Pour traiter un eczéma atopique, il faut d'abord traiter la sphère digestive. Nous savons aujourd'hui que des réactivités alimentaires (protéines céréalières et protéines des laitages par exemple) créent un phénomène d'intestin poreux, laissant passer des peptides non-digérés qui deviennent allergènes.
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Intolérance au gluten
L'intolérance au gluten
Phénomène médiatique ou réalité ?
On parle de plus en plus de l'intolérance au gluten : dans les magazines de cuisine avec les fiches spéciales "sans gluten", au journal de 20h, au club de sport. « Tu as mal au genou ? Enlève le gluten, ça te fera du bien ».
D'un autre coté, beaucoup se rebellent contre une nouvelle interdiction. « Tout est mauvais, on ne peut plus rien manger ». Qui n'est jamais rentré dans une boulangerie au feu de bois au petit matin, assailli par les bonnes odeurs de pains et de croissants qui dorent gentiment au four, avec l'envie d'acheter la moitié du magasin ? Se priver de ce plaisir là, dans un pays où l'attachement au pain est autant émotionnel que gustatif ? Pas question certains disent.
Le concept d'intolérance au gluten est-il une nouvelle manipulation des géants de la consommation pour nous faire manger plus de riz ? Que nous dit la science ? Et surtout, que nous dit l'expérience clinique et quels sont les résultats obtenus lorsque l'on demande aux personnes souffrants de certains maux de retirer le gluten de leur alimentation ?
J'ai l'intention de répondre à ces questions dans cet article.
Mon approche, comme toujours, est celui du pragmatique seulement intéressé par les résultats obtenus. Il y a beaucoup de polémique autour du sujet, et les vues extrêmes ne m'intéressent pas. Je garde une feuille de route bien ancrée dans mon expérience clinique de naturopathe. Si l'outil fonctionne, je l'intègre bien volontiers dans mes protocoles.
Le gluten
80% du système immunitaire est localisé autour de l'intestin. La raison est logique : l'intestin est la porte d'entrée principale du corps humain. C'est donc là où l'on scrute tout ce qui rentre afin de laisser passer le nutritif et de bloquer et neutraliser les attaquants. Ces attaquants sont identifiés par leurs protéines. Les protéines contiennent les informations nécessaires au système immunitaire pour identifier un intrus. Elles sont un peu la carte d'identité du porteur.
Dès qu'il y a une réactivité immunitaire à un aliment, c'est donc au travers de ces protéines que le processus inflammatoire va être déclenché. Le gluten est le complexe de protéines principal des céréales telles le blé (froment inclus), l'orge, le seigle et l'épeautre. Le gluten comprend la gliadine et la gluténine, ses deux protéines élémentaires.
Pourquoi le système immunitaire réagit-il à une protéine alimentaire qui ne représente aucune menace pour notre système ? On pense aujourd'hui que certaines protéines mal digérées (car nous n'avons pas les bonnes enzymes pour les digérer) sont confondues avec des protéines de bactéries, virus et autres pathogènes.
Dans le reste de la discussion, je garde le terme "gluten" pour représenter l'une des parties problématiques des céréales. Par contre, nous aurions tort de nous cantonner seulement au gluten. Le docteur Jean Seignalet(2) nous a montré que toutes les céréales, en particulier celles pour lesquelles l'ADN a beaucoup évolué au cours des derniers millénaires, contiennent des protéines problématiques qui ne sont pas forcément du gluten. Le maïs par exemple contient de la zéine.
Petit historique
Avant d'aborder l'intolérance au gluten et son impact sur la santé, voyons comment le mouvement du "sans gluten" est apparu au cours des dernières décennies.
Le régime paléo
Le concept d'élimination des céréales et du gluten a démarré dans le mouvement "paléolitique" ou "ancestral". Ce mouvement fut créé dans le milieu des années 70 par un gastroentérologue dénommé Walter Voegtlin(1), qui postule ceci : l'être humain s'est développé sur un régime fait de viandes et poissons (chasseurs) et de fruits, fruits à coque, légumes et oeufs (cueilleurs-ramasseurs). C'est sur ces millénaires de vie primitive que notre ADN s'est développé et que nos enzymes digestives ont évoluées.
