La Douce-amère
(Solanum dulcamara)
La famille des solanacées nous apporte nourriture et poisons. Nous avons apprivoisé la pomme de terre, l'aubergine, la tomate. Mais l'on se tient à l'écart de la belladone et de la jusquiame. Ces “plantes à alcaloïdes” sont à éviter dans la plupart des cas, sauf la douce-amère qui fait exception à la règle.
Elle n'est certes pas dénuée de toxicité, mais comme nous le verrons dans cette fiche, elle apporte aussi des bienfaits si elle est utilisée judicieusement. On la trouve encore dans de nombreuses herboristeries. Le promeneur averti la trouvera aussi dans les endroits humides, au bord des ruisseaux par exemple.
Nom commun : Douce-amère, morelle douce-amère, morelle, morelle grimpante, vigne de Judée, herbe à la fièvre
Nom latin : Solanum dulcamara
Famille : Solanaceae
Constituants :
- Alcaloïdes
- Le principal est la solanine, sous forme de glyco-alcaloïde
- La concentration est maximale dans le fruit vert et devient très faible dans le fruit mur
- Saponines stéroödiennes : acide dulcamarique, etc.
- Tannins
- Principes amers (dulcamarine, etc)
Goût :
- Doux
- Amer
(comme son nom l'indique !)
Energétique :
- Refroidissante
Utilisation de la douce-amère
Dépurative
C'est son emploi principal. Weiss, grande figure de la phytothérapie allemande, la considère comme l'une des plantes “anti-dyscrasiques” (nettoyante du sang) les plus puissantes.
On peut l'utiliser dans la situation suivante :
Chez la personne de tempérament pléthorique souffrant de problèmes de peau ou de douleurs articulaires. |
Décortiquons cette phrase pour bien en comprendre son sens.
Pléthorique : un terme ancien qui dénote un excès. Ceci peut être un excès de poids, chez le bon vivant par exemple, avec abus d'aliments fortement caloriques. Mais ceci décrit surtout la qualité du sang - trop abondant (hypertension essentielle), ou trop riche (cholestérol et triglycérides élevés, un sang épais et laiteux à la prise de sang). D'ailleurs, Valnet la recommande pour toute hyperviscosité sanguine (ref : Valnet).
Cet excès, qui a du mal à être géré d'un point de vue métabolique, va créer un dérèglement de peau (la peau irriguée par le sang réagit à cet excès) ou articulaire (de type goutte avec dépôt de cristaux d'acide urique).
Weiss explique que son effet diurétique (élimination par les reins) n'est pas très marqué. Par contre, son effet sur le métabolisme (gestion et recyclage des déchets) est important. Il la recommande donc lorsque les problèmes de peau ou de rhumatismes sont connectés à des anomalies du métabolisme (cholestérol, triglycérides, etc).
Donc, dans des termes plus simples, si vous avez les problèmes de peau ou d'articulation listés ci-dessous, et que votre dernière prise de sang montre des dérèglements du cholestérol (total, LDL, HDL) et/ou de triglycérides par exemple, la douce-amère peut être intéressante à utiliser.
Problèmes de peau - la douce-amère, dans ce contexte de pléthore, est indiquée dans les cas suivants :
- Acné
- Dartres
- “les observations [...] ne laissent aucun doute sur l'efficacité de cette plante contre les dartres” (ref : Cazin)
- Eczéma sec ou suintant
- “J'ai vu chez un marin de Calais [...] un dartre eczémateux occupant les deux tiers de la jambe droite guérir dans l'espace de deux mois par l'usage interne d'une forte décoction de rameaux de douce-amère” (ref : Cazin)
- Psoriasis (ref : Ellingwood)
- Démangeaisons pudentales (ref : Felter, Ellingwood)
- Toute condition de peau caractérisée par des écailles (desquamation excessive, ichtyose), pustules ou vésicules (ref : Felter, Ellingwood)
L'usage de cette plante peut entraîner dans les premiers jours de prise quelques dérangements de type migraines ou diarrhées, qui en principe s'estompent par la suite. Les problèmes de peau peuvent aussi s'aggraver de manière temporaire.
