Vipérine
(Echium vulgare)
La vipérine, cette petite boraginacée commune de nos campagnes, ne nous a pas laissé grand chose dans les vieux écrits. Dans les livres modernes, quasiment rien. Il faut donc que l'on se débrouille par nous-même. Déjà, son nom est intriguant et rempli de promesses. Mais quelles sont ses propriétés ?
Dans cet article, je vous propose une méthode de travail basée sur sa famille et ses constituants. Une approche un peu technique certes, mais qui nous fait réviser les différents composants des plantes ainsi que leurs propriétés. Nous validerons ensuite nos trouvailles avec ce que nous disent les vieux écrits.
C'est parti pour le travail de détective... Mais d'abord, une petite vidéo !
Famille
La vipérine appartient à la famille des boraginacées. Ceci peut déjà nous en dire long sur ses propriétés. Serait-elle aussi efficace que sa cousine la consoude (Symphytum officinale) pour réparer les tissus endommagés ? Nous allons valider cette hypothèse en se basant sur ses constituants.
Propriétés
1. Action vulnéraire
Une plante est dite "vulnéraire" lorsqu'elle facilite la guérison d'une blessure. C'est le cas de la vipérine. En effet, elle contient plusieurs constituants qui sont particulièrement intéressants.
Tout d'abord, de l'allantoïne (Foster, 1999). L'allantoïne stimule la régénération cellulaire lorsque la cellule est endommagée.
La vipérine croit sur les sols riches en silice, et elle en contient (Journal of Agriculture, 1843). La silice rentre dans la composition du collagène qui participe à la solidité de nos tissus.
Mais ce n'est pas fini. La vipérine est riche en mucilages. Ces polysaccharides se gonflent d'eau et forment un gel, une substance visqueuse qui recouvre les tissus enflammés et les rafraîchis (calme l'inflammation).
En résumé :
- La vipérine fournit une brique de construction des tissus (silice)...
- ainsi que la stimulation nécessaire pour régénérer ces tissus (allantoïne)...
- puis dépose une couche de gel protecteur sur l'endroit endommagé afin de le laisser se réparer en paix (mucilages).
Action 3 en 1. On l'utilisera donc d'une manière similaire à la consoude afin de stimuler la réparation osseuse et cartilagineuse après un choc.
Pour les plaies, là encore comme la consoude, elle a tendance à refermer une plaie en surface sans donner le temps aux tissus de se refermer en profondeur. Donc attention, laissez une plaie profonde respirer et se refermer avant d'appliquer la vipérine.
On l'a d'ailleurs appelé vipérine car on pensait qu'elle soignait les morsures de vipère, et ceci basé sur la théorie des signatures : la fleur ressemble à la tête d'un serpent. L'utilisation ancestrale confirme donc cette propriété.
2. Diurétique
La vipérine est riche en sels minéraux. Ces sels, le nitrate de potassium en particulier, lui confèrent une action diurétique (Crellin, 1990). De nombreuses plantes sont diurétiques, donc rien de très original ici. De plus, comme nous le verrons, la prise en interne de la plante est problématique.
3. Diaphorétique
La vipérine stimule l'ouverture des pores de la peau, ce qui permet une meilleure transpiration et un meilleur échange de chaleur entre notre milieu intérieur et extérieur. Cette propriété est utilisée pendant les fièvres. Mais la prise en interne de la plante est problématique.
4. Adoucissant de la gorge et des muqueuses digestives
Ceci n'est pas étonnant vu sa teneur en mucilages et en substances astringentes. La vipérine prise en infusion peut resserrer et adoucir les muqueuses enflammées. Là encore, prise en interne nécessaire...
Précautions
La vipérine appartient à la famille des boraginacées et comme les autres plantes de la famille, elle contient une quantité non-négligeable d'alcaloïdes pyrrolizidiniques (APs).
Ces APs sont transformés par notre foie en pyrroles qui ont un effet destructeur sur les cellules du foie. La prise en interne de cette plante n'est donc pas indiquée.
Pour plus d'informations sur ces alcaloïdes, je vous encourage à lire les deux articles suivants :
- Toxicité des alcaloïdes de la consoude, version abrégée
- Toxicité des alcaloïdes de la consoude, version longue
On retiendra donc l'action réparatrice par contact, ce qui nous amène à la préparation d'un cataplasme à base de vipérine.
