans la tradition, il a été associé dans les consciences collectives au processus funéraire. Plus trop aujourd'hui, mais à l'époque de Leclerc, c'était le cas. Donc Leclerc recommande de ne pas appeler ce remède avec son nom français mais avec son nom latin histoire de ne pas réveiller certaines superstitions. Donc peut-être parler de "cupressus sempervirens conis" plutôt que de "cônes de cyprès". Ca fait définitivement plus savant.
Portez-vous bien et je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode.