Interview France Charvin, Syndicat SIMPLES, FPH : (abonnez-vous au podcast ici)
Bonjour, je suis aujourd’hui avec France Charvin. France est productrice de plantes médicinales dans la Drôme. Elle est aussi co-secrétaire générale du Syndicat Simples, qui est un syndicat, si vous ne le connaissez pas déjà, qui rassemble de nombreux producteurs, cueilleurs de plantes médicinales aussi, des gens qui travaillent dans le plus grand respect de la plante donc on les aime beaucoup. France est aussi membre de deux conseils d’administration, celui du Syndicat Simples et celui de la Fédération des Paysans Herboristes. Et si vous vous intéressez à ce qui se passe en ce moment dans notre petit monde, je peux vous dire que vous allez apprendre plein de choses, parce que le syndicat et la fédération, sont au cœur de quasiment toutes les discussions importantes aujourd’hui.

France, je suis bien content de t’avoir. Ça a été un petit peu dur, parce que tu es une personne très occupée. Comment vas-tu et surtout, la question qui nous brûle les lèvres : quel temps fait-il aujourd’hui, à Chatillon-Saint-Jean, dans la Drôme ?
Moi, ça va. Depuis octobre, je ne suis plus co-secrétaire générale, j’ai laissé la place. Je suis juste au conseil d’administration, mais ce n’est pas très grave. Au niveau du temps, c’est un temps printanier, il fait encore bien froid, mais le soleil est là. On sent que l’hiver touche à sa fin et qu’il va falloir repartir à fond.
D’accord. Qu’est-ce que l’on fait sur une ferme Simples à la mi-février dis-moi ? Est-ce que l’on se repose au coin du feu ou est-ce que l’on a plein de petites choses à faire ?
On est encore un petit peu en hibernation, ça, c’est bien. Moi, je suis dans la plaine, donc c’est un petit peu la fin et là, j’attaque les cueillettes de violettes.
Oui, ça commence tôt.
Oui, je suis assez bas en altitude. L’hiver, on en profite pour faire des transfos, pour entretenir les parcelles, passer un coup de tondeuse, désherber.
Tu travailles pas mal aussi, je suppose, sur tous tes produits cosmétiques ?
Voilà. J’essaye de faire toutes mes transfos cosmétiques l’hiver, oui, en effet.
D’accord. On va parler du Syndicat Simples qui va fêter ses 40 ans en 2022. Je voulais parler avec toi de tout le travail que vous faites au syndicat pour faire avancer la profession, pour faire avancer certains dossiers importants dont on va parler un petit peu plus tard. Je ne pense pas me tromper en disant que dans notre monde des bonnes herbes, c’est le syndicat de producteurs, le plus connu et le plus apprécié aujourd’hui pour l’accompagnement qu’il fournit. Mais avant de parler du syndicat, j’aimerais que l’on parle de toi, de ton histoire. À quel moment, tu as décidé de devenir productrice de plantes ?
L’ai-je seulement décidé ? Les plantes, ça a toujours été mes compagnes. Toute petite, j’avais trois, quatre poupées, mais en fait, je leur faisais des lits avec les fleurs, je leur faisais manger telle autre fleur. Je ne connaissais pas du tout le nom des fleurs, mais j’avais bien repéré qu’il y avait des couleurs, des textures, des choses différentes. Telle fleur, évidemment, pouvait être mangée par les poupées. Celle-ci, elle pouvait servir qu’à faire un lit, c’était évident. C’était dans ma tête d’enfant, mais je n’ai pas beaucoup évolué. J’ai un petit peu appris le nom des plantes depuis. J’ai eu la chance de grandir proche de la nature, c’était chouette. C’étaient vraiment mes jouets, mes compagnons, je les retrouvais chaque année. Je n’étais pas trop mauvaise à l’école, je n’avais pas bien le choix non plus au niveau parental, donc je me suis orientée vers une prépa bio. Là, je me suis éclatée, parce qu’on apprend beaucoup de choses sur la biologie végétale et c’était super intéressant. Sauf qu’après une prépa bio, quand on réussit bien et que tout le monde est fier de soi, on se retrouve en école d’agronomie. Ce n’est pas tout à fait la même ambiance. Moi, en plus, j’ai eu l’énorme chance d’intégrer Rennes, qui est vraiment spécialisée élevage, et chaque fois que je voulais repartir vers le végétal en disant, non, mais moi, l’alimentation des bovins, ce n’est pas mon truc. À chaque fois, on me disait, non, mais c’est bouché, il faut rester là, etc. J’ai quand même trouvé un biais, parce que je suis un peu têtue. Je ne voulais pas m’occuper d’élevages et il y avait une spécialisation qui se créait au niveau de la gestion des crues et comment essayer de conseiller des pratiques culturales plus raisonnables, pour éviter les conséquences des crues, des inondations, qu’on connaît depuis. Je suis partie là-dedans. C’était intéressant aussi, ça m’a rapproché un petit peu de mes montagnes donc c’était pas mal, mais ce n’était pas mon truc. Donc dès que j’ai eu l’occasion, quand mon mari a repris la ferme de son père qui était en noix, là où il a développé des fruits, je me suis installée avec lui et j’y ai mis des plantes tout de suite, parce que quand ça nous tient, ça ne nous lâche pas.
