Je vais vous parler d’une plante très envahissante dans certaines régions. Et dès qu’une plante est envahissante, il faut que l’on se pose la question suivante : peut-elle nous rendre service ?
Si oui, bingo, d’un côté un défriche un peu, de l’autre on transforme l’énergie de la plante en quelque chose d’utile. J’ai un excellent exemple pour vous : l’armoise commune.
Grâce à l'intervention de Florence Faure-Brac, vous allez aussi découvrir comment différencier l'armoise commune de l'armoise des frères Verlot. Il est très facile de se tromper ! Heureusement, Florence nous prend par la main pour nous montrer la différence (⬇︎ tout en bas de l'article ⬇︎).
Un peu de botanique
L’armoise commune (Artemisia vulgaris) est une plante vivace de la famille des Astéracées. Vous allez la trouver dans à peu près toutes les régions de France. Elle a tendance à envahir les champs en friche, les sols compactés des terrains vagues, le bord des routes et le long des chemins de fer.
Elle a des tiges striées, de couleur rougeâtre. Ses feuilles sont découpées en plusieurs segments. La couleur des feuilles est d’un beau vert sur le dessus, et blanchâtre en dessous.
Les capitules floraux sont en général de couleur jaune, la floraison arrive autour de juin-juillet en principe. Attention, on peut facilement la confondre avec Artemisia verlotiorum, qui est elle aussi très présente, du moins dans ma région. On l’appelle l’armoise des frères Verlot. Voir la section à la fin de cet article.
Le problème avec cette armoise : elle est très riche en thuyone, ce qui rend son utilisation un peu plus délicate que l’armoise commune. En effet, la thuyone devient neurotoxique à certaines doses. Nous allons donc préférer l’armoise commune qui en contient beaucoup moins.
Notez aussi que je ne vous parle pas ici de l’armoise annuelle (Artemisia annua) dont je vous ai parlé en détails dans une autre vidéo.
Cueillette
On va ramasser toute la partie aérienne, idéalement juste avant la floraison ou juste en début de floraison, vers les mois de juin-juillet (cela va dépendre des régions, les anglais ramassent plutôt au mois d’août).
Attention où vous récoltez bien évidemment. Évitez les terrains remplis de produits phytosanitaires car il y a eu des cultures non-bios dans le passé. Idem si la plante pousse près d’une source d’eau polluée, etc. Vous m’avez compris, on rentre ici dans les bonnes pratiques de la cueillette, pratiques que je vous ai déjà exposées sur mon site.
Le plus simple est de couper les tiges entières avec feuilles, de les faire sécher puis de composter la tige centrale pour ne garder que les feuilles et les fleurs.
Vous pouvez aussi ramassez directement les feuilles en tirant sur la tige pour les détacher, puis vous les mettez à plat sur une grille pour les faire sécher, en une couche bien fine. Retournez tous les jours, elles seront sèches en quelques jours si l'endroit est sec.
Pierre-Joseph Cazin, médecin des années 1800, nous donne une excellent conseil au sujet de la récolte : l’armoise ramassée sur les terrains gras et humides est beaucoup moins active que celle ramassée dans les lieux secs et arides.
Ceci n’est pas étonnant, la plante est très aromatique, et on sait bien que les aromatiques donnent le meilleur d’elles-mêmes lorsqu’elles souffrent un peu sur des terrains pauvres et secs.
Dans le passé, on utilisait aussi la racine. On la ramassait à l’automne et on la faisait sécher. Cette partie de la plante n’est plus utilisée aujourd’hui, on utilise simplement la feuille.
Règles absentes
L'armoise commune a un très long historique d’utilisation en Europe, Chine et Inde. Nous avons gardé encore aujourd’hui une grande partie de ses propriétés traditionnelles, certaines propriétés d’ailleurs ne sont plus à prouver. Elles ont été largement validées par l’expérience.
La plante est emménagogue. En d'autres termes, elle facilite le retour des règles lorsqu’elles sont absentes, une situation qu’on appelle aménorrhée.