Préparation : le cataplasme
Les poils durs et chargés de silice peuvent être irritants pour les tissus. Même écrasés, j'hésiterais à faire une application sur une zone endommagée. Mieux vaut utiliser la racine. Mais ça, je vous l'explique dans la vidéo !
Répartition
Voir la carte de répartition française sur Tela-Botanica ici. On la trouve dans la plupart des régions et elle est très présente dans le quart sud-est.
Références
Foster. S. & Duke. J. A. "A Field Guide to Medicinal Plants. Eastern and Central N. America", 1999
Journal of Agriculture, 1843-1845
Crellin, Philpott, "A Reference Guide to Medicinal Plants", 1990
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lekhal dit
bonjour
pourriez vous nous fournir vipérine je suis sur Bruxelles cordialement
sabine dit
bonjour lekhal
désolée mais nous ne sommes pas fournisseurs
de ruffray marina dit
Bonjour
Merci pour tout vos articles et pour votre site qui est une grande ressource. Je souhaite faire un cataplasme de viperine, pour une fracture osseuse des côtes, mais il n'y a aucune plaie. La plante vipérine pousse chez moi dans un sol trés dur et donc dur à sortir la racine. Est-ce possible d'utiliser la partie aérienne de la plante pour en faire un cataplasme, malgrè qu'elle soit irritante, puisqu'il n'y a pas de plaie? merci beaucoup marina
sabine dit
bonjour Marina
rien ne vous empêche de tester la partie aérienne mais peut être en faire plutôt une infusion bien concentrée et ensuite mettre une compresse imbibée de l'infusion sur la partie à soigner
koukla dit
bonjour.est ce que les fleurs sont comestibles.peut on faire des tisanes de fleurs.merci bien
sabine dit
bonjour koukla
je n'ai pas vraiment d'informations , mais je pense que oui, Fournier nous dit qu'on utilisait les sommités fleuries étaient utilisées contre la toux, un peu comme les fleurs de bourrache , je vais aller en goûter pour voir si elles ont un goût particulier
Danièle dit
Bonjour, j'ai lu parmi les commentaires précédents que la réalisation d'une teinture était possible. Peut on aussi utiliser la racine de vipérine pour réaliser un macérat huileux en vue d'en faire un onguent pour appliquer sur un genou au cartilage lésé? Je suppose que l'on peut y associer la consoude mais pouvez vous le confirmer? Et pour finir, vu la dureté de la racine, comment la traiter au préalable (séchée? en poudre? en petits morceaux?) pour l'intégrer dans le macérat?
Merci par avance pour votre réponse et pour ce formidable site, véritable mine de savoirs! Bonne journee.
sabine dit
bonjour Danièle
oui je pense comme pour la consoude (racines)
Françoise dit
Merci Christophe pour cette vidéo ; vous dite que les ancien écrits parle de Vipérine contre les serpents et les insectes, ne pourrait on pas faire une décoction ou un purin a pulvériser sur les plantes pour les protéger, et a se mettre sur la peau lors de picure d'insectes.
Bonne et heureuse nouvelle année. Françoise
Christophe BERNARD dit
Bonjour Françoise,
Je pense que le purin pour le jardin est une excellent idée, étant une cousine de la consoude, pourquoi pas ! Pour se mettre sur la peau, c'est plein de poils urticants, donc il faudrait d'abord filtrer, mais je ne pourrais pas vous dire si c'est aussi efficace que le plantain par exemple. Là encore à essayer.
Une bonne année à vous aussi !
Sabrina Marillier-Dubois dit
Bonjour Christophe,
J'ai lu qu'on pouvait faire de l'infusion de Vipérine sèche contre les problèmes de toux... Reste-t-elle irritante ou dangereuse dans cette utilisation ? Si ces alcaloïdes sont trop peu présents pour être dangereux dans cette forme, peut-on la réduire en poudre, une fois sèche, pour "casser" le côté irritant des poils de silice ?
Si l'on reste sur l'utilisation de la racine seule, quand la récolter ? A l'automne ? Mais la plante risque de ne plus être visible non ?
Je sais... Beaucoup de questions ! 😉 Merci encore pour tes articles et ta disponibilité !
