Armoise
Artemisia vulgaris
Artemisia vulgaris, major. Bauh., Tourn. — Artemisia latifolia. Fuchs. Herba regia. Brunf.
Armoise vulgaire, — armoise commune, — herbe de la Saint-Jean, — couronne de Saint-Jean, ceinture de la Saint-Jean, — herbe de feu.
Synthérées, tribu des Corymbifères. — Syngénésie polyg. Superf.
Cette plante vivace (Pl. V), herbacée, est très-commune dans tous les lieux incultes. On la rencontre partout, le long des chemins, sur les bords des champs, dans les lieux secs, arides, sur les masures.
Description. — Racine à peu près de la grosseur du doigt, longue, ligneuse, fibreuse, rampante. — Tiges de 1 mètre et plus, droites, fermes, cylindriques, cannelées, rameuses supérieurement, d'un vert blanchâtre, quelquefois rougeâtre, légèrement pubescentes. — Feuilles d'un vert sombre en dessus, blanches et cotonneuses en dessous, alternes, pinnatifides, à folioles lancéolées en haut de la tige, les florales linéaires, pointues. — Fleurs en capitules ovoïdes disposées en épis axillaires, formant une panicule terminale longue et étroite (juillet-septembre) ; chaque capitule se composant d'un involucre oblong à folioles ovales et tomenteuses, imbriquées, et de petits fleurons pales ou rougeâtres, tubuleux, ceux du centre hermaphrodites, à cinq dents au limbe, ceux de la circonférence presque filiformes ; réceptacle nu. Le reste offrant les caractères de l'absinthe. Les fruits sont des akènes cylindriques, obovales, lisses, terminés par un disque très-étroit.
Parties usitées. — La racine, les feuilles et les sommités.
[Culture.— L'armoise est très-abondante à l'étal sauvage, quoiqu'elle vienne partout : elle préfère cependant les terres légères et les expositions découvertes ; on la multiplie par semis et par division des pieds que l'on pratique au commencement du printemps.]
Récolte. — Elle se fait au mois de juin ou au commencement de juillet, suivant l'époque de la floraison. Après l'avoir mondée, on en fait des guirlandes et on la porte au séchoir. Les racines exigent des soins pour prévenir la moisissure. La plante récoltée dans les jardins et dans les terrains gras et humides est beaucoup moins active que celle lui se trouve dans les lieux secs, arides, sur les masures.
Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de l'armoise est aromatique ; la saveur des feuilles et des tiges est un peu amère ; celle de la racine est douce. L'infusion aqueuse de l'herbe récente est rougeâtre ; elle noircit par l'addition du sulfate de fer. Son suc rougit le papier bleu. Celle plante contient, d'après Braconnot, une matière azotée, amère, et de l'huile volaille. L'eau et l'alcool dissolvent ses principes actifs.
Substances incompatibles. — Les sulfates de fer et de zinc.
PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES
A l'intérieur
- Infusion, de 10 à 30 gr. par kilogramme d'eau bouillante.
- Eau distillée, de 50 à 100 gr. comme véhicule de potion.
- Huile essentielle, en potion.
- Sirop simple ou sirop composé, 30 à 60 gr. en potion.
- Extrait, 2 à 4 gr. en bols, pilules, potion.
- Poudre (herbe sèche), 2 à 8 gr. en substance, bois, pilules, potion.
- Poudre (racineà, 2 à 4 gr. dans de la bière chaude (épilepsie). (Bresler.)
- Suc exprimé, 15 à 80 gr.
A l'extérieur
- 60 à 100 gr. par kilogramme d'eau bouillante, pour fumigation, lavement, etc.
L'armoise entre dans la composition de l'eau hystérique ; son suc dans celle des trochisques de myrrhe.
L'armoise est tonique, stimulante, antispasmodique, emménagogue. On l'a employée dans l'hystérie, la chlorose, l'aménorrhée, la chorée, les vomissements spasmodiques, les convulsions des enfants, les névralgies, l'épilepsie, etc.