Pourquoi les règles sont-elles absentes ? On peut voir ces situations chez les athlètes, chez la personne qui souffre d’hypothyroïdie, chez la personne anorexique, parfois après un accouchement ou un fort stress. À voir avec votre gynécologue bien sûr pour explorer toutes les causes possibles.
Dans ce contexte, l’armoise peut faciliter le retour des règles. Cazin explique qu’il obtenait de bons résultats avec l’armoise en commençant 10 jours avant la date habituelle des règles, si on la connaît bien sûr.
Chez le docteur Leclerc, on trouve une mention intéressante sur son utilisation : elle fonctionne bien en particulier chez la personne "chlorotique", une vieille expression qui signifie que la personne a un teint très pâle qui dénote probablement un état d’anémie et de faiblesse.
Ceci s’associe bien à l’aspect aromatique et stimulant de la plante. L'armoise stimule, réchauffe une situation froide, un organe qui manque de tonus, qui est "atonique" comme on disait dans les vieux écrits.
On retrouve quelque chose de similaire chez William LeSassier, praticien à New York dans les années 80 et 90, qui en parle pour les femmes traversant une période de faiblesses, ou qui sont de caractère frêle et sensible. Ceci peut aider à bien associer la plante à la personne.
L’armoise peut aider lors d’une aménorrhée primaire, on parle ici d’une jeune fille qui a un retard de règles, ou lors d’une aménorrhée secondaire, chez la femme qui a déjà eu ses règles pendant une certaine période puis elles se sont arrêtées.
Bonne association avec le rhizome de gingembre qui est circulatoire et va permettre une meilleure circulation autour du petit bassin. Idem pour l’achillée millefeuille qui est décongestionnante du petit bassin. Exemple : 1/3 armoise, 1/3 achillée millefeuille et 1/3 rhizome de gingembre frais et râpé sous forme d'infusion.
Règles douloureuses
L’armoise est aussi utilisée pour les troubles du cycle menstruel, ce qu’on appelle dysménorrhée. Les règles sont présentes mais elles sont douloureuses, ou très abondantes. On commence en général 2 ou 3 jours avant l’arrivée des règles, puis on continue la prise pendant les règles.
Attention, l’armoise va souvent réguler la situation, comme prévu, mais comme d’habitude il y a des petites exceptions. Chez certaines femmes, l’armoise peut parfois provoquer des règles plus abondantes, ce qui n’est pas le but bien évidemment.
Si c’est le cas, l'armoise n’est pas la bonne plante pour vous. D’ailleurs, je vous rappelle que je vous ai fait une vidéo sur la bourse à pasteur, probablement la meilleure plante pour les règles trop abondantes. On peut aussi combiner les deux, à parts égales, moitié armoise, moitié bourse-à-pasteur. Pour les règles trop abondantes, c’est un mélange qui fonctionne bien.
Digestions difficiles
Autre grande utilisation de la plante, pour les problèmes digestifs. Et vous savez qu’on a une grande liste de plantes qu’on utilise pour les troubles digestifs, ceci a toujours été une grande préoccupation de l’être humain !
Ce qui est très intéressant avec les armoises, c’est cette dualité aromatique et amer. Les substances amères sont toniques et stimulantes des fonctions digestives. Elles permettent aux organes digestifs de se réveiller en quelque sorte.
Les substances aromatiques vont agir comme antispasmodiques et carminatifs, pour calmer les crampes et la production de gaz. Donc l’association des deux est idéale, sous forme d’infusion chaude prise sur une digestion difficile, ou sous forme de teinture dans un peu d’eau. Ou osons le dire, sous forme d’une petite liqueur d’armoise, pourquoi pas !
Voici un bon résumé de Nicholas Culpepper qui était médecin en Angleterre dans les années 1600, qui nous dit qu’une infusion peu concentrée est excellente pour tous les désordres de l’estomac. Mais si elle est trop concentrée, cette infusion va créer le dégoût. Comme toujours, plus n’est pas toujours mieux, ce n’est pas parce qu’on en met plus dans l’infusion qu’on va obtenir plus de résultats, parfois on obtient l’effet inverse.