Felter & Lloyd recommandent de l'associer avec la patience crépue (Rumex crispus). Cazin la conseille en remplacement de la salsepareille (Smilax spp.), une autre dépurative classique pour les problèmes de peau.
Problèmes articulaires :
- Particulièrement efficace lorsque les douleurs articulaires sont dues au climat ou à des conditions de travail froides et humides (ref : Felter).
- Pour les problèmes de goutte, comme mentionné plus haut. C'est en quelque sorte une plante “nettoyante des articulations” (ref : Ellingwood).
- Une étude récente montre qu'elle peut être efficace dans les cas d'ostéoarthrite - la diosgénine, l'une des saponines de la plante, a un effet anti-inflammatoire articulaire, inhibant la production de plusieurs médiateurs inflammatoires (oxyde nitrique, prostaglandine E2, etc)(1).
Toux sèche et nerveuse
Cazin note que “donnée en décoction dans le lait contre les bronchites chronique, la douce-amère m'a réussi dans certains cas, et a été sans effet appréciable dans d'autres cas de même espèce. J'ai remarqué qu'en général elle réussissait mieux dans les toux sèches et nerveuses que dans celles qui étaient accompagnées d'expectoration” (ref : Cazin).
Elle semblerait donc agir sur les centres nerveux régulant le réflexe de toux, une action utile pour les toux nerveuses et incontrôlées.
Précautions d'emploi
- La douce-amère est toxique à fortes doses, s'en tenir aux doses recommandées par les auteurs classiques (voir “Doses” ci-dessous) ;
- Les enfants peuvent s'empoisonner en mangeant les petits fruits rouges. Attention si vous en avez au jardin.
- A n'utiliser que de façon discontinue (ref : Duraffourd & Lapraz)
- A proscrire chez l'enfant, la femme enceinte et la femme allaitante.
Préparation de la douce-amère
Parties utilisées
La tige est récoltée en général à l'automne, lorsque la plante commence à perdre ses feuilles. On coupe la tige, on enlève les feuilles restantes, et on la coupe en tronçons de 3 à 5 cm de longueur. On la fait ensuite sécher dans un endroit sec à l'abri de la lumière, souvent dans un déshydrateur.
Certains recommandent d'utiliser les pousses de l'année (ref : Lieuthaghi). D'autres conseillent de n'utiliser que les tiges ligneuses âgées d'au moins un an (ref : Fournier, Grieve). Grieve, reflétant le courant anglo-saxon, parle de branches âgées de 2 ou 3 ans pour lesquelles on ne coupe que les parties terminales.
Formes utilisées
- Teinture
- Des tiges sèches (1:5 – alcool à 60°)
- Infusion ou Décoction
- Des tiges sèche
- Sirop (ref : Leclerc)
- Dans 1,5 litre d'eau, faire infuser pendant 6 heures 100 g de tiges de douce-amère. Passer avec expression. Laisser reposer et décanter si nécessaire afin d'enlever les impuretés. Rajouter 180 g de sucre pour 100 g du liquide obtenu. Faire chauffer afin de bien diluer le sucre.
Doses
- Teinture
- 15 à 25 gouttes 2 ou 3 fois par jour (ref : Duraffourd & Lapraz)
- 10 à 20 gouttes, utilisées en général dans le contexte d'une formulation, en d'autre termes pas seule mais accompagnant d'autres plantes, et pour le court terme (ref : Moore)
- Infusion ou Décoction
- Usage interne
- 5 à 10 g par litre (ref : Duraffourd & Lapraz)
- Décoction de 10 à 30 g de tiges (en augmentant progressivement) pour 1 litre d'eau. Bouillir 2 minutes, infuser 10 minutes. Prendre 2 tasses par jour entre les repas (ref : Valnet).
- Une à deux cuillères à café des tiges par tasse. Une tasse matin et soir (ref : Weiss).
