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Florent, Adrien, salut, merci de m’accueillir dans votre Ferme de Perdicus ici à Villeperdrix, dans les Baronies Provençales, vous êtes producteur de plantes aromatiques et médicinales, d’olives, de fruits et légumes, 10 hectares de production en bio, on s’ennuie pas ?
On n’a pas le temps.
On n’a pas le temps de s’ennuyer. J’ai eu la chance de rencontrer Florent il y a quelques mois, où j’ai suivi une de tes formations d’une journée à Nyons sur les encens. Et j’adorais ça, et donc je me suis dit, je vais venir leur rendre visite dans leur fief, alors natal pour toi, vu que tu n’es pas ici.
C’est ça, je suis né ici, j’ai grandi là, et je suis allé rouler ma bosse ailleurs, mais je suis revenu depuis qu’on a repris la ferme de mes parents. Et ça manquait. Il suffit de revenir pour voir que du coup, on est quand même plutôt pas mal.
On est plutôt lié à sa terre. Et puis mettre les mains justement dans les productions, les fabrications, les transformations.
Prendre la suite et diversifier.
Oui. Aussi. Aussi. Par rapport à ce qu’a fait toi ton papa… C’est ton papa qui a amené la ferme.
C’est mon papa qui a pris la suite de mes grands-parents. Et puis… Et puis voilà.

En tout cas, ce qui nous amène aujourd’hui ici, c’est la discussion autour des encens naturels, c’est un monde que je connais parce que j’adore les encens, parce que j’en brûle depuis maintenant bien longtemps et ça m’emmène dans tout un tas de sphères et de lieux et d’états émotionnels. Et donc, après avoir suivi la journée avec toi, Florent, j’ai trouvé le sujet absolument fabuleux, le sujet de la fabrication. C’est de ça dont on va parler aujourd’hui. Et on va commencer d’abord avec la naissance peut-être de toi, Adrien, de ton amour des encens. Et je pense que ça commence avec le tonton Denis et sa ciergerie artisanale. Tu nous racontes un petit peu l’histoire ?
C’est quelqu’un qui, du coup, était à la base dans la marine marchande. Absolument rien à voir. Et qu’en fait, il a décidé de s’arrêter et il fallait qu’il trouve un nouveau travail. Il a trouvé une ciergerie sur Marseille. Donc il a appris la fabrication des bougies. Il vendait des articles religieux par l’intermédiaire de la ciergerie. Et en fait, en roulant sa bosse aussi, en croisant différentes personnes qui étaient dans ce milieu-là, il a croisé quelqu’un qui bossait pour une autre entreprise et qui lui a proposé de lui apprendre la fabrication de 4 ou 5 références de mélanges d’encens, des petites recettes, qui étaient utilisées du coup dans les églises.
Il a dit pourquoi pas, ils ont essayé de créer une entreprise, ça n’a pas marché, mais l’idée est restée. Et donc du coup, il avait toujours sa petite ciergerie et avec le temps, il a découvert un fournisseur il a essayé de refaire les recettes qu’il avait trouvées chez ce fournisseur, et au fil du temps, avec les essais, il a réussi à étendre la gamme à une trentaine de recettes différentes, avec des recettes qui étaient dédiées à différentes cérémonies religieuses.
Donc tout ça, c’est très codé, quand tu parles de référence, c’est que chaque…
Quand je dis référence, c’est une recette pour une cérémonie religieuse.
Ouais, d’accord, d’accord.
Et donc, il m’a proposé, en prenant une partie… il prend sa retraite en petits morceaux, on va dire, parce qu’il a gardé les bougies, mais il a décidé de vendre la partie encens, son entreprise, et il m’a proposé de me former. Pour moi, c’était une suite logique. Après ma formation au CFPP à Nyons, qui était dans la culture de plantes aromatiques, médicinales et à parfum, donc c’était continuer à apprendre la parfumerie. Donc moi, je me suis dit, je continue à apprendre, ça me va très bien, et puis je vais bosser pour une entreprise qui est à l’autre bout de la France. Ça me fait découvrir du paysage. Il m’a formé et je suis parti pour Toulouse où j’ai travaillé pour une grosse entreprise de produits religieux. Et me voilà parti et j’ai appris les encens. Et puis le but c’était aussi de développer la gamme. Donc il y avait un côté création qui était intéressant.
Il y a une petite histoire où tu te retrouves sur un salon religieux à Paris, je crois savoir. Tu débarques là-bas en costard-cravate, représentant de la société pour aller vendre des encens et tu fais quelques rencontres intéressantes apparemment.
C’était un peu, c’était très exotique pour moi, c’est que déjà mettre un costard, ça ne m’était jamais arrivé de ma vie. Me retrouver à Paris, je crois que c’était la deuxième fois que j’y allais. Donc j’y suis allé pour représenter la partie ensemble de l’entreprise, en fait. On était trois. Et… Salon religieux, donc en fait, c’est que des gens que j’ai pas du tout l’habitude de voir. Et puis là, le silence se fait à un moment et il y a une mère supérieure qui passe. Enfin, c’était la mère supérieure avec toute sa congrégation derrière et qui était… Enfin voilà, qui suivait le… Qui suivait… C’était un cortège assez étonnant. Le silence se fait et puis elle vient regarder, nous poser quelques questions. Voilà, c’était plutôt… Plutôt étonnant, impressionnant. Mais c’était bienveillant, c’était plutôt… Voilà, ça reste un bon souvenir.
Et ça commence à t’ouvrir des opportunités, on commence à te faire des propositions d’emploi ?
Des propositions d’emploi, j’en ai eu plusieurs, parce que du coup, des ateliers d’encens, il y en a peu. C’est un savoir qui est quand même réservé à très peu de personnes. Et du coup, petite histoire toujours dans le même salon, je n’ai pas le droit de vendre mes ensembles parce qu’on est là pour présenter nos produits. Donc du coup, il y a des gens qui sont là, qui sont là peu de temps, qui doivent repartir. Il faut que j’ai cette nouvelle référence et tout. Combien vous me le vendez ? Je ne peux pas. Je ne peux pas vous vendre la référence. Et à force de questions, ça a fini par me stresser. Et il y a un monsieur qui passe, qui était pour moi un gendarme, parce qu’il était habillé en bleu avec des étoiles. Et en fait, il vient pour me poser des questions. Je lui dis écoute, là, il faut que j’aille fumer une clope. Tu viens, on va dehors.
C’est pas le gendarme.
Pas du tout. On discute. Et en fait, c’était le sacristain général de Notre-Dame de Paris. Et voilà, on discute. Lui, il avait envie qu’on développe des ensembles pour pouvoir avoir un ensemble spécial pour Notre-Dame. Et on a échangé nos numéros et on a commencé à communiquer sur ce thème-là. Et en fait, avec le temps, on a fini par trouver une recette qui lui convenait et qu’il utilisait dans certaines cérémonies parce qu’il utilisait déjà d’autres recettes pour les différentes cérémonies qu’il y avait à Notre-Dame. Et voilà, c’est créé une amitié. Et le but, c’était de décrocher un contrat. Et là, j’avais trouvé un contrat super intéressant pour moi. Ça m’a permis de rentrer dans les coulisses de Notre-Dame. ce qui n’était absolument pas concevable pour moi juste avant. Et voilà, contrat très intéressant.
En termes de matières premières, comment ça se passe ? Où est-ce que vous faites l’acquisition des matières premières ? Les fournisseurs ? C’est une fabrication très traditionnelle je suppose ?
Alors il y a différents fournisseurs, mais principalement c’est un fournisseur qui a des plantations en Afrique et qui après a des partenariats avec les populations locales. il y a des plantations de gommes arabiques qui ne sont pas liées à l’encens. Mais il y a des partenariats et des plantations de boites où il y a aussi. Et en fait, des partenariats avec les populations locales. Le but, c’est d’essayer de les faire, entre guillemets, survivre parce que c’est compliqué pour elles là-bas. La tension entre les différentes communautés, elle est présente un peu en permanence. Il y a des guerres civiles. Donc on a un fournisseur principal et du coup, deux, trois autres fournisseurs, notamment des Grecs, qui nous permettent d’avoir d’autres références qui sont les encens grecs, qui sont faits à partir de résines qui viennent d’Afrique mais qui du coup sont travaillées en Grèce. Donc un fournisseur qui rassemble un petit peu toutes les résines, tout ça pour dire qu’en fait le matériel de base qui est utilisé dans les églises et dans les lieux de culte, ça reste des résines.
Les résines restent l’une des matières premières, principales et probablement celle qui est la plus compliquée à acquérir aujourd’hui dans ce…
Dans le contexte mondial, c’est vraiment très compliqué.
Alors toi Florent, de ton côté, tu as un parcours d’écologue, gestion de la biodiversité. Tu as été chargé de la conservation, de la restauration de l’herbier Bonaparte. Alors, je me suis noté quand même pas Napoléon.
Oui, c’est pas Napoléon.
Mais Roland Bonaparte, petit neveu de Napoléon Ier, 760 000 planches botaniques.
Oui, c’est l’une des plus grandes collections amassées par un particulier au monde. Et c’est quelqu’un qui avait par ailleurs tout un tas de défauts. Mais du coup, il avait quand même le mérite d’être une personne qui s’intéressait aux sciences. Il a construit une espèce de… de templedédié aux sciences, voilà. Il a beaucoup bossé sur les glaciers et beaucoup bossé sur la botanique. Et donc du coup, son objectif, c’était d’avoir un herbier ethnobotanique, et donc il cherchait les plantes à usage partout dans le monde. Et c’était encore l’époque des colonies, donc il y avait un petit peu des émissaires coloniaux partout qui pouvaient fournir le matériel. Et du coup voilà, 4,5 millions de spécimens, plus de 760 000 planches. Donc j’ai eu la chance de bosser là-dessus, c’était l’un de mes rêves, de bosser à l’herbier de la fac des sciences de Lyon, quand j’étais étudiant. Et j’ai eu cette chance-là, avant d’atterrir ici.
Et tu faisais quoi ? C’était la numérisation de l’herbier ?
Ouais, je collectais des données, parce qu’en fait il fallait ouvrir les classeurs, donc faut imaginer comme une espèce d’immense bibliothèque construite sur mesure pour les planches d’herbier sur des formats A3, donc c’est des plantes séchées qui ont parfois plus de 300 ans et elles peuvent avoir été mangées par des blattes, des papillons et tout ça. Donc il faut ouvrir chaque boîte, regarder chaque planche, faire la restauration et ensuite les envoyer sur un banc numérique où il y a des opérateurs qui font des manipulations pour que ça soit pris en photo et numérisé et de manière très fine pour que des chercheurs à l’autre bout du monde n’aient plus besoin de venir en France et simplement en zoomant sur l’ordinateur puissent aller voir le détail d’un poil sur la plante ou une vésicule.
C’est accessible en public aujourd’hui, on peut aller le voir.
Sur le Recolnat, on peut voir toutes les planches qui ont été numérisées là-bas.
T’es là comme un gamin à ouvrir la prochaine boîte pour voir ce qui t’attend.
Un jeu de piste en plus, l’herbier a été acheminé en train, il y a eu des vols, il a été en partie démembré et donc du coup il y a plein d’informations qu’il faut collecter et c’est une espèce de grosse enquête pour savoir quel numéro correspond à quoi, où sont les échantillons, où est-ce que ça a disparu, pourquoi il faisait comme ça.
C’est génial. C’est extraordinaire. Et toi, ce qui t’amène aux encens, est-ce que c’est tout simplement la rencontre avec Adrien, ou tu avais toi aussi déjà cet intérêt pour les plantes à encens à parfum ?
Je m’y suis intéressé pour les encens bâtonnets il y a déjà assez longtemps, parce que le bouddhisme est quelque chose qui m’a pas mal intéressé, du coup c’est lié aux encents bâtonnets depuis que j’étais ado. Et puis après il y a la rencontre avec Adrien bien sûr, parce que là ça m’a fait découvrir tout un monde des encens résines que je connaissais très peu, et en même temps je suis parti au Canada vivre en forêt pendant quelques semaines, Et du coup, j’ai rencontré des guérisseurs qui m’ont parlé du copal, une des résines qui vient du Mexique, là-bas. Et là, voilà, de fil en aiguille, ça m’a amené à découvrir plus, à me poser des questions et à mener des recherches dessus, quoi.
Ces résines, là, qui ont l’air vieilles comme le monde, je remontais à la présentation que vous avez faite, finalement, brûler des résines, c’est aussi vieux que le feu.
Oui, c’est ce que suppose le CNRS, c’est qu’en fait, les encens sont nés avec le feu. Du moment que les humains ont découvert le feu, ils ont découvert les encens.
Donc on a brûlé probablement des résineux qui ont amené certains types de fumée, certains types de parfums, et ainsi commence une très longue utilisation.
Et puis les résines, elles offrent une texture particulière à la fumée aussi, qui est un peu englobante, qui charge l’air de quelque chose. C’est peut-être pour ça aussi qu’ils se sont orientés là-dessus. On a moins le côté herbes brûlées avec les résines que quand on brûle de la sauge blanche par exemple.
Puis c’est facile à transporter aussi. Ça se conserve longtemps. Il y a des résines que moi j’ai depuis… Donc quand je travaillais pour l’entreprise de produits religieux à Toulouse, c’était jusqu’en 2008. Donc on est maintenant en 2025. Ça n’a pas bougé, en fait.
Stabilité totale, conservation…
C’est vraiment très stable. Donc en fait, tu as quelque chose qui est parfumé, qui va du coup pas du tout s’altérer avec le temps, même au bout de 10, 15, 20 ans. Et du coup, ça te permet d’avoir… l’encens pour ta cérémonie ou ton rituel dans la poche un petit peu quand tu veux.
C’est ça, les petites larmes très compactes qui se sont toujours bien transportées. D’ailleurs, on voyait cette espèce de route des encens au Moyen-Orient où des chameaux, tu disais, transportaient jusqu’à des centaines de kilos qui valaient l’or, à l’époque plus que l’or.
D’abord, ils l’ont fait en bateau, les Égyptiens. Et puis, en fait, apparemment, ces côtes-là sont pas facilement… C’est pas facile de les pratiquer en bateau, contrairement aux côtes méditerranéennes, par exemple. Et du coup, à un moment, ça a basculé avec la domestication des camélidés. Je crois que c’est des dromadaires, du coup, dans le coin, là-bas. Et du coup, ils faisaient des caravanes et ils créaient une véritable route à travers le désert pour cette marchandise de luxe qui finissait jusqu’en Europe, en fait, et dans le nord de l’Europe.
Et nous, on va en parler un petit peu plus tard, les alternatives locales, mais nous, déjà à cette époque-là, il y a cette idée que l’encens d’Orient qui vient de destinations…
Ça vient des terres qui sont liées à la Bible aussi.
Qui sont liées à la Bible, voilà. C’est ça, il y a la symbolique du Moyen-Orient et de…
C’est ce que les romains ont apporté au petit Jésus. Donc il y a ce côté un petit peu symbolique, enfin pas qu’un peu, mais le côté symbolique du coup, et ça rend la chose encore plus… Avec l’expansion du christianisme et la force du christianisme qui augmente au niveau des populations, ça devient quelque chose de vraiment très très symbolique et très cher.
Mais apparemment aussi les communautés d’Europe avant la christianisation utilisaient a priori quand même des résines, notamment dans les conifères. Mais comme tout ça a été un petit peu balayé avec la christianisation, on a en fait très peu de traces là-dessus.
Oui, donc on a probablement une tradition. Et tu nous parlais un peu du Genévrier thurifère d’ailleurs, qui est très connu ici, c’est très local, c’est vraiment… On est ici dans les Baronies, la région de ce Genévrier-là, où a priori on traçait les limites des villes en fonction de l’endroit où se trouvaient les Genévriers pour les inclure un petit peu plus dans les propriétés locales. Donc c’était vu aussi comme quelque chose de forte valeur.
Comme il fallait payer des impôts à des seigneurs ou je ne sais pas trop comment s’organiser, les communes qui avaient du genévrier thurifère pouvaient servir de substitut à l’oliban qui venait de très très loin et donc avait une valeur extrêmement élevée. et donc ils ont fini par tracer les limites des communes en dehors de la topographie, ce qui du coup était basé sur la répartition des genévriers pour s’approprier la ressource en quelque sorte et pouvoir payer les impôts avec.
Il y a cette photo, ça aurait dû être assez droit mais on revient à englober le tour de la forêt des genévriers. Alors on ne va pas faire tout l’historique des encens parce que je pense qu’il nous faudrait des jours et des jours et c’est une histoire absolument captivante et fascinante qui est liée aux religions et à tout un tas d’épisodes de l’histoire. Donc on va plutôt essayer de se placer dans l’ère actuelle. Donc on fabrique toujours des encens aujourd’hui. Pour quel type d’application ? Quels sont les différents marchés aujourd’hui pour l’encens ?
Moi j’ai une deuxième casquette en plus d’être agriculteur, c’est que je travaille toujours pour une entreprise de produits religieux. Quand on s’est installé, on s’est dit peut-être que ce serait intéressant de développer vu qu’en fait il faut qu’on diversifie nos productions, ça pourrait, toi tu as le savoir, ça pourrait être intéressant qu’on s’y repenche, ça pourrait être une manière d’avoir un revenu supplémentaire. Et il s’est trouvé que Tonton Denis, encore lui, m’a dit ben moi je connais, j’ai toujours des contacts, je connais quelqu’un qui a mal au dos, il ne s’est pas bien passé avec son employé, c’est lui qui fait son encens, tu as le savoir, si tu veux je te le présente. Et donc ça fait 7 ans que le partenariat a été créé, et je travaille chez eux régulièrement, et je leur fais leur stock ponctuellement, quand le stock est vide, on m’appelle, on voit ensemble les semaines où il y a besoin que je descende, et je leur refais leur stock.
Mais de matière première ?
De matière première, j’ai remis le tablier fabrication d’encens, et donc du coup, lui, il a ses recettes, qu’il m’a apprises, et donc du coup, voilà, je le refais, ça lui permet de pouvoir avoir un métier de commercial à côté, et du coup, moi je fais la matière première. Donc il y a toujours cette casquette… Et c’était quoi la question ?
Ben les utilisations aujourd’hui que tu les fabriques.
Là ça va de partout. Et là du coup c’est intéressant parce que là j’ai découvert une clientèle différente. Parce que pour moi, quand je travaille sur Toulouse, ça restait très religieux, catholicisme. Et là en fait, comme il y a beaucoup de ventes au Dom Tom, il y a aussi un côté vaudou, il y a un côté regroupement de religions parce qu’il y a un syncrétisme qui est très important là-bas. Et donc, on vend beaucoup aussi pour l’Afrique. On a des gros clients qui sont au Cameroun, on a des gros clients qui sont dans tout ce qui est Afrique noire. Donc en fait, les rituels sont un petit peu différents et les recettes sont totalement différentes. Ça reste de l’ensemble résine, mais on ne va pas chercher la même utilisation ou la même utilité au rituel que ce que je pouvais connaître avant.
Donc c’est basé sur la religion chrétienne, là encore, mais qui a été adaptée localement ?
Adaptée ? C’est basé sur le côté religion chrétienne, mais il y a le côté vaudou, il y a le côté, tout simplement, croyance locale. Donc en fait, je mets vaudou dessus comme nom, mais c’est peut-être pas le cas. C’est peut-être toute une autre religion. Et du coup, c’est utilisé vraiment de la même manière qu’il y a plusieurs centaines ou milliers d’années. Et voilà, l’encens qui est utilisé en résine, plantes, bois, différentes matières, mais qui sert au rituel.
Donc chaque tradition a ses recettes. D’où est-ce que viennent ces recettes ? Comment on bâtit une bibliothèque de recettes ?
Alors, j’en ai pas créé, ou j’en en ai créé avec mon patron actuel, mais c’est… c’est empreint de symbolique. Pour le catholicisme, c’est très représentation des saints et de la personne pour laquelle… de la personne ou du saint pour qui on va prier, ou ce qu’on va rechercher en termes de communication avec le divin. Pour les autres religions, ça reste… ça va plus chercher une action et après on va chercher à travailler sur la symbolique des couleurs, des parfums, pour pouvoir travailler sur le désenvoûtement, sur la protection, c’est des codes qu’on va aller chercher dans les textes religieux.
Voilà. Donc ce sont des recettes très anciennes finalement que vous avez peut-être remis, adaptées au goût du jour parce que les matières premières qui existaient il y a peut-être des siècles ne sont plus nécessairement disponibles donc on remplace avec d’autres résines ou d’autres aromatiques ou d’autres. Il y a un aspect un petit peu d’adapter les recettes aussi aujourd’hui ?
Je pense que, bah oui ça Florent il pourra le dire, il a fait beaucoup de recherches dessus. Puis il y a des choses qui sont introuvables et puis qui sont d’un point de vue éthique aussi introuvables. Je pense à des parties d’animaux qui pouvaient être utilisées et des résines qui sont introuvables parce que les populations ont disparu. Enfin voilà, il y a plein de choses qu’il faut remettre au bout, enfin on a dû remettre au bout du jour.
Alors, On va en revenir aux ingrédients, Florent. Quelles sont les grandes catégories d’ingrédients aujourd’hui qui viennent dans la fabrication d’un ensemble, j’ai envie de dire équilibré, mais il doit y avoir une recette de base qui dit tant de pourcentages de ci, de ça.
En fait ça dépend aussi de la définition qu’on a de l’encens parce que du coup il peut prendre différentes formes entre les résines brutes, les résines brutes qui sont colorées et parfumées auxquelles on peut ajouter des plantes, des poudres de bois et tout ça, des poudres fumigatoires où il y aura des résines broyées et là effectivement il faut une certaine quantité de résine avec les autres plantes qu’on va additionner, puisque derrière si on veut faire du modelage, si on veut en faire des cônes, si on veut le modeler sur des noyaux de bambou, pour avoir des encens comme il est brûlé dans le bouddhisme par exemple, ou en Inde et tout ça, en Asie majoritairement, ben là il faut une certaine quantité de résine pour que ça agglomère les plantes. Donc on va atteindre certains seuils, et ça on peut pas y échapper, c’est pour des raisons de texture après pour pouvoir malaxer en fait. Et puis après on peut travailler simplement avec des plantes broyées pour faire des poudres qu’on met directement sur un charbon. Les proportions et les ingrédients qu’on va utiliser vont varier en fonction de la forme qu’on veut obtenir, de la forme finale de notre encens en fait.
Donc il y a la forme, la texture, il y a le parfum aussi, parce que je suppose que si on veut un certain parfum, on ne peut pas se passer de certains ingrédients comme des résines ou des bois. Donc si on prend un exemple d’encens assez typique comme la petite pyramide, le cône, ou alors le bâtonnet, qui a une texture assez dure et compacte contrairement aux poudres. Dans ces cônes-là, typiquement, qu’est-ce qu’on met ?
Alors, s’il est de bonne qualité… ça veut dire qu’on ne va pas avoir d’ingrédients qui vont alourdir, comme du bois qui n’a pas d’odeur, des genres de sûres qui vont juste faire de la masse, mais qui n’ont pas d’intérêt, si ce n’est de polluer un peu l’air, ni de colle, ni de choses comme ça qui ne sont pas très saines. Donc, on va plutôt avoir jusqu’à 50 % de résine. Donc, ça peut être de la poudre de bain-joint, de la poudre d’oliban, n’importe quelle poudre de résine. Si on veut avoir pas de parfum, on va utiliser de la gomme arabique. C’est aussi une sorte de résine mais dans laquelle il n’y a pas de parfum, donc ça peut permettre juste de donner la texture mais sans parfumer pour mettre en évidence les parfums des autres plantes qu’on va mettre dedans. Une manière de résine neutre en quelque sorte. et puis les 50 autres pourcents, ça va être des mélanges de plantes. Donc par exemple en Inde, ils ont quelque chose qui je trouve est assez judicieux, c’est que pour faire les bâtonnets, c’est assez fréquent qu’ils utilisent des résidus de distillation, donc c’est-à-dire des plantes qui ont été distillées dans des alambics pour faire de l’huile essentielle ou de l’eau florale, ils vont réutiliser ces restes de plantes, les broyer et les réincorporer avec les résines dans les encens, parce qu’elles ont toujours des parfums et des matières. Il y a des molécules qui, dans les distillations, ne passent pas. Je pense aux chanvres, les cannabinoïdes ne ressortent pas dans l’huile essentielle par exemple. Donc on pourrait les retrouver, si on les réutilisait, les réincorporer dans les enceintes, ça pourrait avoir du sens. Donc après c’est leur savoir-faire à eux.
Donc tu as souvent une base de gomme, prenons une gomme arabique par exemple. Si je me souviens un petit peu de la recette que tu présentes, cette gomme, on va la dissoudre dans une base liquide de l’eau. Ensuite, on va incorporer des poudres qui peuvent inclure des résines, des plantes aromatiques aussi. On fait une pâte qu’on va ensuite façonner, soit sous forme de cônes, soit sous forme de bâtonnets.
Ça peut être aussi, d’ailleurs, si on veut, on peut refaire des pastilles, on peut faire des boulettes, on peut donner un peu la forme qu’on a envie. Et voilà, l’idée, c’est… En fait, on peut tout simplement prendre la résine qu’on casse, on peut la broyer dans un broyeur, un blender, ça dépend après à quelle échelle on travaille, ou un marteau, tout simplement. On la réduit en poudre, on mélange de la poudre de plantes, donc différentes plantes qu’on a réduites en poudre par ailleurs, ça peut être des feuilles, ça peut être des fleurs, ça peut être des racines, peu importe la partie de la plante. On mélange ça de manière bien homogène, on rajoute une eau un peu tiède, jusqu’à obtenir une sorte de pâte, et qui est malaxable, donc faut que ça soit ni trop humide ni trop sec. Et donc on va malaxer, donner la forme qu’on a envie, et puis on laisse sécher une à deux semaines, en fonction de la… est-ce que notre cône est très gros ou plus petit, ça va être plus ou moins de temps à sécher, voilà. Pas en plein soleil, parce qu’il faut pas que ça se dessèche trop vite pour pas que ça craquelle. Donc un séchage assez lent, puis le soleil peut dégrader aussi. Et du coup, à la fin, on a notre petit cône, par exemple, qu’on vient allumer et brûler.
Si je peux ajouter juste un ingrédient, c’est qu’on peut mettre des huiles essentielles aussi. Pour augmenter la teneur en parfum. Si on met des pétales de rose, il va y avoir le côté parfumé qui va quand même être très important. Je cite une huile essentielle, une des huiles essentielles les plus chères, mais qui va être les plus concentrées en parfum. Et donc si on met quelques gouttes d’huile essentielle de rose, ça va sublimer la chose aussi.