Crises d'épilepsie
Une dernière utilisation dont on a beaucoup parlé pendant les siècles derniers : pour diminuer la fréquence des crises d’épilepsie. De nombreux médecins depuis le XVIe jusqu’au XVIIIe siècle ont vanté les mérites de l’armoise.
Valnet en parle dans ses ouvrages et rajoute l’information suivante : surtout pour les crises d’épilepsie des jeunes filles à l’approche de la puberté.
On en parlait beaucoup aussi pour tout ce qui est trouble nerveux, crises d’hystérie, etc. Donc il y a probablement tout un spectre d’action sur le système nerveux que l’on a un peu oublié aujourd’hui car on ne l’utilise plus dans ce contexte. C’est dommage. Ça serait une partie à explorer aujourd’hui.
Formes et quantités
☀︎ Infusion : assurez-vous que la plante sèche soit toujours bien aromatique. Elle sera toujours amère, l’amertume se perd rarement. Mais la partie aromatique se perd très facilement si la plante est trop vieille ou mal séchée. Donc vérifiez lorsque vous recevez votre armoise, c’est important. Si elle n’est plus aromatique, elle ne fonctionnera pas aussi bien.
Pour les dosages, Corjon recommande 20 à 30 g de plante sèche par litre, 2 à 3 tasses par jour.
☀︎ Teinture : si vous la préparez vous-même, l’idéal sera de la préparer à partir de la plante fraîche, cela donne une excellente teinture. Il vous faudra de l’alcool fort de consommation, à 80° minimum.
Sinon la teinture de plante récemment séchée que vous pouvez préparer avec un alcool du commerce à 45°, c’est très bien aussi. Voir ma formation sur la fabrication de produits à base de plantes pour plus d’informations sur la manière de préparer tous ces produits chez vous (téléchargez le livret gratuit d'abord en suivant le lien pour avoir les infos sur la formation).
Pour les dosages, 30 gouttes dans un peu d’eau 2 fois par jour chez Corjon.
Précautions
- Pas chez la femme enceinte ou allaitante ;
- La plante est à éviter si vous êtes allergiques aux plantes de la famille des astéracées ;
- L'armoise peut parfois provoquer des règles plus abondantes.
Différence Artemisia vulgaris - A. verlotiorum
Je remercie Florence Faure-Brac de m'avoir donné la permission d'utiliser ses photos et son excellente comparaison des deux plantes.
Florence accompagne des sorties botaniques sur le terrain, anime des cueillettes et des ateliers de transformation de plantes sauvages et cultivées dans le Gard, et propose des formations professionnelles. Si vous passez dans son coin, vous savez ce qu'il vous reste à faire !
(l'article complet de Florence se trouve ici)
Voici la face supérieure et la face inférieure de l’armoise commune. On voit que la face supérieure est vert cendré, mate, tandis que la face inférieure est argentée et veloutée. Le limbe de la feuille est découpé, mais pas très profondément : les échancrures sont assez légères.
Si on compare avec l’armoise des frères Verlot, cette dernière a des feuilles beaucoup plus découpées. La face supérieure est vert plus sombre, comme vernissée. La face inférieure est argentée aussi, mais moins veloutée. Le limbe s’enroule vers la face inférieure, un peu comme font les feuilles de romarin.
Vous avez ici les feuilles côte à côte. Là vous avez les feuilles du bas de la tige, pour Artemisia verlotiorum : la différence est facile à voir. (verlotiorum à gauche, vulgaris à droite)
Une comparaison de la hampe :
La confusion est surtout possible avec les feuilles du haut de la tige, qui ne sont pas encore complètement développées. Mais en observant attentivement, on fait bien la distinction. La jeune feuille de verlotiorum est plus allongée que la feuille adulte, mais elle est quand même plus découpée que la feuille de vulgaris.
Il faudra que vous en jugiez par vous-mêmes : au froissement, l’odeur est très différente. Artemisia vulgaris est aromatique, mais très douce, alors qu’Artemisia verlotiorum est très fortement aromatique et épicée.
