Chiendent
(Agropyrum repens, Elymus repens)
Quel jardinier ne s’est pas un jour excité sur les rhizomes de chiendent ?
On le maudit en transpirant, on se décourage en voulant tout arracher, sachant que si on oublie le moindre petit bout, il repartira de plus belle… bref une sacrée mauvaise herbe !
Mais pour qui accepte de faire sa connaissance, c'est surtout une herbe sacrée prête à nous porter assistance en cas de besoin.
Noms usuels : blé rampant, chiendent officinal, froment rampant, gramon, herbe à chien, herbe à deux bouts, petit chiendent
Famille : Poaceae
Constituants
- Polysaccharides : fructanes dont inuline, triticine, fructose, manitol, inositol,
- Flavonoïdes
- Composés phénoliques : acide vanillique, acides carboxyliques phénoliques, acide silicique et silicates
- Tanins
- Mucilages
- Saponines
- Acides gras libres (acide palmitique)
- Composés phénoliques
- HE (traces) monoterpènes, sesquiterpènes
- Sels de potassium
Goût : douceâtre, terreux, très légèrement sucré
Energétique : adoucissante, rafraichissante
Parties utilisée : rhizomes, jeunes pousses
Description
Le chiendent est une herbacée pourvue de feuilles minces à nervures fines plus ou moins planes, vert glauque, souche grêle longuement traçante, jaune pale, qui se propage par ses semences mais surtout grâce à ses rhizomes particulièrement résistants, un seul segment de rhizome donne un plant de Chiendent.
A l'origine, son lieu est celui des sables alluviaux des fleuves et des rivières régulièrement remaniées, mais il choisit aussi de pousser dans les lieux de cultures intensives, dans les champs et jardins, vignes et vergers cultivés depuis longtemps, dans les haies et talus routiers (1).
Il fait partie de ces chevaliers servants de la terre, venant au secours "des sols fatigués, maltraités, déstructurés ou qui sont en excès de nitrate ou de potasse, les sols limoneux compactés à pH élevé subissant de forts contrastes hydriques" (2 ).
Il porte assistance aux sols qui ont besoin de repos, il s'installe et tente de réparer, nous proposant aussi ses services. Souvent son enthousiasme au jardin est débordant et il faut apprendre à le canaliser ce qui, je l'avoue, n'est pas forcément chose aisée.
Il semble donc que sa culture ne soit pas vraiment nécessaire et même si votre jardin en est exempt, il est probable que votre voisin se fera un plaisir de vous le partager.
Propriétés du chiendent
Système urinaire
Le chiendent a plusieurs actions spécifiques sur la sphère urinaire qu'il est important de bien comprendre.
➜ C'est tout d'abord une plante diurétique que l’on va utiliser pour aider les reins à éliminer les excès d'eau. Il est donc utilisé pour les rétentions d'eau qui peuvent arriver d'une manière occasionnelle, avant les règles par exemple, ou lorsqu'il y a changement d'altitude pour certaines personnes. Par rapport à d'autres plantes, ce n'est pas un diurétique très efficace.
➜ C'est aussi une plante adoucissante du système urinaire. On peut donc l'utiliser dès qu'il y a inflammation urinaire : cystites, urétrite, prostatite, etc. L'effet diurétique se combine ici pour apporter un effet de "chasse" qui balaye au passage la zone et facilite l'élimination des pathogènes.
Vous vous souvenez de ma vidéo sur la barbe de maïs ? Si oui, vous voyez apparaitre ici un profil assez similaire. Si non, regardez la vidéo ici, après avoir fini cet article bien évidemment 🙂
Felter, médecin éclectique américain de renom, expliquait dans les années 1920 qu'il faut penser au chiendent lorsqu'il y a présence de mucus, de pus ou de sang dans les urines. En d'autres termes, lorsqu'il y a infection avec forte inflammation (7).
Il ne s'utilise pas seul et se combine avec d'autres plantes appropriées pour la situation, les désinfectantes urinaires par exemple s'il y a cystite (busserole, genièvre, etc).
Cet effet adoucissant peut aussi soulager lorsqu'il y a passage de petits calculs - rien de miraculeux ici, simplement un petit soulagement en attendant que "ça passe".
En revanche attention, en fonction de la taille du calcul, parfois votre médecin vous demandera de ne pas boire en attendant une intervention. Comme toujours, dans le doute, allez consulter votre médecin si vous souffrez de colique néphrétique.