Oui, d’accord. Et on parlera après un petit peu de la transformation des constituants lorsqu’on brûle, parce qu’on en parle un petit peu dans la sécurité d’utiliser des encens. Donc on voit ces trois bases, résine, simplifiée en plantes aromatiques et peut-être une gomme pour structurer, est-ce qu’on peut se passer de ces trois ingrédients ? C’est-à-dire, est-ce que je peux faire un encens si je n’ai pas de résine, par exemple, ou alors il manque un truc ? C’est plus de l’encens, c’est autre chose.
En fait, encens, c’est quelque chose qu’on brûle pour faire de la fumée et obtenir… Un parfum. Quelque chose. Des fois, il y a des parfums qui ne sentent pas bon aussi. On va brûler de l’azafétida, ça sent… Est-ce qu’on a envie d’avoir une odeur d’ail un peu bizarre dans toute notre atmosphère de maison ? Pas sûr, après ça dépend peut-être des cultures. Mais du coup, on peut quand même travailler simplement avec des poudres de plantes sans avoir de la résine. C’est possible. Ou si je brûle de la sauge blanche, effectivement là j’ai pas de résine quelque part. Enfin, j’ai pas de résine d’arbre, voilà. Et puis en fait, l’encens au sens strict, ça reste la résine de l’oliban, du boswellia qu’on retrouve, voilà. Ces mots sont même synonymes parfois, quoi. Donc ça, c’est l’encens au sens strict, c’est synonyme d’oliban, l’encens, quoi. Et puis si j’élargis la définition, si je prends un sens large, ça peut être un peu tout ce qu’on peut brûler pour dégager un parfum, une fumée, ça peut être même des morceaux de bois, comme je pense au palo santo, par exemple.
Le côté qui fume, c’est important. Parce qu’en fait, ça fait très souvent, dans toutes les différentes cultures qui utilisent l’encens, il y a le côté voir, aussi, et on voit la fumée, et la fumée, on la voit monter, et ça monte vers…
C’est un symbole d’élévation.
C’est un symbole d’élévation, mais aussi de… Si tu veux communiquer avec les entités supérieures, si tu veux que ta prière, elle monte, c’est la fumée qui va la faire monter vers… Donc il y a le côté voir ta prière qui monte.
Le parfum, c’est synonyme de divin, c’est la représentation du divin, et la fumée, elle permet aussi d’y accéder en élevant.
Si on prend un encens très connu comme les encens indiens, je pense à la marque Satya, qu’est-ce qu’on met dans ces encens-là ?
Alors du coup, ça, c’est ce que Satya, ça veut dire vrai. Du coup, donc, il revendique une sorte de pureté, d’ancestralité ou je ne sais pas comment on pourrait dire. Et du coup, ben là, on est du côté plus bouddhiste, hindouiste. Et très souvent, on a du bain joint en termes de résine. Donc, ça va être un peu les mêmes mélanges qu’on a dit tout à l’heure. Finalement, ça va être des mélanges de résine et de plantes. Très souvent, il y a du sental parce que là, on est en Asie et le centale, c’est voilà. Et puis, il peut y avoir d’autres types de fleurs connues qui sont incorporées dedans. Mais ça reste un mélange de résine à base de bain-joint et de poudre de plante qu’on modèle sur un noyau de bambou pour faire un bâton. Et par rapport, du coup, ça reste en fait les encens de meilleure qualité, ceux-là, on pourrait dire, parce que comme ça s’est beaucoup démocratisé en Occident, on va en trouver dans plein de magasins dont je ne vais pas citer les noms de marques, on va dire qu’ils vendent de l’encens bas de gamme en fait et donc du coup forcément ça va être coupé avec des sûres la résine elle va être remplacée avec des cols et donc là quand on va le brûler il faut imaginer que tout ça on va le retrouver dans l’air en fait et ça va être vraiment vraiment toxique beaucoup plus que si on brûle de la plante naturelle en fait donc quelque part les ancens indiens qui reflètent des traditions ancestrales de fabrication ils sont beaucoup moins toxiques qu’il y a des études qui ont été faites par l’UFC que choisir et tout ça on a des données là dessus quoi comme.
Tu l’as dit juste avant moi j’ai vu puisque je suis déjà allé dans des fabriques où en fait on parfumait, on recevait les bâtonnets avec le bambou et puis la poudre de bois autour, agglomérés déjà, et on les trempait dans un mélange de parfums avec de l’alcool. Et après du coup l’alcool s’évaporait, là on sent garder le parfum, et c’était du bois et de la résine, donc je connais pas l’origine, et des parfums de synthèse. Donc ça je l’ai vu faire et c’est ce qu’on trouve ici. Très souvent. Quand c’est pas des marques qui sont… qui sont des marques qui viennent vraiment d’Inde quoi.
Ouais ouais, d’accord. Alors justement, on parle d’encens le plus naturel possible, le moins nocif possible. Quand on utilise ce mot naturel pour les encens, est-ce que c’est pas un peu galvaudé ? Est-ce qu’il y a pas mal d’abus aujourd’hui sur le marché ?
C’est comme pour beaucoup d’autres mots, c’est fourre-tout, en fait. Parce que du coup, naturel, si tu utilises un parfum qui est issu de résine ou de bois, il y a le côté vraiment… Là, du coup, pour naturel et entier, Et après, on va utiliser des mots pour dire naturel, sauf qu’on a fait un isola, et du coup, il y a le côté où il n’y a pas la totalité de la plante ou de l’huile essentielle, et du coup, ça peut être toxique.
Il n’y a pas de label en plus, donc…
Il n’y a pas de label, donc.
Voilà, je ne sais pas ce que tu peux rajouter dessus, mais en sent naturel, on peut tout dire, quoi.
Pour moi, naturel dans notre société actuelle, ça renvoie à ce qui n’est pas lié à la synthèse chimique, quoi. Donc voilà, après, naturel n’est pas synonyme de bonne santé. Quand je fais un feu de bois dans ma cheminée, la fumée, elle est bien naturelle. Et pour autant, si j’en respire toute la journée, ça va devenir toxique et cancérigène.
Il y a différents niveaux aussi, dans le sens où respirer des colles, ça va probablement être largement pire que respirer une résine.
Après, comme il n’y a pas de label, est-ce que ceux qui revendiquent de la naturalité ont vraiment que des ingrédients en pur ? Et puis moi, ce que je constate aussi, c’est que je ne retrouve jamais d’encens fabriqué à partir de matières en agriculture biologique. Ça veut dire aussi qu’il y a une bonne partie du temps où peut-être j’ai des résidus de pesticides qui vont aussi se retrouver dans l’air en fait. Donc ça, c’est quelque chose qui me pose question aussi, comment ça se fait qu’on n’ait pas d’encens bio par exemple.
Vous avez la réponse beaucoup plus que moi. Comment ça se fait ?
Alors j’aurais tendance à penser que sur les matières premières de type résine, c’est à l’autre bout du monde, c’est pas forcément évident, on est dans plein de zones de conflit, ça devient rare et compliqué pour une bonne partie d’entre elles à trouver, donc c’est peut-être pas le truc principal. Il y a aussi encore beaucoup de cueillettes sauvages.
Il y a la cueillette sauvage, mais il y a aussi, c’est des plantes qui ont créé, enfin entre guillemets créé, C’est des plantes qui ont des huiles essentielles dans leur résine pour se protéger des aléas climatiques et qui ont très souvent pas besoin.
Et des agresseurs.
Et des agresseurs et qui ont pas besoin, auxquels nous on a pas besoin d’apporter des traitements chimiques parce qu’elles ont les protections. Et c’est justement ça qu’on va chercher, la résine qu’on va chercher, qui correspond à la protection de la plante. Donc en fait, elle est déjà…
Elle n’a pas besoin de pesticides pour… Est-ce qu’on a des plantations de ces résineux aujourd’hui ?
En Afrique, oui, beaucoup. Il y a du sauvage, mais il y a des plantations.
On peut supposer que chacun de ces arbres, comme les boswellias, toute la famille des boswellias qui nous fournit des résines, n’est pas en agriculture biologique, parce que naturellement, l’arbre sait se défendre. Florent, comment est-ce qu’on choisit ces matières premières aujourd’hui ? On assiste à ton cours par exemple et on aimerait s’acheter le petit kit de démarrage. Alors moi je sais où trouver de la gomme arabique, ça va à peu près. Mais il y a les résines, il y a les aromatiques. Où est-ce qu’on peut acheter tout ça ?
Alors si on tape sur internet, on va en trouver une foultitude de résines. Il y a plein de sites, même des herboristeries aujourd’hui qui en vendent. La difficulté, on en parlait tout à l’heure, c’est qu’on n’est pas sûr d’acheter vraiment ce qu’on veut acheter. Parce que comme il y a des résines qui manquent, c’est remplacé par d’autres.
Du coup, à la fin, on n’utilise plus les mêmes plantes, mais le nom français reste le même. Du coup, on n’est plus très sûr de ce qu’on achète.
C’est coupé aussi.
Ça peut être coupé, effectivement.
Des résines, tu peux couper des résines avec d’autres produits ?
Le benjoin, c’est une résine qui est très souvent coupée avec de la gomme d’amar. Parce qu’en fait les productions elles sont plus assez importantes, c’est raflé par d’autres marchés qui sont un gros marché chinois, très souvent. Donc en fait les populations locales mélangent avec la gomme d’un autre arbre qui est moins parfumé mais qui du coup permet d’avoir du volume.
Donc tu fais fondre ta résine, comment ça marche ?
Je sais pas.
Parce qu’elle est réduite en poudre ?
Ouais peut-être.
Agglomérer avec l’autre ou chauffer, je sais.
Pas j’avoue que j’ai pas trop creusé.
La question ça ce sera par exemple le benjoin dragonfly celui-là c’est un benjoin qui est coupé avec une autre résine et on le trouve très fréquemment sur internet quand on cherche du benjoin.
Il sent super bon c’est une résine très intéressante qui est très utilisée mais elle est loin de ce qu’elle était quand on l’utilisait il y a plusieurs dizaines ou peut-être même centaines d’années elle est maintenant mélangée avec d’autres.
Donc, l’ingrédient le plus complexe à sourcer aujourd’hui, on va dire que c’est la partie résine. On parlera des résines locales après. Mais si on voulait vraiment des résines traditionnelles, il faut trouver les bons fournisseurs. Est-ce qu’on arrive à trouver des fournisseurs aujourd’hui de résine ?
Je pense que oui, sur Internet, on peut trouver.
Après, l’entreprise pour laquelle travaille Adrien a en parallèle une boutique de vente directe du côté de Roque-Baron. Et je ne sais pas, est-ce qu’ils vendent sur Internet ?
Non, elle ne vend pas sur internet. On réfléchit à faire un site, mais oui. Mais du coup, c’est possible de trouver, bien sûr, toutes les résines.
Donc, ce que je veux dire, c’est qu’il y a quand même des grossisstes qui importent et qui sont assez sûres de la qualité, qui ont parfois des antennes en vente directe. Donc ça, c’est possible à trouver. Après bon, pour avoir regardé un peu dans les herboristeries un peu grandes là qu’on trouve en France sur internet, il y en a certaines qui en vendent et on trouve de la matière première. Très probablement qu’elles viennent aussi parfois de grossistes.
Comme on est justement des grossistes, on vend à des magasins.
Il n’y a pas tant de gens que ça qui en importent. Et puis après, sur toute l’autre partie plante, ça reste assez…
Là, on peut trouver du local, il n’y a pas de souci, de la lavande, du romarin, du genévrier, tout ça. On peut même ramasser soi-même.
Tout à fait.
Comment est-ce qu’on crée une nouvelle recette d’encens, un nouvel assemblage ? Il y a une histoire de texture, il y a une histoire de parfum, on veut emmener la personne quelque part. Est-ce que quand vous vous formulez des recettes, de nouvelles recettes, bien vous arrivez d’expérimenter avec des nouveaux mélanges, vous recherchez quoi exactement ?
Il y a la recette de base, avec les ingrédients sur lesquels on ne va pas pouvoir déroger en termes de proportion. Si on veut que le cône puisse brûler, il faut qu’il y ait quand même un certain taux de résine, une certaine partie plante. On va rester sur ces proportions-là. Après, ça peut bouger un peu. Et après, du coup, ce qu’on va chercher, c’est…
Il y a à la fois, à mon sens, parce qu’il faut la praticité d’usage. Et une poudre fumigatoire, des fois, ce n’est pas forcément hyper pratique, parce que c’est comme un rituel. Je veux dire, c’est comme se préparer une tisane ou mettre une capsule de tisane dans la machine.
Là, le bâtonnet, c’est un peu la capsule de tisane et la poudre fumigatoire, c’est un peu se préparer sa tisane dans sa théière et tout ça. Donc il y a la praticité d’usage, il y a à quel point est-ce que ça va bien brûler, donc ça peut être lié avec la résine, il y a le parfum que ça peut dégager, il y a qu’est-ce qu’on va rechercher derrière, donc du coup est-ce qu’on va devoir travailler les couleurs, parce qu’on bosse sur des symboliques avec des saints, je ne sais pas quelles sont nos croyances dans ce contexte-là, il va y avoir une texture de fumée qu’on va rechercher, que ça reste un petit peu dans l’atmosphère, que ça ne soit pas trop vaporeux, il faut qu’il y ait une odeur qui aille bien, et puis derrière, si je veux travailler avec du médicinal bien-être, je peux aussi aller creuser là-dedans en fait. Qu’est-ce que ça apporte en termes de propriété du coup ?
Oui, ce qui nous ramène un peu dans le monde de l’aromathérapie, on pourrait créer un mélange en sang qui est fait pour plutôt stimuler les capacités cognitives ou plutôt calmer…
Des résines qui étaient utilisées dans les hôpitaux pour assainir l’air ?
Oui. Là, on a de la publication scientifique, par exemple, là-dessus, qui vient corroborer des usages ancestraux et qui dit, oui, on trouve effectivement là-dessus des propriétés bactéricides et tout ça, de la fumée de telles plantes. Et c’était utilisé pour nettoyer les hôpitaux. Et puis, d’autre part, il y a l’autre partie, à travers des enquêtes ethno-botaniques, où on est allé collecter les savoirs des populations locales, regarder comment est-ce qu’ils utilisaient les encens et les fumigations, dans quel objectif, et puis se dire ça a quel effet sur le corps. Et on va regarder en testant, c’est la science moderne, on va aller tester sur des rats d’abord, on va aller voir les compositions moléculaires de la fumée, et on se rend compte qu’ils ont raison. Finalement, moi j’ai l’impression qu’on est un peu une génération de la synthèse entre les outils modernes et ces savoirs anciens qu’on ne veut pas perdre.
On a un petit peu le pied dans chaque secteur, parfois on fait un petit peu le grand écart parce qu’on nous demande encore et encore des validations scientifiques qui parfois n’existent pas.
Et puis ça reste, la science ça reste une modélisation du monde en fait. Donc à quel point est-ce que ce modèle colle au monde ? Je ne suis pas sûr que des expériences sur des rats en labo ou dans des boîtes de Pétri reflètent la réalité du monde. Et des personnes qui utilisent un enceint ou une poudre fumigatoire depuis 5000 ans et qui ressentent des effets sur leur corps, ils ont peut-être suffisamment expérimenté pour pouvoir prétendre que ça marche.
J’ai mon ami qui est en Haute-Savoie et qui s’intéresse beaucoup aux traditions locales et qui parle de fumigation de racines d’impératoire, qui est une apiacée, une racine très aromatique, un peu comme une angélique. et que certains gamins étaient noirs de fumer, parfois certains hivers, pour les aider à guérir une infection respiratoire. Et donc finalement on voit ça même chez nous, dans nos régions.
Ce que montrent les enquêtes ethnobotaniques qui ont été faites sur les cinq continents, c’est qu’il y a avant tout des usages justement pour ça, de la fumée, pour les systèmes respiratoires et pour ce qui est neuropsychologique. Et puis après, une toute petite portion qui est pour le côté dirigé vers des organes, la peau, les parties génitales, ça c’est plus… voilà. Et très souvent c’est dirigé tout ça, et en fait c’est une infime petite partie, ce qui aujourd’hui est répandu chez nous, c’est-à-dire de le répandre dans l’air comme ça de manière non ciblée, c’est 4% des usages dans ce qui a été retiré des enquête Ethnobota. Il y a un peu l’idée que la fumée pénètre les orifices en fait.
Est-ce que tu pourrais nous montrer quelques matières premières très connues et puis leurs provenances ? Il y a des belles couleurs, il y a des beaux parfums.
Ah, parler des différentes résines ? Du coup, là, c’est des larmes de Somalie. Donc en plus, j’ai trié… Alors, pas ça, parce que ça, c’est de la gomme arabique. Il y a des petites gouttes de gomme arabique. Mais en fait, du coup, ça, c’est boswellia sacra. Donc c’est les encens qu’a fait planter Hatshepsut, qui est allé en Arabie, qui a fait partir… Enfin, qui est allé, qui a emmené des gens sur la péninsule arabique pour qu’ils leur ramènent ces encens-là. Donc, ça fait partie des choses les plus chères et les plus recherchées.
D’accord. Boswellia sacra, c’est l’un des résidus les plus chers.
Voilà, c’est l’encens de base, en fait. Et du coup, il y a des gouttes qui sont des fois, tu vois, bleutées.
Ah oui, oui.
Vertes, bleutées. C’est un petit peu le gage de qualité, quoi. Mais ça, sur un sac de 25 kg, si je m’amuse à trier, j’en sors, allez, 200-300 grammes.
Tu veux dire les bleutés ?
Les bleutés, il y en a vraiment très peu.
Les plus pures ?
Les plus pures et c’est peut-être même celles qui sont les plus chargées en huile essentielle. Je ne sais pas vraiment. Il y a une autre espèce qui s’appelle Boswellia freireana qui fait presque que des gouttes vertes comme ça, vertes bleutées. Donc ça c’est la base pour ce qui est péninsule arabique et puis un peu Afrique aussi. On a cette plante-là qui est le sang, enfin cette plante, cette résine, c’est le sang de dragon donc ça se présente sous cette forme-là quand on le reçoit.
Ça c’est une boule de résine pure ?
C’est une boule de résine pure, c’est issue soit d’un palmier, soit d’un dragonnier. Donc du coup, un dragonnier, c’est la petite plante qu’on a là, je ne sais pas si on la voit, un Dracaena. Les gens connaissent cette plante-là. C’est une plante qui a une résine qui est rouge. Et donc ça du coup, c’est Daemonorops draco ou une autre espèce, c’est un palmier grimpant. on récupère la résine qu’il y a autour du fruit, et après, en fait, avec un torchon ou un tissu, on vient presser, et c’est pour ça qu’il a cette forme. Et ça, c’était la petite étoile, c’est.
Le petit sceau de qualité.
Du coup, ça pouvait venir à la fois pour certains arbres, des Canaries… Des Canaries, de Socotra. Socotra, c’est très compliqué maintenant à faire venir, et puis on protège le milieu aussi. Ou alors de Malaisie. Ça, ça vient de Malaisie, du coup.
Donc ça, une boule comme ça, on pourrait la garder des décennies, même des siècles, sans perdre…
Des siècles, je sais pas, j’en pourrais pas aller jusque là. Mais du coup, ça c’est une boule qui vient de l’ancien travail que j’avais, donc ça fait 20 ans presque que je l’ai. Ça n’a pas bougé. Et si on s’amuse à en casser, l’odeur est la même que celle qu’on peut trouver encore maintenant. T’as du bainjoint, donc pareil, c’est la péninsule… tout ce qui est péninsule asiatique. Ça c’est benjoin du siam et c’est celui qu’on citait juste avant pour la… il a un côté caramel vanille mais il y a des molécules du coup qui vont servir à désinfecter l’air.
D’accord, et là, ça va donner une fumée de couleur légèrement rosatre.
La fumée, je crois qu’elle ne change jamais de couleur.
Ça reste blanc.
Ça serait intéressant de trouver un truc qui colore la fumée.
Ça, c’est du copal. Flo l’a cité tout à l’heure. Et ça, c’est le côté encens maya. Maya et Amérique centrale. Et du coup, ça doit s’être exporté en Amérique du Nord. Je pense que du coup, les populations, elles communiquaient. Ils ont dû faire la même chose que chez nous en termes de route de l’encens.
Et vous, quand vous respirez, quand vous sentez un encens aujourd’hui, vous arrivez à peu près à dire, ça c’est un encens indien, ça c’est un encens qui vient de…
Oui, quand tu connais les résines, après tu sens… Quand tu connais les résines, tu vois les régions d’où ça provient. T’as la sauge blanche d’un côté, et puis la sauge officinale de l’autre, qui est notre sauge locale. Et puis celle-ci, c’est plutôt la… Tu la connais bien. C’est la sauge qui vient de Californie.
Tu veux parler de cela, peut-être ?
Oui, en fait, je voulais aussi montrer ça. Du coup, ça est la résine d’épicéa. Parce que là, pour le coup, on est du côté local. Voilà, donc ça, ça peut être simplement, on n’est même pas obligé d’aller faire du gémage, faire des incisions sur les arbres et tout ça pour récolter. En fait, il suffit de se balader sur les pistes forestières en montagne. Et puis, quand les arbres ont été blessés par les coupes des branches pour pouvoir laisser passer les véhicules, on a de la résine qui a séché ou partiellement séché. On la collecte, on la fait sécher pendant des semaines, des mois à l’air libre et puis au bout d’un moment, ça nous fait des gouttes comme ça qu’on peut tout à fait utiliser en ensang derrière.
Du coup, c’est quoi le problème d’utiliser une résine de conifère de chez nous, de pin, d’épicéa, de sapin ?
Je pense que la densité de la résine n’est pas la même. Et en fait, le côté oliban, il est présent en termes de l’essentiel et d’odeur. Un peu frais, un peu citronné, mais j’en parlais justement avec mon oncle, parce qu’il a essayé aussi. Et en fait, c’est la durée de combustion. Peut-être que c’est une sorte de densité d’huile essentielle. Et du coup, la durée de combustion n’est pas la même. Et en fait, ça va fumer. Ça va fumer plus longtemps, peut-être. Mais le côté parfumé, frais est présent moins longtemps qu’avec l’oliban.
On a vite un côté… Enfin, à la fin, on termine souvent avec un côté bois brûlé plus rapidement qu’avec une résine de boswellia, par exemple. mais ça dépend ce qu’on utilise encore, parce que si on prend dans les conifères du pin ou de l’épicéa, ça peut faire ça, la résine a la tendance à bouillir sur le charbon, et par contre je trouve que si on fait ça avec des genévriers, on l’a fait avec plusieurs genévriers, du fénici, du cade, voilà, on a moins ça quand même, ça se rapproche déjà plus de l’oliban pour moi, ce qui expliquerait peut-être qu’après le turifère qui est réputé pour avoir un côté élévation encore plus fort que les autres genévriers a été utilisé, parce qu’il se rapproche dans la manière dont il brûle, du boswellia par exemple.
On ne l’a pas encore essayé celui-là.
Après pour les fabrications d’encens maison, on va dire que ça brûle un petit peu plus ou un petit peu moins. Ça va le faire, c’est juste qu’après pour les parties encens scriptées.
Pour ton rituel, si tu as un encens qui au bout de deux minutes commence à sentir le bois brûlé, c’est moins… Donc du coup, c’est pour ça qu’ils utilisaient plutôt l’oliban. En l’occurrence, moi, ce que je connais, c’est dans les églises. Voilà, c’est le côté, tu balances ton encensoir et puis les gens qui sont au fond n’auront pas le côté bois brûlé par rapport à ceux qui sont devant.
D’accord, d’accord. Qu’est-ce qu’on a ici ?
Ça, c’est une poudre qu’on fait nous. Du coup, qui est un mélange dans les proportions qu’on disait tout à l’heure. tu en as la moitié qui est une résine, donc là en l’occurrence c’est de l’oliban, et puis l’autre moitié c’est deux plantes, tu as de l’absinthe et du laurier noble. Et là l’idée c’était de travailler à la fois entre ce qui est trouvé dans les enquêtes ethno et ce qu’on montre dans les propriétés de la fumée, de faire un ensemble qui était dédié à la méditation et à la concentration. Un peu côté à la fois apaisement, anxiolytique, puis stimulation, de la mémoire, de la créativité, quoi.
Et ces poudres-là, on les met sur un petit brûloir ?
Soit tu peux simplement chauffer par dessous pour libérer un parfum, et ça c’est bien parce que tu sais que dans l’air, t’auras pas de molécules issues de la combustion, soit tu peux la faire brûler pour avoir de la fumée, et comme t’as 50% de résine, t’auras une fumée assez dense pour faire un petit peu le reste. Mais surtout, l’intérêt, c’est que derrière, tu peux modeler tes petits cônes, en fait, quoi.
Donc avec la poudre, tu peux fabriquer tes cônes, après ?
Ouais. Tu peux les fabriquer comme ça ou derrière c’est le même mélange pour lequel tu pourrais, ça c’est pas nous qui le faisons, c’est issu des encens indiennes, mais c’est comme ça qu’ils font, c’est ce genre de poudre qui est roulé là-dessus.
Une poudre à encen, de la gomme arabique, de l’eau.
Ou même pas forcément de la gomme arabique. Tu peux avoir simplement de la résine et des plantes.
Donc si je mélangeais cette poudre avec un petit peu d’eau, je fais mes cônes, ça va brûler bien ?
Celui-là, il est juste ça. Alors le seul truc c’est qu’il faut le laisser sécher au moins entre une et deux semaines pour que ça brûle correctement, parce que comme c’est épais quand même, il faut que ça sèche au cœur.
oui, oui, je vois. Sinon ça ne brûle pas.
C’est un peu l’idée du truc.
D’accord. Bon, ensuite on a des encens indiens ici, de différentes marques.
C’est ça.
Du coup celui-là est différent, il n’a pas le bambou.
Ça c’est des encens français. Ah oui, c’est vrai qu’on n’en a pas parlé. ça, en fait, c’est cette poudre-là, mais au lieu, enfin, c’est ce genre de poudre, au lieu de la rouler en cône, on la roule en boudin, en fait, mais simplement, il n’y a pas de noyau de bambou. Donc là, c’est intéressant aussi parce qu’on n’a pas ce bois qui va brûler avec. On enlève encore une partie qui serait peut-être indésirable et qui n’a pas vraiment d’intérêt. Ça c’est vraiment un des encents en médecine en tibétaine.
Ça c’est un encent qui est pressé. C’est dans un piston et puis ils pressent et après ils mettent les petits boudins.
J’avais une question au sujet d’un encens 100% local. On revient un petit peu à cette histoire de circuits courts, est-ce que c’est un fantasme occidental de penser qu’on aurait tout ici pour fabriquer nos ensembles et qu’on y faire, ou même dans les résines on a le pistachier lentisque, on a la propolis, on a plein de résines ?