Au niveau du port de chaque plante, elles sont toutes deux dressées et peuvent monter assez haut (80 cm à 120cm), mais Artemisia verlotiorum a des tiges beaucoup plus raides, et rouges. Les feuilles du bas de la tige sont souvent fanées et font une dentelle le long de la tige. Là où elle se plait, elle s’étale en tapis, étouffant les autres plantes. Ses racines sont traçantes, au grand désespoir des agriculteurs qui remettent en culture une friche.
Joana dit
Bonjour,
Je cherche une plante pouvant m'aider pendant mes règles pour surmonter mes problèmes d'humeur.
Je suis souvent très irritable, limite depressive, souvent très triste.
L'armoise serait elle efficace? ou alors l'alchemille?
(je suis en période d'allaitement)
sabine dit
bonjour Joana
il se pourrait que vous soyez en train de vivre ce que l'on appelle le post partum, par exemple l'âge de votre petit et s'il est toujours au sein de façon exclusive ou si vous avez commencé la diversification, les règles sont elles régulières ou est ce par exemple les suites de l'accouchement ce qu'on appelle des lochies (quelques semaines après l'accouchement )
mais ce qui en résulte c'est un épuisement physique et psychologique qui demande une attention sérieuse (le mieux serait de vous faire accompagner par exemple soit par une sage femme ou alors par une "doula" (ce sont des femmes qui sont formées pour accompagner maman et son petitout )
d'une manière générique
- se minéraliser (ortie framboisier par exemple) magnésium et vitamines groupe B) penser aux acides gras omega3
- travailler sur axe HHS ( l’axe hypophyse-hypothalamus-glandes surrénales) avec une plante adaptogène par exemple ashwagandha ou éleuthérocoque
- des infusions qui vont "ensoleiller" votre monde intérieur (lavande, romarin )
de façon générique il est important de faire le point (par exemple si beaucoup de perte sang à l'accouchement , l'or
minéralisation dont le magnésium (ortie framboisier par exemple)
Joana dit
Un grand merci Sabine pour cette réponse complète.
Mon bébé a maintenant près de 9 mois.
Ces sautes d'humeurs je les connaissais déjà avant l'accouchement. Je pense que c'est vraiment lié aux cycles menstruels...
Ana dit
Bonjour Joana,
Selon ce que vous décrivez (irritabilité, période dépressive, tristesse), cela pourrait correspondre à un syndrome pré-menstruel.
J'ai mis des années avant de mettre le doigt dessus pour ma part mais le SPM est connu de beaucoup de femmes. À vérifier s'il s'agit bien de la période avant les règles (vous référer à vos anciennes règles puisque vous allaitez).
Quelques petites recherches à ce sujet pourraient vous éclairer !
On peut alors utiliser de l'huile d'onagre et de l'huile de bourrache, en capsules, pour retrouver un bon équilibre hormonal.
Des infusions d'alchillée millefeuille peuvent aussi être efficace pour contrôler la fabrication d'oestrogènes, responsables du SPM si en trop grande quantité.
Voilà, j'espère que vous retrouverez un bel équilibre !
Ana
Ana dit
Je rectifie, l'alchillée, à ne pas utiliser durant l'allaitement.
L'onagre et la bourrache peuvent être apparemment utilisées de manière raisonnable.
Le mieux étant toujours de se tourner vers un naturopathe pour être sûre.
Eliane Vanhoovels dit
Cher Christophe,
Est-ce qu'on peut employer armoire commune pour soulager des démangeaisons? Dans ce cas je pense de préparer une salve.
Bien à vous,
Eliane
sabine dit
bonjour Eliane
je ne sais pas, il faudrait connaitre l'origine de vos démangeaisons
sabine dit
bonjour Deborah
je n 'ai pas d'informations contre indiquant la prise d'achillée pendant l'allaitement , mais pas d'information non plus disant que oui
je pense qu'elle pourrait essayer en commençant par de petits dosages
je ne sais pas ce que vous entendez par galactophore