Extrait du « Traité Pratique et Raisonné des Plantes Médicinales Indigènes » de F.-J. CAZIN, 1868
Agaric Blanc
Boletus laricis
Agaricus, sive fungus larycis. Bauh., Tourn. — Boletus purgans.
Polyporus officinalis. Fries.
Agaric du mélèse,— bolet du mélèse,— agaric purgatif.
Champignons. Fam. nat. — Cryptogamie. — Champignons. L.
Description. — Ce végétal parasite croît sur le mélèse qui a acquis toute sa croissance ou déjà vieux, sous forme de masses grosses comme le poing et plus, irrégulières, d'un blanc jaunâtre, d'un tissu spongieux recouvert d'une couche grise, épaisse, compacte, marquée de zones de diverses couleurs. Il est assez commun dans le forêts de la Savoie, du Dauphiné et de la Provence.
Récolte. — On le récolte lorsqu'il commence à se fendre, ce qui n'a guère lieu qu'au bout d'une année. On détache la peau extérieure, ou écorce. On expose l'intérieur au soleil pendant quelques semaines pour le dessécher et le blanchir ; on le frappe ensuite avec des maillets pour faire disparaître les fentes, serrer le tissu et le rendre uniforme.
L'agaric bien choisi est blanc, léger, homogène, friable, inodore. Si l'on en jette des fragments sur les charbons, ils s'enflamment et laissent peu de cendres. Quand on le pile, il excite la toux, des nausées, l'éternuement et de l'irritation aux yeux.
Propriétés physiques et chimiques. — L'agaric blanc, d'une saveur d'abord fade et amarescente, puis amère, âcre et nauséabonde, contient, d'après Braconnot, 0.72 d'une résine particulière, 0.26 d'une matière fongueuse, et 0.2 d'un extrait amer. Cette substance est quelquefois employée pour teindre la soie en noir. [C'est la résine qui est le principe actif, elle est soluble dans l'alcool, l'éther, les huiles fixes et volatiles, les alcalis, et insoluble dans l'eau.]
PREPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES
- Infusion aqueuse, comme purgatif, 1 à 4 gr. sur 300 gr. d'eau.
- Infusion vineuse (Cartheuser), l à 4 gr.
- Poudre, 50 centigr. à 2 gr.
- Comme altérant (dans les sueurs des phthisiques), 5 à 50 centigr.
On associe souvent l'agaric à des substances aromatiques. Les trochisques d'agaric de Mesué (mélange de poudre d'agaric blanc et d'une infusion de gingembre dans le vin blanc) étaient employés dans tous les cas où les drastiques sont indiqués, et notamment dans les hydropisies, à la dose de 40 centigr. à 2 gr. L'ancien Dispensaire de Paris donnait encore une lormule de trochisques d'agaric, dans lesquels on faisait entrer par 124 gr. d'agaric, l'infusion de 2 gr. de gingembre dans 62 gr. d'eau de cannelle.
L'agaric blanc entre dans la thériaque et plusieurs autres préparations officinales anciennes.
(L'agaric blanc en poudre a quelquefois été mêlé de carbonate de chaux. Il fait alors effervescence avec les acides.)
L'agaric blanc est un purgatif drastique presque abandonné de nos jours. Il était employé par les anciens, non-seulement comme évacuant, mais encore à dose modérée comme altérant dans diverses affections, et notamment dans les céphalalgies violentes, les vertiges, les maladies soporeuses, la paralysie, l'asthme humide, la goutte, la fièvre quarte. Dioscoride et Galien le regardaient comme vulnéraire, fébrifuge, alexétère, et le croyaient propre à guérir aussi la dysenterie, la chlorose, la cachexie, l'hystérie et même l'épilepsie. Comme purgatif, ce médicament agit d'une manière incertaine, et produit, dit-on, de vives douleurs intestinales, souvent des nausées et des vomissements. Je ne l'ai jamais employé, attendu que je n'ai jamais manqué de purgatifs plus doux, plus sûrs et surtout moins dangereux. Les vétérinaires en font usage ; Huzard le recommandait dans les affections catharrales, dans la dysurie, et surtout dans l'espèce de coma appelée immobilité. Les habitants des montagnes du Piémont prennent l'agaric blanc dans du lait, comme éméto-calhartique, contre la plupart des maladies, sans distinction. Associé au poivre, ils le considèrent comme un moyen infaillible de dissiper les accidents qui surviennent aux hommes et aux animaux qui ont avalé la petite sangsue des Alpes.