Je pense que oui, complètement. Finalement on substitue la résine par une autre, puisqu’on en a plein, voilà tu les as cités, on peut prendre dans les genévriers, dans les épicéas, dans les pins, dans les pistachés. On peut utiliser de la propolis et puis derrière on utilise d’autres plantes, on peut faire de la poudre de bois de cèdre, de la poudre de bois de cadre qui pourrait remplacer du sental, la poudre de sental voilà on peut tout à fait formuler localement.
Et si on parlait des bénéfices et des inconvénients pour la santé, justement. On a commencé à en parler un petit peu, de la fumigation. Donc les bénéfices pour la santé, on a évoqué le système aspiratoire, avec peut-être assainir l’air, tout ce qui est infectieux. Le système nerveux, parce que bien sûr on peut relaxer, stimuler la sphère cognitive. On nous a parlé de fumigation, qui était peut-être ciblée vers des zones du corps, toujours dans des buts de désinfection, je suppose, des situations infectieuses.
Pas forcément. J’ai lu des enquêtes ethnobotaniques, notamment en Afrique, où les personnes utilisent des fumigations orientées vers les parties génitales. Ça peut être pour favoriser des accouchements, par exemple. Donc là, on n’est plus dans un autre domaine.
Côté littérature scientifique, toi tu as fait une recherche bibliographique assez avancée, je pense. On a quelques données, on a des études sur animaux, on a des études qui sont faites sur des pièces de différentes tailles pour montrer que les encens détruisent différents types de bactéries, différents types d’insectes. On n’a pas d’études sur humains, je suppose, à l’heure actuelle.
Si, on a quand même un encens à base de santal et de lavande, où on a mesuré les ondes cérébrales pendant la fumigation sur des humains pour le coup. Et là, en fonction des ondes qui sont observées avec, je crois que c’est un électroencephalogramme, ils arrivent à voir un effet sur la personne pour ce qui est côté relaxant et compagnie. Ça fait un changement d’état d’onde cérébrale avec l’exposition à l’encens santal lavande par exemple.
Oui, je suppose que c’est compliqué vu qu’on a décidé de mettre les encens dans la catégorie problématique pour la santé. Tu me dis si je me trompe, mais voilà, ça a été un peu classifié comme problématique pour le système respiratoire, irritant. J’ai ta page où tu parles des substances justement problématiques. Benzène, toluène, éthylbenzène, styrène, formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine. Alors pas tous les ensembles vont libérer ces substances-là bien sûr parce que s’il n’y a pas de colles, s’il n’y a pas d’ingrédients de la pétrochimie ou autre, on ne va pas avoir ce type de problème. Mais globalement, parlons un petit peu toxicité et bonne pratique.
L’idée qu’il faut avoir en tête quand même de base, c’est que si on brûle quelque chose, que ça soit naturel du coup ou synthétique, il y a une transformation des molécules et dans l’air on va avoir des molécules qui sont toxiques. Après pour moi c’est toujours l’idée, est-ce qu’on est exposé souvent ou pas, et ça c’est ce que les études sur la santé démontrent aussi, c’est que si on a une pratique où on ne s’expose pas trop souvent, puis ça nous renvoie aussi au fait que les encens c’est aussi des matières précieuses, et que c’est pas juste un objet de consommation, voilà, donc ça fait le lien entre à la fois le respect de la matière et notre propre santé, je trouve que c’est intéressant, donc on essaye de pas s’exposer trop souvent, et puis l’idée derrière c’est d’aérer les pièces. Donc on essaye de pas rester enfermé dans la fumée, on fait sa fumigation, dans l’idéal on peut même ouvrir pendant qu’on fait la fumigation, et puis derrière on ouvre la pièce. En fait les mesures de toxicité, elles démontrent que ça décolle de manière exponentielle au fur et à mesure que la fumée s’accumule. Et puis dès qu’on ouvre, ça décroît de manière exponentielle en fait. Donc en fait si on baigne dans la fumée, on s’expose à un risque, peu importe la matière. Après, ce qui démontre, c’est que des usages à une, deux, trois fois par semaine ne sont pas tellement problématiques. J’imagine qu’habiter au bord des périphériques, c’est bien plus dangereux que brûler de l’encens deux fois par semaine.
Qu’est-ce qui nous manque en termes de données scientifiques ? S’il y en avait un budget qu’on peut investir dans la recherche, c’est quoi que vous intéresserez-vous de savoir au sujet des encens pour les bénéfices de santé ?
Là on l’a dit un petit peu, finalement dans les recherches sur les produits, on va dire qu’il y a des usages traditionnels. on va faire brûler cet encens, on va regarder la composition de la fumée, et est-ce que les molécules peuvent corroborer, de ce qu’on sait comment elles agissent sur le corps, l’usage traditionnel. Donc ça peut être ça la démonstration, ou ça peut être on va exposer des rats ou des souris à ces fumées-là, et on va voir qu’est-ce que ça leur fait. Et du coup finalement il y a très peu d’études où on expose directement des humains pour voir ce que ça fait en fait. Donc peut-être ce serait ça, ce serait si on veut bricoler de manière scientifique aujourd’hui, ça serait peut-être d’aller simplement chercher des humains et refaire la même chose qu’on fait avec les rats, mais avec des humains.
Puis il y a l’approche aussi, c’est-à-dire que si tu cherches quelque chose, tu vas le trouver ou pas. Mais on peut se dire, qu’est-ce que ça fait, sans forcément poser de pseudo-réponse ou de réponse potentielle à la fin, et dire bon ben voilà, on va utiliser cette plante, cette résine, et on va essayer de voir qu’est-ce qui change dans le… je sais pas si c’est la psyché ou du moins dans le corps de la personne et essayer d’être un peu plus ouvert sur ce qui peut advenir quand on met en place le rituel et qu’il y a l’émission de la fumée.
Vous avez parlé du papier d’Arménie, Florent, c’est-à-dire d’abord faire une macération alcoolique de résine ou d’autres substances, et ensuite on trempe un papier dedans, on l’imbibe de cette substance résineuse aromatique pour la faire brûler. Par la suite, on connaît bien le papier d’Arménie pour ça. Est-ce que vous avez déjà testé d’autres macérations peut-être sur d’autres papiers ? C’est un truc que vous avez… Un petit peu exploré ?
Non, on n’a pas testé ça particulièrement. Pourtant en plus, je pense que ce n’est pas si difficile que ça à mettre en œuvre. Parce que l’idée, c’est de charger le papier en sel pour qu’il ne se consume pas trop vite d’abord. le faire sécher et derrière, effectivement, on trempe dans un bain de résine qu’on a dissous dans l’alcool et on le fait sécher.
Moi, j’ai déjà fait tremper des résines dans de l’alcool pour pouvoir faire des parfums d’intérieur. Donc, en fait, on aurait juste à récupérer ce parfum-là pour pouvoir l’appliquer sur le papier d’Arménie.
D’accord. Je vais simplifier à l’extrême, mais dis-moi si ça marche. Je prends un papier buvard, je le trempe dans une eau qui est peut-être saturée en sel, Je fais sécher et ensuite je trempe ça dans une teinture de propolis. Je fais sécher, je découpe des petites mandelettes. Ça fonctionne ?
Ça devrait. Dans l’idée, ça devrait, oui.
Il n’y a pas de raison que ça ne puisse pas marcher.
On va peut-être essayer. Ce n’est pas compliqué de tester ça. Est-ce qu’un jeune qui voudrait se lancer, fabriquer des encens naturels pour en vivre, est-ce qu’il y a un métier ? On a besoin de quoi pour réussir ?
Je pense que oui, mais après, il y a beaucoup de côtés. Tout dépend de l’optique, mais un côté autodidacte si quelqu’un veut se lancer là dedans. Parce que moi, c’est quand même vraiment très, très particulier ce que je fais. C’est que du coup, on est vraiment très peu à faire ce métier là et on utilise des vieilles recettes qui sont destinées à des lieux de culte.
Si tu vas sur un truc qui est plus alternatif, présent, je pense que du coup, il faut aller piocher dans tout ça, tout ce qu’on peut trouver, notamment ce que fait Flo, donc aller faire de la biblio et aller chercher un petit peu partout pour essayer de créer une synthèse de tout ça. Mais oui, je pense qu’il y a quelque chose qui peut être intéressant.
Quelque part, c’est la question que tu soulèves. Est-ce qu’on peut le faire de manière locale ? Quelqu’un qui veut se lancer pourrait tout à fait imaginer travailler comme ça, que ce soit un petit peu le… le cœur de son travail et puis cibler des gens qui s’intéressent à de la matière 100% locale, éthique, bio.
Tu dis, Adrien, il y a un marché religieux qui est très scripté, fermé avec des canaux de vente qui sont probablement réservés à quelques sociétés ?
C’est maintenant des grosses sociétés. Et puis du coup, il y a le culte qui fait qu’il y a des habitudes de consommation de telle ou telle paroisse. Et donc ça, c’est quelque chose qui va être un petit peu plus dur à faire bouger. Après, quelqu’un qui va aller avec une démarche un peu alternative, sur des terrains qui peuvent être le bien-être, qui peuvent être le néo-chamanisme, qui peuvent être religieux mais peut-être un petit peu moins dogmatique et un petit peu plus emprunt d’une tolérance et de diversité, va pouvoir développer une gamme qui marche.
Et vous, dernière question avant de terminer, vous utilisez pourquoi les encens ?
Alors, on en discutait justement tout à l’heure, il y a pas mal le côté parfum, donner une bonne ambiance. Quelque chose que je retrouvais dans les publis et qui m’a fait poser moi-même question, c’est en fait le côté convivial, effectivement. Il y a quelqu’un qui vient chez toi, tu fais brûler un encens avant. Il n’y a pas que le parfum, ça donne une atmosphère en fait. Voilà, il y a ce côté-là. Parfois je vais me dire, bah tiens, je vais brûler du bainjoin pour assainir la maison, la purifier d’un point de vue bactériologique par exemple. Ou du coup, si je m’oriente vers une pratique bouddhiste, ça peut être une offrande d’ensemble, parce que c’est l’offrande qui remplace toutes les autres offrandes, par exemple. Ça peut être aussi une manière de se préparer à une méditation ou à un enseignement. Ça peut être de se dire, je vais un petit peu chercher de l’apaisement, quelque chose un peu anti-stress, je vais utiliser un boswallia, un oliban, un côté anxiolytique. On peut après aller rechercher les résines ou les plantes, qu’est-ce qui est décrit, quelles sont leurs propriétés, et puis l’utiliser comme ça. Moi, je vais assez faire ça.
Pour te mettre dans un certain état d’esprit ?
Oui. Ou par exemple, je vais me dire aussi, si je brûle du storax, ou si j’utilise un lien avec le sys, ça a quelque chose d’hyper sensuel, ça donne une autre ambiance dans la maison.
Oui, puisqu’il nous parle à nous aussi personnellement, parce que dans ce qui me concerne, j’ai testé pas mal d’encens et de parfums, et dans certains moments difficiles, ce qui m’a le plus aidé, c’est la sauge blanche. Je pourrais pas expliquer pourquoi, mais c’est venu me poser une chape de tranquillité sur moi et m’ouvrir, et ça m’a fait un bien fou, alors que d’autres résines ou parfums ou encens n’ont pas cet effet-là sur moi.
Moi, c’est marrant, j’ai eu cette discussion avec mon oncle, du coup, la semaine dernière, Et il me disait, c’est un bricoleur invétéré, il aura toujours son petit atelier. Il me dit, des fois quand je bricole, je mets un charbon et puis des petites gouttes d’oliban. Et en fait, ça me met bien, ça me met dans une espèce d’ambiance apaisée. Et j’ai plus de lucidité quand je vais bricoler, quand je vais créer mes objets. Parce qu’en fait, quand il n’a pas une pièce, il l’usine, il la crée. Et du coup, ça le met dans un espèce d’état de quiétude qu’il n’a pas sans ça, en fait. Il a 80 ans et il utilise toujours tout plein de machines et il est toujours en train de créer des nouveaux trucs avec son petit oliban qui brûle à côté.
Et voici une pensée pour la fin. Brûler de l’encens pour trouver la créativité de créer de nouveaux encens. On va terminer là-dessus. Florent, merci, Adrien, merci pour votre générosité, pour votre partage. On est ici à la ferme de Perdicus. Merci pour toutes ces connaissances.
Merci à toi.
Petite rectification : une lectrice nous dit que « nature et progrès » a un cahier des charges très précis et délivre une certification bio concernant les encens.
Bonjour,
J’aimerais vous parler de la vitamine C dans certaines plantes médicinales. Elle est connue pour être instable à la chaleur. Donc, vous le savez probablement, dès qu’on chauffe un fruit, un légume ou une plante riche en vitamine C, on va perdre une partie de cette vitamine.
Dans notre monde de l’herboristerie, une plante revient très souvent dans la discussion, c’est l’églantier et son faux-fruit qu’on appelle le cynorrhodon. Il contient de la vitamine C, des flavonoïdes, des caroténoïdes, des tanins condensés. Donc ce n’est pas juste de la vitamine C naturelle, soyons clair. Mais cette vitamine, on aimerait la préserver.
Et la discussion intéressante arrive lorsqu’on parle d’infusion. Dans la tradition, on préparait parfois le cynorrhodon en infusion. Fournier nous dit même « faire bouillir 10 minutes ». Du coup, on se dit, on fait chauffer, ça va faire des dégâts, logique.
Par contre, on ne parle jamais de l’étendue des dégâts. C’est embêtant et je vais vous dire pourquoi.
La nécessité d’infuser
Car dans le monde des plantes médicinales, la plupart du temps, on ne mange pas directement la plante. Il y a des exceptions bien sûr, mais globalement, on fait des extractions. Extraction à l’eau (ce qu’on appelle la tisane), extraction à l’alcool (qu’on appelle teinture ou alcoolature), etc.
Pour l’infusion, on va devoir chauffer. Pourquoi on chauffe ? Parce qu’on opère ce qu’on appelle une digestion à la chaleur. La chaleur va ramollir les parties dures des plantes pour aller ensuite chercher ce qui nous intéresse. Certains constituants sont plus solubles lorsque le liquide est chaud. Il y a accélération des mouvements moléculaires.
Donc la chaleur facilite grandement l’extraction, un phénomène que l’on arrive à confirmer dans les études, et tout simplement avec notre bouche et notre nez. Une infusion « à chaud » sera plus concentrée qu’une macération « à froid ».
Donc il y a, ici, pour la vitamine C, un compromis à faire. Eh oui. Chauffer pour mieux extraire, mais là, avec la vitamine C, chauffer va détruire. Mais quelle est l’étendue des dégâts ? Est-ce significatif ?
Effet de la chaleur sur la vitamine C
Déjà, si on prend la vitamine C seule, isolée. Une poudre avec juste de l’acide ascorbique, dissoute dans de l’eau chaude. On voit que la destruction à la chaleur n’est pas immédiate.
On a de nombreuses études sur le sujet, et on constate des demi-vies de l’ordre de plusieurs heures si la température du liquide reste entre 60 et 70 °C. Cette demi-vie chute à seulement quelques minutes si on monte la température à 90 à 100 °C (Yuan et al., 1998). La demi-vie, c’est le temps nécessaire pour que la quantité mesurée (la vitamine C ici) chute de moitié.
Tout ceci va dépendre du pH du liquide, de la quantité d’oxygène dissoute dans le liquide, etc. Mais simplifions. Le point important à retenir, déjà, c’est qu’entre 60 et 70°C, on parle d’heures avant de perdre la moitié de la vitamine C. Faire bouillir, pas une bonne idée, c’est clair. Mais si on baisse la température tout en restant dans la zone « chaude », ça tient beaucoup mieux.
Et ça, c’est juste pour la molécule d’acide ascorbique isolée. On va voir que dans la matrice du fruit, on trouve plein de choses qui protègent la vitamine C.
Églantier (Rosa canina), cynorrhodon et chaleur
Ce qui nous amène à notre cher cynorrhodon. Vous le savez peut-être, c’est un vieux remède pour soutenir l’immunité pendant l’hiver, comme reconstituant dans les périodes de convalescence. Il améliore la solidité du système veineux, il a des applications pour les troubles urinaires, ostéoarticulaires, etc. Il est très polyvalent, notre petit cynorrhodon. Je vous en avais déjà parlé dans un épisode il y a quelques années.
Plusieurs travaux montrent que dans le faux-fruit de l’églantier, la vitamine C résiste beaucoup mieux que prévu lorsqu’elle est chauffée, grâce à la protection de la matrice végétale et de ce qu’elle contient.
Ici, spécifiquement, on voit que les polyphénols et les caroténoïdes agissent comme co-antioxydants : c’est-à-dire qu’ils piègent les radicaux libres et les empêchent d’aller titiller la vitamine C. La fibre alimentaire contribue aussi à limiter la dégradation thermique (Thomas et al., 2000). Toutes les références sont en fin d’article, comme d’habitude.
On voit donc, et désolé si le mot devient un peu galvaudé, qu’il y a une synergie entre les différents constituants afin que le totum soit mieux préservé face à certains agresseurs comme la chaleur.
Infusion de cynorrhodon : effet de la température et du temps
Lorsqu’on regarde l’effet de la température et du temps d’infusion, figurez-vous qu’on a une étude sur le sujet. On a évalué le pourcentage de perte de la vitamine C dans l’infusion de cynorrhodon en fonction de la température et du temps d’infusion.
Un compromis optimal est obtenu à 84–86 °C pendant 6–8 minutes, qui maximise la conservation de l’acide ascorbique et l’extraction des polyphénols (İlyasoğlu et al., 2015). Étude de 2015.
Ce qu’on voit, c’est qu’avec la température de chauffe et le temps, la quantité de vitamine C dans l’infusion va d’abord augmenter. Eh oui, comme je vous expliquais, ce processus de « digestion à la chaleur » est important. Pendant cette période d’augmentation de la vitamine C dans l’eau, on est en train d’extraire.
Et puis au bout d’une certaine durée de chauffe, on va commencer à perdre la vitamine C. Car on a atteint l’optimal de l’extraction, la vitamine C est dans l’eau de l’infusion, et là, elle commence à devenir sensible à la chaleur sous sa forme extraite. C’est bon, vous me suivez ? Donc, on imagine la quantité totale de vitamine C dans l’infusion qui augmente, puis qui diminue avec le temps de chauffe.
Donc je répète, dans cette étude, l’optimal est obtenu autour des 85 °C pendant 6–8 minutes de chauffe (à température constante), ce qui maximise la quantité totale d’acide ascorbique et de polyphénols (İlyasoğlu et al., 2015). C’est pas compliqué à faire à la maison.
Nectar de cynorrhodon
On a d’autres études. J’en ai trouvé une faite sur ce que les chercheurs appellent le nectar de cynorrhodon. Ils ont broyé les cynorrhodons secs et pendant le broyage ont rajouté de l’eau et du sucre. Je note aussi qu’ils ont rajouté de l’acide citrique, qui va baisser le pH du nectar et mieux protéger la vitamine C.
On voit que les pertes en vitamine C sont de 34% si on chauffe à 90°C durant 30 minutes. Si on ne chauffe qu’à 80°C durant 15 minutes (une température et un temps largement suffisant pour une infusion) on ne perdrait que 11% (Kadakal et al., 2002).
Taille de la coupe
Encore quelques petits détails importants sur toutes les étapes qui mènent le cynorrhodon, ou toute autre plante médicinale riche en vitamine C, jusqu’à votre tasse.
La comminution joue un rôle clé ici. Vous savez ce que c’est la « comminution » ? Mot compliqué pour dire la réduction de quelque chose en petits morceaux. Donc la taille de la découpe des parties de plantes compte pour conserver la vitamine C. Plus c’est coupé fin, plus la surface de contact avec l’air, l’oxygène, les UVs du soleil est importante, ce qui a un impact sur les constituants fragiles des plantes.
Les poudres accélèrent la perte de vitamine C, tandis que les morceaux grossiers en conservent beaucoup plus (Ionescu et al., 2020). Donc pour bien préserver vos cynorrhodons secs, gardez-les entiers ou incisés pour faciliter le séchage, mais ne les réduisez pas en poudre.
Séchage du cynorrhodon
Qu’en est-il au sujet du séchage ?
Dans une étude, un séchage à 35°C semble préserver au mieux les différents constituants du cynorrhodon (Vasić et al., 2019). Dans l’étude, pour le cynorrhodon frais, on a des taux de 2000 mg de vitamine C pour 100 g équivalent poids sec, et lorsqu’on fait sécher à 35°C, on descend à 1617 mg pour 100 g, donc une perte de 19%.
Dans cette étude, on a aussi testé le séchage à 20°C, et on a plus de perte de vitamine C. Pourquoi ? Car à 20 °C, le séchage a pris 12 jours. Alors qu’à 35°C, il a pris seulement 2 jours. On a aussi testé 68°C, cela n’a pris qu’un seul jour, mais là, on a plus perdu qu’à 35°C pendant 2 jours.
Donc si le bon type de séchage, le plus respectueux possible, a été effectué auparavant, la teneur en vitamine C de votre tisane de cynorrhodon n’en sera que meilleure.
Conclusion pratique
Allez, on conclut sur la vitamine C du cynorrhodon :
- Il faut bien le faire sécher, aux bonnes températures. J’ai trouvé des études, mais faudrait creuser un peu plus. En tout cas, d’après ce que j’ai trouvé, 35°C semble fournir des pertes acceptables.
- On ne le réduit pas en poudre ou en tout petits morceaux, on le garde le plus entier possible.
- Et on peut le faire chauffer en infusion. On utilise de l’eau à ~85 °C pendant 6–8 min, récipient couvert, ensuite, on filtre et on peut boire.
Voilà, j’espère vous avoir rassuré sur certains types de préparations qui fait chauffer notre cher cynorrhodon.
Merci pour votre intérêt, à très vite pour un nouvel épisode.
Références cynorrhodon et vitC
Barros, M. P., M. F. Rodrigo, A. L. C. Montanher, et al. 2011. “Interactions Between Carotenoids and Ascorbic Acid in Plant Matrices.” Journal of Agricultural and Food Chemistry 59 (3): 1132–40.
İlyasoğlu, H., F. N. Yıldırım, and F. Tokatlı. 2015. “Effect of Brewing Conditions on Antioxidant Properties of Rosehip (Rosa canina L.) Tea.” International Journal of Food Sciences and Nutrition 66 (4): 451–57.
Ionescu, A.-D., R. Tudor, and M. Georgescu. 2020. “Influence of Grinding and Particle Size on Vitamin C Retention in Fruit Powders.” Food Chemistry 310: 125913.
Kadakal, Ç., F. Artik, and T. Yüksel. 2002. “Thermal Degradation Kinetics of Ascorbic Acid in Rose Hip (Rosa canina L.) Nectar.” Food Chemistry 77 (2): 219–24.
Karhan, M., S. Gokmen, and B. Acar. 2004. “Anaerobic Thermal Degradation of Ascorbic Acid in Rose Hip Pulp: Kinetic Modeling.” European Food Research and Technology 218 (2): 138–42.
Thomas, S., R. D. Miller, and D. E. Carpenter. 2000. “Dietary Fiber Inhibits Vitamin C Degradation During Cooking.” Food Chemistry 70 (3): 293–98.
Vasić, D., B. Vukosavljević, and J. Šeregelj. 2019. “Effect of Drying Temperature on Polyphenols and Antioxidant Capacity in Rosehip Herbal Teas.” Industrial Crops and Products 129: 472–78.
Yin, X., H. Y. Chen, and J. Li. 2017. “Synergistic Protection of Ascorbic Acid by Co-antioxidants: Mechanisms and Strategies.” Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety 16 (5): 999–1012.
Yuan JP, Chen F. Degradation of Ascorbic Acid in Aqueous Solution. J Agric Food Chem. 1998;46(12):5078-5082. doi:10.1021/jf9805404
Transcription
Salut Guillaume.
Guillaume : Salut Christophe.
Je suis content de te recevoir dans mon modeste studio. On est sous les toits et il fait très chaud aujourd’hui. Il n’y a pas la clim et donc on va peut-être un petit peu mouiller le T-shirt. n’est pas parce que je te pose des questions qui sont dérangeantes, c’est juste qu’il va faire un petit peu chaud. Alors, on va parler de ta spécialité, Guillaume, qui est la mycologie, c’est-à-dire l’étude des champignons. Bon, on va particulièrement parler des champignons médicinaux aujourd’hui.
D’abord, je voulais te féliciter pour le travail que tu fais sur Instagram de vulgarisation, d’éducation, parce que je sais ce que c’est que de créer des vidéos, de les rendre simples, mais pas simplistes. D’arriver à faire court, mais faire passer le message et de ne pas perdre la valeur du message. Ce n’est pas facile.
Guillaume : Non, ce n’est pas facile du tout, effectivement.
Christophe : Et tu fais des choses qui sont jolies, qui sont ludiques, beaucoup de travail. Donc déjà, merci pour tout ce que tu fais. J’ai l’impression que ton expérience est assez atypique dans le sens où tu n’es pas un universitaire. Tu as beaucoup voyagé, tu as beaucoup appris dans différents pays, les pays asiatiques en particulier. Tu travailles aussi bien au labo qu’en nature, dans la forêt. Tu t’inspires de recherches, mais tu t’inspires aussi de ton expérience critique, de ton empirisme aussi, de ta capacité à explorer. Donc, on va essayer de faire ressortir tout ça aujourd’hui dans les échanges qu’on va avoir. Les champignons pourraient nous emmener dans plein de directions différentes, depuis l’écologie jusqu’à même sauver la planète. Soyons visionnaires. Mais là, on va vraiment rester dans le champignon médicinal, si tu veux bien. Bien que je suis sûr qu’on aura différentes tangentes au cours de la discussion.
On va démarrer avec un petit peu de voyage parce qu’on a échangé quelques emails il y a 2, 3, 4 semaines peut-être ? Tu es dans un pays où j’ai passé quelques jours. J’ai vraiment beaucoup apprécié ce pays, la culture, bien que j’y étais en un temps où il y avait beaucoup d’insécurité. Et tu m’as dit : « Je suis en Colombie en pleine étude des plantes, coca, café, cacao et quelques autres fruits bien sympathiques ». Parle-nous un petit peu de ce voyage et des découvertes que tu as faites.
Guillaume : J’étais en Colombie principalement pour le café et le cacao. J’ai appris plein de choses parce que j’étais avec un barista professionnel. Je suis allé visiter une ferme de café dans la région de Sasaima, qui est à 2 heures de Bogota. J’ai appris énormément de choses sur le café. J’ai travaillé par le passé déjà avec un projet qui touchait au café.
Christophe Café plus champi ou Café café?