- Usage externe
- 1 poignée de tiges dans un litre d'eau. Bouillir 10 minutes. En lotion ou compresse sur les problèmes de peau (ref : Valnet)
- Usage interne
- Sirop (à la Leclerc)
- 3 à 5 cuillères à soupe par jour (ref : Leclerc)
Notez que Cazin préconise de forte doses : de 4 à 8 g au départ, puis augmenter progressivement jusqu'à 60 g par jour, ajoutant “s'il ne survient aucun symptôme qui oblige d'agir avec plus de ménagement”. Ces doses sont excessives et ne sont pas recommandées aujourd'hui, mais il est important de resituer les résultats de Cazin dans son contexte de dosage.
Références
(1) Wang L, Ma T, Zheng Y, Lv S, Li Y, Liu S. Diosgenin inhibits IL-1β-induced expression of inflammatory mediators in human osteoarthritis chondrocytes. Int J Clin Exp Pathol. 2015 May 1;8(5):4830-6.
- Duraffourd, Lapraz, “Traité de phytothérapie clinique. Endobiogénie et médecine”, 2002
- Ellingwood, “The American Materia Medica, Therapeutics and Pharmacognosy”, 1919
- Felter, “The Eclectic Materia Medica, Pharmacology and Therapeutics”, 1922
- Felter, Lloyd, “King's American Dispensatory”, 1898
- Fournier, « Dictionnaire de Plantes Médicinales et Vénéneuses de France », 1947
- Grieve, « A Modern Herbal », 1931
- Leclerc, « Précis de Phytothérapie », 1973
- Lieutaghi, Pierre, « Le Livre des Bonnes Herbes » , 3ème édition réviséé, 1996
- Moore, Materia Medica
- Valnet, « La Phytotherapie », 2001
- Weiss, « Herbal Medicine », 2ème édition, 2000
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Laville dit
Bonjour
Pouvez vous me dire sur quel site je pourrai l’acheter ?
Je voudrai l’utiliser pour traiter mon psoriasis
sabine dit
bonjour Laville
désolée mais nous ne pouvons plus recommander de sites
Bialès Patricia dit
Monsieur Bernard bonjour.
Quand vous dites :
Teinture
Des tiges sèches (1:5 – alcool à 60°)
Qu'est ce que veut dire 1:5 ? Un volume de plante pour 5 d'alcool?
Excusez mon ignorance. Je débute. J'ai assisté à votre conférence à Sarp le we dernier.
Merci pour vos explications
sabine dit
bonjour Patricia
oui c'est ça 1 volume de plante et 5 d'alcool 🙂
Denis C dit
Confusion possible avec la morelle noire (Solanum nigrum). Les fruits de la douce amère sont rouges à maturité, tandis que ceux de la morelle noire passent du vert au rouge, et deviennent noires à maturité. La fleur est blanche pour la morelle noire et violette pour la douce amère.
La morelle noire semble intéressante aussi, elle serait efficace contre l'herpès. Qu'en pensez vous?
sabine dit
bonjour Denis
il semble que oui , qu'elle aurait une action sur l'herpès, mais je n'ai pas plus d'information "pratico-pratique" la concernant , mais c'est à creuser:)
Sara dit
Bonjour,
J'ai plein de Rumex Obtusifolius (Patience à feuille obtuse), j'aimerais l'utiliser pour ses propriétés laxatives, mais je ne sais pas exactement si c'est la racine ou la feuille.
Si c'est la racine, il faut la consomer en infusion, poudre, TM? J'ai lu qu'il fallait faire sécher la racine au soleil, pouvez-vous me confirmer?
Merci beaucup pour le partage et pour votre aide préciose.
sabine dit
Bonjour Sara
d'après Fournier , on peut l'utiliser comme Rumex crispus https://www.altheaprovence.com/blog/constipation-patience-crepue/
Maxime dit
Bonjour.
Je pensais essayer de faire un macérât huileux par intermittence alcoolique ; puis une émulsion avec.
Est ce que d'après vous, cette utilisation en externe, pourrait convenir ? (Eczéma, rhumatismes...)
Merci beaucoup pour toutes les infos.