Puis dans un passé très récent, nous avons vécu l'introduction des céréales. Le mot "récent" est bien évidemment relatif à la période de référence. L'ère paléolitique se termina il y a 20,000 ans. Notre ADN n'a, d'après certains experts, quasiment pas évolué depuis cette période.
Le mouvement paléo postule que notre système digestif n'a pas eu le temps de s'adapter aux protéines des céréales. Ces protéines ne sont que partiellement digérées. Ceci crée des inflammations et des réactivités immunitaires qui peuvent au long terme mener à des pathologies dégénératives et chroniques.
Le mouvement paléo a bien sûr de nombreux détracteurs, le mouvement végétarien par exemple, ou le mouvement macrobiotique pour lequel les céréales occupent une place importante.
Personnellement, ayant étudié les différents mouvements afin de voir comment adapter la nutrition aux problèmes de mes clients, le mouvement paléo est celui que je trouve le plus logique. C'est le seul qui, je pense, nous permet de prendre du recul sur nos origines et notre évolution, et apporte un programme qui semble adapté à qui nous sommes.
Jean Seignalet
Je me dois de consacrer un chapitre au défunt Jean Seignalet. Car quoi qu'en disent ses critiques, il a laissé un travail colossal, reposant sur des bases scientifiques et validé sur des centaines de patients. Ses résultats furent impressionnants. Il étend les problèmes d'intolérance au gluten à toutes les protéines céréalières.
Le régime Seignalet est un régime ancestral sans céréales ni produits laitiers (avec quelques exceptions que je ne décrirai pas ici), avec une cuisson à basse température des aliments.
Son ouvrage de référence, "L'alimentation ou la 3ème médecine", contient un récit méticuleux de ses recherches, et surtout de ses résultats. Car comme je l'ai dit, je suis un pragmatique, et ce sont les résultats qui m'intéressent. Je cite ici quelques chiffres intéressants(2):
Polyarthrite rhumatoïde (297 patients suivant le régime Seignalet pendant au moins 1 an) :
- 131 patients : rémission complète
- 104 patients : amélioration forte autour de 90%
- 6 patients : réponse partielle avec amélioration clinique autour de 50%
- 56 patients : aucun effet positif
Quasiment 80% des patients de Seignalet ont donc répondu très franchement à son régime.
Spondylarthrite ankylosante (122 patients suivant le régime Seignalet pendant au moins 1 an) :
- 116 patients, soit 95% répondent favorablement au régime
- 76 patients : rémission complète avec arrêt des médicaments
- 40 patients : amélioration forte autour de 90% avec médicaments pris à très faibles doses
La liste des pathologies avec lesquelles il a travaillé est longue, et les résultats restent encourageants du début à la fin du livre, avec quelques exceptions.
Sensibilité et intolérance au gluten - même chose?
Vous trouverez aujourd'hui deux termes utilisés d'une manière de plus en plus distincte pour décrire les réactivités au gluten :
- L'intolérance au gluten
- La sensibilité au gluten
L'intolérance au gluten est relativement bien définie, c'est une pathologie qui a un nom : la maladie cœliaque. Le gluten libère la gliadine dans l'intestin, et celle-ci pénètre dans la paroi intestinale et provoque une réaction inflammatoire aigüe qui entraîne la destruction des villosités intestinales.
Les effets de l'intolérance au gluten sont néfastes, avec une impossibilité d'absorber certains nutriments car la paroi intestinale perd sa fonction. D'autres composants par contre, des fragments de protéines (peptides) non digérés, vont pouvoir pénétrer la paroi endommagée et poreuse, passer en circulation sanguine et créer une réaction immunitaire généralisée. Ceci va enchaîner sur une réaction auto-immune. Il y a aussi un impact neurologique.
Une prédisposition génétique fait que certaines personnes sont plus susceptibles à la maladie cœliaque que d'autres. On estime que dans les pays d'Europe, la prévalence de la maladie varie entre 0,25% et 1% de la population(3). Nous savons par contre grâce à des études américaines que les taux sont en train de monter d'une manière considérable(4).
La deuxième réactivité (la sensibilité au gluten) est beaucoup plus subtile et a été longtemps ignorée par la communauté médicale. Les cellules intestinales de la personne exhibent une inflammation chronique et de bas niveau, sans destruction de la paroi intestinale. La paroi est enflammée, mais toujours fonctionnelle, parfois poreuse mais pas dans tous les cas.