Quelles sont les premières plantes qui te sont venu à l’esprit pour mettre dans les vergers et dans les plantations ?
Nicolas s’est installé en 2004 et moi, j’ai regardé, on a tout de suite eu la chance d’avoir à la fois des parcelles de noyers très grasses, très fraîches, où on avait pas mal de choses qui poussaient en spontané. Et on a une autre parcelle, où là, pour le coup, c’est du sable et on a une végétation très corse. En plus, elle est exposée plein Sud. Ce sont deux sites très différents. J’ai pu partir très tôt sur une grosse variété de plantes. Il y a les méditerranéennes, thym, romarin, etc. Et surtout, ce que j’ai pu faire, c’est que j’ai fait le tour des terrains, j’avais le temps, puisque moi, ma préoccupation première, c’était d’abord de m’occuper des enfants. Donc faire le tour de tout ce qui poussait en spontané sur la ferme pour voir dans quel milieu j’étais et ce que je pouvais exploiter. C’est là où j’ai découvert que sur ma parcelle du Sud, celle que j’appelle du Sud, il y a de l’hélichryse qui pousse en spontané et c’est devenu ma plante fétiche pour tout ce qui est partie cosmétique, parce que c’est une super plante pour ses propriétés.
Que l’on retrouve dans tes produits d’ailleurs.
Voilà, un peu dans tous. Sur les parties plus fraîches, je fais du souci, de la menthe, des choses plus classiques pour cette latitude.
D’accord. Tu me disais lors de l’un de nos échanges, que tu avais finalement construit ton séchoir…
Assez récemment.
Il n’y a pas si longtemps.
Voilà, parce que l’installation, elle a été très progressive. En 2004, c’est mon mari qui s’est installé. En 2007, on a acheté la ferme où on est actuellement et là, je suis arrivée, il y avait un ancien séchoir à noix. C’est 70 m² de claies à claire-voie pour sécher, donc l’été, ça marche super bien sur les plantes. Les enfants ont grandi, moi, je suis mise à cultiver de façon, on va dire, « sérieuse », ça reste à petite échelle, mais en 2013. Je me suis installée officiellement en 2018. Et en 2020, sous la pression des collègues de Simples, qui me disaient, ton séchoir, il prend la poussière, j’ai construit un vrai séchoir fermé. J’étais convaincue, mais c’est vrai que ça me permet, maintenant, de sécher de mars à octobre, alors que je ne séchais que juillet-août avant. C’est vrai que ça change la donne.
C’est chauffé, c’est ça ? C’est ventilé ?
Il y a deux systèmes. Au printemps et à l’automne, il fonctionne en fermé. C’est une armoire avec des claies comme je vois souvent et il y a un déshumidificateur et un ventilateur. Le principe, on fait passer l’air dans le déshumidificateur, on l’assèche et après, on le ventile sur les plantes, il prend l’humidité des plantes, etc. Après, comme je suis dans une zone où il fait assez chaud l’été et que je l’ai installé dans l’ancien séchoir qui était déjà très chaud, l’été, je coupe le déshumidificateur et je prends l’air en façade extérieure. Je n’ai plus besoin de déshumidificateur, je ventile juste.
D’accord. J’ai vu des photos de tes séchoirs sous les toits.
Ça, c’est l’ancien séchoir.
Tu avais une version qui ressemble, en mobile, suspendu avec des cordes, on dirait. C’était quoi l’intérêt ? Je me suis posé la question, ça servait à quoi ?
Je suis partie d’un truc qui existait chez mes grands-parents, qui était leur séchoir à linge, ça n’avait rien à voir et c’était pratique, parce qu’il était monté sur des poulies. Donc, ma grand-mère, elle le descendait, elle étendait son linge puis elle le montait. Et c’était dans une grosse grange, donc après, on faisait notre vie dessous, c’était un petit peu aménagé. Moi, l’avantage, vu que c’était très haut et que je ne suis pas particulièrement petite, mais que je ne fais pas quatre mètres de haut, ça me permettait d’avoir plusieurs étages de plantes et toujours en les chargeant à ma hauteur.
Excellent, système D, ça marche toujours. À quel moment, tu décides de rejoindre le Syndicat Simples et quel rôle tu as joué au sein du groupe ?
Le Syndicat Simples, je le connaissais, je suivais un petit peu les choses avec un regard envieux, mais tant que je ne me suis pas considérée comme productrice de plantes, je ne me sentais pas légitime d’y adhérer. Je ne comprenais pas bien le rôle de sympathisant, c’est clair. Quand je me suis lancée en 2013, je me suis dit, maintenant, ça va être mon métier de produire des plantes, c’est vraiment ma vie donc tout naturellement, je les ai contactés pour devenir productrice, parce que leurs valeurs me convenaient. Donc, c’est 2013 pour répondre. Après, j’ai fait des années de postulat et je me suis occupée de la coop papier. C’est une sorte d’achat groupé pour tout ce qui est, les sachets de plantes, etc. Du coup, j’ai connu un peu plus de gens, je suis rentrée au conseil d’administration et très vite, au bureau. Je suis restée trois ans.