Guillaume : Café café. Après, champignon et café, le sujet n’est jamais très loin parce que c’est quelque chose que peu de gens savent, mais il y a certaines méthodes pour traiter la cerise de café qui font intervenir des champignons parce qu’on a un processus de fermentation. Et c’est exactement pareil pour le cacao. On va faire fermenter les fèves et donc il y a forcément des funghis, des représentants du règne fongique qui interviennent dans ce processus. Je suis allé visiter une ferme de café régénérative avec un genre de bocage de forêt native, avec des rivières, etc. Et puis entre, ils avaient des champs en polyculture avec de la banane, de l’avocat et des caféiers. Ils ont aussi tout un tas de méthodes dans cette ferme où ils utilisent par exemple du lactosérum d’une ferme laitière à côté, qu’ils font fermenter avec des micro-organismes et ils épandent ça via leur réseau d’arrosage. Ils utilisent aussi de la bagasse qui est la fibre de canne à sucre et puis ils l’épandent en paillage sur le sol. Ils utilisent une approche pour utiliser zéro pesticide et avoir les plantes les plus saines, les plus vigoureuses et au final, les plus médicinales également possibles. Et justement, le café est une plante très médicinale.
En fait, le barista que j’ai rencontré, Alejandro, là-bas, me disait que le fruit du café, c’est le fruit le plus complexe qu’on connaisse, avec plus de 2 000 molécules, 2 000 substances qui le composent. Et parmi ces 2 000 substances, il y en a environ 800 qui lui donnent des propriétés organoleptiques. Et parmi ces 800 substances, il y en a environ 400 qui interagissent avec soit notre psyché, soit nos différents sens. Donc, c’est vraiment un fruit qui est très complexe. Et on rajoute une couche de complexité parce qu’en fonction de comment est-ce qu’on va cultiver, le cultivar également, parce que c’est comme la vigne, on a du cabernet sauvignon, différents cépages comme ça, on a pareil avec le café, on a le geisha, on a.. Je n’ai pas un autre qui me vient en tête, mais…
Christophe : Tu vois ce café qui est digéré par les chauves-souris? Ça te dit quelque chose?
Guillaume : Le kopiluak, c’est pas ça?
Christophe : Je crois qu’il coûte très cher.
Guillaume : Oui, en Indonésie, effectivement, tu as une martre, une fouine ou un animal comme ça. Et je crois qu’ils font pareil avec les éléphants maintenant.
Christophe : Le café, c’est une plante médicinale assez fascinante, comme tu disais. Et quand on se penche sur la bibliographie scientifique, on s’aperçoit que finalement, on a un petit peu du mal à trouver des choses négatives à son sujet, bien que, comme on le sait, en abuser, va aussi avoir des effets néfastes sur la santé. Du coup, si on prend un petit peu de recul, parce que je t’ai présenté comme monsieur Champignon, mais en fait, si on prend un petit peu de recul, il y a vraiment un projet, une philosophie derrière tout ça? Parce que là, tu étais en train d’étudier le café. C’est quoi qui unit tous tes projets, tes voyages et tes réflexions?
Guillaume : Dans l’introduction, tu m’as présenté comme quelqu’un de peu conventionnel. Ça, pour moi, c’est assez vrai. Et j’ai envie de dire malheureusement, parce que moi, j’ai un parcours où j’ai fait un bac agricole. J’étais dans le monde agricole pendant très longtemps. J’ai fait aussi du woofing, etc. Je suis allé également sur le terrain parce que j’ai cette dialectique toujours dans ce que j’entreprends. C’est-à-dire que j’essaye d’appliquer ce que j’apprends et d’avoir les retours du réel pour m’apprendre d’autant plus. Donc, j’ai eu cette partie dans le monde agricole.
Ensuite, j’ai fait une fac de biologie et notamment, on a parlé forcément de biologie végétale. Et à aucun moment dans mon parcours à la fois agricole et en fac de bio, à aucun moment on m’a parlé du rôle primordial des champignons pour la vie végétale. Parce que ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il y a quatre cent, cinq cent millions d’années, les premières algues qui sont arrivées sur les continents et qui sont devenues nos plantes actuelles ont pu faire cette opération uniquement grâce à un partenariat symbiotique avec le champignon. C’est-à-dire que la plante a eu des champignons avant d’avoir des racines, avant d’avoir des feuilles. Et dans l’identité du végétal, c’est presque plus important pour une plante d’avoir un partenaire symbiotique comme le champignon. Et donc, le fait qu’on ait complètement oublié cet aspect-là et qu’aujourd’hui, notre mode de conception, notamment de l’agriculture, ne prenne pas en compte les champignons, fait qu’on a fondamentalement une agriculture qui dégrade le sol. Et donc moi, ce que j’essaie de faire, c’est faire des choses qui agradent le sol, c’est-à-dire qui le régénèrent. Et pour ça, il faut impérativement prendre en compte l’activité des champignons dans le sol, qui est très diverse, puisqu’on a les champignons saprophytes qui vont dégrader la matière organique, créer une couche d’humus, mais on a aussi les champignons mycorhiziens, qui vont rentrer en symbiose avec les plantes et qui vont leur donner les éléments qui leur manquent pour pouvoir se développer.
Et c’est grâce à ça qu’aujourd’hui, on a une biosphère qui est aussi abondante. C’est parce qu’on a cette diversité végétale qui s’est établie grâce à l’activité du champignon en partenaire avec la plante.
Christophe : D’accord. Toi, ce qui t’intéresse, c’est d’aller voir des cultures au travers le monde qui justement intègrent cette vision assez holistique de la terre. Et j’avais envie de te dire comment est-ce qu’on mesure cette activité fongique dans la terre? Est-ce que juste suivre des principes de permaculture suffisent finalement pour s’assurer que la terre est en bonne santé ou on peut aller un petit peu plus loin et mesurer cette activité-là d’une manière ou d’une autre ?
Guillaume : La permaculture, sans le savoir, a fait effectivement le jeu des champignons. C’est ce qui fait que c’est globalement une pratique vertueuse, le potager au naturel avec toutes ces techniques de paillage, etc. Puisque justement, le paillage va finir dégradé par les champignons qui, en définitive, va créer une couche d’humus. Et il y a des chiffres qui sont très intéressants là-dessus.
En Europe, parce que notre température moyenne est relativement faible, et qu’en fait la température conditionne une activité bactérienne dans le sol, et cette activité bactérienne fait ce qu’on appelle la minéralisation. La minéralisation, c’est on a l’humus forestier qui contient des nutriments et les bactéries vont minéraliser cet humus et en minéralisant l’humus, elles délivrent des sels minéraux qui sont absorbés par la plante pour pouvoir grandir. Et ce qui se passe, c’est que quand on a une température qui est élevée, la proportion d’humus dans le sol se stabilise à un niveau beaucoup plus bas.
En Europe, comme on a des températures qui sont relativement basses, globalement, l’humus se stabilise autour de 8% dans nos sols. Et ce qu’il faut voir, c’est que dans les années 90, on avait des sols qui étaient en moyenne à 4% d’humus. on voit qu’il y avait déjà une petite dégradation. Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de sols agricoles qui sont à moins de 1% d’humus. Et là, on se rapproche dangereusement du désert.
Et pour moi, ce qui s’est passé, c’est qu’on a trop eu une conception du sol comme étant juste un substrat inerte, quelque chose de mort, le plancher à vaches, comme je te décris dans un de mes livres. Et du coup, à force de le considérer comme tel, on y a appliqué les techniques qui vont avec. Et du coup, on arrive à cette problématique alarmante aujourd’hui. Et donc pour revenir à ta question initiale, je pense que s’il y a une mesure qu’on doit prendre en compte fondamentalement, c’est le pourcentage d’humus du sol.
Christophe : Ouais, d’accord. Moi, ça me fait penser au terrain que tu as vu juste devant la propriété familiale où j’habite, qui est une propriété que mes parents ont achetée au début des années 2000 et qui appartenait à un agriculteur avant, qui plantait des asperges, donc déjà un sol très sableux. Et on est arrivé, le sol était déjà lessivé de chez lessivé, donc on a travaillé le sol à certains endroits, on est arrivé à le rebâtir plus ou moins. Et j’ai plein de zones sur lesquelles pousse une plante qui s’appelle le tribule terrestre, tribulus terrestris. Et il y en a vraiment partout chez moi. Et j’en avais discuté avec Gérard Ducerf. Et je lui ai dit, Gérard, j’ai plein de tribule chez moi. Qu’est-ce que ça veut dire? Il me dit, ça veut dire que chez toi, c’est le désert, mon gars. Je dis d’accord, et du coup, on fait quoi? Il me dit, c’est très simple, tu vas construire la forêt. Et je l’avais un petit peu énervé parce que j’avais dit, Gérard, tu n’as pas un truc un petit peu plus rapide? C’est pour la petite blague au passage. Mais effectivement, on a énormément de travail à faire.
On va s’extirper un petit peu de la culture du sol et on va revenir à tes origines, Guillaume, parce qu’il y a un épisode qui m’a beaucoup plu, c’est quand tu as 9 ans et que tu reçois ce petit cadeau de tes parents qui allait, sans le savoir, changer le cours de toi, ton histoire. Ce cadeau, ce n’est pas une PlayStation. Qu’est-ce que c’est ce cadeau et qu’est-ce qu’il t’a appris que tu n’as pas appris en salle de classe?
Guillaume : Oui, effectivement, à 9 ans, ma mère avait remarqué que j’étais passionné d’écosystèmes aquatiques. Quand on allait en Bretagne, je passais mon temps dans les criques à regarder les poissons. Et puis aussi les mares autour de chez moi, je ramassais des têtards, etc. Elle me dit : est-ce que ça te plairait d’avoir un aquarium ? Je lui ai dit : Oui, maman. C’était même un aquarium d’eau de mer que j’ai reçu à 9 ans. J’avais un petit aquarium de 54 litres. Ça peut paraître bien parce que c’est petit, etc.
Mais ce qu’il faut savoir, c’est que plus l’aquarium est petit, plus les cycles chimiques de l’azote, du phosphore, etc, sont difficiles à contrôler puisqu’ils sont plus fins, les paramètres sont plus fins à réguler. Et finalement, c’est un cadeau qui est empreint de responsabilité. Moi, j’aime beaucoup l’histoire du Petit Prince. Il y a cette relation aussi que le Petit Prince a avec sa rose, avec ta responsabilité de tout ce que ça amène. Et effectivement, moi, j’avais ces aquariums, cet aquarium, et donc tout mon argent de poche passait dans l’achat de poissons, d’oursins.
Christophe : Le beau poisson clown et son anémone.
Guillaume : Exactement. Mais derrière ça, il y a cette responsabilité de devoir maintenir cet écosystème pour qu’il soit vivable pour ces organismes. Donc, j’ai été très tôt obligé de me renseigner là-dessus. Et donc, ma mère me disait toujours : Mais, lis avant d’acheter. Et donc c’est resté. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, ça a créé probablement en moi cette manière de procéder aussi, où d’un côté, je vais rechercher de l’information, mais d’un autre côté, je cherche toujours à la mettre en pratique via une application de cette information.
C’est exactement ce que j’ai commencé à faire à 9 ans, c’est-à-dire que je lisais des livres sur l’aquariophilie, j’apprenais sur les nitrites, les nitrates, le régime alimentaire des poissons, tout ce qu’on veut. Et puis après, c’était l’opportunité de le mettre en pratique dans mon aquarium. Et c’est assez brutal parce qu’effectivement, quand on se trompe, il n’y a pas de filet de protection, le poisson meurt.
Christophe : C’est ça. Ça m’attriste quand on ne met pas en question tout ce processus d’apprentissage que tu as vécu au travers de cette expérience-là et que le parcours scolaire soit aujourd’hui souvent très théorique et ne permette pas à nos enfants de replonger dans l’expérimentation. Il y a des travaux pratiques. On a inséré une dose de tout ça, mais vraiment repenser l’apprentissage au travers de projets, c’est-à-dire démarrer du projet et après en tirer les leçons et l’apprentissage, je pense que ça serait un modèle qui serait vraiment intéressant d’explorer aujourd’hui, en particulier avec des gamins qui ont à peu près tout vu.
Moi, je suis un gamin des années 70. Je me souviens à l’école quand on parlait des dinosaures, Guillaume. On parlait des dinosaures, mais tu venais en salle de classe… C’était à l’école primaire. Le prof sortait des photos et tout, et tout le monde attendait ça. Qu’est-ce qu’on attend aujourd’hui ? Qu’est-ce que c’est qu’on n’a pas vu encore ? Et donc, il faut se sortir des photos et des théories et peut-être repasser un peu les mains dans le camp. L’émerveillement. Oui, l’émerveillement aussi au travers de l’expérience.
Tu as quel âge lorsque tu fais ton premier voyage au Japon ? Et en quoi la culture japonaise a-t-elle influencé ton approche de la nature et des champignons ?
Guillaume : Je suis parti pour la première fois au Japon à 19 ans. Je voulais y aller à 17 ans. Je voulais partir après mon lycée faire un visa vacances travail. L’objectif, c’était de travailler entre mes 17 et 18 ans et d’y aller dès que j’avais mes 18 ans. Je n’ai pas pu faire ça parce que personne ne voulait embaucher un jeune de 17 ans. Donc, je n’ai pas réussi à avoir les finances. Et finalement, je suis parti en fac de bio à ce moment-là. Ça a pris un peu plus de temps. En fait, je suis parti à Okinawa pour la première fois. Parce que pour moi, c’était le carrefour entre ma passion pour le Japon et en même temps, c’est la plus grosse zone bleue du monde, Okinawa, avec ses centenaires, super centenaires qui ont un rythme de vie, une hygiène de vie qui, a priori, en phase avec ce que l’être humain attend, l’organisme humain attend. Et puis, il y avait aussi ce côté où c’est une zone subtropicale avec du récif. Donc, je voulais voir les poissons de mon enfance. Je suis parti pendant 3 mois, j’ai fait du woofing à Okinawa.
Et ce qui m’a fasciné, a priori, ça, c’est pareil, je peux le dire maintenant que j’ai fait l’expérience, mais à l’époque, je ne savais pas forcément mettre de mots dessus. Mais je crois que ce qui m’a passionné vis-à-vis du Japon, c’est l’animisme qui est encore empreint. La société japonaise est encore empreint d’animisme parce que le shintoïsme reste une des religions, si on peut appeler ça, majeure du Japon. Et fondamentalement, toutes les choses de la nature ont un esprit. Il y a une phrase japonaise qui dit : « Yaoyorozu no kami », ça veut dire huit millions de divinités. Il y aurait huit millions de divinités au Japon. Et on parle d’une époque où il y avait quelques centaines de milliers de Japonais.
Donc, les Japonais ont vécu pendant très longtemps avec cette emphase sur le fait qu’une maison habitée par un humain, il y avait 8, grosso modo, on va dire, 8 divinités. Donc, il y avait la divinité dans les toilettes, etc. Donc, il faut prendre soin de toutes ces choses. Il faut prendre soin de toutes ces choses. Et la culture japonaise est fondamentalement dans l’observation de la nature. Il y a une grande humilité également parce qu’on est sur un archipel qui est très difficile. Il y a 80 pour 100 de la terre agricole, la terre japonaise, c’est de la montagne, donc il y a très peu de terres agricoles. Il y a les tsunamis, l’été est très chaud et humide. Et donc avant l’industrialisation, le Japon, c’était un pays qui n’était vraiment pas facile à vivre.
Et il faut pouvoir compter les uns sur les autres quand il y a un cataclysme. Donc, on a cette culture de l’humilité, de ne pas forcément faire de vagues non plus, parce qu’à quoi est-ce que ça sert de froisser son voisin et de couper un lien qui, au final, peut-être dans 2 ans, on aura besoin de lui. C’est pour ça aussi que la culture, dans mon analyse, c’est pour ça que la culture japonaise est aussi… On ne fait pas de vagues au Japon.
Christophe : Oui, j’ai noté. Je suis allé plusieurs fois au Japon, j’adore la culture japonaise et je suis complètement émerveillé de voir ces fourmilières dans lesquelles il y a autant de bruit et de silence à la fois, dans lesquelles il y a autant de mouvement et d’immobilité à la fois et de lenteur. J’ai encore du mal à expliquer cette tension entre ces 2 pôles-là et le fait que ces grandes métropoles tournent aussi bien, malgré la surpopulation. C’est extraordinaire pour moi.
Guillaume : Après, ce qui se passe aussi avec Okinawa actuellement, c’est qu’Okinawa était anciennement un archipel indépendant, l’archipel des Ryūkyū. Et donc, quand le Japon a été sous domination américaine, simplement, ils ont mis 90 pour 100 des bases américaines sur Okinawa. Donc, il y a toujours un peu un sentiment de rejet de la part de la population d’Okinawa qui se sent abandonné par le Japon. Et ce qu’il faut voir, c’est que la culture américaine est venue avec son lot de McDonald, de fast-food, etc. Et donc avant, c’était la préfecture avec la plus grande longévité, Okinawa. Et aujourd’hui, c’est devenu Nagano, une autre préfecture que j’adore et où j’y passe un peu de temps, parce que justement, il y a ce paradoxe entre les anciennes générations qui pratiquent toujours le mode de vie ancestral et la nouvelle génération qui est, elle, empreinte d’habitudes plus occidentalisées avec des fast-foods, etc. Et donc c’est aussi la préfecture, il y a le plus haut taux de diabète, maladies cardiovasculaires, etc, aujourd’hui.
Christophe : D’accord. Bien donc tes voyages ont été structurants finalement pour ta manière de voir le monde. Je pense qu’ils le sont pour tous, d’aller voir d’autres manières de penser, d’autres cultures. Il faudrait qu’on arrive à tous faire ça à un moment ou un autre de notre vie quoi.
Christophe : On revient un peu au champignon. J’avais prévu une section que j’ai appelée « coup de balai sur les clichés », les caricatures. Bon les clichés, les caricatures, c’est bien, ça a une utilité pour faire passer des messages assez forts. Pour l’enseignement aussi, des fois, c’est vrai qu’une bonne petite caricature, ça aide à mieux comprendre les concepts. Mais, finalement, moi, dans ma cinquantaine, je m’aperçois de plus en plus que tout réside dans le juste milieu. Et donc, je voulais qu’on prenne quelques-uns de ces clichés dans le monde de la mycothérapie. On revient au champignon médicinal, si tu veux bien.
Et le premier débat, c’est mycélium contre sporophore. Si je vulgarise un petit peu et tu me corriges si je n’utilise pas les bonnes images, mais le mycélium, c’est cette partie un peu invisible du champignon qui réside dans le substrat, dans la terre, dans les troncs d’arbres, ces filaments blancs. Bon, je sais qu’on n’est ni dans le règne des végétaux, ni dans le règne des animaux. C’est un règne à part les champignons. Mais si on devait comparer ça à un arbre, peut-être un arbre fruitier, un pommier, par exemple, on pourrait dire que la partie mycélium, c’est comme le pommier et toutes ses racines. Et le champignon que nous, on ramasse avec autant de plaisir dans les forêts, ça serait presque comme la pomme, le fruit.
Dans le monde des champignons médicinaux, on a ce débat. Le mycélium, c’est mieux. Le sporophore, c’est mieux. Il y a ceux qui disent que dans le sporophore, c’est la partie qu’on a toujours traditionnellement utilisée et ramassée. On va trouver plus de certains constituants comme tels les terpènes, un petit peu moins de bêta-glucane. Si on va dans le mycélium, on va un petit peu plus concentrer certains constituants comme ces fameux polysaccarides, les 1 3, 16 bêta-glucane dont on parle tant. Certains vont te dire : Si tu achètes du mycélium, tu te fais arnaquer parce que finalement, on va mettre en poudre une grande partie du substrat. Donc, dans ta gélule, tu as non seulement le mycélium, mais tu as aussi du riz. Est-ce que tu veux payer ce prix-là pour du riz ? Etc, etc.
Donc, aide nous à y voir plus clair. Mycélium ou sporophore ? Fais ton choix tout de suite !
Guillaume : En fait, il n’y a pas vraiment de choix à faire. Effectivement, le débat, c’est que l’expression génétique dans le mycélium est beaucoup plus importante. Il y a beaucoup plus de gènes qui sont activés dans le champignon quand le champignon est en phase de mycélium. Et donc, par conséquent, il y a plus de protéines, d’enzymes, de principes actifs au global qui sont potentiellement récupérés du mycélium.
Maintenant, effectivement, le mycélium, globalement, quand il est commercialisé, souvent, il y a moins de matières fongiques, puisque comme tu le disais, on va en même temps broyer du riz, etc. Et un des avantages économiques à la culture du mycélium, c’est que comme on ne passe pas par cette phase de fructification pour créer le sporophore, en fait, on va avoir un gain de temps énorme, un gain en capitaux aussi énorme parce que ça va éviter de créer une chambre de cultivation, parce que pour fructifier le champignon, il lui faut des conditions qui sont un peu différentes que dans la phase d’incubation.
Et ces conditions, il lui faut par exemple un peu de lumière, un flux d’air, etc. Ce qui veut dire qu’il faut créer un plus grand hangar. On va pouvoir créer ce flux d’air avec de la lumière. Et puis c’est une phase qui va prendre encore du temps. Donc, on comprend bien que si on fait du mycélium, on va pouvoir aller beaucoup plus vite et utiliser beaucoup moins de capitaux puisqu’on va avoir un bâtiment en moins globalement dans la production.
Donc, il faut aussi voir ça, c’est qu’effectivement, il y a certains vendeurs peu scrupuleux qui vont prêcher pour leur paroisse dans l’idée aussi de pouvoir maximiser les bénéfices financiers pour le coup. Après, est-ce que c’est complètement faux le fait de dire que le mycélium, c’est bien ? Bah encore une fois, comme tu le disais, il faut un juste milieu à tout. Et il est vrai, notamment pour, par exemple, l’ericium, ericium erinaceus, le fameux lion’s mane. Crinière de lion, l’hydne hérisson. Où il y a certains constituants qui sont présents dans le mycélium et à partir du moment où le champignon commence à fructifier, ces composants sont convertis et donc ils sont complètement entre guillemets « éradiqués » du produit. Donc potentiellement, effectivement, là, c’est intéressant d’avoir du mycélium.
Et puis il y a une dernière méthode de culture qui est apparue finalement assez récemment, c’est qu’aujourd’hui, on peut cultiver du mycélium en réacteur. Et donc on a une grosse cuve en métal, en inox, dans laquelle on va mettre de l’eau distillée, tous les éléments nutritifs pour le champignon. On va oxygéner tout ça pour que le mycélium se multiplie. Et ensuite, on va filtrer et on va récupérer du mycélium qui est du coup pur. Donc là, on a beaucoup de matières fongiques et on a l’avantage d’accélérer le temps de culture, avec l’avantage aussi d’avoir beaucoup de matières fongiques.
Et potentiellement aussi, ça, c’est notamment à Taïwan, ils ont fait beaucoup d’essais parce qu’ils ont un champignon qui est fabuleux à Taïwan, qui s’appelle l’Antrodia, Antrodia Cinnamomea. Et c’est un trésor national, c’est un champignon qui est endémique de Taïwan, qui pousse dans un arbre qui est aujourd’hui beaucoup trop déforesté. Et donc le gouvernement est intervenu pour créer des programmes de culture du champignon, qui est un des plus étudiés. Il y a plus de deux mille publications rien que sur ce champignon.
Et notamment, ils ont fait des essais en faisant des, des ajouts de plantes médicinales, la pharmacopée chinoise dans les réacteurs. Et ce qu’ils trouvent, c’est que par exemple, en ajoutant des peaux de mandarine avec des composés, ils arrivent à maximiser certaines molécules médicinales produites par le champignon. D’accord. Donc, il y a des choses intéressantes en fait sur les 2 sujets.
Maintenant, j’ai envie de dire que l’Europe simplifie le débat, puisqu’il y a cette directive qui s’appelle Novel Food, qui interdit la consommation de denrées alimentaires qui n’étaient pas consommées de manière significative avant les années 97, je crois.
Christophe : Donc bye bye Mycélium, c’est ça?
Guillaume : Exactement. La plupart des mycéliums de champignons sont sous le coup de cette loi-là et sont catégorisés Novel Food, alors que le fruit du champignon, le sporophore carpophore, est, lui, tout à fait valable.
Christophe : J’ai plein de questions qui me viennent en tête au fur et à mesure que tu nous expliques tout ça. La première : est-ce que la culture en incubateur est une manière écologique de cultiver le mycélium globalement ?
Guillaume : Dans le sens fondamental, non. Parce que l’écologie, c’est justement le lien qui unit les espèces entre elles avec leur environnement. Et donc à partir du moment où on crée un environnement complètement artificiel, ce n’est pas écologique dans le sens fondamental, tout comme les fermes en aquaponie, enfin un aqua, tu sais les fermes verticales, urbaines, etc. Donc de ce point de vue-là, je pense qu’il ne faut pas en abuser, parce qu’effectivement, le champignon, c’est un être écologique par définition, c’est un être qui lie son environnement, mais au sens propre comme figuré, parce que c’est lui qui fait, si on revient un peu sur l’écologie, c’est lui qui permet d’agréger aussi les matières minérales et organiques dans le sol, etc, qui fait le lien entre plantes, plantes dans ces réseaux mycorhiziens, dans les forêts, etc.
Donc, littéralement, c’est un être écologique. Et donc, le champignon, il faut qu’il garde cet aspect-là. Maintenant, d’un point de vue purement Cahier des charges moderne, effectivement, c’est très efficace. C’est très efficace, ça permet de produire rapidement beaucoup de quantités. Et puis ce qu’il faut voir, c’est que, bah, je parlais de l’exemple de l’Antrodia, l’Antrodia qui est un champignon rare, qui est interdit à la cueillette en milieu sauvage. Est-ce qu’on préfère avoir de l’Antrodia même si c’est de la culture en réacteur ou est-ce qu’on préfère ne pas se priver des bénéfices de ce champignon ?
Moi, je pense que c’est quand même mieux de pouvoir bénéficier des propriétés de ce champignon et de pouvoir aussi le diffuser au plus grand nombre.
Christophe : Même si c’est un incubateur. Si je résumais, on va dire qu’au kilo de mycélium produit un incubateur, si on regarde des mesures vraiment très modernes, on va dire que globalement, ça reste dans de très bonnes normes écologiques. Par rapport à d’autres types de cultures. J’ai l’impression que tu penches quand même d’un point de vue propriété médicinale, vers le mycélium quand même, ou je me trompe ?