Cette condition est maintenant reconnue. Une étude récente(5) suggère l'établissement d'une nouvelle classification clinique bien distincte de la maladie cœliaque. L'étude démontre que les personnes non-cœliaques qui souffrent de sensibilité au gluten (blé dans l'étude) souffrent aussi d'anémie, de perte de poids, d'atopie (prédisposition au développement d'allergies en tout genre - eczéma, rhinite, asthme, etc), et d'allergies nutritionnelles durant l'enfance. Cette nouvelle condition clinique est confirmée par d'autres études(6).
L'avantage de la maladie cœliaque (si je peux me permettre d'utiliser ce terme) est le suivant : elle est rapidement déclarée et diagnostiquée. Une fois le diagnostic fait, la personne retire le gluten de son alimentation et la condition s'améliore puis disparaît.
Pour la sensibilité, les choses sont bien différentes. Les gens vivent avec car l'inflammation est moins aigüe, elle s'installe d'une manière chronique et de bas niveau. Elle entraîne une multitude d'autres symptômes qui se perdent dans le bruit de la vie quotidienne. J'en fournis une liste dans le chapitre suivant.
Sensibilité et intolérance au gluten - symptômes
Les deux conditions (intolérance au gluten, c'est-à-dire maladie cœliaque et sensibilité au gluten) ont une grande partie de leur symptômes en commun :
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Une personne peut avoir un, deux, trois de ces symptômes, parfois plus. Comme je l'ai dit auparavant, dans le cas de la maladie cœliaque, les choses sont claires. La condition peut être diagnostiquée avec des outils définis. Mais pour une réactivité non-cœliaque, les choses ne sont pas aussi claires que cela. La personne vit avec ces symptômes, qui sont moins aigus que pour une cœliaque, mais tout aussi épuisants et débilitants au long terme.
De plus, une personne peut avoir des symptômes divers sans pour autant avoir de problèmes intestinaux. Une personne peut avoir une ataxie par exemple (manque de coordination des mouvements, manque d'équilibre) sans pour autant avoir des ballonnements et des crampes intestinales. Dans une étude faite sur 68 personnes souffrant d'ataxie due à une sensibilité au gluten, seulement 13% exhibent des symptômes gastro-intestinaux.
Il faut donc être sur ses gardes, car beaucoup de problèmes considérés comme communs ou courants peuvent tomber dans la catégorie de la sensibilité ou l'intolérance au gluten.
Sensibilité et intolérance au gluten - diagnostic
En ce qui concerne l'intolérance au gluten (cœliaque), plusieurs tests peuvent être effectués. Le diagnostic est beaucoup plus simple à effectuer lorsque les manifestations intestinales sont présentes.
- Présence sanguine d'anticorps spécifiques. Ce test mesure les taux sanguins d'immunoglobuline A anti-transaminase. Chez le sujet qui présente des symptômes intestinaux, le taux de certitude de ce test est de quasiment 100%, donc extrêmement fiable.
- Biopsie intestinale. Même si les tests sanguins s'avèrent révélateurs, la biopsie est toujours considérée nécessaire pour confirmer le diagnostic.
En ce qui concerne la sensibilité au gluten, aucun test standard et reconnu n'existe aujourd'hui hélas. On commence à voir apparaître aux Etats-Unis certains tests comme les mesures sanguines et fécales d'IgA anti-gliadine.
La présence de ces anticorps dans le sang signifie que la gliadine a pénétré la paroi intestinale entraînant une réactivité du système immunitaire. Mais avant de pénétrer dans le sang, la gliadine réside dans l'intestin où le système immunitaire peut réagir là aussi, c'est pour cela que les mesures fécales sont considérées plus précises. S'il n'y a pas encore porosité de la paroi intestinale, le test fécal est plus révélateur et le test sanguin ne donnera pas grand chose.
D'après la société Enterolab, un des pionniers dans ce type de test sanguin et fécal, 29% des Américains en bonne santé ont une sensibilité au gluten d'après les analyses fécales, ce qui représente une énorme proportion.
Mais vu qu'il n'y a pas encore de test accepté, il faut retourner à une approche pratique...