Le chiendent peut aider à mieux gérer les urgences urinaires nocturnes : envies multiples dues à une hypertrophie bénigne de la prostate, énurésie de l'enfant, vessie irritable provoquant de l’incontinence, etc (3). Le but ici étant de provoquer une vidange de la vessie (effet diurétique) pendant la journée afin que le soir, la vessie soit la plus vide possible.
Dépuration et élimination
La tradition la positionne comme plante dépurative. Au même titre qu'il va aider les sols fatigués, le chiendent vient au secours des organismes fatigués, encrassés, malmenés par une vie qui met notre organisme en situation d'excès.
Ce sont surtout les jeunes pousses et les jeunes feuilles qui vont avoir cette action bénéfique sur notre organisme. Les animaux ne s'y trompent pas lorsqu'ils choisissent le chiendent pour se "purger".
Au printemps, profitez donc des jeunes pousses et n'hésitez pas à les incorporer dans vos cures de "jus vert", à condition que le chiendent soit cueilli sur un endroit non traité et non pollué.
Digestion
Les jeunes feuilles de chiendent, nous dit encore Fournier, viennent au secours de tous les états inflammatoires de l'appareil digestif, les coliques hépatiques en particulier.
Cazin explique que les bœufs, qui, pendant l'hiver, sont affectés de concrétions biliaires, se guérissent au printemps en mangeant les tiges et feuilles de chiendent. En effet, les bouchers dit il, trouvent souvent entre novembre et avril des "pierres biliaires" dans la vésicule des bœufs alors qu'entre avril et octobre ils n'en trouvent plus.
Ses propriétés émollientes ont une action apaisante sur les spasmes de l'estomac et on peut l’utiliser comme laxatif léger dans les cas de constipation passagères.
On préparait aussi une boisson adoucissante pour le système digestif des malades, la fameuse "tisane commune" des hôpitaux. Elle était composée de 1/3 orge, 1/3 chiendent, 1/3 réglisse.
Cette boisson apaisante pour la personne malade et affaiblie "étanche la soif, modère la chaleur fébrile et diminue la sécheresse de la langue" (citation de Cazin).
Sans le savoir, Cazin nous donne ici une clé de lecture importante en ce qui concerne l'énergétique de la plante. Elle est donc à la fois rafraichissante (combat fièvre et inflammation) et humidifiante (apporte des liquides sur les tissus asséchés).
La présence d'inuline, en proportion assez importante, donne au chiendent son billet d'entrée dans la famille des prébiotiques.
Douleurs articulaires
Comme nous l'avons vu plus haut, c'est une plante dépurative et diurétique. Il permet une meilleure évacuation de certains déchets comme l'acide urique, responsable d'inflammations articulaires.
Ses propriétés le mettent en bonne position pour venir à la rescousse de nos articulations, particulièrement lorsque ces dernières présentent un état inflammatoire, sont gonflées et douloureuses avec œdèmes. il fut longtemps préconisé dans les traitements des rhumatismes aigus (4).
Il n'est en général pas utilisé seul, mais plutôt combiné avec d'autres plantes ayant une action anti-inflammatoire articulaire (curcuma, gingembre, reine des prés, etc).
hypoglycémiant
Au Maroc, la décoction de racine de chiendent est utilisée comme anti-diabétique (5).
Il semble aussi avoir une action sur le métabolisme des lipides. Des études démontrent en effet une diminution du cholestérol plasmique chez des rats diabétiques ainsi qu'une perte de poids significative au bout de 2 semaines de traitement (5).
Fournier explique que l'extrait aqueux de racine est utilisé pour l'alimentation des diabétiques (6).
Précautions et contrindications
Le chiendent est généralement considéré comme une plante sûre aux doses proposées.
Cependant :
- Faites preuve de prudence dans les cas d'œdèmes causés par une maladie cardiaque ou rénale (consultez votre médecin).
- Il peut y avoir une action additive si vous prenez des médicaments diurétiques.
- Faites preuve de prudence si vous prenez des médicaments hypoglycémiants à cause de son action hypoglycémiante ;
- Déconseillé aux femmes enceintes et allaitantes.
Préparation du chiendent
Parties utilisées
Les rhizomes.