Guillaume : Non, je pense que c’est au cas par cas. Par exemple, sur un champignon, je discutais avec Professeur Yu Mingju de l’Université de Taïwan, qui est un professeur en mycologie là-bas. Lui, il me disait : l’entrodia, effectivement, l’idéal, ça serait d’avoir du carpophore, du sporophore, la structure, le fruit. Mais aujourd’hui, malheureusement, on n’a pas encore la solution vraiment sur étagère. Lui, il travaille justement sur une souche d’entrodia qui peut créer du sporophore en 3 semaines dans des boîtes de Pétri. il y a tout cet aspect de sélection de souches.
Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on est vraiment à un stade très infantile. La mycologie, c’est une science qui demande qu’à être développée, mais qui est encore très jeune aujourd’hui. Et donc des fois, il faut faire un des compromis. Moi, je pense que sur les champignons où il n’y a pas forcément de contraintes comme le pleurote, comme l’ericium, le lion’s mane, il vaut mieux s’orienter vers du carpophore, vers du fruit parce qu’il n’y a pas de contraintes.
Après, quand on arrive sur des champignons qui sont beaucoup plus rares, mais qui ont quand même des propriétés très intéressantes et globalement non substituables, le mycélium est une bonne alternative.
Christophe : je partage un petit peu mon expérience personnelle grâce à un ami commun, Mathieu, qui m’a enseigné à faire la culture de champignons et qui a été d’une patience absolument extraordinaire avec moi, parce que pendant des jours et des jours, il m’a envoyé des instructions, des photos. Donc j’ai préparé mon substrat, il m’a envoyé des souches de culture, j’ai eu mes seringues, j’ai inoculé mes substrats et j’ai vu la vitesse à laquelle le mycélium se développe sur le substrat. Des fois, tu passes la veille, tu regardes tes galettes et il n’y a pas grand-chose. Et le lendemain ou 2 jours plus tard, c’est complètement blanc de mycélium. Donc ça, j’avais l’impression que c’était la partie facile.
Et puis après, tu attends, tu attends pour voir à quel moment tu vas voir tes jolis petits sporophores apparaître. Et ça, effectivement, la partie fructification, ça m’a l’air la partie compliquée parce que tu rentres dans la condition de culture, la ventilation, les niveaux d’humidité. Et c’est là où j’ai vu que ce n’était pas facile du tout. Donc effectivement, je vois comment l’industrie peut pencher vers la culture de mycélium.
Donc, tu dis quand même, c’est du cas par cas. Par exemple, si je te dis Reishi, si on fait vraiment rapide du tac au tac, Reishi.
Guillaume : Reishi, sporophore.
Christophe : Shiitake.
Guillaume : Sporophore.
Christophe : Maitake.
Guillaume : Sporophore.
Christophe : Cordyceps.
Guillaume : Sporophore.
Christophe : Donc, tu vois, je me suis trompé dans mon évaluation. Tu penches plutôt vers le sporophore que vers le mycélium. D’accord. Très bien. Merci Guillaume.
Le cliché suivant, c’est qu’il faut toujours acheter un produit qui est concentré, standardisé en bêta-glucane 1,3/1,6, par rapport à utiliser des poudres totum, qu’on appelle des poudres totales, soit du sporophore, soit du mycélium. Alors, la standardisation, le titrage, bien sûr, nous amènent vers des produits de laboratoire, parce que ce n’est pas moi, avec mes petites galettes de substrat, qui vais pouvoir standardiser sur les 1,6-bêtaglucane. Moi, je n’ai aucune idée. Donc, ça nous amène vers un produit de laboratoire.
Je trouve que ça nous prive un petit peu d’une certaine indépendance de finalement, de produire, de cueillir, de faire cuire, de faire sécher, de réduire en poudre, de faire des gélules. Mais il y a probablement un argument pour aussi. Donc, aide-nous à détricoter tout ça.
Guillaume : Encore une fois, je pense qu’il ne faut pas mettre les 2 en opposition. Mais c’est vrai que marketingment parlant, il y a beaucoup trop de marques qui vendent la chose comme : si ce n’est pas extrait, ça ne vaut rien. Et ça, ça me paraît être complètement délétère, notamment parce que, on le sait bien, dans les pratiques médecines naturelles, peu importe comment on les a, c’est des médecines qui sont préventives. Et donc en fait, si on n’a pas de pathologie et qu’on souhaite juste entretenir sa santé, il n’y a pas forcément besoin d’arriver sur des concentrations.
Et globalement, ce qu’il faut savoir, c’est que le champignon, ce n’est pas vraiment un aliment, c’est plus un condiment. Même en médecine traditionnelle chinoise, globalement, la plupart des traitements à base de champignons, on recommande l’équivalent de 150 grammes de sporophore par jour, cru, c’est-à-dire humide. Ce qui veut dire que si on le déshydrate, ça fait maximum 15 grammes de champignon.
Après, est-ce qu’on a aujourd’hui l’espace de consommer 15 grammes de champignon sec par jour? Ça fait déjà beaucoup. À partir de ce moment-là, pourquoi pas avoir recours à un équivalent sous forme d’extrait, etc.
Mais là, on est sur du curatif, on est sur un traitement vers une pathologie. Au quotidien. En fait, par exemple, l’ergotionéine, qui est un composé des champignons qui est absolument fabuleux et j’espère que tu vas m’interroger là-dessus après. Mais l’ergotionéine, on peut avoir la dose journalière d’ergotionéine dans à peu près 2 grammes de champignons secs, soit 20, 30 grammes de champignons frais.
Et donc quand on est vraiment sur une visée qui est préventive, il n’y a pas forcément besoin d’avoir recours à des extraits, etc. Et le côté vicieux des extraits, c’est qu’on vend des bêta-glucanes, mais c’est un peu comme la problématique du CO2 avec le climat. C’est-à-dire qu’on occulte tout autour de simplement un paramètre qui sont les bêta-glucanes.
Et ça, c’est problématique parce que les bêta-glucanes, c’est falsifiable. On peut ajouter des levures pour augmenter artificiellement le taux de bêta-glucane. Quand on fait de la culture sur mycélium, on peut utiliser des plantes comme l’avoine qui ont aussi des bêta-glucanes.
Christophe : Sauf si je fais vraiment du 1,6-bêta-glucane, auquel cas, je sais que ça vient du mycélium en gros. Donc il faut aussi regarder quel type de bêta-glucanes sur lesquels on a fait la standardisation.
On va revenir quand même à cette discussion-là parce que je ne vais pas te laisser partir aussi facilement. On parle de préventif, c’est bien. C’est bien la prévention. Mais quand tu es praticien comme moi, tu dois aussi accompagner des gens qui ont un certain dossier de santé, qui ont pas mal de déséquilibres, qui ont des états pathologiques. Comme je répète toujours, je ne suis ni médecin, ni pharmacien, ni professionnel de la santé. Moi, je ne soigne pas, je ne prescris pas. La personne est déjà suivie par un médecin, j’essaie de donner des conseils par-dessus.
C’est une question que j’avais réservée pour un petit peu plus tard. C’est dans quel contexte j’ai souvent utilisé ces champignons médicinaux. Il y avait souvent des troubles de l’immunité, en particulier des problématiques auto-immunes. Je trouve que globalement, ces champignons ont cette capacité à stabiliser l’immunité, qu’elle soit déficiente ou excessive, à des niveaux d’immunité, d’inflammation qui sont beaucoup plus gérables.
Lorsqu’on a un état un petit peu plus pathologique, est-ce qu’il faut qu’on arrive à du standardisé, titré et concentré, par exemple un extrait sec à 1:10 ou 1:15 ou même plus concentré que ça ? Est-ce que c’est nécessaire ? Question compliquée.
Guillaume : Oui, c’est compliqué parce que c’est toujours très contextuel. C’est du cas par cas. Oui, c’est toujours très contextuel. Ma tendance, ça serait de dire pas nécessairement, mais en même temps je vais te répondre avec des cas. Il y a des rapports cliniques d’hôpitaux avec des patients qui étaient, je pense à un monsieur à Taïwan, qui avait un cancer, qui a refusé toutes les chimiothérapies, etc. Ils lui ont juste prescrit de l’Antrodia. Il a pris de l’Antrodia à haute dose, je crois que c’était 8 grammes par jour. Il est revenu et il avait réussi à stabiliser son cancer. Les métastases avaient quasiment disparu, etc. Avec 8 grammes de champignons, c’était la poudre séchée de mycélium d’Antrodia.
Christophe : Si on prenait une cuillère à café de poudre, on est peut-être dans les 3 grammes, 4 grammes, une cuillère bien remplie. Là, on serait peut-être dans les 2 grosses cuillères à café par jour, peut-être un petit peu plus, à la louche. Ce n’est pas énorme non plus.
Guillaume : Ce n’est pas énorme non plus. Il y a aussi des rapports de la sorte avec un autre champignon qui s’appelle Maintenant, c’est Tropicoporus linteus. L’ancien nom, c’est Felinus linteus ou Meshima, qui est un champignon qui est extrêmement puissant sur l’immunité et qui, effectivement, il y avait des patients qui étaient atteints de cancer. Et en faisant une visite médicale de contrôle, en fait, l’hôpital s’est aperçu que leurs métastases avaient quasiment disparu, ou beaucoup réduit.
Et on est sur des doses comme ça qui restent relativement physiologiques, qui ne sont pas complètement inatteignables en utilisant des extraits méga concentrés.
Une autre problématique des extraits dont on ne parle pas souvent, c’est qu’à partir du moment où une substance est extraite, elle est beaucoup plus susceptible à l’oxydation. Et l’oxydation vient potentiellement diminuer aussi le potentiel de la substance à interagir avec notre organisme. Et donc, ça, c’est une société qui a fait un test par rapport à ces extraits. Donc, ils ont fait, ils ont reproduit la même méthodologie d’extraction en laboratoire avec un extrait frais et ils ont récupéré aussi des extraits vendus par cette marque-là qui étaient restés pendant 6 mois sur étagère et en fait, ils retrouvent pas du tout la même activité biologique, dans des études. Donc pour le coup, c’était in vitro, donc sur des boîtes de Pétri.
Mais globalement, on voit que l’activité de la substance diminue et d’autant plus qu’elle est extraite, donc sujette à l’oxydation.
Christophe : je suis assez d’accord avec toi. J’ai moi aussi mon opinion sur le sujet dans le sens où les 2 peuvent fonctionner, même dans des états de grand déséquilibre. Il faut souvent doser un petit peu plus. L’aspect du comprimé standardisé titré qui provient d’un bon laboratoire de confiance, bien sûr. Ça a parfois l’avantage qu’avec une, 2, 3 gélules par jour, tu arrives à t’en sortir en fonction de la logistique de la personne, de sa volonté à ingérer X, Y, Z, ça peut être pratique.
En revanche, en montant un petit peu les doses avec du mycélium sporophore, poudre totum, ça peut aussi bien fonctionner. Je pense qu’on a tous les 2 des retours d’expérience qui le disent.
Allez, caricature suivante. On n’arrive pas à digérer les champignons, même secs, même en poudre, même en poudre micronisée parce qu’il y a la chitine dedans et ça bloque tout, ça bloque l’absorption. On n’arrive pas à aller chercher le truc qui est bloqué dans le machin de la carapace de l’armure du truc du machin. Qu’est-ce que tu en penses ?
Guillaume : Par où commencer? Bullshit. Non, mais en fait, d’une certaine manière, c’est très européen comme mentalité. C’est vrai que, par exemple, avec ma relation avec le Japon, le Japon n’est pas une culture qui cherche forcément à détricoter et tout expliquer en partie simple, etc. Il y a beaucoup de choses qui sont dans le non-dit et qui restent dans, dans le vague au Japon et en Asie, c’est plus l’approche qu’on a eue pendant des millénaires vis-à-vis du champignon, c’est-à-dire, oh bah c’est pragmatique, pouf ça marche et on le fait quoi. Et finalement, ça, c’est un narratif en plus qui est beaucoup plus marketing que scientifique. Parce que quand on regarde beaucoup d’études, en fait, ce qu’on se rend compte, c’est qu’il y a des tests qui sont faits avec différents modes d’extraction. Des fois, c’est de l’extraction à froid, des fois, c’est de l’extraction à l’eau chaude, des fois, c’est l’éthanol, des fois, c’est du méthanol. Et en fait, des fois, les chercheurs sont super surpris parce que de prime abord, on pourrait se dire que l’extrait à froid, ça ne va rien donner. Et pourtant, des fois, on trouve des, certaines activités du champignon qui sont plus importantes sur un extrait à froid. Et donc déjà là, ça, bon ça, ça devrait exploser le narratif de : Le champignon, c’est pas efficace si on ne Enfin puisqu’on ne digère pas la chitine et que la chitine encapsule, emprisonne les principes actifs, ça ne devrait rien donner en extrait à froid. Ça, déjà, ça, ça saute. Autre chose que moi, je dis souvent de manière très ironique et je te l’ai dit au téléphone quand on, quand on s’est eu, c’est si on veut tester cette théorie, on peut partir avec un champignon hallucinogène ou toxique au choix. Et dans ces cas-là, croquer un bon morceau d’amanite panthère et regarder ce qui se passe 30 minutes après.
Christophe : Voilà, ou 5/6 grammes de psilocybe sec et puis tu vas voir si tu digères ta chitine ou pas, si tu as la psilocybine ou pas. Exactement, exactement. Faites pas ça chez vous les amis. Non, on est facétieux ici, on est blagueur.
Guillaume : Exactement. C’est pour la blague. Mais autre chose que je voudrais pointer du doigt, c’est qu’en réalité, une couche de fibre, puisqu’on parle de fibre, en fait, la chitine, c’est une fibre et c’est ça qui est mis en avant pour dire que la chitine bloque l’absorption des principes actifs, etc. En fait, on l’a également chez les végétaux, puisque les végétaux ont une couche de cellulose qui est également une fibre. Et personne n’est venu dire quand tu manges des tomates en été, en salade, tu n’absorbes pas le lycopène, etc. Alors bien évidemment, on a des études aussi qui disent qu’effectivement, quand tu fais cuire la tomate, on voit bien que la tomate devient plus rouge et le lycopène devient plus biodisponible. Donc c’est pas tout noir ou tout blanc, mais c’est encore une fois aussi au cas par cas. Et moi, en fait ça m’insupporte, c’est Ouais voilà, ce marketing complètement fallacieux.
Christophe : Ouais, j’aime bien l’aspect très terre à terre que tu décris dans la culture japonaise. Et moi, l’exemple que j’aime bien citer, c’est les études qu’on avait faites sur l’écorce de saule, tu sais, avec les dérivés salicylés, donc très anti-inflammatoires. Et donc il y avait cette étude où on avait mesuré le, la quantité de dérivés salicylés en circulation sanguine des personnes qui avaient pris de l’écorce de saule. Et les chercheurs avaient conclu, avaient dit, il y en a tellement peu en circulation sanguine que du coup, c’est pas efficace. Donc ça, c’était la version purement basée sur le constituant isolé. Le reste de la communauté des herboristes a dit, vous savez quoi? Vu que ça fonctionne C’est que ça fonctionne autrement. Peut-être, c’est un argument similaire ici de dire : Attendez, les amis, ça fait quelques siècles qu’on utilise les champignons sous forme de poudre, sous forme sec, qu’on intègre dans des soupes. Parfois, on les fait cuire, parfois, on ne les fait pas cuire. Et vous savez quoi? Ça a l’air de pas trop mal fonctionner, donc on va se calmer, peut-être.
Cela dit, il y a une préparation que j’aime beaucoup parce que j’en ai fait, je trouve que c’est sacrément concentré, c’est la double extraction. Tu nous parles un petit peu de la double extraction? À quoi ça sert? Pourquoi on pourrait la préparer? Est-ce qu’on va, est-ce qu’on va en tirer?
Guillaume : Une double extraction, c’est très simple, c’est qu’on va à la fois extraire les constituants dans une phase aqueuse avec de l’eau et les constituants qui sont plus solubles dans les matières grasses dans l’alcool. Et ensuite, on va recombiner les 2 pour avoir un extrait qui est plus proche du totum du champignon ou de la plante. Et effectivement, c’est intéressant parce qu’à la fois, on bénéficie d’un spectre large de propriétés et en même temps, l’alcool va apporter un aspect conservation. Parce que quand on fait simplement un extrait à l’eau, il faut le conserver au frigo et ça se tient 3 jours. Donc, ça apporte un aspect très pratique qui est effectivement très intéressant. Et voilà, quand c’est bien fait, c’est tout à fait valable. Et encore plus si on le fait soi-même, parce qu’encore une fois, comme on l’a dit, il y a quand même un côté oxydation qui est important à partir du moment où on a extrait les substances. Et donc, si vous le faites vous-même et que vous êtes sûr que le produit n’a pas passé un an, un mois dans les stocks de telle ou telle société, vous garantissez un produit qui est à son top.
Christophe : Oui, c’est ça. Il y a l’avantage aussi d’un produit liquide qui est simple à dispenser sous forme de cuillère ou de goutte. C’est aussi avantageux. C’est vrai que ça fait des préparations vraiment très épaisses. On sent que c’est riche, on sent qu’il y a un puissant goût de champignon. Et puis, pour revenir à notre ami Mathieu, là, qui récemment m’a envoyé, je pense que c’était une double extraction de cordyceps, donc bouteille qui était incroyablement concentrée, épaisse, avec un goût de cordyceps de fou. Et là, tu te dis : Wow! Mais dans une goutte d’un produit comme ça, c’est juste extraordinaire. Oui, oui. C’est une élixir. Ok, très bien.
Autre cliché : les champignons comestibles, c’est bon que dans l’assiette, ça ne vaut rien d’un point de vue médicinal. On aime bien tout séparer, mettre dans des boîtes. Tu as les champignons médicinaux, tu as les champignons comestibles, surtout ne pas les mélanger. Les cèpes, les lactaires, c’est médicinal ou pas?
Guillaume : Ce qu’il faut voir, encore une fois, c’est que selon les dernières estimations, dans le reigne fongique, il y aurait entre 11, 12, voire treize millions d’espèces. Aujourd’hui, on en connaît à peu près 200000, qui est ridicule. C’est, je crois, moins de 2 pour 100, si les calculs que j’avais faits étaient bons. Et parmi ces 200000, il y en a vraiment très, très peu qu’on a étudiés suffisamment pour pouvoir dire : OK, il y a des propriétés sur la santé qui sont intéressantes. Et notamment, beaucoup de champignons mycorhiziens qui vivent en symbiose avec les végétaux, on a souvent une difficulté d’approvisionnement pour pouvoir faire des études. Et puis aussi une volonté qui est plus ou moins présente. Et donc, c’est les champignons qui sont les plus à la traîne sur est-ce que ça a ou non des propriétés médicinales. Mais l’absence de preuve ne fait pas preuve d’absence. Et donc, du coup, effectivement, bah, je pense que légitimement, on peut se dire qu’il y a probablement des choses à trouver dans cette caverne d’Ali Baba.
Par contre, on a plein de champignons qui sont utilisés pour l’alimentation, qui sont avérés être des champignons médicinaux très bons. Et en fait, il y a par exemple l’exemple du professeur Ikekawa qui est professeur d’oncologie à l’Université de Tokyo, il s’est rendu compte qu’il y avait un petit village dans la préfecture de Nagano qui avait pour te donner les chiffres, c’est cet ordre de grandeur, mais en population générale, tu avais quelque chose comme 130, presque 144 cancers pour 100 000 personnes. Et dans ce petit village de Nagano, tu avais 84 cancers pour 100 000 personnes. Donc, on a une différence significative d’environ 30% sur la prédisposition de cette population à ne pas avoir de cancer. Il a envoyé quelqu’un pour voir ce qui s’y passait.
Ce qu’ils ont trouvé, c’est qu’il y avait une usine de production de champignons qui sont Enoki, Flammulina velutipes, Nameko, qui sont des champignons très communs au Japon. Et en fait, les gens du village, beaucoup travaillaient à l’usine et ils récupéraient les champignons qui n’étaient pas beaux, qui étaient un peu biscornus, etc. Et donc, le village mangeait beaucoup de champignons, plus de 3 portions par semaine. C’est ça qui était a priori la cause de cette diminution du risque de cancer. Et donc, le professeur Ikikawa a continué son investigation et ils ont créé un extrait qui s’appelle EEA, si je ne dis pas de bêtises, c’est Edible Mushrooms, je ne sais plus quoi. C’était un extrait de champignons comestibles qui étaient arrangés, synergisés pour lutter contre des pathologies.
Christophe : D’accord, donc il a transformé ce lien de corrélation apparent en lien de causalité au travers de ses études à postériori.
Guillaume : Ils ont fait des études cliniques sur cet extrait, etc. C’est quelque chose qui aujourd’hui est
Christophe : Est-ce qu’on n’est pas beaucoup biaisé aussi par la culture asiatique du champignon? C’est-à-dire que c’est eux qui ont démarré énormément de recherches. Il y a toujours aujourd’hui d’ailleurs, les pays asiatiques font beaucoup de recherches, alors que chez nous, finalement, il n’y a pas grand-chose. À ma connaissance, on n’a pas vraiment étudié les champignons qui poussent chez nous.
Guillaume : Ça arrive. Ça commence, oui. Oui, après, effectivement, ça, c’est sûr. C’est sûr que nous, on a notre relation aux champignons en France, en France particulièrement. Il faut voir que le champignon, il y a eu cette idée un peu moyenâgeuse que l’homme est fait de chair et en même temps avec une parcelle divine, parce que dans la Bible, l’homme est fait à l’image de Dieu, etc. Il faut pratiquer des choses qui nous élèvent spirituellement. On a créé une classification à une certaine époque de ce qui élève et ce qui rabaisse. Forcément, tout ce qui était humiliant, la racine de humilier, c’est humus, c’est le sol. C’est la même racine que humilité, c’est la même racine que humain, pour le coup. Ça reparlera de ce qu’on disait au début du podcast. Mais tout ce qui vient du sol nous tire vers le bas, selon cette doctrine très intellectuelle et moyenâgeuse. Et donc du coup, le champignon et tout ce qui est aussi même tubercule, c’était un peu l’aliment du pauvre. Et donc les nobles ne consommaient pas de champignons. Et c’est les plats populaires qui ont été ensuite réappropriés par la gastronomie, etc, qui ont donné aujourd’hui toutes les recettes qu’on a à base de champignons en France.
Mais c’était un peu l’alimentation du pauvre où on allait compléter notre garde-manger en faisant des cueillettes dans la forêt.
Christophe : Alors que dans la culture asiatique, on a beaucoup plus de respect pour cet aliment, même dans les castes élevées.
Guillaume : Au Japon, on pouvait payer ses impôts en Matsutake. En Chine, le reishi, c’était le champignon de l’empereur. Pareil, on faisait des offrandes de reishi à l’empereur. Il y a énormément d’objets, de peignes, d’ornements, comme on a des boiseries. En Chine, c’était beaucoup de reishi avec beaucoup de champignons. Et effectivement, on a toujours conservé en Asie, au global, ce respect et cette image du champignon comme étant un être qui apporte la puissance. Et en réalité, c’était aussi notre cas en Occident, jusqu’à finalement … Les Grecs considéraient le champignon comme une bénédiction un élément de puissance également.
Christophe : Moi, cette année, j’ai essayé de payer mes impôts avec des lactaires délicieux, mais ils n’ont pas pris. Ils n’ont pris. C’est dommage parce que j’en avais. C’est intéressant tous ces champignons qu’on a un petit peu plus chez nous. J’ai beaucoup appris dans tes livres. On en parlait un petit peu tout à l’heure, mais il y en a un, par exemple, que j’ai croisé plusieurs fois, l’armillaire couleur de miel. Vite fait, j’avais regardé, attention, toxique, machin, tout ça, touche pas. Puis après, j’ai regardé dans ton bouquin, je suis Pas exactement quand même. Il y a quand même des trucs intéressants. Ça me fait réaliser qu’il faut vraiment que je m’intéresse de plus près à tous ces champignons-là qui poussent un peu partout.
Ainsi que ceux qui sont un petit peu plus toxiques. Ça, ne faites pas n’importe quoi à la maison, mais les Russes ont beaucoup expérimenté avec certains champignons. Je connais des praticiens dans certains pays qui utilisent un macéra huileux d’ammanite pour lesTroubles névralgiques, sciatiques et compagnie et qui disent que ça soulage énormément et rapidement. On fait attention bien sûr parce que c’est un champignon toxique, mais se réapproprier ses savoirs et ses préparations là, ça serait vraiment intéressant.
Ma question suivante, c’était les utilisations modernes et médicinales. On en a déjà un petit peu parlé pour les troubles de l’immunité. C’est une question un peu compliquée, mais est-ce que tu pourrais peut-être nous prendre 2, 3 champignons qui te tiennent vraiment à cœur et nous parler des normes potentielles pour les problèmes de santé actuels? Où c’est que tu verrais le futur de la mycothérapie évoluer par rapport à nos problématiques?
Guillaume : Je vais en parler d’un qui est. En fait, c’est facile d’en parler parce que je pense que c’est le plus étudié. C’est le Trametes versicolore qui est un champignon qui pousse chez nous, qui est très commun. Dans les années 70, les Japonais ont créé un extrait de ce Trametes versicolore qui s’appelait le PSK ou la Crestine. C’est un peptide collé avec un polysaccharide, chimiquement. Cet extrait était commercialisé au Japon par une société qui s’appelait Kureha et c’était sponsorisé par le système de soins japonais pour faire de l’immuno-chimiothérapie ou immuno-radiothérapie, c’est-à-dire en complément de traitement anticancer.
On a beaucoup d’études sur ce champignon, sur cet extrait de champignon. On a même des méta-analyses qui concernent des dizaines de milliers de patients. On a vraiment, vraiment beaucoup de données, mais quand ça a été présenté à l’Europe, encore une fois, l’Europe a dit : On ne comprend pas comment ça fonctionne, alors nous, on n’y va pas. Et aujourd’hui encore, ce champignon, que ce soit le mycélium ou le carpophore, est sur cette liste Novel Food, et donc interdit à la commercialisation. Et donc, la plupart des sociétés de mycothérapie s’arrangent pour essayer de recréer quelque chose qu’elles estiment être similaires en termes de propriétés. Mais c’est un champignon qui est pour moi super intéressant. Et encore une fois, là, on a de la donnée.
Christophe : Comment tu recrées un truc qui serait similaire? Dans les fractions de constituants, tuessaies de reproduire?
Guillaume : Non, mais c’est très intellectuel comme démarche. On sait que c’est un champignon qui est très bon pour l’immunité, on n’a pas le droit de l’utiliser, donc on va mettre à la place du shiitake, on va mettre d’autres champignons qui, a priori
Christophe : Tu fais une formulation basée sur la propriété d’un champignon qui se rapprocherait des propriétés de celui-ci en particulier.