L'agaric blanc , au rapport de Pallas, est employé dans plusieurs contrées de la Russie comme émétique dans les fièvres intermittentes, et comme révulsif dans la leucorrhée. De Haen, Berbut(1), Burdach, Andral(2), Max Simon(3), Rayer, Guérard, ont eu à se louer de l'emploi de l'agaric blanc contre les sueurs des phthisiques. Philippe(4) l'a administré avec avantage à la dose de 50 centigr. dans 15 gr. de sirop diacode. Hufeland le prescrit en pareil cas à la dose de 50 centigr. à 1 gr. par jour. Je l'ai moi-même employé avec succès quand les sueurs n'étaient pas accompagnées de diarrhée. Cependant, Quarin(5) assure que ce médicament n'a jamais produit aucun effet salutaire aux phthisiques auxquels il l'a administré, et qu'il a paru au contraire augmenter l'oppression pectorale. De nombreux faits combattent cette assertion. Toutefois, l'agaric doit être employé avec discernement. Bisson(6) conclut, d'une série d'observations cliniques exposées avec détail :
- que l'agaric blanc peut être employé avantageusement contre les sueurs nocturnes des phthisiques ;
- qu'à la dose de 20, 30 ou 50 centigr., administré pendant quelques jours, il fait ordinairement disparaître les sueurs, lorsque les malades n'ont pas de diarrhée ;
- qu'aux mêmes doses et combiné avec l'extrait gommeux d'opium ou le sirop diacode, il peut être également employé avec avantage, dans le même but, chez les phthisiques atteints de sueurs et de diarrhées passagères ;
- que dans la phthisie, lorsque le dévoiement d'abord passager devient continu, malgré les opiacés, l'agaric cesse d'être utile ;
- qu'il aggrave les diarrhées rebelles à l'opium, et ne doit pas être employé chez les phthisiques dans de semblables conditions ;
- enfin, que, lorsqu'il fait cesser les sueurs, il rend le sommeil plus calme, prévient ou ralentit l'épuisement, et rend ainsi plus lents les progrès du mal, en faisant cesser un des symptômes les plus graves et les plus alarmants.
(Je pense que Bisson n'a pas suffisamment indiqué dans quelles formes de phthisie il avait eu à se louer de l'usage de l'agaric. Après un long séjour dans les hôpitaux de Paris, où les tuberculeux abondent, et dans une ville de province où ils sont nombreux, j'ai pu me convaincre, à l'exemple de mon cher maître le docteur Delpech, que les sueurs morbides de certains phymiques devaient être respectées. Il existe, en effet, une bascule entre trois symptômes saillants de cette affection. Supprimez la sueur, la diarrhée ou l'hypersécrétion de la muqueuse pulmonaire reparaîtront, et vice versa. Ces phénomènes se suppléent et se remplacent. Le cas particulier observé avec soin pourra seul décider de la conduite à tenir. J'ai employé l'agaric chez un malade à la dose de 40 centigr. par jour. Au bout de quatre jours, le ventre commença à devenir douloureux; il augmenta de volume ; je cessai. L'irritation du drastique avait été assez vive, cependant, pour réveiller, du côté des intestins, une manifestation tuberculeuse latente, qui, sans cela, n'aurait peut-être pas éclaté.)
(1) Journal de médecine, t. XLVII.
(2) Journal de pharmacie, t. XX.
(3) Bulletin de thérapeutique, 1834.
(4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. IV.
(5) Animad. pract. in divers, morb.
(6) Mémoire sur l'emploi de l'agaric blanc contre les sueurs dans la phthisie pulmonaire. Paris, 1832.
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