Maxime
sabine dit
Bonjour Maxime
oui, je trouve que c'est une bonne idée, je n'ai jamais essayé par contre
Maxime dit
Merci. Si les résultats sont positifs, je le notifierai. Bonne journée.
sabine dit
merci Maxime 🙂 mais même s'ils ne sont pas positifs , toujours intéressant de pouvoir lire les retours d'expériences
Maxime dit
Bonjour.
J'ai cependant oublié de vous demander s'il fallait, avec cette méthode, que les rameaux soient secs?
Merci
Christophe BERNARD dit
Oui il faut que la plante soit sèche pour faire cette préparation.
Natacha Chauvet dit
Bonjour,
Je voudrais faire de la teinture mère de tiges de douce amère, par percolation, à partir d'alcool à 37° (impossible d'avoir autre chose comme alcool), quelles seront les proportions en poids des ingrédients ?
Par exemple pour 50 g de plantes sèches combien d'alcool à 37° ?
Merci beaucoup pour votre réponse.
Cordialement.
Natacha
Christophe BERNARD dit
Bonjour Natacha,
Toute la méthode de calcul est expliquée ici :
https://www.altheaprovence.com/blog/faire-une-teinture-mere-percolation/
Pas compliqué, quelques additions tout au plus, et il faut mesurer comme vous allez voir le volume occupé par la plante en poudre dans un verre mesureur, pas seulement le poids de la plante.
Pour l'alcool, je ne sais pas où vous habitez, mais en supermarché vous trouverez en principe de la vodka qui monte à 45° et du rhum qui monte à 55° si nécessaire.
Claude BESNOU dit
Je n'ai jamais utilisé cette plante pour la bonne raison qu'on en disait trop de mal, en gros: "Elle doit être consommée sous contrôle médical. Elle produit un effet hypnotique et anaphrodisiaque. Une forte consommation de ses baies peut être toxique et mortelle. De même, elle produit divers effets secondaires, dont des vomissements, des nausées, des intoxications, des diarrhées, de la somnolence et des vertiges. Les baies peuvent également irriter le tube digestif, entraîner des crampes musculaires et de la tachycardie. De graves conséquences peuvent également avoir lieu, dont les hallucinations, les délires, le coma, les convulsions et la dépression respiratoire."
Le rapport efficacité nuisance m'apparaissait bien peu en faveur de la plante. Alors merci Christophe de m'apporter un autre son de cloche, ce qui va me donner l'occasion, au moins, d'en faire un document à classer, avec un autre regard 🙂
Christophe BERNARD dit
Bonjour Claude,
Je confirme qu'elle n'est pas dénuée de toxicité, mais que l'herboristerie et l'utilisation traditionnelle nous a orienté vers la partie la moins problématique de la plante qui est la tige sèche, et surtout pas les autres parties, en particulier les fruits.
sabine dit
merci Christophe
cette plante est listée dans mes fiches du système ostéo-articulaire, du coup cet article vient à point compléter mes infos!
troooooop bien 🙂
Dans ma fiche elle est signalée aussi comme très utilisée en homéopathie pour les rhumatismes aggravés par l'humidité!
et comme je la rencontre sur mes lieux de balades , je sens que je vais me laisser tenter pour faire des essais
Christophe BERNARD dit
Elle est soit en fleur en ce moment, soit en fruit, cela dépend de l'endroit. Effectivement, l'indication "aggravé par le froid et l'humidité" est très présente dans les indications anglo-saxonnes. L'influence française insiste plus sur la partie "sang sale".
sabine dit
en ce moment elle est en fleurs
mais étant donné qu'elle est souvent montré du doigt comme toxique , jusqu'à présent je n'avais pas eu le réflexe (hormis de l'admirer) de m'en approcher plus que ça.
Tu l'as déjà utilisée ?
Christophe BERNARD dit
Elle est toujours vendue en herboristerie, ce qui nous dit que les tiges sèches ne posent pas franchement de problèmes aux doses classiques suggérées. Oui je l'ai déjà utilisée à plusieurs reprises.