Guillaume : Absolument. La société japonaise, le PSK, s’est arrêté en 2017, si je ne dis pas de bêtises. il se trouve que les Chinois ont continué. Ils ont créé leur propre version du PSK et ils ont fait ce qu’on appelle le PSP. Et le PSP est toujours commercialisé et il est apparu dans les années 80 en Chine. Ça fait quand même beaucoup de recul sur cette molécule. Et en France, on a le droit de le commercialiser sous usage vétérinaire. Donc, on a des vétérinaires qui utilisent sur les chiens le PSP.
Christophe : D’accord. Il faudrait que je demande à mon ami Pierre May s’il a déjà utilisé ça et de l’expérience dans sa clinique parce qu’il a tellement utilisé de produits naturels que si c’est autorisé, il n’est pas impossible qu’il ait déjà testé ça avec ses animaux. D’accord, ça, c’est le premier. Allez, un autre.
Guillaume : Le cordyceps? Ouais, Le cordyceps, c’est pareil. Puissant. Il y a énormément d’études dessus. C’est un puissant revitalisant, on va dire. Et notamment, moi, ce qui est intéressant, je trouve, c’est sur la fertilité, parce qu’on voit qu’on a une fertilité qui est en chute libre. On a aussi une production de testostérone qui diminue au global donc le champignon vient aider la production d’hormones stéroïdiennes notamment testostérone, et aussi oestrogènes chez la femme, donc augmente la fertilité chez les deux sexes. Et également, il y a eu des études qui ont montré que ça augmentait la motilité, la mobilité des spermatozoïdes. Et donc ça augmente aussi, pour la procréation, c’est un champignon qui est très intéressant.
C’est a priori aussi protecteur des reins, du foie. La cordycépine, c’est une molécule qui a des, qui est apparentée à notre adénosine. Donc, tout le métabolisme énergétique bénéficie en fait de cette molécule, et notamment bah, notre cerveau qui fait 20 pour 100 de notre poids, mais qui consomme 80 pour 100 de notre énergie, il est a priori protégé par ça. C’est constitués là. Donc beaucoup de bénéfices.
Christophe : Ouais, alors, on va faire la petite parenthèse quand même du fait qu’entre les Chinois et les Tibétains, on est en train de se faire la guerre et qu’on est en train de tout raser. Et c’est une catastrophe écologique, la ramasse du cordyceps. On ne peut pas passer ça sous silence, mais peut-être pour nous redonner espoir dans le cordyceps cultivé, le militaris peut-être, parce que c’est vrai que j’ai vu beaucoup de, de critiques, beaucoup de points de jugement négatifs sur cette souche militaris, en particulier lorsqu’elle est bon, cultivée de laboratoire ou alors sur substrat quoi, par rapport à la version sauvage. Mais j’ai l’impression que d’un point de vue constituant, c’est tout à fait valide et valable.
Guillaume : Absolument. Oui je suis tout à fait d’accord avec toi. Encore une fois, l’Union européenne, pour elle, le sinensis est non novel food, donc commercialisable. Le militaris est novel food, donc non commercialisable normalement. Ça, c’est un problème. clairement, c’est un problème. Et au niveau des constituants, effectivement, même si on considère que la cordycépine, c’est le principe actif majeur du cordyceps, il y a même des études qui montrent que le militaris, sous certaines conditions, avec certains substrats, etc., produit plus de cordycépine que le cordyceps sinensis. Et notamment, un truc intéressant, je trouve, c’est qu’ils ont fait des essais pour la culture du cordyceps militaris sur des pupes de ver à soie. Donc, le déchet du ver. Enfin, quand on prend la soie en fait, on ébouillante le ver et donc le ver ne sert à rien. Donc c’est un déchet. On pourrait s’imaginer que demain, on aurait une industrie de la soie qui produirait aussi des cordyceps de meilleures propriétés médicinales.
Christophe : Ouais j’ai pas mal de recul. J’ai du recul sur l’utilisation du cordyceps avec ma base de clientèle en suivi, avec différentes problématiques. Et effectivement, je trouve que c’est très prometteur, y compris le militaris, celui que l’on cultive d’une manière un petit peu plus éthique que ce qu’on ramasse au Tibet. Et puis récemment, encore pour revenir à notre ami Mathieu, parce que il m’a envoyé, il y a peut-être 2 ans, un sac avec des cordyceps entiers, magnifiques, énorme, de couleur orange. Je n’avais jamais vu ça entier, moi, j’avais toujours acheté de la poudre. Et là, il m’a fait ce cadeau-là de sac entier. Et coïncidence, c’était une période où je me suis tapé une phase d’épuisement. Vraiment, j’ai passé un, une sale période. Donc, je me suis fait une cure, je les ai réduits en poudre au moulin et je me suis fait mes préparations. Et bon, comme disent les Américains, c’est N égale un, c’est-à-dire c’est l’échantillon de moi-même, c’est un échantillon de un. Cela dit, ça m’a fait un bien fou. Et puis, avec mes clients, c’est vrai que je l’ai parfois recommandé. J’ai l’impression qu’on a quelque chose de très efficace. Donc, tu disais que c’est difficile à cultiver?
Guillaume : C’est une culture qui est un peu non conventionnelle, parce qu’il faut de la protéine dans le substrat. Et donc, à partir du moment où on met de la protéine, on augmente le taux d’azote et l’azote rend le substrat plus susceptible à la contamination. Et puis il y a aussi un jeu de lumière. Enfin, Mathieu, du coup, effectivement, qui fait des miracles dans la culture de cordyceps. Je pense que c’est le meilleur cultivateur de cordyceps en France. Ah oui. Oui, je pense qu’il est à ce niveau. Et effectivement, Mathieu fait des miracles avec le cordyceps.
Christophe : Avant de parler de tes livres Non, on va parler de tes livres d’abord, parce que j’aime bien. Il y a une formule choc que tu utilises. Je vais la garder pour la fin. Alors, tes livres, je me suis régalé. Le génie méconnu et discret des champignons. C’est le premier qui est sorti, celui-là. On est aux éditions, on est chez Albin Michel. Alors là, c’est vraiment une introduction générique sur ce règne des champignons et leur rôle pour l’écologie, pour la planète. nous fais réaliser que finalement, sans champignons, il n’y a pas de vie quoi. C’est énorme. Et puis ensuite, on a le guide des champignons médicinaux. Alors celui-là qui était un petit peu plus proche de mes centres d’intérêt, où il y a une belle introduction déjà sur les préparations, les formes. Et après, on rentre dans ce qu’on appelle des monographies. C’est-à-dire que tu nous passes chaque champignon en revue et tu nous donnes ses propriétés, indications. Et là, on est aux éditions Ulmer. Il faut combien de temps pour écrire un livre? Dis-nous Guillaume.
Guillaume : En fait, j’ai écrit un peu les 2 en parallèle. Et j’étais très focalisé, je me faisais des sessions, je me levais à 5 heures du matin, j’enchaînais pendant 4, 5, des fois 6, 7 heures d’affilée d’écriture. Et du coup, j’ai réussi à mener à bien les 2 projets, d’une certaine manière, en parallèle.
Christophe : Ils sont sortis quasiment en même temps, peut-être une année de différence. Deux éditeurs différents?
Guillaume : deux éditeurs différents, il y a eu un petit couac. Le premier livre était censé être celui des champignons médicinaux et il s’est trouvé que le projet du génie méconnu, des secrets de champignons n’a pas intéressé la personne en charge à l’époque chez Ulmer.
Christophe : Quand on en a écrit deux, c’est en général qu’il y en a un troisième en préparation non? J’allais dire où tu vas te calmer un petit peu.
Guillaume : J’ai essayé de me calmer et en fait, non. J’aime bien écrire.
Christophe : Tu peux nous dire peut-être un petit teaser de quoi ça parlerait le troisième ou pas encore?
Guillaume : Ça sera un livre sur la culture, notamment à domicile, des choses assez simples. On ne parle pas forcément d’établir une culture professionnelle, parce que je n’ai pas cette expertise-là. Je ne l’ai jamais fait à titre professionnel. Mais voilà, indépendantiser, je ne sais pas si ça se dit comme mot. Inventons un nouveau mot, c’est bien. Pour la culture à la maison et aussi des recettes de cuisine. Ça va être un livre plus utile.
Christophe : Donc, les petites chevilles, faire cheville un tronc et mettre des chevilles à inoculer, des choses comme ça, les substrats, les kits de culture.
Guillaume : Exactement. Très pratico-pratique, culture en lit également, ce qui est intéressant pour certains champignons. Là, on va mettre du broyat de bois avec du mycélium. L’avantage, c’est que ça produit une culture et en même temps, ça régénère le sol puisque ça accélère la production d’humus. Toute la vie du sol vient se nourrir du mycélium, etc. Donc c’est très bénéfique.
Christophe : Fais gaffe, il est possible que je te réinvite pour la sortie du livre. La partie culture m’intéresse énormément. On va finir avec une formule choc que j’avais notée. Le 21ème siècle sera fongique ou ne sera pas. Qu’est-ce que tu entends par là?
Guillaume : Bah encore une fois, humus, la partie fertile du sol, homme, humilité et humilié également, c’est la même racine. Ça veut dire que l’homme est dépendant de l’humus terrestre, de la qualité du sol. Et les producteurs d’humus dans le sol, c’est les champignons. Et donc en fait, tout simplement, si on cherche à se sevrer du sol, ce qui est complètement impossible, on va finir juste par se détruire. Et ce qu’il faut voir, c’est que dans la relation qu’entretient l’homme avec le sol, globalement, toutes les populations qui sont nomades sont des populations qui vivent à des endroits où le sol n’est pas suffisamment riche pour pouvoir se sédentariser. C’est ce qui fait qu’on est obligé de rester nomade, de rester mobile. Et c’est particulièrement intéressant d’étudier, par exemple, le cas de la Terra Preta en Amérique Latine, justement, puisque on n’a pas l’impression comme ça, mais la forêt tropicale amazonienne, c’est pas des sols qui sont très fertiles du tout. C’est des ferrals sol qui sont avec un pH très bas, etc.
Et donc, quand on a eu perdu cette technique de Terra Preta, ce qu’on a pratiqué pendant des siècles, pendant des dizaines d’années au moins, c’était la Bâtie brûlie. C’est-à-dire qu’on vient brûler la forêt, on récupère des cendres, des minéraux, ce qui nous permet de cultiver le champ pendant 2, 3 ans et ensuite, on passe à une autre parcelle et on bouge comme ça. Parce que la fertilité du sol permet de créer de la nourriture qui permet de maintenir l’ancrage 12 mois sur 12, qui nous permet de créer une comptabilité, une culture qui s’ancre avec les écrits, justement. Et donc en fait, ce qui sous-tend l’humain est complètement dépendant du sol. Et on a dit que le maître du sol, c’était le champignon. Et donc en fait, de facto, si on ne se réapproprie pas l’activité du champignon dans les sols et plus généralement l’activité du champignon, on va finir par se suicider, par couper la branche sur laquelle on est assise.
Christophe : et une fois qu’on se sera autodétruit, les champignons reviendront tout naturellement.
Guillaume : Absolument. Absolument.
Christophe : Merci pour ces sages paroles. Guillaume, Domo arigato gozaimasu. Merci, merci beaucoup pour ce partage de connaissances et on attend avec impatience le troisième livre et j’espère qu’on discutera des modes de culture. Ça va intéresser pas mal de nos auditeurs.
Guillaume : Avec grand plaisir. Merci Christophe.
Chaque été, je vais me réfugier dès que possible dans les montagnes et il y a un coin que j’affectionne tout particulièrement, ce sont les Alpes. Les paysages d’altitudes sont absolument magnifiques, les plantes sont encore belles alors que chez moi en Provence, elles sont déjà bien cramées.
Si vous montez en altitude, dans les pierriers, vous verrez le génépi. Vous allez le trouver dans des paysages qui paraissent parfois un peu lunaires. Les vents soufflent très fort, les plantes sont au ras du sol, la végétation se fait beaucoup plus rare. Aujourd’hui je triche un peu, car je suis dans les pierriers chez moi en Provence.
Mais en montagne, dans les granites et les quartz, se cache le petit génépi. C’est une plante emblématique de la flore médicinale des montagnes. Et on va en parler dans cet épisode. C’est une plante menacée, donc on va surtout l’observer lorsqu’on la croise, en se remémorant les vieux livres de l’époque et tous les bienfaits que cette plante a pu apporter aux anciens.
On va aussi envisager des alternatives, car on va retrouver des propriétés similaires dans d’autres plantes que vous connaissez bien. Mais je ne vous en dis pas plus, on en parle dans quelques minutes.
Avant de démarrer, je vous rappelle que je ne suis ni médecin, ni pharmacien, ni professionnel de la santé. Je suis là pour partager ma passion avec vous. Mais ceci ne remplace aucunement un suivi médical, et n’a pas vocation d’être diagnostic ou prescription médicale.
Différents types de génépi
Parlons d’abord de l’aspect botanique. Le génépi est une plante vivace de la famille des astéracées. On peut trouver différents types de génépis dans les montagnes. En termes de cueillette, renseignez-vous, la plante est protégée dans de nombreux écosystèmes. C’est une plante d’altitude qu’on trouve à partir de 1500 m et jusqu’à 3500 m pour certains génépis. On va compter 4 principaux génépis.
Génépi laineux :
Nous avons Artemisia eriantha, qu’on appelle aussi génépi laineux, génépi mâle ou génépi à fleurs cotonneuses. C’est le plus robuste des génépis : il peut dépasser 20 cm et porte de nombreux petits capitules tout le long de sa tige.
(https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Artemisia_eriantha.jpg)
Visuellement, on le reconnaît par son épaisse pilosité blanche, très soyeuse, qui lui donne un aspect un peu duveteux. Et c’est la seule espèce, à ma connaissance, totalement protégée dans les Alpes françaises (notamment dans les Hautes-Alpes et en Isère). Donc, on n’y touche pas.
Génépi noir :
Ensuite, nous avons Artemisia genipi, le génépi noir, aussi appelé génépi vrai. C’est celui qui est considéré un peu comme l’espèce de référence dans la pharmacopée. C’est l’un des génépis les plus aromatiques. Il a des fleurs groupées uniquement au sommet d’une courte tige. Et il présente des bractées noirâtres à la base des capitules floraux (c’est ce qui lui vaut son nom). On le rencontre lui aussi dans les éboulis, les moraines, les coins rocailleux.
(https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Artemisia_genipi_Piz-Cluenas-10.jpg)
La cueillette est souvent interdite. Il n’est autorisé à la cueillette que dans certaines zones non protégées, comme en Savoie, où une réglementation familiale et quotidienne (jusqu’à 120 brins par personne) peut s’appliquer.
Génépi blanc :
Vient ensuite Artemisia umbelliformis, plus connue sous le nom de génépi blanc (ou génépi jaune). C’est un génépi d’apparence plutôt fine et délicate. Il a de petits capitules qui sont étagés tout au long de la tige, en épis ou en grappes. Il est entièrement velu et soyeux. On le retrouve en Savoie, Haute-Savoie, Hautes-Alpes. C’est celui que je vous montre à l’écran si vous regardez la version vidéo de cet épisode.
La cueillette est parfois autorisée, mais limitée à 80 à 120 brins/an ou par jour, selon les lieux.
Génépi des glaciers :
Et enfin, Artemisia glacialis, le fameux génépi des glaciers. C’est l’espèce la plus rare, avec des tiges courtes terminées par de gros capitules jaunes. On la trouve essentiellement dans la partie orientale des Hautes-Alpes ou en Vanoise, dans les éboulis et les moraines d’altitude.
(https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Artemisia_glacialis_Riffelhorn_Matterhorn.jpg)
Parfois autorisé à la cueillette. Dans le Mercantour par exemple, on peut ramasser 80 brins par personne par an, uniquement du 1ᵉʳ au 31 août.
Donc les réglementations sont très spécifiques par lieu géographique, par génépi, et cette partie-là n’est pas mon expertise. Je ne suis pas là pour vous lister la réglementation, je suis juste là pour vous dire : attention, le génépi sauvage est menacé, des alternatives existent, on n’a pas besoin d’aller la cueillir en altitude dans les pierriers.
Bienfaits du Génépi : parties utilisées
En ce qui concerne les parties utilisées, ce sont toutes les parties aériennes, qu’on appelle aussi les « brins » chez les montagnards. Le brin, c’est une tige avec les petites feuilles et les capitules floraux, coupée pas trop bas sur la tige pour ne pas trop abimer la plante. Nous, dans le monde de l’herboristerie, on parle plutôt de sommités fleuries. Elles sont ramassées les mois de juillet et août.
Il faut savoir que la cueillette, chez les locaux, c’est un peu secret. On ne révèle pas forcément où on ramasse le génépi. C’est un peu comme les champignons. On dit « par là-bas » en restant très vague et en montrant un pierrier tout au fond.
On notera aussi que la ramasse est risquée. Denise Delcour, dans son ouvrage « Plantes et Gens des Hauts« , nous dit que presque chaque famille des Alpes (du moins celles qu’elle a interviewées) évoque un accident survenu en allant chercher du génépi.
Goûts et Constituants
En termes de goûts et constituants, il y a deux aspects très marquants au génépi.
D’abord une dimension très aromatique, très pénétrante. Si on regarde les composés volatils, ça va dépendre de l’espèce et du lieu de ramasse comme toujours, mais on va retrouver des notes un peu camphrées, des monoterpènes de type α-pinène, β-pinène, du 1,8-cinéole que l’on connait bien vu qu’on le retrouve dans d’autres aromatiques comme l’eucalyptus, le ravintsara, le niaouli. Donc on s’en prend plein les narines, c’est fort et aromatique, et ça nous rappelle une autre astéracée bien connue pour les liqueurs : l’absinthe.
Ensuite, en bouche, nous avons une dimension bien amère. Et ceci, on le doit aux lactones sesquiterpéniques que l’on retrouve dans de nombreuses astéracées, un constituant décidément bien amer.
Mais revenons au goût. C’est une plante qu’on appelle une « amère-aromatique ». Et cette double dimension va nous en dire long sur ses propriétés.
Mais avant de vous parler des propriétés, je vous rappelle qu’AltheaProvence vous propose de nombreuses formations en ligne sur l’herboristerie pratique et appliquée aux problématiques d’aujourd’hui. Nous avons formé plus de 3500 étudiants depuis 2015. C’est de l’enseignement exclusif, basé sur l’expérience et la pratique, avec des programmes courts et des cursus longs. C’est en grande partie grâce à l’école que l’on peut vous produire régulièrement du contenu de grande qualité comme aujourd’hui, et toujours accessible gratuitement.
Bienfaits du Génépi : propriétés et vertus
Stimulant digestif
La première propriété bien connue du génépi, c’est comme stimulant digestif. Et là, on revient à son aspect amer-aromatique.
Amer : qui stimule toutes les sécrétions de la bouche à l’intestin en passant par le foie. Qui prépare le système digestif à recevoir les aliments et à les décomposer et les absorber d’une manière optimale. Rappelez-vous qu’on utilise l’amertume avant les repas en principe. On pensera à la gentiane ou aux autres grandes amères de notre pharmacopée. Ce sont des plantes « apéritives », pas au sens social du terme, mais au sens physiologique du terme. Qui ouvre l’appétit. Et donc, à utiliser avant les repas, mais qui apporte aussi un effet de relance si on les prend sur la digestion.
Aromatique : qui apporte, pour le génépi, un effet carminatif, c’est-à-dire qui calme les ballonnements et la production de gaz. Antispasmodique, c’est-à-dire qui calme les crampes digestives lorsque les organes digestifs ont un peu trop travaillé. Globalement, cette partie aromatique l’indiquerait plutôt sur la digestion, pour calmer ballonnement et crampes.
Du coup, lorsqu’on met ces deux aspects ensemble, amertume et aromatique, on prend le génépi avant le repas, ou sur la digestion ? En fait, c’est un peu comme on veut. C’est une plante qui peut aider à préparer la digestion, et à soulager une digestion difficile. Avant ou après, avant et après.
Plante des refroidissements
Autre propriété intéressante, le génépi était utilisé par les montagnards pour les refroidissements. Qu’est-ce qu’on entend par ce terme, eh bien tout simplement, on a pris un coup de froid. C’est l’hiver, on a choppé une infection et on se sent dans un état fébrile. C’est à ce moment-là qu’on sortait le génépi.
On l’utilisait aussi dans le gros de l’infection comme plante diaphorétique, qui aide à réguler et évacuer les excès de chaleur provoqués par la fièvre. Je vous rappelle d’ailleurs que je vous ai fait un épisode complet sur la grande utilité des plantes diaphorétiques lors des infections.
Valnet va plus loin en positionnant le génépi comme un « remède des chaud et froid ». Vous savez, ces périodes dans lesquelles une minute, on a des frissons et on a envie de se couvrir, et la minute suivante, on a chaud. Et si on regarde l’aspect énergétique, du moins comme je l’ai appris en herboristerie américaine, l’aspect amer est d’énergétique froide, l’aspect aromatique, pour le génépi, est pour moi d’énergétique chaude (au ressenti). Donc, on a ces deux énergies qui pourraient bien s’appliquer, comme le dit Valnet, aux situations d’alternance chaud-froid pendant une infection.
Paul-Victor Fournier nous dit : « utilisé très anciennement par les montagnards des Alpes pour provoquer la sudation dans les maladies aiguës et principalement la pleurésie« . Pourquoi Fournier nous parle de pleurésie, une inflammation de la plèvre (de cause infectieuse à l’époque) ? C’est vrai qu’on n’en parle plus trop aujourd’hui.
Eh bien parce que c’était souvent une complication d’une pneumonie. Et une pneumonie était parfois une complication d’une bronchite mal soignée (pas toujours, mais ça pouvait être le cas). Du coup, à une époque où on n’avait pas l’arsenal médicamenteux qu’on a aujourd’hui, une infection respiratoire mal soignée, lorsqu’elle était bactérienne en particulier, pouvait vite évoluer vers quelque chose de sérieux.
Donc pour simplifier ce que nous disent Valnet et Fournier, et l’appliquer à une époque plus moderne, on dirait que le génépi pourrait être utile dans les infections respiratoires avec fièvre.
Comment le génépi agit-il ici ? Les aromatiques apportent un aspect mucolytique et expectorant, désinfectant des bronches. Grâce à la présence de certains constituants amers, comme les lactones sesquiterpéniques, le génépi a probablement un aspect stimulant de l’immunité. Donc, on désinfecte, on aide à évacuer les déchets pulmonaires qui s’accumulent, on stimule l’immunité.
Tonique général
Le génépi est considéré comme un tonique général. C’est une propriété que vous allez souvent retrouver dans cette catégorie des amères-aromatiques.
Ça veut dire que dans le passé, la plante était utilisée dans toute situation de fatigue générale, d’asthénie avec manque d’appétit, peut-être suite à une longue maladie. Ces plantes toniques viennent nous accompagner dans une phase de reconstruction de la vitalité et de relance générale.
Fournier nous dit : « remarquables par leurs propriétés aromatiques et stimulantes » pour tous les génépis. Stimulant, mais pas comme un excitant bien sûr. Stimulant, sur le long terme, en agissant sur les capacités digestives, immunitaires, et probablement d’une manière plus large qu’on a bien du mal à comprendre aujourd’hui.
Un autre aspect ethnobotanique à noter, c’est le fait que le génépi, c’était un peu le symbole de la survie montagnarde, de la vie dure en altitude. On a cette signature de la plante qui pousse dans des endroits très austères, sous les vents. Donc la plante qui aidait aussi le montagnard à vivre en montagne. C’est l’une des plantes qui renferme l’identité Alpine.
Emménagogue
Je vous donne une dernière propriété, en tant qu’emménagogue. Fournier nous rappelle que le génépi possède les propriétés d’autres armoises (comme l’armoise commune ou l’absinthe). Ces autres armoises médicinales sont effectivement emménagogues.
Je vous rappelle ce que signifie ce terme : qui favorise ou déclenche l’apparition des règles, en général en stimulant la circulation sanguine dans la région pelvienne. Donc on ramène l’énergie, le sang, l’oxygène, les nutriments vers une sphère utérine un peu « froide » et en manque de fonction.
Valnet nous dit « facilite la menstruation » et nous donne l’indication « règles insuffisantes ». Les plantes emménagogues sont effectivement utilisées pour les absences de règles, à faire diagnostiquer par votre médecin d’abord bien évidemment.
Je ne pense pas que le génépi ait été connu pour cette propriété dans les montagnes (je me trompe peut-être). Mais là, je pense qu’on a le savoir médical de Valnet qui vient se superposer à la tradition, et Valnet fait probablement le parallèle avec les autres armoises.
Peut-on cultiver le génépi ?
Peut-on cultiver le génépi ? Oui, c’est possible, mais ce n’est pas pour autant facile. Elle demande des conditions très spécifiques. J’ai vu des cultures à petite échelle en Haute-Savoie, dans les Alpes Suisses. Certains producteurs spécialisés vendent des plantules pour la culture. La croissance sera lente les 2 premières années. Mais c’est tout à fait possible.
La germination est assez capricieuse, les graines sont très petites et ont besoin de stratification à froid. Voir mon site sur lequel je vous explique cette technique de germination.
La plante se plaira en altitude. La terre doit rester relativement pauvre, trop de matière organique pourrait rendre la plante moins résistante et moins aromatique. Faut pas oublier qu’elle pousse dans les pierriers, un environnement des plus pauvres.
Certains diront que la plante cultivée n’est pas aussi bonne que la sauvage. Oui, peut-être. Mais on en arrive à un stade où pour préserver les ressources naturelles, il faut faire des compromis, on n’a plus le choix.
Alternatives
D’ailleurs, je vous propose qu’on parle maintenant des alternatives au génépi.
Et j’aimerais démarrer la réflexion avec ce petit commentaire de Jean Valnet qui nous dit : « l’achillée laineuse (Achillea nana), bénéficie des mêmes pouvoirs ». Cette petite achillée pousse au ras du sol, dans les mêmes coins que le génépi, en altitude, dans les pierriers, sous les vents. Et alors, elle est super aromatique. Lorsqu’on la goutte, on est aussi frappé par ces mêmes dimensions amères et aromatiques stimulantes et puissantes.
Mais du coup, nous avons d’autres plantes qui ont ces propriétés amères et aromatiques-chaudes. Une achillée bien aromatique. Une absinthe. Et que penser d’un petit mélange avec une armoise commune, dans laquelle on va rajouter du thym ou de l’origan pour un petit côté antiinfectieux en plus, pour les troubles hivernaux, est-ce qu’on obtient pas des propriétés similaires ?
Pour une période de grande fatigue, et si on associait une petite centaurée ou une autre amère, comme la gentiane, avec la chaleur stimulante du romarin ? Et pourquoi pas un peu de gingembre ?
