La fumeterre, une amère tonique
Cet article est paru dans le magazine Plantes & Santé n°156 — Avril 2015.
Les plaques de neige ont à peine fondu, et voici que pointent les jolies fleurs de la fumeterre (Fumaria officinalis), ces taches mauves sur fond blanc. C’est l’une des premieres annuelles a s’offrir à nous a la sortie de l’hiver, à un moment où l’on devrait penser a faire la traditionnelle cure dépurative. Si les goûts amers ne vous font pas peur, je vous invite a me suivre.
Vous avez dit medicinal?
Le mois dernier, nous évoquions les talents de la bardane en matière de cure dépurative. visant à évacuer les toxines accumulées dans l’organisme. J’aimerais ce mois-ci attirer votre attention sur la fumeterre. Cette plante excelle également dans cette tâche, en stimulant le foie et les reins. Galien, médecin grec de l’Antiquité, la recommandait déjà pour les obstructions et affections hépatiques.
Comme avec la bardane, la cure se pratique sur une dizaine de jours à raison de deux petites tasses d’infusion par jour. En effet, il ne faut pas stimuler sans cesse les organes d’élimination. Le docteur Henri Leclerc nous confirme ceci, expliquant que la fumeterre, «tonifiante au début, devient par la suite hyposthéniante, antipléthorique» («Précis de Phytothérapie», 1973). En d’autres termes, elle finit par fatiguer la personne qui la consomme sur le long terme.
Il ne faut pas non plus envisager une cure dépurative si vous vous sentez particulièrement fatigué par une série de maladies hivernales, ou après une longue convalescence, par exemple. Il y a un moment pour rebâtir, et il y a un moment pour dépurer et drainer.
La fumeterre se prend plutôt lorsque vous vous sentez dans des états d’excès, avec une impression de lourdeur digestive constante et en cas d’apparition ou d’aggravation de maux de tête ou de problèmes de peau.
Au jardin
La fumeterre est une annuelle que je n’ai jamais vue en jardinerie. Il faut donc avoir recours aux graines, ce qui n’est pas difficile car elles germent facilement.
Semer en évitant les pertes
Semez-les en fin d’hiver ou au tout début du printemps. En effet, la plante commence à fleurir dès le mois de février ou mars, et elle n’apprécie pas les grosses chaleurs. Elle a donc tendance à disparaître vers la fin du printemps selon les régions. Chez moi, en Provence, elle fait une première montée en graines vers mars ou avril, puis meurt, germe une deuxième fois à l’automne pour donner une deuxième montée avant l’hiver.
Les graines sont grosses, il est donc facile de bien les disposer afin d’éviter les pertes par éclaircissement plus tard. À l’aide de votre doigt, quadrillez le bac de plantation de petits trous d’une profondeur d’un demi-centimètre, espacés de cinq centimètres. Placez une graine par trou, puis recouvrez délicatement de terreau, tassez bien et gardez humide jusqu’à germination. En suivant ces conseils, vous n’aurez pas besoin de sacrifier les plants qui poussent trop près les uns des autres. Repiquez ensuite les plantules en godet, puis en pleine terre lorsqu’elles sont solides.
Terre et arrosage
Dans mon jardin, la plante apprécie une exposition plein soleil les mois froids, puis mi-ombre mi-soleil lorsque les jours plus chauds arrivent. Elle se satisfait d’une terre pauvre et d’un arrosage occasionnel. Gardez-en un plant afin de récupérer les graines. Vous pouvez arracher les autres dès que la plante a fini de produire toutes ses fleurs. La fumeterre reste relativement petite, prévoyez donc une vingtaine de pieds pour une consommation personnelle. Récoltez la plante entière. C’est une annuelle, vous pouvez donc la couper à ras car elle ne disparaîtra pas.
Ramasse et séchage
Faites-la sécher soit en bouquets la tête en bas, soit à plat sur des grilles de séchage, dans un endroit ombragé et bien aéré. Une fois sèche, vous pouvez soit couper les branches en petits morceaux pour les stocker, soit les garder entières.
La plante est stable au séchage et se garde plus d’un an si vous la conservez à l’abri de l’humidité. Dès que les graines commencent à tomber du plant que vous avez gardé, coupez les grappes et faites-les sécher entières. Les graines tombent ensuite plus facilement.
À l’atelier : Glaçons de plante fraîche
Cette façon de préparer la fumeterre est peu connue, mais je pense pouvoir vous convaincre facilement de l’expérimenter… Avec l’aide d’une centrifugeuse, nous allons préparer tout simplement un jus de plante fraiche, qui pourra être conservé sous la forme de glaçons.
1. Coupez la plante à ras du sol, puis coupez-la en morceaux à l’aide d’un sécateur ou d’une paire de ciseaux. Placez la plante fraîche dans la centrifugeuse.
2. Centrifugez et récupérez le jus. Vous n’en récolterez qu’une toute petite quantité, ce qui est normal.
3. Répartissez cette quantité dans 10 cubes de bacs à glaçons. Remplissez à peine le fond du cube, car le jus est très concentré, puis congelez le tout.
4. Sortez un mini-cube par jour que vous faites fondre dans un demi-verre d’eau froide, accompagné d’un demi-citron pressé si nécessaire. Vous aurez ainsi de quoi faire votre cure de 10 jours.