Christophe BERNARD dit
Bonjour Sabrina,
Il y a 2 paramètres différents ici à considérer :
1. Les poils de silices qui sont irritants pour la gorge (infusion) ou les voies respiratoires (si on en inhale par exemple en cueillant ou pulvérisant la plante)
2. Les APs
Si tu fais une infusion, tu peux passer l'infusion au filtre à café non blanchi et éliminer tous les poils irritants. Par contre les APs restent.
Réduire les parties aériennes - pas 100% sûr, je pense que le poil entier est effectivement plus irritant car il se plante littéralement dans la muqueuse et crée une irritation. Peut être la poudre n'a pas ce problème. Mais la poudre contient les APs.
La racine va plutôt se récolter à l'automne de la première année effectivement ou au printemps de la 2ème. Soit tu arrives à reconnaitre les tiges sèches, soit tu plantes un baton à l'endroit pour pouvoir identifier, soit tu ramasses au besoin.
Muriel Tisserand dit
Bonjour Christophe,
je prends enfin le temps de vous laisser une petit mot car je suis inscrite à l'Atelier des plantes et malheureusement j'ai eu une grosse charge de travail qui ne me permet pas d'être autant dedans que je le souhaitais. Vos cours sont vraiment très interessants et faciles d'accès et votre site permet donc d'aller s'y rendre quand on le peut et suivant notre disponibilité. Quel plaisir! mais je tenais aussi à vous féliciter pour tout ce travail que vous avez fait et tout le coeur que vous y avez mis.
merci .
Muriel (Montrèal ,Quebec)
Christophe BERNARD dit
Et merci à vous Muriel d'avoir pris le temps de laisser un sympathique message !
Nathalie dit
Bonjour
Peux t-on faire sécher la racine et la réduire en poudre, pour des cataplasmes ultérieures comme pour la racine de consoude ?
Merci d'avance
Christophe BERNARD dit
Bonjour Nathalie,
Oui je pense que c'est une excellente idée, et même plus facile à faire qu'avec la racine fraiche, qui est plutôt fibreuse et dure à manipuler. La poudre mouillée avec un peu d'eau chaude sera plus facile à appliquer.
Bourguignonne Sylvie dit
Bonjour,
Encore merci pour cette vidéo et ces explications.
Je vous sollicite, pourriez vous s'il vous plait nous réaliser un document sur la prêle des champs (equisetum arvense, je crois) et expliquer comment ne pas la confondre avec la prêle des bois ? Mais peut être n'en avez vous pas en Provence, et a-t-elle son équivalence pour le reminéralisation osseuse ?
Par avance je vous remercie, et tout particulièrement pour le partage de vos connaissances.
Bien sincèrement.
Christophe BERNARD dit
Bonjour Sylvie,
J'ai quelques photos qui pourraient expliquer comment reconnaitre E. arvense. Il faudra que je vois si je peux en faire un article.
Merci pour la suggestion.
marie le roy dit
Bonjour, merci pour toutes ces belles découvertes. Petites question sur ces alcaloïdes. Ne peuvent-ils pas pénétrer via le sang par voie externe s'ils ont appliqués sur des plaies, même superficielles? Je suis une grande consommatrice de baume à la consoude, je l'applique régulièrement voire quotidiennement pour réparer mes mains abimées par les travaux des champs, micro coupures, plaies légères... etc. Y'a-t-il un risque? Merci,
Marie.
Christophe BERNARD dit
Bonjour Marie,
Ils pénètrent probablement un peu lorsqu'il y a micro coupures, etc - mais je pense rien de comparable à ce qui pourrait pénétrer en prise interne. Je ne pense pas qu'il y ait un risque au long terme. Apparemment la pénétration au travers de la peau tournerait autour des 0,1 à 0,4% de la dose, ce qui est très bas.
https://books.google.fr/books?id=tWJLUWT06BEC&pg=PA405&lpg=PA405&dq=pyrrolizidine+alkaloids+skin+penetration&source=bl&ots=YH4Tu26oIs&sig=rX6ULpr6EMTZGfk6hJvsIsG-4j4&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjegLGkodzMAhWJ2hoKHQXMD9IQ6AEIKzAB#v=onepage&q=pyrrolizidine%20alkaloids%20skin%20penetration&f=false
Pujo Marie Line dit
Bonjour Christophe,
la vipérine ressemble assez a la mauve si je ne me trompe pas comment ne pas les confondre??
ceci dit la vidéo est très intéressante et beaucoup plus ludique que de lire un texte merci beaucoup
Christophe BERNARD dit
Bonjour Marie Line,
Ce n'est peut être pas très clair sur la vidéo, mais je vous assure, quasi impossible de les confondre. En commençant par la forme de la feuille et des fleurs. La vipérine a une feuille lancéolée et très poilue, la mauve a des feuilles crénelées et de forme qui rappelle un peu (de loin 🙂 ) celle du lierre grimpant.