Alors oui, je sais, on n’arrivera jamais à reproduire une plante avec un mélange d’autres plantes. Je sais que le génépi est irremplaçable. Il est unique. Et si on le perd, à cause des changements climatiques, à cause des abus et de la surramasse, ça sera terrible. Raison pour laquelle il faut se pencher sur les alternatives, pour le laisser pousser tranquillement, dans ses éboulis.
Formes et dosages
En ce qui concerne les formes et dosages.
- Infusion des parties aériennes, 30 à 50 g des parties sèches par litre chez Valnet, 2 à 4 tasses par jour. C’est énorme comme dosage. Déjà, une pincée par tasse, c’est bien. Rien chez Fournier, rien chez Leclerc.
- Je n’ai pas d’informations sur l’utilisation de la teinture ou l’alcoolature, mais connaissant la plante, je dirais dans les 20 à 30 gouttes de 2 à 3 fois par jour.
Si j’avais à l’utiliser aujourd’hui, version cultivée en altitude, avec un génépi bien aromatique, je me calerais probablement sur une teinture, avant les repas, une 20’aine de gouttes, pendant plusieurs semaines, pour une relance digestive ou une situation de fatigue.
Bienfaits du génépi : précautions
En ce qui concerne les précautions:
- Contrindiqué aux personnes allergiques aux plantes de la famille des astéracées.
- Contrindiqué chez la femme enceinte ou allaitante.
- Attention si ulcère ou gastrite, car le génépi est très amer, la production accrue de sucs digestifs pourrait avoir un effet aggravant.
- Et pour finir, un peu comme pour l’absinthe, nous avons une précaution au sujet de présence de thuyone (en quantité très variable et difficilement quantifiable) qui pourrait devenir problématique si la quantité ingérée était trop importante, provoquant des convulsions ou autres types de problèmes. Un peu spéculatif, mais c’est important de le rappeler.
Voilà, c’est terminé pour le génépi. Et encore une fois, je me répète, mais merci de respecter ces plantes qui sont en voie de disparition. On en parle ici pour ne pas perdre le savoir, et ça, c’est important, car c’est la mémoire de nos ancêtres qui est en jeu.
Merci d’être là, on se retrouve très vite pour un prochain épisode.
Recette de la liqueur au génépi
Les recettes tournent toujours autour des mêmes proportions :
- 30 à 40 brins de génépi, 30 brins pour une liqueur plus douce, 40 pour une liqueur plus forte
- 1 litre d’alcool à 40 à 45° type alcool pour fruits. Dans certaines régions, on utilise une eau-de-vie de raisin (Marc, fine, grappa) pour un fond définitivement plus “rustique”.
- Un sirop constitué de 200 g sucre + 200 ml eau (faire dissoudre le sucre dans l’eau d’abord en faisant chauffer)
- Mettre tous les ingrédients dans un bocal ou une bouteille et laissez macérer 30 à 40 jours.
Vous pouvez laisser les brins dans la bouteille pour un aspect esthétique.
A l’occasion des journées de Nyons qui vont se dérouler les 29, 30 octobre et 1er novembre, je vous propose une interview avec Thierry Thévenin qui nous raconte un peu son parcours et ses motivations en tant que producteur de plantes médicinales et cueilleur de sauvages, en tant que porte parole du syndicat des Simples, en tant que président de la Fédération des paysans Herboriste, auteur prolixe, enseignant… vous l’aurez compris, Thierry Thévenin est une référence incontournable dans le monde de l’herboristerie, avocat de la cause des paysans-herboristes.
Site de l’évènement : https ://www.herbodedemain.com/
Christophe : Bon, t’es prêt Thierry ?
Thierry Thévenin : Oui.
On y va ?
On y va.
Eh bien écoute, bienvenue dans mon modeste studio d’enregistrement.
Et bien ravi de le découvrir.
On va parler des journées de Nyons qui vont se dérouler les vingt-neuf, trente octobre et premier novembre. Et on va faire un petit périple, si tu veux bien, au travers de toi, ton expérience, au travers des gros dossiers de l’herboristerie aussi. Ça va nous amener à Nyons, mais on va prendre quelques petits chemins de traverse, si tu veux bien.
Et j’aimerais commencer par, par toi, qui tu es, parce que tu as toujours été un porte-parole de, de la cause, surtout des, des paysans herboristes et puis au fil des années de l’herboristerie globalement. Je me posais la question, je me disais : comment est-ce que on devient engagé militant ? Est-ce qu’on est engagé militant ? Il faut avoir un certain caractère parce qu’il y a des gros dossiers à gérer et on peut jamais mettre tout le monde d’accord. Il faut faire face à des désagréments, des obstacles, on se prend des râteaux.
Alors les râteaux, pour le jardinier ça fait pas peur, mais quand même, il faut être assez fort. Est-ce que chez le jeune Thierry, quand tu étais enfant, adolescent, jeune adulte, est-ce qu’il y avait déjà la graine de ce militant engagé ? Comment étais-tu ?
En fait euh, effectivement, on se prend des râteaux, on fait des conneries, on fait des bêtises, on fait des erreurs, mais je crois que j’ai toujours été assez enthousiaste J’aime la vie. Je suis curieux de ce qui m’entoure et ça, ça donne beaucoup d’énergie, ça donne envie de faire des pas, de se bouger et ça engage pas à rester passif quoi.
Je crois que j’ai toujours été assez actif et du coup, c’est vrai que… Bon, c’est vieux hein, c’est vieux maintenant, mais je pense qu’effectivement, même enfant, même à l’école ou même dans les cercles d’amis, je pense que j’ai souvent été un peu force de propositions et à aller voir, à bouger, à imaginer, à avoir des idées, à provoquer un certain effet de l’entraînement. Mais parce que moi-même, je suis entraîné. Ce n’est pas l’idée de vouloir entraîner les autres, c’est parce que moi, le monde m’appelle. En fait, si on parle de plantes, pour moi, c’est une rencontre à chaque fois, une plante. Et que ça soit quand je fais des recherches dans des livres ou quand je la cueille, j’ai vraiment le sentiment d’être avec un être qui est comme moi, qui est arrivé sur cette planète, voilà, il a eu un papa, il a eu une maman, ça ne se passe pas exactement pareil pour les plantes, mais quand même, il y a un être vivant, il y a une entité, il y a une individualité qui, finalement, établit des relations avec ce qui l’entoure.
Donc les plantes, ça va être avec les insectes, ça va être avec les animaux. Quand je suis arrivé chez toi, le premier truc qui m’a frappé, c’est ton magnifique micocoulier. Il y a une relation que tu entretiens, même si elle n’est pas toujours consciente. En tout cas, elle est bien réelle. C’est vrai que voilà, c’est un arbre qui va te procurer un peu de fraîcheur quand c’est la canicule, qui va te faire sortir le balai quand il va perdre ses feuilles, que peut-être tu vas grignoter ses fruits, peut-être un jour, il va écraser le toit de ta maison et il va t’amener à complètement revoir ton habitat et peut-être à te pousser enfin, je ne sais pas, tu vois et donc moi, je fonctionne comme ça.
Chaque rencontre, qu’elle soit un être humain ou une plante ou un animal, ça m’interroge, ça peut m’attirer, ça peut me repousser, ça peut permettre des très belles choses, ça peut faire faire des grosses conneries, mais en tout cas, c’est jamais anodin. Et du coup, c’est vrai qu’on dit, c’est pour soi, mais en même temps, on est le monde et le monde, c’est nous quoi. Et c’est pas spécialement égoïste pour moi, c’est juste de se sentir vivant et… Le monde m’appartient, mais j’appartiens au monde. Il y a pas de presséance. C’est compliqué d’ailleurs quand on jardine, parce que souvent, la question, c’est : de quel droit ? De quel droit ?
C’est le droit de vie ou de mort, le jardinier. Toi, tu as le droit de pousser parce que c’est moi qui ai choisi, c’est mon jardin, c’est moi décide. Toi, je te bute parce que toi, j’ai pas envie de toi. C’est un truc, ça a toujours été un drame que j’ai toujours pas résolu depuis quarante ans parce que je suis en voyage un peu moi dans ce monde.
Quand on est jardinier, tu sais, quand tu fais tes semis, à un moment, tu as trop semé. Et donc, il faut Comment on appelle déjà ce mot ? Pas affiner, mais rappelle-moi, comment on dit ?
On peut dire soustraire. Normalement, ça va être Il y a plein de mots qui ont été inventés. On dit démarier, c’est joli. Démarier des carottes, c’est éclaircir.
Éclaircir, voilà, merci.
C’est le plus classique, mais il y a plein de mots qui ont été inventés.
Et moi, ça m’a toujours posé problème. Et donc la seule manière de résoudre ce dilemme, c’était que je mangeais les petites plantules.
Je ressens vraiment quelque chose d’assez proche parce que je me dis effectivement, si c’est vraiment de la tyrannie et de dire : « Je te supprime parce qu’effectivement, tu me gênes et tu me déranges et je ne te donne pas le droit d’exister simplement parce que tu me pourris la vie », là, je trouve que c’est de la tyrannie et c’est quelque chose que je n’ai pas envie. En tout cas, j’ai envie de lutter contre ça, même si je suis un tyran comme tous les êtres humains. Alors que quand on en fait quelque chose, soit pour se nourrir, soit pour se soigner, c’est une manière d’honorer, parce que moi, je vais partir aussi et peut-être ça va être une bactérie, un virus ou je n’en sais rien, ou un automobiliste, ou je n’en sais rien. Mais en tout cas je vais mourir aussi comme ça dans une relation et j’espère que ce ne sera pas gratuit et que ça pourra apporter quelque chose. Et en tout cas, c’est sûr que je vais nourrir les micro-organismes.
Voilà, donc, je trouve que tant qu’on est dans le flux de la vie, il n’y a pas de problème. Effectivement, à chaque fois qu’on peut consommer, sans que ce soit un gros mot, ce qu’on arrache ou ce qu’on enlève dans son jardin, pour moi, il n’y a pas de problème.
Nous ferons un très bon terreau, j’espère. « Plaidoyer pour l’herboristerie », c’est un livre que tu as publié en 2017. Je suppose que tu commences à
En 2013.
2013 ?
Oui, 2013, je crois.
C’est pas vrai ! J’ai regarde le copyright. Oui, tu vois ! C’est largement plus de 10 ans. Moi, ça a été une belle découverte ce livre. Je crois que c’est un des livres que j’ai le plus souligné de toute ma bibliothèque. Pourquoi est-ce que tu avais écrit ce livre à l’époque ?
Ce livre, C’était vraiment pour essayer de C’était un plaidoyer, donc c’était un peu le travail d’avocat. C’était défendre la cause de notre relation aux plantes. Parce que moi, je suis convaincu depuis très longtemps que notre relation aux plantes, c’est un miroir et c’est le miroir de notre humanité. Et moi, j’aime beaucoup la notion d’humanité avec tous ses défauts et ses qualités, mais où on est en relation directe avec le monde vivant, entre nous, avec les plantes, avec les animaux, avec l’eau. On n’est pas dans une relation artificielle ou commerciale. Il se trouve que la plante, c’est vraiment un objet qui est très intéressant pour ça, parce qu’elles sont partout.
À part au fin fond d’un couloir de métro, où là, il n’y a plus de plantes parce qu’il n’y a plus de soleil. Mais sinon, elles sont sur les murs, elles sont sur les terrasses, elles sont essentiellement partout. Moi, c’est ça que j’ai voulu défendre dans ce livre, c’est que, on est quand même dans un monde Moi, je suis du XXIᵉ siècle, je suis né en 1965. J’ai vu et subi aussi peu à peu un éloignement du monde vivant, un éloignement de l’humanité avec de plus en plus de machines, d’écrans. Là, par exemple, il y a des gens qui nous écoutent et avec qui on peut interagir, qui sont de l’autre côté d’un écran.
Et pour moi, ça, c’est quelque chose qui est dangereux et qui nous fait perdre quelque chose qui nous constitue vraiment. En tout cas, moi, me donne beaucoup de plaisir. Je crois que j’aime vivre, j’aime la vie. Et pour moi, le plaisir, c’est aussi d’être en présence comme ça. C’est quand même beaucoup mieux que d’être à distance et être en zoom.
Et les plantes, c’est quelque chose qui est accessible, qu’on peut saisir avec sa main, qu’on peut aller chercher, qui va nous nourrir, qui va nous soigner. Donc, pour moi, c’est quasiment un antidote à une déshumanisation en cours. Et c’est ça que j’ai voulu essayer de défendre dans ce plaidoyer. Et puis, pourquoi il y a quelque chose à défendre ? C’est parce qu’on a un rapport ambigü aux plantes.
C’est qu’à la fois, il y a quelque chose en nous qui est encore très attiré, qui est un peu atavique. On voit que ça a du succès. Du coup, d’ailleurs, en ce moment, la grande distribution ou Big Pharma ou quoi, commencent à vouloir récupérer le truc parce qu’on sent qu’il y a un truc, moi, j’appelle ça le métier qui ne veut pas mourir, l’herboristerie. On sent que malgré tout, il y a une attraction assez forte pour ça, qu’on idéalise, qu’on romantise, qu’on fantasme. Donc, il y a une attraction forte, donc ça fait partie de nous, notre humanité. Mais en même temps, il y a aussi une part de nous qui en a peur et qui se méfie beaucoup. Est-ce qu’une plante, c’est vraiment efficace ? Est-ce que ce n’est pas dangereux ? Et comment on fait avec les plantes toxiques ? Et comment on fait pour être sûr de ne pas faire de bêtises ?
Et d’ailleurs, pourquoi il n’y a plus d’herboristes ? Il y a plein de questions comme ça qui reviennent. C’est un peu ça que j’avais essayé de proposer dans ce plaidoyer. C’était proposer une hypothèse de réponse, moi, comment je voyais les choses, mais c’était répondre à toutes ces questions qui reviennent tout le temps et qui sont finalement des obstacles pour le retour de l’herboristerie. Comment ça se fait que dans notre pays, ça semble risqué, dangereux, Le Conseil des médecins avait parlé d’une perte de chance pour les Français. Comment ça se fait que dans notre pays, depuis 80 ans, c’est tellement compliqué de rétablir l’herboristerie ? Moi, j’ai essayé de démontrer qu’il y a des raisons pour ça et qu’elles ne sont pas fondées, à mon avis.
C’était dans ce sens-là, ce plaidoyer, que c’est, que c’est infondé, qu’on a beaucoup plus d’intérêts et beaucoup plus de bonheur à attendre et de choses vertueuses à attendre du retour des herboristes plutôt que de vouloir étouffer quelque chose qui nous appartient depuis très longtemps quand même.

Du coup, quel regard porterais-tu aujourd’hui sur le chemin accompli depuis l’écriture et la publication du livre ?
Moi, ce qui m’intéresse, c’est ce qui se passe dans le bruit de fond de la société et je trouve qu’on a beaucoup avancé. Mais c’est un peu comme, comme la tisane : on ne s’en rend pas compte, on est impatient, on dit ça marche pas, ça sert à rien, ça avance pas parce que c’est quelque chose qui avance doucement, en douceur, sans faire de bruit ou comme quelque chose qui pousse. Un peu comme les herbes, on est tout content, on a désherbé et puis on s’arrête une heure ou deux heures. On dit c’est bon, il ne se passe rien. Par contre, si on s’arrête quinze jours, on se rend compte que ouh là là ! Mais ça a déjà poussé autant que ça !
Et moi, j’ai le sentiment de quelque chose comme ça. Euh, ça fait. J’ai une petite quarantaine d’années de recul et franchement, il y a un avant et un après et on pourrait dire on n’a pas avancé. C’est désespérant, c’est décourageant parce que finalement, on est en situation de blocage et on n’avance pas d’un pas. C’est pas vrai.
Moi, je me souviens qu’un des tout premiers marchés que j’ai fait, tout jeune paysan herboriste à Clermont-Ferrand, les gens ricanaient devant mon stand. Mais vraiment, c’est le mot. Et. Ah oui, c’est quoi ? C’est de le pisse-mémé là ? Et vous avez pas un truc pour bander ? Enfin c’était l’horreur quoi.
C’était en quelle année ça ?
Quatre-vingt-neuf, quatre-vingt-dix. Et là, c’est plus du tout ça. Donc il y a vraiment quelque chose qui a bougé. Les lignes ont énormément bougé. Il y a des structures rigides, institutionnelles, le droit, tout ça, ça résiste. Mais c’est pas forcément toujours une mauvaise chose, parce que c’est aussi des… C’est bien aussi des fois d’avoir une maison dans laquelle on peut se réfugier.
Et moi, le droit, je le vois comme ça. L’institution, je la vois comme ça. Euh voilà, la République, la Déclaration des droits de l’homme, il y a des espèces où la Constitution, c’est vrai que c’est étouffant. C’est vrai que c’est contraignant. C’est vrai que des fois, on a envie de dépoussiérer ça et de casser des murs et de faire entrer de la lumière.
Mais c’est aussi un cadre et en tout cas le plus important, c’est, qui sont les gens qui vivent à l’intérieur et comment ils vivent. Et là, je connais surtout le contexte français. C’est ce que je suis le plus en prise avec. Et ça a bougé quand même. On ne rigole plus.
Il y a Pierre Lieutaghi qui avait écrit ça dans les années quatre-vingt. Il avait dit : La plante médicinale n’est plus l’idiote du village. Et ben, c’est tout à fait vrai et donc je trouve qu’on a bien avancé. Alors il y a des signes concrets. Par exemple, la dernière fois qu’il y avait eu dans l’histoire un certificat reconnu par l’État où il y avait le mot herboriste, c’était le certificat qui a été abrogé en mille-neuf-cent-quarante-et-un.
Et bien en deux-mille-vingt-trois, France Compétences, donc c’est les pouvoirs publics, ont reconnu le métier de paysan herboriste. Alors on aurait demandé herboriste tout seul, ça n’aurait pas été accepté. Mais paysan herboriste, c’est accepté. Ça, je trouve que c’est un signe très encourageant. Ça veut dire que, il y a, il y a vraiment eu beaucoup de chemin de fait pour que, à nouveau l’herboristerie, les herbes, les plantes médicinales, retrouvent une place légitime dans la société, y compris auprès des pouvoirs publics.
Donc c’est lent. On aimerait bien que ça aille plus vite, peut-être, mais ça bouge. Alors après, ça bouge dans tous les sens, c’est-à-dire que ça bouge comme ça pour moi, pour le bien ou c’est-à-dire qu’on reconnaît la valeur de l’importance de ces métiers. Parce qu’il y a quand même plusieurs métiers et pour le bien-être de la société et qu’on leur reconnaît une légitimité. Mais en même temps, ça avance aussi toujours dans notre travers, parce qu’on est dans cette mouvance-là de l’ultra-capitalisme et de la récupération et du greenwashing.
Donc ça avance aussi, ça fait beaucoup avancer pour ça. On n’aurait absolument pas mobilisé des multinationales ou les premiers qui le faisaient. Moi, quand j’ai commencé, ceux qui avaient compris ça, c’était un petit peu des épiphénomènes, c’était Yves Rocher, c’était Pierre Fabre. Mais aujourd’hui, les plantes intéressent. Moi, j’ai lu dans un rapport de France Agrimer que l’année dernière, la vente des tisanes a augmenté de vingt-sept pour cent dans le réseau des pharmacies et des parapharmacies. C’est énorme trente pour cent d’augmentation sur un temps bref. Alors que la tisane, voilà, c’était le pisse-mémé dans les années quatre-vingt. Donc ouais, je crois qu’on a beaucoup, beaucoup avancé. On a une partie de nous qui est intuitive, qui est dans la confiance, qui est dans une relation sensuelle avec le monde qui nous entoure et confiant parce que de toute façon, on se rassure avec le temps.
On se dit bah ça fait quand même soixante ans que je suis là et je vois bien que même si je ne prends pas toujours soin de moi et même si je fais un peu n’importe quoi et que des fois, je fais beaucoup trop de kilomètres ou quoi. Finalement, je suis en vie le lendemain, le soleil se lève et je suis encore là. Donc il y a une partie de nous qui est a un fond de confiance dans la vie. Et puis il y a une autre partie de nous-mêmes qui est plutôt dans la peur et dans le besoin de contrôle, de gestion. Et la plante, elle peut servir les deux.
Elle peut être cet être qu’on croise, qu’on va cueillir ou qu’on va aller chercher chez le petit producteur parce qu’on espère qu’elle va nous faire du bien et, on l’absorbe un peu les yeux fermés et en confiance, ou alors on va chercher un remède parce qu’on veut gérer. Gérer son handicap, gérer sa fièvre, gérer son mal au ventre. Et parce qu’on la prend à ce moment-là comme un objet, on lui accorde plus d’attention pour ce qu’elle est, on la prend comme un produit, voilà, comme on mettrait de l’essence dans le réservoir de sa voiture. On a les deux attitudes mêlées. Et donc c’est pour ça que les deux avancent ensemble.
Moi, je plaide pour la première attitude. Parce que je trouve qu’il y a un côté éthique aussi. Une plante, c’est pas une matière, c’est pas un matériau, c’est un être vivant. Et c’est ça l’intérêt. Et du coup, ça suppose, ça permet de prendre conscience du miracle de la vie et du monde vivant qui est une chaîne d’êtres qui se mangent, qui se régurgitent, d’êtres et puis de choses aussi plus fondamentales comme l’eau. Mais tout ça, c’est un assemblage auquel on appartient, on participe. Pour moi, c’est l’occasion de retrouver peut-être un peu… je vais aborder presque le thème du religieux, mais une attitude un peu plus animiste. On reconnaît On se reconnaît comme faisant partie d’un tout, du monde vivant et, un peu dans notre civilisation judéo-chrétienne. Il paraît que c’est quelque chose qui a été inventé, mais maintenant, c’est une réalité. Il y a beaucoup de gens qui le défendent, où là, finalement, c’est un petit peu anthropocentré. L’homme est au centre et tout le reste de la création a été faite pour lui et à son service. Il en est le maître et le gardien. Moi, c’est quelque chose auquel je n’adhère pas du tout. Et je trouve qu’on est en train de trouver des limites. Et on voit que quand on pousse les limites de ce raisonnement, ça aboutit plutôt à la peur, à la haine de l’autre, à l’enfermement et à l’auto-enfermement, parce que finalement, l’autre, c’est aussi nous-mêmes.
Et c’est pas du tout le projet qui m’intéresse. Moi, je suis plus attiré par ces relations animistes qui ne sont pas sans risque hein. La vie, c’est risqué. Et effectivement, c’est des moments, chaque moment qu’on vit, c’est un petit miracle parce que ça dure pas, c’est fragile. Mais au moment où on est là, c’est un vrai bonheur parce que cette chance qu’il y a quand ça marche et quand ça fonctionne et que ça procure du bien, c’est une vraie jouissance, c’est magnifique.
Ouais, puis on en parlait tout à l’heure, c’est le fait qu’aussi, c’est une manière de voir la vie, l’univers, la nature, ça a toujours fait partie de tous les peuples dans notre histoire, ça fait toujours partie des peuples premiers, cette notion que je suis une toute petite partie d’un grand tout, mais une partie qui a un rôle à jouer aussi. Donc il y a ces deux parties, moi, que je trouve fabuleuses, c’est que je suis poussière, mais poussière qui a sa place.
Oui, et puis en mouvement. Alors que c’est vrai que le monde qui cherche la gestion des risques, la gestion des conflits, la gestion des problèmes et le pouvoir, c’est un monde figé. En fait, là, par exemple, on peut se dire qu’on est bien parce qu’il n’y a pas de bruit autour de nous, il y a la bonne température, la bonne lumière, on a les bons instruments, mais ça suppose quelque chose d’assez figé. Et, Alors que c’est une illusion. Évidemment, cet endroit, il est appelé à s’abîmer, à être détruit. Il y a un animal qui peut rentrer, il y a quelqu’un qui peut mettre de la musique dans la pièce à côté.
Il y a un ado qui se réveille, qui peut venir perturber notre discussion.
Voilà, et ça ne se voit pas. Et c’est plutôt essayer de participer à une espèce d’énorme ballet comme ça, qui est bruyant. Moi, j’aime le mouvement, j’aime pas les choses figées, sinon j’ai l’impression d’être en prison. Et les plantes, c’est pour ça aussi qu’elles me plaisent beaucoup, c’est que dans leur apparente fixité, un individu donné en général, sauf un peu quelques espèces, mais la plupart du temps, ils paraissent statiques et fixes. En fait, ils ont une énorme capacité plastique d’adaptation, de déplacement et qui n’accepte souvent pas les règles qu’on voudrait leur fixer. Tous les jardiniers le savent, elles ne restent pas là où on voudrait.
Et puis, il y a toujours les ronces qui reviennent ou les plantes invasives. Ça pousse toujours là où on ne voudrait pas beaucoup plus vite qu’on veut. Donc, il y a cette liberté-là. Moi, c’est quelque chose qui me réjouit. Ce n’est pas quelque chose qui m’effraie. C’est quelque chose, je trouve, qui est très réjouissant parce que on ne s’ennuie pas. C’est quand on a construit son palais où on est tout puissant et tyran, mais qu’est-ce qu’on doit s’emmerder. Voilà, c’est un peu mon idée.
On va parler des enjeux sociétaux qui nous attendent dans les années. Je ne sais pas si les années à venir, les décennies à venir. Je ne sais pas à quelle vitesse nos sociétés vont évoluer, mais on voit que ça peut évoluer très vite, avec une grande instabilité géopolitique, avec des technologies qu’on a un petit peu du mal à comprendre et à maîtriser, avec des dettes, des niveaux de pollution. On a l’impression que tout est en train de se casser la figure. Dans ce contexte-là, on est convaincu, je pense que l’herboristerie aura un grand rôle à jouer. On en parlait tout à l’heure. Le fait que l’herboristerie, c’est pouvoir reconnaître la plante, la transformer et la conseiller et de pouvoir faire ça à tout moment, même si la société autour de nous n’offre plus les services.
On voit des services médicaux qui ne répondent plus à la promesse, qui ne répondent plus à la demande. J’insiste sur le fait que moi, je n’ai jamais mis en cause l’humain dans le système, mais le système lui-même qui est en train de s’effondrer. Il y a quelques jours, je devais venir chez toi, tu le sais, mais j’ai été pris de très fortes douleurs dans le mollet et donc j’ai cru que c’était une phlébite. Ça correspondait vraiment à tous les symptômes et donc je suis allé aux urgences et j’ai vécu une caricature dans le système. On m’a baladé d’un point à l’autre, d’un système à l’autre. On m’a fait peur aux urgences, mais on m’a dit : On ne peut rien pour vous. Allez à tel centre médical. Le centre était fermé. On m’a envoyé un autre centre qui ne prenait pas. J’ai fait du porte-à-porte pour finalement trouver quelqu’un qui a pu me prendre et me dire que ce n’était pas une phlébite, c’était un claquage.