Note Si la quantité de jus produite est trop faible pour constituer 10 mini-glaçons, coupez-le avec un peu d’eau avant de le répartir dans le bac.
Essayez l’infusion et la teinture
- L’infusion de plante fraîche – une petite tasse deux fois par jour pour la cure dépurative – se prépare avec une branchette par tasse afin de créer un goût amer sans pour autant provoquer une nausée, chose qui peut arriver avec cette plante. Pour la plante sèche, une cuillère à dessert suffira. Si l’amertume vous gène, oubliez le sucre qui fait ressortir l’amer en arrière-plan et rajoutez plutôt le jus d’un demi-citron.
- La teinture se prépare avec la plante fraiche, coupée finement et placée dans un bocal. Pour chaque 100 g de parties aériennes, rajoutez 200 ml d’alcool à 80′ minimum. Laissez macérer pendant 2 semaines, filtrez et mettez en bouteille. Pour la plante sèche, utilisez 500 ml d’alcool à 45° pour 100 g de plante. Dans les deux cas, prenez une quarantaine de gouttes 2 fois par jour dans un peu d’eau.
14 réponses
Bonjour Christophe,
j’ai acheté une teinture mère de fumeterre de la marque herbiolys pour un « nettoyage » du foie. Il conseille 15 gouttes 2 fois par jour pendant 25 jours. Puis je augmenter les doses et jusqu’à combien de gouttes maximum par jour?
Très belle journée
Denis
Bonjour Denis
Christophe nous conseille entre 40 et 90 gouttes 2 fois par jour mais pendant 10jours pas plus
Merci Sabine
Bonjour Christophe
Je viens d’acquérir un extracteur et je souhaite l’utiliser aussi en jus d’herbes. Dans le cas de la fumeterre je me demandais quelle quantité fraiche je pouvais incorporer dans mes jus et si 10 jours de cure étaient corrects. J’ai vu le fond d’un glaçon mais cela me parait très peu.
Merci pour votre réponse et votre travail.
Ariel
Bonjour Ariel,
Une dizaine de jours est une bonne durée, nos ancêtres ont fait cette observation : moins long et le nettoyage n’est pas efficace, plus long et la cure devient trop drainante. Je ne sais pas si vous avez déjà mâché un morceau de feuille fraiche, mais c’est assez costaud coté goût. Le jus frais va donc être plutôt fort à consommer, et une petite quantité suffit. Vous pouvez faire l’expérience et passer à l’extracteur une poignée de plante et voir combien de jus elle rend. En pratique, en infusion, une branchette suffit, sinon cela devient vite imbuvable et un peu trop stimulant pour le foie et la vésicule.
Merci pour votre rapidité de réponse,
Oui je connais l’amertume de la fumeterre. En tisane au bout du 2ème jour, j’ai tout le corps qui frissonne rien qu’en regardant ma tisane et je ne peux pas la boire (c’est pourtant pas l’amer (la mer ou la mère) à boire ? Ben si. C’est pourquoi je cherche des moyens détournés, le suivant sera peut-être en gélules.
Merci encore pour vos partages.
Ariel
bonjour !
il me semble que les tisanes même avec une eau frémissant « cuit » la plante…ainsi que la congèlation !!!!
Que reste t il des principes actifs des minéraux et vit !!!???
Non c’est vraiment une question de constituants. Les amers ne souffrent pas, les tanins non plus. Les aromatiques souffrent au chaud, il en reste une bonne partie à la congelation. La meilleure infusion se fait autour des 85°C, mais c’est vraiment une question de cas par cas. Pour la fumeterre, la congelation garde toutes les propriétés de la plante.
Bonjour Christophe,
Effectivement, il y a un moment pour rebâtir et un moment pour nettoyer, on aurait tendance à vouloir nettoyer après une période de maladie. Vers quelle plante se tourner pour rebâtir? Une tonique? Une reminérélisation?
Belle journée,
Nico
Nico, minéralisantes pour tamponner les déchets acides qui ont été générés par le système immunitaire pendant la maladie, et surtout les plantes adaptogènes, qui sont le pilier du protocole.
Bonjour, je lis toujours vos articles et explications mais je ne prends jamais le temps de vous remercier. Aujourd’hui, je le fais. Cette plante pousse autour de chez moi et je ne l’avais jamais identifiée. Grace à vous, c’est choses faire.
Merci, merci beaucoup à vous.
Eva
Bonjour
Jusqu’à présent, je n’utilisais que les fleurs, mais je vois que la plante entière peut s’utiliser, les vertus thérapeutiques sont-elles les même ?
Je l’utilise en mélange avec d’autres plantes en cure pour mes chiens en gélules, mais quand ils ont un petit souci de digestion j’utilise la TM d’artichaut, est ce que la TM de fumeterre peut avoir la même efficacité, ou puis je faire un mixte artichaut fumeterre ?
Merci pour votre blog
Bonjour Nathalie,
Toutes les parties aériennes de la plante sont actives et pas uniquement la fleur effectivement.
La fumeterre est elle aussi intéressante pour les problèmes digestifs, en particulier pour relancer l’activité du foie et de la vésicule biliaire. Elle peut aussi agir sur les crampes en particulier de certains sphincters digestifs. Si l’artichaut a été efficace jusque là, plutôt que de le remplacer, autant le complémenter avec la fumeterre.
Merci beaucoup, je vais donc préparer une teinture mère de fumeterre