Les propriétés emménagogues de cette plante ont été préconisées par les médecins de l'antiquité et constatées depuis par tous les praticiens. Hippocrate(1) la regarde comme un remède propre à expulser l'arrière-faix. Dioscoride la prescrit pour provoquer les règles et accélérer l'accouchement. Zacatus Lusitanus a rétabli, au moyen de l'infusion d'armoise, un flux menstruel arrêté depuis dix ans. Demésa(2) a obtenu dans un cas semblable un égal succès.
La décoction d'armoise, dont on dirige la vapeur sur la vulve, est mise en usage pour rappeler les règles et favoriser l'écoulement des lochies. On lui associe quelquefois, dans ce mode d'application, l'absinthe, la matricaire, le souci, le cerfeuil. On administre aussi l'armoise en lavement pour remplir la même indication. J'ai vu des femmes de la campagne appliquer des cataplasmes de feuilles et sommités de cette plante sur le bas-ventre des nouvelles accouchées pour favoriser l'expulsion des caillots sanguins et de l'arrière-faix.
Fernel conseille comme emménagogue un pessaire composé de suc d'armoise et de myrrhe. Nous négligeons trop les pessaires médicamenteux ; les anciens les employaient fréquemment et avec avantage.
J'ai employé le suc d'armoise avec succès dans l'aménorrhée ; j'en fais prendre 30 à 80 gram. à jeun pendant les dix jours qui précèdent le molimen utérin ou l'époque habituelle des règles. — Lorsque les malades répugnent à prendre le suc, je leur donne une forte décoction des sommités, tiède, le matin, pendant le même espace de temps. Je pourrais citer un grand nombre d'observations qui constatent l'effet emménagogue de l'armoise ainsi administrée : les limites qui me sont tracées par la nature de mon travail ne me permettent, le plus souvent, qu'une simple mention. — Lorsqu'il y a chlorose, je joins au suc d'armoise la teinture de Mars tartarisée, et je fais prendre ce mélange dans un verre de vin blanc. Ce moyen m'a surtout réussi lorsque la chlorose était accompagnée d'un état d'inertie de la matrice, ce qui a le plus ordinairement lieu. Il serait nuisible si cet organe, comme cela se rencontre quelquefois, était surexcité.
Lorsque par atonie les lochies languissent, je fais prendre l'infusion chaude d'armoise, surtout chez les femmes qui n'allaitent pas. J'ai remarqué que l'écoulement muqueux utérin est plus abondant par l'effet de l'armoise, et que cette dérivation contribue à la diminution de l'afflux du lait dans les mamelles. Une longue pratique comme médecin-accoucheur m'a mis à même de vérifier ce fait un grand nombre de fois. Il est d'ailleurs expliqué par les relations sympathiques qui existent entre deux appareils d'organes qui concourent au même but. C'est par un effet inverse, et en vertu de ces mêmes relations, que les ventouses appliquées aux mamelles font cesser une hémorrhagie utérine, et que les lochies se suppriment momentanément pendant la fièvre de lait.
J'ai rappelé une leucorrhée habituelle et dont la suppression avait donné lieu à une toux inquiétante, en faisant prendre à la malade, pendant dix jours, 60 gram. de suc exprimé d'armoise.
Ces faits, ajoutés à tant d'autres, ne permettent point de révoquer en doute l'action spéciale de l'armoise sur l'utérus.
Home a obtenu des résultats avantageux de l'emploi de l'armoise contre l'hystérie ; il donnait des feuilles en poudre à la dose de 4 gram. répétée quatre fois par jour.
Biermann(3) administre contre les convulsions, pendant la première dentition, 2 centigr. et demi de poudre de racine d'armoise mêlée à 25 centigr. de sucre pulvérisé. Cette dose est donnée d'heure en heure. On l'augmente graduellement jusqu'à 10 centigrammes.
L'armoise a été mise en usage dans la chorée, les névralgies, les vomissements nerveux chroniques. A une certaine dose, le suc d'armoise peut lui-même provoquer le vomissement. Je l'ai vu produire cet effet à la dose de 60 gram. chez une femme délicate et nerveuse. Lorsqu'on veut le donner comme altérant, il est bon de commencer par une moindre dose, et de n'augmenter que graduellement.
Matthiole, Tragus, Fernel, Simon Pauli, Joel, Schrœder, Ettmuller, etc. ont recommandé la racine d'armoise comme un remède antiépileptique très-efficace.