Tout va bien, mais en l’espace de quelques heures, j’ai l’impression d’avoir vécu une pièce de théâtre. On voit bien que les choses ne vont pas bien. Quels sont pour toi les enjeux sociétaux et quel rôle aura-t-on à jouer ?
Pour moi, les plantes, c’est vraiment l’assurance vie. Parce qu’en fait, quand on prend une assurance vie, aujourd’hui, je pense que là, on n’est pas du tout sûr que la caisse à laquelle on est cotisé ne va pas faire faillite. On n’est pas sûr du tout, c’est quelque chose. Et puis, on n’est pas sûr, même la plupart des Français aujourd’hui, je crois que le volant de sécurité au niveau des circuits d’alimentation, c’est quatre ou cinq jours et si ça se grippe en quatre ou cinq jours, tout est vide et il n’y a plus rien à bouffer. Donc, les plantes, parce qu’il y a des plantes à l’herboristerie, c’est des plantes médicinales, mais c’est aussi souvent des plantes comestibles, condimentaires. C’est quelque chose qui est encore saisissable.
Parce que les plantes ne font pas faillite, la nature ne fait pas faillite. Jamais. On voit que même dans les zones les plus désolées, je pense aux friches urbaines, aux talus autoroutiers, aux talus ferroviaires, jusqu’au cœur de la ville, les endroits où on a voulu supprimer les plantes sont toujours là, elles poussent. Et dès qu’on arrête de les empêcher de pousser, elles poussent. Moi, ça me paraît une vraie sécurité.
Dans les moments comme ça de bascule ou de crise où il y a quand même des tensions fortes sur l’avenir. On n’est pas sûr que les rayons soient remplis demain, qu’on n’a pas des pénuries ou des choses comme ça. Parce que souvent, quand il y a des éclipses biopolitiques, il y a la guerre, on passe par des périodes de pénurie. À chaque fois, dans l’histoire, si on regarde, les gens sont retournés aux plantes. Quand il y avait des forêts, ils allaient dans la forêt, ils allaient où ils pouvaient.
Pour moi, c’est une vraie assurance vie. L’enjeu, il est là. Ça peut paraître insuffisant, dérisoire. On peut dire : On ne va pas retourner à la bougie, on ne va pas retourner à bouffer de l’herbe. Si, ça peut arriver. Et je ne le souhaite pas. Je ne nous le souhaite pas, je me le souhaite pas, je le souhaite à personne, mais ça peut arriver. Et pour moi, l’enjeu, il est là, c’est que c’est ça la véritable assurance vie et c’est ça qu’il ne faut pas lâcher. On dit : Il faut toujours garder une poire pour la soif. Et bien il faut toujours garder une plante pour la cata.
Et c’est un trésor parce que c’est quand même ce qui nous accompagne depuis des dizaines de milliers d’années. Les premières preuves tangibles d’utilisation de plantes, c’est même avant Homo sapiens. Déjà, Néandertal, on sait qu’il y avait des usages de plantes médicinales qui sont non-fortuites. Donc, c’est quelque chose qui est On parle toujours de durable, la durabilité ou le soutenable. Là, on est vraiment au cœur de ça.
Évidemment, avec le mode de vie qu’on a pour le moment, ça ne peut pas suffire, mais il est possible, malheureusement, qu’on soit obligé, et je crois qu’on n’aura pas bien le choix, d’avoir des modes de vie beaucoup plus sobres, avec des portions beaucoup plus congrues, avoir beaucoup moins de choses. Et donc là, les plantes, ça va rester des choses accessibles près de chez soi où qu’on habite. À part si les gens veulent s’installer sur un glacier, mais c’est pas la bonne idée en ce moment. Mais sinon, qu’on soit n’importe où, il y a toujours des ressources. Donc pour moi, l’enjeu sociétal, c’est de vraiment défendre ça en le pratiquant.
Parce que quand les choses sont pratiquées, elles ne sont pas interdites. En fait, on interdit ce qui a été abandonné, qu’on relève au musée. Mais tant que c’est une pratique vivante et partagée, c’est très difficile de l’interdire. Et ce qui a fait que finalement, on a retrouvé un petit peu de liberté en matière de plantes. Tout, tout le fait, par exemple de l’élargissement du monopole pharmaceutique ou de la création des compléments alimentaires, c’est les citoyens qui l’ont rendu possible.
C’est par la demande sociétale, c’est par les pratiques où la loi ou le règlement ou l’institution est obligé de prendre acte et de s’adapter à une réalité. C’est nous qui avons le pouvoir. Alors, c’est vrai qu’on ne le voit pas parce qu’il n’a pas de nom, il n’a pas de visage, mais il a le vrai pouvoir. Donc c’est d’abord l’enjeu, c’est d’abord de continuer à pratiquer, de transmettre parce qu’on voit bien que des fois dans les actifs de contrôle, on empêche. On a gagné par exemple au niveau de l’herboristerie où effectivement maintenant il y a un certificat qui est reconnu à titre professionnel avec un enseignement. Enfin ça avance beaucoup au niveau de la transmission, mais par contre dans l’enseignement académique, ça a reculé.
On a, alors je ne vais pas faire le débat de l’homéopathie ici, mais on a supprimé purement et simplement l’enseignement d’homéopathie, qui a quand même été une pratique populaire partagée par des millions de gens pendant plus de deux cents ans. voilà, est-ce que c’est légitime ou pas ? On ne va pas faire ce débat-là aujourd’hui. Mais, donc pratiquer ça, pour moi, c’est un vrai enjeu c’est la première ligne de défense, je crois.
Ouais, et comme tu dis si bien, en principe, dans une démocratie, ça part du citoyen qui fait ses demandes avec une équipe politique qui est à l’écoute.
Mais toujours, même au-delà des démocraties, quand on voit que y a, dans l’histoire, y a eu des dictatures, il y a eu, il y a, il y aura des dictatures, c’est toujours la population qui l’emporte. Ça dure ce que ça dure, une tyrannie
Une masse critique est atteinte.
Mais à un moment donné, il y a une masse critique, c’est elle qui a le vrai pouvoir. Des fois, ça prend du temps, mais il faut faire confiance à ça, parce que ça, c’est des forces de vie aussi.
Mais du coup, pour revenir à un petit peu plus concret, j’aimerais citer quelque chose que tu disais dans ton livre : cultiver ses graines est un acte politique, un enjeu d’avenir. Et moi, quand j’avais lu ça, j’avais pris graine au sens littéral du terme, mais aussi au sens figuré. Comment est-ce que les gens aujourd’hui, qui nous écoutent peuvent cultiver cette graine de l’herboristerie ? Comment est-ce qu’ils peuvent nous aider à faire avancer les dossiers ?
La graine, c’est la transmission. C’est la transmission d’une information. En fait, c’est ce qui contient le patrimoine génétique de la plante qui va faire que ça puisse durer dans le temps et que quand un être s’en va, il puisse être continué par un autre. Donc, semer les graines de l’herboristerie, ben, voilà, c’est qu’on n’est pas éternels, ni toi ni moi, que nous, on est les héritiers de gens qui ont été là avant nous. Donc cultiver des graines, c’est ça, c’est transmettre la passion, se battre pour que d’autres puissent continuer ce qu’on a fait. C’est vraiment une chaîne, une chaîne de transmission.
Il y a une phrase que je trouve très belle, parce que moi, je pense que c’est une tradition, les plantes. Il y a une phrase qui est très belle, c’est qu’il dit que la tradition, ce n’est pas l’adoration des cendres, c’est la transmission du feu. Et la graine, c’est une braise, c’est un feu qui couve et qui ne demande qu’à s’exprimer. Donc, Nyons, pour moi, c’est aussi, le lieu où un lieu, un peu de fécondation, où des nouvelles graines peuvent venir chercher des informations des plus vieilles. C’est vraiment un espace de rencontre entre jeunes et vieux.
J’espère qu’il y aura vraiment une grande diversité de personnes et de métiers là-bas. Parce qu’à chaque fois, la graine aussi, l’avantage, c’est une adaptation au temps qui passe. En fait, si on regarde sur le temps long, avec le système de la graine qui est une invention assez géniale, les plantes peuvent évoluer petit à petit, intégrer les nouvelles conditions climatiques, pédologiques, enfin tout ce qu’il y a autour d’elles et à nouveau incarner quelque chose de fondamental, cette vitalité, cette végétalité ou quoi, mais d’une autre manière. Et les enfants ressemblent jamais complètement à leurs parents, mais il y a cette transmission-là. Donc…
Très belle citation d’ailleurs, je ne la connaissais pas du tout.
C’est Gustave Mahler. Ah ouais, d’accord. Qui a écrit ça. Je me demande si je l’avais pas Je sais que je l’ai utilisée, je sais pas à quelle occasion, cette citation, mais moi, j’ai trouvé que c’est tellement- Magnifique.
Ça me fait penser à vieilles racines et jeunes pousses.
Oui, c’est un peu ça, oui, les jeunes pousses, c’est comme ces rencontres de Nyons, c’est créer des espaces de fécondations croisées où on essaie de rassembler le… Ce qui nous rassemble, c’est l’intérêt, l’attraction pour l’herboristerie, pour les plantes, mais c’est des espaces où on essaie d’échanger nos visions, nos expériences et après donc, germe quelque chose. Moi, par expérience, je me rends compte que c’est des endroits où à chaque fois, il y a un projet qui naît, il y a une idée, il y a quelque chose qui prend corps, il y a une germination qui se fait. Je me souviens par exemple l’AFC qui est quand même une aventure utile hein, l’Association française des cueilleurs. En fait, la germination, le premier cotylédon c’était à la fête des sommes de Rozan en deux mille sept. L’association s’est créée vraiment en deux mille onze, mais c’est vraiment à Rozan où on s’est retrouvés avec des cueilleurs de SICARAPPAM. Il y avait du Cercle qui était là, qui était intervenant et où on s’est dit : on va pas attendre que les pouvoirs publics légifèrent sur la cueillette et que ça vienne d’en haut et que peut-être, ils vont mettre en place parce que la cueillette est quelque chose qui émerge, qui est devenue visible et qu’il va falloir légiférer. C’est à nous de se prendre par la main et de se rassembler et d’être force de proposition. Voilà, bah, c’est dans des espaces comme ça. Et moi, j’espère qu’à Nyons, il va naître des choses comme ça.
Donc à NYONS (Herboristerie de demain), on rappelle, hein, c’est trois journées, deux journées pour les professionnels, une journée grand public. Donc, on va essayer d’amener le plus de monde possible, des gens qui défendent la cause des plantes du circuit court, des plantes de qualité. Mettre tous ces métiers ensemble, tous ces passionnés ensemble, stimuler des discussions. Il y aura des groupes de travail. Et j’adore ce titre, moi : « Imaginons ensemble l’herboristerie de demain. » C’était vraiment très bien trouvé. Voir ce qui sort, voir ce qui germe de tout ceci. Dans l’idéal, pour toi, qu’est-ce qui ressortirait de ces trois journées-là ?
Moi, dans l’idéal, c’est des des alliances, des projets concrets qui vont faire que l’herboristerie de demain, c’est une herboristerie à taille humaine, réelle, où l’humain a toute sa place et où on rétrécit au maximum la distance technologique, politique entre l’homme et la plante. C’est se renaturer. Ce serait une herboristerie de renaturation et pas juste un nouveau business ou une nouvelle fausse bonne idée.
Cela dit en parallèle, je pense qu’aujourd’hui, on pourrait aussi clairement, on peut clairement démontrer que ce projet-là s’inscrit dans tous les défis actuels : le trou de la Sécu, les déserts médicaux, le manque de soins. On a des solutions pour ça. On ne fait de l’ombre à personne. On ne menace aucun emploi, bien au contraire. On est en pleine complémentarité d’un système en place.
On peut agir au niveau de la prévention. On espère quand même que ça va finir par bouger d’une manière…
Ah, mais ça, j’en suis convaincu. Et ça va très loin en fait, parce que c’est très concret. Ça peut paraître peut-être très philosophique et très abstrait notre conversation, mais non. En fait, consommer une plante médicinale, une infusion biologique qui a poussé localement et qu’on a été chercher à quelques kilomètres de soi-même ou qu’on a ramassé dans son jardin, c’est par exemple une alternative à la deuxième source de pollution dans les eaux, fleuves, océans et rivières, c’est la pollution pharmaceutique, des molécules pharmaceutiques.
Donc voilà, moi je pense des fois un tout petit geste qui paraît absolument un truc de bobos qui planent et dérisoires. Non, c’est énorme l’économie qu’on peut faire du monde. Pour moi, économie, c’est pas un gros mot, mais c’est un mot qui a été complètement sali et dévoyé. Pour moi, l’économie, c’est être économe et bah être économe du monde, c’est quelque chose qu’on peut apprendre. Et la plante, pour ça, c’est un outil absolument formidable. Elle s’autorégénère, ça repousse, on peut faire des choses très vertueuses.
Et le déchet de la tisane nourrit le compost.
Il y a quelque chose qui est extrêmement vertueux quand on considère le vivant. Pour le PIB, un peu moins.
C’est une très belle idée pour ces trois journées de Nyons. Donc ceux qui nous écoutent, on espère qu’ils vont venir nous voir.
Il y aura un herbier magnifique et qui sera intéressant parce que c’est un herbier du IXᵉ siècle et qui a été récolté dans la région de Nyons. Et ça va sûrement permettre de lire pas mal de choses parce que là encore, on est sur une réalité, on n’est pas sur une fiction. C’est quelle plante poussait, il y a 100 ans à Nyons, où on en est aujourd’hui. Donc moi, je me réjouis de voir ça. Et Pourquoi je m’adresse toujours un peu au passé, à l’histoire ?
C’est parce qu’il y a un proverbe que j’aime beaucoup, il dit : « Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens ». Et sauf qu’en ce moment, on ne sait pas bien où on va quand même. Donc moi, regarder d’où on vient, pour moi, c’est qu’il y a quelque chose d’apaisant, qui donne confiance et qui donne des pistes pour demain, pour imaginer demain.
Pour se projeter demain. En tout cas, je me réjouis de ces trois journées. Tu y seras, moi, j’y serai. On y sera nombreux. Ceux qui nous écoutent, n’hésitez pas à venir nous soutenir et nous retrouver. Ça sera un grand plaisir de discuter avec vous et de recueillir vos idées sur le futur. Ok. Merci Thierry.
Et ben, merci.
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Transcription
[Christophe]
Bonjour Valérie !
Et bonjour à tous. On est vraiment ravis de vous retrouver aujourd’hui pour cet échange consacré à la réouverture imminente du programme “les fondations de la gemmothérapie”. Les 2 premiers lancements ont connu un grand succès. On n’a pas pu prendre tout le monde au printemps dernier hélas, et il y a eu un peu de frustrations, on est désolés, mais si on veut bien accompagner un groupe, il faut qu’on limite le nombre de participants.
Du coup, bonne nouvelle, on ouvre à une troisième cohorte durant la semaine du 15 septembre. Donc dans pas très longtemps. Et on voulait donc vous parler de la formation quelques mois après les premiers groupes.
On a vu énormément d’intérêt de la part des apprenants. Et globalement, l’intérêt pour la gemmothérapie est grandissant aujourd’hui, en santé humaine, en santé animale. C’est une pratique qui a un bel avenir, parce qu’elle s’inscrit pleinement dans l’herboristerie de demain, avec un respect de la ressource et un retour au local pour de nombreux bourgeons et jeunes pousses.
Donc, dans cet échange, nos objectifs :
- Vous dire comment se sont passés les 2 premières cohortes, les retours qu’on a eus
- Vous dire pourquoi il y a une logique à étudier la gemmo en septembre
- Vous expliquer comment le programme est structuré
- Vous expliquer comment on vous aide dans votre progression avec les webinaires
1. Nous avons déjà accompagné 2 cohortes
Les participantes et participants ont adoré le contenu, la clarté des explications, et surtout le fait de pouvoir passer de la théorie à la pratique.
Lors des webinaires, on a eu de très nombreuses questions, on a vu l’envie de passer à l’action, d’échanger avec les autres… ça a créé une super dynamique et on a ressenti un vrai enthousiasme collectif.
Je vais vous donner quelques témoignage de certains participants :
Sandrine nous a dit : Le contenu des cours est riche et la pédagogie ludique, ce qui permet une meilleure assimilation. Direction la nature, chez elle ou dans la forêt, pour découvrir les bourgeons de certains arbres, en récolter pour préparer des macérats en retour de balade ! Valérie transmet sa passion de la gemmothérapie dans une ambiance chaleureuse et joyeuse. Depuis cette formation, je crée mes propres macérats que j’utilise pour moi, mon entourage et mes animaux.
Anne-Claire nous a dit : Je n’ai jusqu’à présent pas pris le temps pour te féliciter pour ta formation de gemmothérapie en ligne que j’ai suivie avec grand intérêt et beaucoup de plaisir. J’aime beaucoup l’association vidéos/documents pdf, c’est très clair, il y a énormément d’informations, j’adore.
Pascal nous a dit : Bravo Valérie pour la qualité de tes infos et votre générosité à toi et Christophe pour les explications transparentes et fournies de savoirs. C’est passionnant… Gratitudes.
[Valérie]
Ce qui m’a marquée dans ces deux premières cohortes, c’est vraiment l’énergie des participants. Ils se sont lancés, ils ont testé, expérimenté, partagé… Et ça a créé une dynamique incroyable ! On voyait que le passage de la théorie à la pratique se faisait naturellement.
Et puis, ce que j’ai adoré, c’est que tout le monde apprenait ensemble, même nous formateurs. Chacun partageait ses réussites mais aussi ses “erreurs”, et finalement, ça enrichissait le groupe. On a pu voir des différences d’observations selon les régions, échanger des ressources, parler de lectures, de vidéos, de rencontres… Bref, une vraie intelligence collective qui s’est installée rapidement.
Et puis merci pour vos retours car ils sont précieux. Ils nous permettent de voir si nos objectifs pédagogiques sont atteints, et d’ajuster quand c’est nécessaire. Évidemment, ça semble illusoire de viser à répondre à 100 % des attentes de tout le monde, mais on garde toujours cette ouverture pour faire évoluer la formation afin qu’elle colle au mieux au vivant.
2. Pourquoi étudier la gemmo dès septembre ?
[Christophe] Alors, pourquoi on a décidé de relancer cette formation en septembre et de réouvrir les portes…
D’abord on voulait ouvrir à celles et ceux qui n’ont hélas pas pu encore nous rejoindre au printemps.
On voudrait s’assurer que vous êtes prêts pour le début de l’année, Valérie va vous en parler, c’est super important car il y a pas mal de connaissances à acquérir. Donc là, vous pouvez vous y prendre à l’avance.
Vous laisser acquérir le matériel (avec peut-être des idées de cadeaux de Noël de la part de votre entourage !)
Vous laisser observer les bourgeons en dormance et déjà vous familiariser avec le végétal et les lieux de cueillette.
[Valérie]
Septembre, c’est vraiment le bon moment. On est beaucoup à se fixer des objectifs de rentrée, un peu comme au Nouvel An. Alors pourquoi pas “objectif gemmo” ?
C’est une période parfaite pour prendre le temps d’intégrer les bases tranquillement, sans pression. L’automne et l’hiver invitent au retour à soi, tout comme les arbres entrent en dormance. Et justement, ça va vous permettre de commencer à observer les silhouettes des arbres, de repérer les essences, de prendre des photos, de dessiner, de tester peut-être quelques macérats de gemmothérapie si ça n’a pas déjà été fait… Tout ça avant la grande saison des cueillettes au printemps.
En fait, cette cohorte d’automne, c’est l’occasion d’entrer en douceur dans la gemmothérapie, de bien préparer le terrain avant de passer à la pratique.
3. Comment nous avons structuré la formation
[Christophe]
La formation comprend 11 modules.
On démarre avec les bases – les origines, la cueillette, la fabrication des préparations, et on finit par le conseil et l’accompagnement. Chaque module sert à l’avancée du module suivant.
Et le point de départ, c’est savoir identifier les essences principales, savoir quand et comment ramasser les bourgeons d’une manière respectueuse du végétal. Et ça, c’est pas facile, et on ne trouve que très peu d’informations détaillées sur le sujet aujourd’hui.
[Valérie]
Je vous raconte une petite anecdote personnelle de mes débuts avec la gemmothérapie, juste après avoir suivi une formation : lors de la confection d’un de mes premiers macérats j’ai confondu des bourgeons de prunellier avec ceux d’aubépine. Et franchement, ce n’est pas évident au début ! Différencier ces 2 types d’essences quand on ne les connaît que fournis de leurs feuilles, de leurs fleurs et fruits, ça ouvre la voie à de possibles confusions lorsqu’on doit se suffire de leurs écorces et de leurs tout petits bourgeons. Et d’ailleurs lesquels ? les boutons floraux ou les bourgeons végétatifs ? Clairement, je n’était pas préparée et c’est là que j’ai ressenti que les visuels sont précieux. Mais une autre évidence m’est apparue juste après, c’est que peu de formations donnent accès à ce type de détails pratiques indispensables. C’est pour ça que sur la plateforme, on a vraiment voulu vous donner un maximum de supports pour vous guider. Vous avez des visuels, des photos dans la bourgeothèque, des tableaux récapitulatifs qui indiquent quoi récolter et à quel moment… Et puis aussi des références bibliographiques de qualité pour aller plus loin.
[Christophe]
Ensuite, on passe à la préparation des macérats de bourgeons d’une manière précise.
[Valérie]
Dans notre formation, quand on parle des recettes de macérats, ce n’est pas juste pour le plaisir de faire une liste. L’idée, c’est de montrer qu’il y a plusieurs approches possibles, et de vous donner des clés pour réfléchir, tester, et trouver ce qui vous convient. La gemmo, c’est vivant, ça évolue, ça soulève des questions. Et c’est justement là que les webinaires sont précieux : on prend le temps de poser les bases, de vérifier certaines infos, de voir où il reste des zones de doute… mais tout en avançant ensemble, sans bloquer.
[Christophe]
Ensuite, on va essayer de comprendre la philosophie d’accompagnement d’une personne et ses problématiques avec la gemmo
[Valérie]
Vis-à-vis de l’aspect thérapeutique, la gemmo, ce n’est pas une équation simpliste qui dit “un bourgeon = un problème”. Il n’y a pas de bourgeon miracle du stress ou de l’arthrose. C’est une discipline subtile qui agit sur plusieurs plans. Ce que je veux transmettre, c’est une dynamique de réflexion pour accompagner les personnes dans leur globalité, avec discernement.
[Christophe]
Au travers des derniers modules, on va aussi passer en revue des programmes détaillés pour accompagner les petits maux de tous les jours (allergies, problèmes de peau, stress, problèmes digestifs, etc). Ensuite nous avons des ressources pour vous pour aller plus loin dans vos recherches. Ce qui bouclera la formation.
Pour chaque module, on vous a spécifié des objectifs pour vous aider à voir si vous pouvez vous dire, en fin de module “mission accomplie”.
Par exemple pour le module fabrication : Savoir employer les deux recettes classiques et conventionnelles de confection d’un macérat glycériné concentré de bourgeons, et être capable de choisir le type de recettes en fonction de leurs avantages et limites.
Pour les modules de pratique, on a un objectif : Connaitre les emplois conventionnels et les usages très peu connus et émergents de la gemmothérapie (comme les applications sur la peau et les muqueuses)
Chaque module vient avec un Quiz pour valider vos connaissances. Et si les quiz sont validés, vous pourrez avoir votre joli certificat.
4. Accompagnement par webinaires
Alors, un point d’une très grande valeur lorsqu’on est apprenant, c’est comment on va vous accompagner au travers de cet apprentissage. On va le faire grâce aux webinaires, qui sont des rendez-vous en ligne vous permettant de poser vos questions. Chaque webinaire est enregistré et disponible en général sous 48 h sur la plateforme. On a déjà 9 h 30 d’enregistrement des 2 premiers groupes ! C’est énorme !
[Valérie]
Les webinaires, c’est vraiment une valeur ajoutée supplémentaire de cette formation. Ils sont programmés au fur et à mesure de votre progression, pour vous laisser le temps de digérer les notions, d’aller chercher vos propres réponses, et du coup, de mieux mémoriser.
Pendant ces rencontres, on ne fait pas que répondre aux questions : on met aussi en avant les interrogations que soulève cette discipline. L’idée, ce n’est pas de vous dire quoi penser, mais de vous donner des outils pour construire votre propre grille de lecture, adaptée à votre sensibilité, à votre terrain, à votre réalité.
Et puis, ces webinaires, c’est aussi un moment de lien. On n’est pas seuls derrière nos écrans. On échange, on partage, on rit parfois… Et il y a même eu des belles collaborations qui sont nées entre participants. Dans la dernière cohorte, deux personnes se sont mises à travailler ensemble à distance, en échangeant des bourgeons selon ce que leur région offrait. C’est génial à voir.
Enfin, pour vous aider, les webinaires sont chapitrés : ça veut dire que vous pouvez aller directement au passage qui vous intéresse dans le replay. Comme ça, chacun avance à son rythme. Certains préfèrent tout écouter d’un coup, d’autres picorer ici et là. Tout est possible.
[Christophe]
Vous aurez accès à 3 webinaires live pour ce nouveau lancement, chaque webinaire sera centré sur des modules particuliers, on vous expliquera tout sur la plateforme des cours, et on va vous proposer ça pendant les mois d’octobre et novembre.
Conclusion
[Christophe] E
t bien voilà pour cette présentation, on espère que vous avez assez d’informations pour prendre votre décision et voir si vous voulez rejoindre ce 3e groupe ou pas. S’il vous manque des choses n’hésitez pas à nous écrire en utilisant la page du contact du site AltheaProvence.
[Valérie]
On est très heureux de voir l’intérêt grandissant pour la gemmo. Elle a toute sa place dans l’herboristerie d’aujourd’hui et de demain, en complémentarité de la phytothérapie. Mais c’est une discipline jeune, qui demande du discernement. Et c’est exactement ce que nous vous proposons avec ce programme : une approche sérieuse, vivante et accessible.
[Christophe]
Et juste une petite… mise en garde peut-être, pour les 2 premières cohortes on a dû fermer très rapidement les inscriptions, au bout de 4 jours pour le premier groupe, et il me semble juste 2 ou 3 jours pour le 2e. Donc n’attendez pas trop, on ouvrira les portes le lundi 15 septembre et on vous enverra un email bien évidemment. Allez, on vous laisse, on espère vous retrouver très bientôt !
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Aujourd’hui, AltheaProvence, c’est Christophe, Sabine, Aude, Émilie et Marie. Nous sommes là pour vous accompagner dans votre découverte des plantes médicinales.
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