Les rhizomes peuvent être récoltés tout au long de l'année. Ramassez dans un endroit dénué de toxicité et de pesticides. Le chiendent est en effet très gourmand en nutriments et a une capacité à pomper de nombreuses substances du sol.
Repérez un endroit où le chiendent se développe d'une manière dense puis sortez une motte de terre à l'aide de votre bêche. Cassez et secouez la motte afin de sortir les rhizomes de couleur crème/jaunâtre et durs.
Placez les rhizomes dans une passoire de cuisine puis passez-les à grande eau afin d'enlever la terre. Epongez le plus gros de l'eau puis coupez-les d'une manière grossière à l'aide d'un ciseau ou sécateur, faites-les sécher puis stockez-les dans des sacs en papier.
Formes utilisées
La nature hydrosoluble de la plupart des constituants font que la décoction est la forme la plus adaptée. La teinture est néanmoins possible.
- Décoction
- Des rhizomes secs. Les rhizomes peuvent être broyés grossièrement au blender ou au moulin à café afin de faciliter l'extraction à l'eau. Cela donne une boisson agréable, un peu douceâtre, avec un léger parfum de vanille avec en arrière bouche un petit goût de terre.
- Teinture
- Des rhizomes secs (1:5 – alcool à 50°)
- Extrait fluide
- Des rhizomes secs
- Jus frais
- Si vous avez un extracteur de jus, n'oubliez pas de rajouter une poignée de jeunes feuilles de chiendent dans l'élaboration de vos jus verts.
Note : certains ouvrages conseillent de préparer la décoction en deux temps - faire bouillir une première fois, jeter l'eau qui est amère, puis écraser le chiendent et faire bouillir une deuxième fois.
Personnellement, je ne trouve pas la première eau amère et je ne fais donc bouillir qu'une fois. Mais voyez en fonction de votre tolérance à l'amertume. Vous garderez toutes les propriétés adoucissantes même si vous faites bouillir deux fois.
Dosage
- Décoction
- 30 g/L, ce qui représente un volume assez conséquent. Ainsi vous faites d'une pierre deux coups, le mouvement du désherbage thérapeutique est en route ! (Valnet *)
- Prendre 2 tasses de 200 ml midi et soir entre les repas.
- Teinture
- 30 à 60 gouttes jusqu’à 5 fois par jour (ref : Moore)
- Extrait Fluide
- 10 à 30 gouttes jusqu'à 5 fois par jour (ref : Moore)
(*) pour être précis, Valnet recommande la préparation suivante : faire bouillir 30 g pendant 1 minute, rejeter l'eau, écraser et faire bouillir à nouveau dans 1200 g d'eau jusqu'à réduction d'un litre. Ajouter 10 g de réglisse. Laisser refroidir et passer. Boire à volonté.
Références
(1)(2) L'encyclopédie des Plantes bio-indicatrices, Gérard Ducerf
(3) Hautmann, C & Scheithe, K. (2000). Fluid extract of Agropyron repens for the treatment of urinary tract infections or irritable bladder: Results of a multicentric post-marketing surveillance. Zeitschrift fur Phytotherapie. 21. 252-255.
(4) Journal des connaissances medico-chirurgicales , n°1 à 12
(5) Eddouks M, Maghrani M, Michel JB. Hypoglycaemic effect of Triticum repens P.
Beauv. in normal and diabetic rats. J Ethnopharmacol. 2005 Nov 14;102(2):228-32.
Epub 2005 Aug 15.
(6) Fournier, « Dictionnaire de Plantes Médicinales et Vénéneuses de France », 1947
(7) Felter, 1922: the Eclectic Materia Medica.
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Virginie Morisson dit
Bonjour Sabine, tout d'abord merci pour le travail que vous faites avec christophe, c'est remarquable.
Je me permets de vous signaler qu'il y a une petite erreur, à la fin du paragraphe digestion l'inuline est un prébiotique et non un probiotique. je pense que c'est une erreur de frappe 😉
Bien à vous
sabine dit
bonjour Virginie
effectivement c'est une erreur je m'en vais de ce pas frapper la faute 🙂 merci à vous
Haziz dit
Bonjour,
Je vous contacte de la part d'une femme âgée de 79 ans qui a des incontinences urinaires.
Que pourriez-vous lui proposer ?
Je vous remercie de votre réponse.