Nous trouvons dans Joel :
« Experientia comprobatum est, pridie D. Johannis Baptistae, sub radicibus artemisiae er ulsea carbones reperiri, quorum 31. Si in pulvisculum redigatur, et cum aqua stillatitia florum tiliae aut florum lilior. Convallium ebibenad offeratur, protinus aegrum ab epilepsia liberatum iri. »
Et dans Ettmuller :
« Notum est, quod circa festum santi Johannis Baptistae sub radice hujus, carbones reperiantur multae laudis in epilepsia. Hi carbones non sunt fabula uti Hoffmannus voluit, sed nihil aliud est quam radices artemisiae annosae demortuae, quae in epilepsia revera juvant. »
Burdach(4) cite cinq cas où ce médicament a produit les plus heureux effets ; il a remarqué que ce moyen s'était surtout montré efficace chez des sujets atteints d'épilepsie pendant une élongation trop rapide. Schœnbeck(5), Graefe(6), Brocx(7), Lœvenhœck(8), Hufeland, Bresler et plusieurs médecins allemands ont publié plusieurs faits tendant à prouver l'utilité de son usage contre les accès épileptiques. Dans la plupart de ces cas, lorsque le remède agissait, il produisait une diaphorèse abondante.
Delwart a obtenu des résultats assez satisfaisants de l'administration de cette plante dans l'épilepsie des animaux domestiques.
Ainsi que l'absinthe, l'armoise a été vantée comme vermifuge. Je ne puis passer sous silence l'opinion de Parkinson qui assure que l'armoise fraîche ou son suc combat les effets de l'opium pris à trop forte dose??
Wurtzer(9) a obtenu de très-bons effets de la racine d'armoise dans les fièvres intermittentes et les affections spasmodiques des enfants. Le Journal de médecine de la Gironde rapporte que le même moyen a réussi chez un individu qui était affecté à la fois d'épilepsie et de chorée.
Les Chinois et les Japonais préparent le moxa avec les sommités et les feuilles desséchées, battues et cardées de l'armoise. Le professeur Ansiaux, de Liège, employait quelquefois ce moxa. [Mais pour quelques auteurs ils emploient l'A. Chinensis L., et d'après Lindley ce serait une espèce particulière que l'A. Moxa.]
(1) De morb. mul.
(2) Mémoires de la Société de médecine de Copenhague.
(3) Hufeland's Journ., 1804.
(4) Journal complémentaire des sciences médicales, t. XIX, p. 183.
(5) Gazette de santé, 25 Juin 1827.
(6) Journal de chirurgie de Walter et Graefe.
(7) Bulletin de Férussac.
(8) Journal de Hufeland.
(9) Revue médicale, t. I, p. 114.
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Ame dit
Bonjour. j'aimerai savoir si l'armoise peut aider pour les prolifération bactérienne et le péristaltisme intestinale?
sabine dit
bonjour Ame
Je ne la choisirai pas en première intention pour ce genre de problématique , elle peut avoir son mot à dire en cas de digestion lente de par son côté amer
Aline Uzak dit
Bonjour ! Peut-on faire un macérât huileux d'Artemisia vulgaris, pour ensuite l'inclure dans un baume ? J'ai vu que le baume d'Artemisia annua est assez courant, mais à défaut d'en avoir sous la main puis-je utiliser de l'Artemisia vulgaris? Merci!
sabine dit
bonjour Aline
oui vous pouvez faire un macérat huileux , mais artemisia annua et vulgaris ont des propriétés différentes
Aline Uzak dit
Merci pour la précision ! Connaissez-vous les propriétés de l'Artemisia vulgaris ?
sabine dit
bonjour Aline
je vous invite à consulter ces articles https://www.altheaprovence.com/armoise-commune-artemisia-vulgaris-regles-absentes-difficiles/
elle a aussi une action sur le système digestif coliques diarrhées vomissement etc...
je pense qu'elle doit être dans la file d'attente des fiches de plantes 🙂
Aline Uzak dit
Merci beaucoup !
Lolakaz dit
Merci pour votre article.