Elena dit
Bojour,
Est-ce que la racine séchée conserve toutes ses propriétés?
On peut fair une cataplasme avec la racine seche ?
On peut faire une teinture pour une utilisation topique? 1 :2 avec alcool 96º O ça ne vaut pas la peine?
Elena
Christophe BERNARD dit
Bonjour Elena,
Oui pour la teinture, à faire d'une manière similaire à celle de consoude.
Et oui je pense que la racine sèche conserve toutes ses propriétés. Mais elle devient très dure. Donc la pulvériser d'abord, ce qui est peut être la meilleure manière d'en faire un cataplasme d'ailleurs, car même la racine fraiche est dure à utiliser.
Baptiste dit
Hello Christophe,
Une fois de plus un superbe article sur notre amie la vipérine, et avec la petite vidéo qui va bien 🙂
Que peux tu nous dire sur son utilisation contre les morsures de serpents ? J'imagine que son action se limite a la réparation des tissus et non à l'élimination du venin ? Et donc dans le cas d'une morsure de vipère un petit passage aux urgences s'impose tout de même 🙂
A ce titre existe t'il des plantes aggissantant directement sur les venins ?
J'ai déjà vu ce genre de plante dans le bassin parisien (forme de feuilles avec ces petits "poils" égalements présents sur la tige). Est ce un indice pour déterminer sa famille ?
Baptiste
Christophe BERNARD dit
Bonjour Baptiste,
Oui je ne prendrais certainement pas le risque !
A ma connaissance, seule l'échinacée semble efficace (voir expérience du Dr Meyer).
En ce qui concerne les poils, pas un indice suffisant. Mais c'est vrai que la bourrache, consoude, vipérine, pulmonaire et buglosse par exemple sont poilues. Un bon départ pour mettre la puce à l'oreille.
Dany Saboulard dit
Je me suis inscrite, récemment, à votre L'Atelier des Plantes.... un vrai régal et je ne vous dirais jamais suffisamment merci pour tout ce que vous nous transmettez... avec qualité, patience, bienveillance.... à travers vos vidéos, je ressens toute votre passion.... merci de nous en faire profiter....j'apprécie très fort les vidéos où vous nous permettez de découvrir les plantes, avec précision, clarté..... n'ayant pas le temps de participer à des sorties "Découvertes", les livres laissant toujours un doute entre photos et réalité ! Grand grand merci ! Belle journée.
Christophe BERNARD dit
Dany, merci d'avoir pris le temps de laisser ce sympathique message. C'est ce qui me permet de continuer avec plaisir.
XAV32 dit
Merci Christophe pour cette vidéo, encore une fois très claire !
Est-ce qu'il y a d'autres plantes remarquables qu'on peut garder en mémoire, à éviter en interne pour préserver le foie ?
Christophe BERNARD dit
Bonjour, les plus connus et consommés sont en général : les plantes de la famille des borraginacées, on va dire toutes les plantes de la famille (exception : fleurs de bourrache, et huile des graines). Pour le tussilage, on voit dans les articles annexes qu'il y a un doute.
zozefine dit
bonjour. préconiser l'utilisation de la racine, n'est-ce pas également problématique, cette fois pour des raisons écologiques : cela détruit radicalement la plante. quand à l'aspect irritant, n'est-ce pas la même situation qu'avec l'ortie : crue, c'est irritant, préparée, c'est intéressant ? bien à vous
Christophe BERNARD dit
Comme j'explique dans mon article sur l'étique de la cueillette, tout est une question d'équilibre entre l'homme et son environnement. Si l'on pratique une cueillette raisonnée, il n'y a pas de problème. De plus, la plante étant bisannuelle, on peut même ne ramasser que les plantes ayant produit les graines car elle n'a que quelques mois pour vivre et en cueillant, on propage la graine.
En ce qui concerne l'aspect irritant, ce sont les poils qui de par leur structure sont irritants. Même sèche, elle reste irritante.
zozefine dit
merci