Haziz
sabine dit
bonjour Haziz
désolée mais je ne sais pas, peut être regarder du côté du cyprés
Haziz dit
Bonjour Sabine,
D'accord merci
Mélanie dit
Bonjour, Vu qu'il est diurétique, comment l'utiliser pour réduire les urgences urinaires nocturnes ? Il me semble que de prendre la décoction midi et soir entre les repas peut favoriser la production d'urine pendant la nuit, non ? Merci pour vos conseils avisés !
sabine dit
Bonjour Mélanie
la posologie est proposée de façon générique, il faut bien sûr adapter à chaque situation
et donc pour réduire les urgences urinaires il faut envisager de prendre dans la journée et dernière tasse fin d'après midi, question de bien "vidanger" la vessie
jujube 83 dit
"Une mauvaide herbe est une herbe dont on n'a pas encore trouvé l'utilisation". Peut-on faire les jeunes pousses en infusion?...en attendant que les rhizomes sèchent...Merci
sabine dit
bonjour!
oui, pourquoi pas, on peut les incorporer dans les jus d'herbe, elles auraient des vertus très intéressantes pour le foie
lionel2 dit
@Hervé GOURIOU
"...que j’ai jeté avec rage sur mon tas de fumier…" Aaaaah !! c'est bien le dernier geste à faire... sauf si vous voulez cultiver le chiendent !!!
Les graines minuscules du chiendent et ses rhizomes vont profiter au maximum de tout ce bon fumier et lorsque vous l'étalerez ou l'enfouirez le chiendent réapparaitra en force.
Quand on arrache du chiendent (pour s'en débarrasser) il faut le mettre à l'envers, racines vers le haut et le laisser sécher (longtemps).
Si c'est autorisé chez vous, brûlez-le ou ébouillantez-le mais ne le jetez surtout pas au compost/fumier.
Christian dit
le brûlage des déchets verts est, en France, interdit depuis 2011. Pour détruire facilement le chiendent que vous avez arraché, mettez le dans une grande bassine pleine d'eau et laissez le pourrir et se dissoudre à la façon d'un purin de plantes. Vous pourrez vous servir de ce jus comme engrais liquide et aucun risque que le chiendent ne repart. Idem pour le liseron.
lionel2 dit
Bonne idée !
A votre avis, peut-on faire la même chose avec d'autres "envahissantes" ? Je pense notamment au lierre et à la salsepareille qui m'ont déclaré la guerre depuis quelques années.
Merci.
Christian dit
Oui bien sur, mais le lierre, et autres plantes coriaces sont plus ligneux et mettent plus longtemps à pourrir.
isabel dit
A quand une fiche qui nous réconcilie avec le liseron? 😉
sabine dit
bonjour Isabel
bonne question 🙂
Naomi dit
Avant je désherbais mon potager... Maintenant je récolterai une précieuse plante médicinale, ce qui change tout ! Ce qui compte n'est pas ce qu'on fait, mais le regard qu'on porte sur ce qu'on fait...
Jose dit
Bien vu
Hervé GOURIOU dit
... après réflexions et en réfléchissant à la valorisation de plusieurs "mauvaises herbes" que vous préconisez, je me suis dit que vous deviez sans doute être un de ces activistes qui voulez la faillite des Monsanto/Bayer/ Syngenta and C° car comment voulez-vous que toutes ces Sociétés maudites continuent à tuer la terre de notre Planète si vous, vous nous incitez à préserver et même à cultiver les herbes qu'ils veulent éradiquer avec leur Glyphosate et autres désherbants toxiques.... 🙂
Hervé GOURIOU dit
Etonnant : à peine 15 mn avant de visionner votre vidéo sur Youtube, j'ai arraché plusieurs kgs de cette satanée plante que j'ai jeté avec rage sur mon tas de fumier... en pensant à vous et en me disant qu'il était étonnant que Christophe n'ait jamais parlé de cette herbe envahissante, car effectivement, du moment qu'elle existe, il est sans doute possible qu'elle serve à quatre chose qu'à enquiquiner, pour ne pas être grossier, les jardiniers ou tout simplement les personnes qui ont un espace vert autour de leur maison.... et puis, il est vrai que grâce à vous, j'ai appris à utiliser et même cultiver certaines "mauvaises herbes" comme le pissenlit, l'ortie, l'herbe à Robert, le lierre terrestre etc.... Merci pour vos infos très constructives et enrichissantes !...