J’aimerais savoir si vous confirmez qu’il est donc offert aux femmes enceintes souhaitant accoucher « mieux » d’appliquer un cataplasme d’armoise sur leur ceinture pubienne/pelvienne le jour J ?
Je lis des choses contradictoires sur le sujet.
Cordialement
Merci d’avance pour votre réponse.
sabine dit
Bonjour Lolakaz
je n'ai pas de confirmation /expérience concernant cette information populaire extrait du Cazin
solene dit
Bonjour,
Par chez moi (Montpellier) pousse l'armoise de chine (https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-6983-synthese). Son odeur s'apparente à l'armoise commune... Je souhaiterai savoir si sont utilisation peut aussi s'apparenter à cette dernière? Il est difficile de trouver des informations à ce sujet!
Merci beaucoup pour votre réponse!
sabine dit
bonjour Solène
d'après ce que je lis, ce doit être l'armoise des frères Verlot , vous avez en fin d'article un chapitre qui lui est consacré https://www.altheaprovence.com/armoise-commune-artemisia-vulgaris-regles-absentes-difficiles/
Martine dit
Bonjour,
Auriez-vous une idée de la façon artisanale de préparer l'artemisia vulgaris ( argyi /AiYe) pour la moxibustion ?. Merci d'avance
sabine dit
bonjour Martine
désolée mais non je ne sais pas
Martine dit
Merci pour votre réponse, je continue mes recherches et vous la communiquerai...si je trouve. Mille mercis encore pour toutes vos précieuses informations.
sabine dit
bonjour Martine
oui si vous trouvez ce serait super de nous la partager 🙂
Sylvie Cros dit
Bonjour
Mon médecin me prescrit de la teinture mère d’armoise dans le cadre de la maladie de lyme
Or je fais un régime sans gluten caséine et sucre
La question est : y a t il du sucre dans ja teinture mère vu qu’il y a de l’alcoil.
Je vous remercie
sabine dit
Bonjour Sylvie
il n'y a pas de sucre dans l'alcool 🙂
Etienne dit
Bonjour Sylvie,
L'alcool a effectivement un taux de sucre important. Il existe néanmoins l'option de mettre ces gouttes de TM dans de l'eau tiède quelques minutes/heures avant la prise (perso je trouve ca chouette le soir la veille pour le lendemain matin). Cela permet l'evaporation de l'alcool tout en conservant l'information de la plante
Hervé GOURIOU dit
Bonjour Christophe,
L’artemisia annua est-elle identique à l’armoise décrite d’après Cazin dans votre article ?
Je vous pose la question car l’artemisia annua est très développée et utilisée dans de nombreux Pays en Développement pour lutter contre le paludisme (sous forme de tisane prise deux à trois fois par jour). L’efficacité est prouvée, mais l’OMS demande l’interdiction de cette tisane sous prétexte que le parasite responsable du paludisme s’auto immune et devient résistant aux médicaments chimiques antipaludéens.
Pour l’avoir vécu (j’ai été hospitalisé pour un paludisme très violent avec la disparition quasi complète de mes globules rouges et une rate énorme complètement atrophiée et pour couronner le tout un arrêt cardiaque), je sais que la femelle du moustique et son parasite qu’elle inocule dans le sang de ses victimes s’adaptent rapidement aux antipaludéens (chloroquine, nivaquine etc…) et que l’industrie pharmaceutique doit revoir leurs produits sans cesse et suivant les régions du globe infestées… Je ne vois donc pas pourquoi l’OMS met en avant un problème déjà existant pour demander l’arrêt des plantations d’armoises et la consommation de tisanes par les populations locales… sauf si ce n’est pour favoriser l’industrie pharmaceutique une fois de plus …
Christophe BERNARD dit
Bonjour Hervé,
Non c'est bel et bien une armoise à part, une annuelle très facile à cultiver et qui donne d'excellents résultats pour le paludisme. J'ai d'ailleurs récemment confié un stock de graines à Claire Chanut, à la tête de Femmes Semencières, une personne formidable, très impliquée avec un grand coeur, qui les a distribuées en Afrique pour justement pouvoir redonner des outils aux locaux. Je ne comprends pas trop l'attitude de l'OMS mais vous semblez en savoir beaucoup sur le sujet, votre expérience me semble d'ailleurs assez traumatisante !