Sensibilité et intolérance au gluten - en pratique
La liste des symptômes attribués à une éventuelle sensibilité au gluten est grandissante. Afin de vérifier si le gluten est impliqué dans ces symptômes, j'utilise une méthode simple qui est la suivante :
Si vous suspectez qu'il y a plusieurs signes pointant vers une sensibilité au gluten possible, essayez la stratégie suivante :
- Elimination totale de tout produit à base de céréales pendant 1 mois (pain, biscuits, pâtes, pizza, quiches, gâteaux, biscottes, etc).
- Il vaudra remplacer ces produits à base de céréales par d'autres produits qui ne sont pas problématiques. Ceci n'a pas besoin d'être compliqué ou coûteux. Pour une liste de boutiques fournissant des produits sans gluten et pour avoir une idée des prix, voir l'article du blog JeMangeJeMincis ici.
- Si les résultats sont positifs au bout d'un mois
- Réintroduisez les produits à base de céréales pendant une semaine. Si les symptômes reviennent, nous avons la confirmation d'une sensibilité au gluten.
- Etablissez ensuite un programme nutritionnel qui soit acceptable pour le long terme avec élimination totale des céréales. Les déviations occasionnelles de cette feuille de route sont humaines, sachant qu'il y aura un petit prix à payer en terme de retour des symptômes.
- Si les résultats ne sont pas concluants
- Ré-introduisez les céréales et considérons une autre approche.
J'aimerais rajouter :
- Le retrait de toutes céréales n'est pas si difficile que cela. Je l'ai fait moi-même, en prévention, avec certains écarts de temps en temps que je considère humains. Mais le reste du temps, les plats que je prépare sont à la fois nutritifs et gustatifs.
- Le retrait des céréales n'entraîne aucune carence alimentaire. Les céréales contiennent certaines vitamines et minéraux qui se trouvent dans des taux beaucoup plus concentrés dans d'autres groupes d'aliments. De plus, le retrait de la partie féculent des céréales (l'amidon) est pour moi très positive car les féculents participent grandement au développement des syndromes métaboliques et des diabètes non-insulino dépendants.
Seignalet, en tant que pionnier, nous a ouvert la voie sur l'intolérance au gluten. A nous d'appliquer et de personnaliser ses méthodes, car le régime Seignalet strict est relativement compliqué à mettre en place, alors qu'un "Seignalet partiel" peut, d'après moi, apporter d'excellents résultats lorsque implémenté d'une manière intelligente.
Références pour "intolérance au gluten"
(1) Voegtlin, Walter L. "The stone age diet: Based on in-depth studies of human ecology and the diet of man", 1975
(2) Seignalet, Jean, "L'alimentation ou la 3ème médecine", 2012 (édition revue et augmentée)
(3) Fasano, Alessio, "Genetics and Epidemiology of Celiac Disease", Mucosal Bilology Research Center and Center for Celiac Research University of Maryland, School of Medicine
(4) Catassi C, Kryszak D, Bhatti B, Sturgeon C, Helzlsouer K, Clipp SL, Gelfond D, Puppa E, Sferruzza A, Fasano A. "Natural history of celiac disease autoimmunity in a USA cohort followed since 1974." Ann Med. 2010 Oct;42(7):530-8.
(5) Carroccio A, Mansueto P, Iacono G, Soresi M, D'Alcamo A, Cavataio F, Brusca I, Florena AM, Ambrosiano G, Seidita A, Pirrone G, Rini GB. "Non-Celiac Wheat Sensitivity Diagnosed by Double-Blind Placebo-Controlled Challenge: Exploring a New Clinical Entity." Am J Gastroenterol. 2012 Jul 24. doi: 10.1038/ajg.2012.236.
(6) Biesiekierski JR, Newnham ED, Irving PM, Barrett JS, Haines M, Doecke JD, Shepherd SJ, Muir JG, Gibson PR. "Gluten causes gastrointestinal symptoms in subjects without celiac disease: a double-blind randomized placebo-controlled trial." Am J Gastroenterol. 2011 Mar;106(3):508-14.
(7) Kenneth Fine, Enterolab, "Early Diagnosis Of Gluten Sensitivity: Before the Villi are Gone", Juin 2003.