D’accord. Du coup, position centrale pour voir tout ce qui se passe au sein du groupe.
Oui, je suis quelqu’un qui a besoin, à la fois de comprendre ce qui se passe et à la fois, de voir les choses de l’intérieur aussi. Le syndicat, ce n’est pas autre chose qu’un producteur, c’est juste un cumul de producteurs. C’est ma vision de la chose, mais on a tous une vision un petit peu différente, même s’il y a quand même une grosse base commune. Donc si chacun y va, on peut faire quelque chose plus à son image. Sachant que si on se retrouve au Syndicat Simples, c’est qu’en général, on a une image pas très éloignée du syndicat.
Oui, bien sûr. D’accord. D’ailleurs, au passage, très bon point au sujet des membres de soutien. J’en fais moi-même parti. On en reparlera pour le mot de la fin, parce que c’est un excellent moyen de soutenir ce que vous faites et de pouvoir suivre l’actualité des Simples aussi.
Voilà.
C’est comme ça, que je me tiens informé.
Ça a été un travail récent aussi d’essayer de redéfinir la place de chacun au syndicat, parce que c’est à la fois un syndicat et à la fois une mention, la marque Simples. C’est un peu confus et c’est vrai que maintenant, on a plus éclairci en disant, il y a les producteurs avec mention Simples, il y a les producteurs sans mention Simples, qui bénéficient quand même de toute l’action syndicale et d’informations, etc. Et comme les plantes intéressent beaucoup de monde qui n’ont pas forcément la chance d’être producteurs ou l’opportunité, on a aussi ce soutien de la collectivité en général. Un soutien citoyen qui peut être d’informer. Là, on a une lettre d’information qui va partir dans pas longtemps. Être informé au niveau des plantes, de tout ce qui se passe au niveau de la production, etc.
Oui, c’est vraiment chouette. D’ailleurs, parlons de la mention Simples. J’aimerais que l’on discute de l’accréditation par les pairs, parce que c’est un système. Personnellement, ça me plaît beaucoup, parce que ça veut dire qu’il n’y a pas d’instance officielle qui est perchée tout là-haut et qui est déconnectée du terrain et qui va décider qui récupère le tampon. Là, ça me plaît, parce qu’il me semble que c’est un petit peu comme une famille ou une grande tribu, qui est là pour accompagner la personne. C’est bienveillant, tu vas me corriger si j’ai tort et en général, personne ne va défendre la qualité du label comme la tribu qui porte ce label. Est-ce que je me trompe ? Est-ce que c’est vécu comme ça par les producteurs ?
Non, c’est tout à fait ça. C’est vrai que sur la ferme, on est à la fois Simples et à la fois bio. Il y a deux façons de contrôler, mais quand c’est un expert extérieur, il y en a qui sont très bien, en général, ceux qui ont pas mal d’expérience, les contrôleurs, ils arrivent à être pertinents dans leurs contrôles ; mais je trouve que quand c’est un pair qui vient, c’est-à-dire, quand c’est quelqu’un qui fait le même métier que toi – ou à peu près, parce qu’on n’a pas tous les mêmes transfos, etc. – le regard est différent, mais l’attention que tu portes toi, sur la personne, est différente aussi. Déjà, je n’aime pas parler de contrôle moi, souvent, je parle de visite. Au niveau des instances, ça fait moins sérieux, mais en gros, c’est ça, parce qu’un contrôle vraiment disciplinaire, celui qui veut cacher quelque chose, il le cachera. Mais quand c’est quelqu’un qui fait le même métier que toi, si tu lui dis, avec mes dix plants de thym, j’ai fait quatre-vingts litres de sirop, trois tonnes de tisane, etc. Il va te regarder, il va te dire, « C’est compliqué quand même. » Parce qu’il est de la partie, parce que ce n’est pas possible, parce que le thym, ça ne pousse pas assez, parce que ceci, etc. Il y a ce regard et de toute façon, il n’y a pas cette volonté de gruger. C’est vraiment dans l’échange. Et moi, ce que j’aime bien quand on fait des visites, c’est en disant « Alors, il y a quoi qui cloche chez toi ? » On a tous un petit truc qui ne colle pas pile poil au cahier des charges, mais on va le dire d’entrée et souvent, on va trouver une solution. « Ah ouais, tu as mis une bâche, mais il n’en fallait pas. Ben ouais, mais c’était une stagiaire qui avait voulu essayer ça ou j’ai récupéré la ferme comme ça. Bon, ok, on fait un chantier collectif chez toi, on l’enlève. » C’est plus un apport de solutions et le cahier des charges, il ne faut pas rêver, il est très exigeant. Là aussi, c’est super important, il a été fait par des producteurs. Comme tu dis, il ne vient pas d’en haut. Donc, c’est un boulot bénévole qui est immense et un peu ingrat, parce que ce n’est pas très marrant à faire, mais il y a eu un énorme boulot de fait et c’est tout l’intérêt aussi d’avoir quelque chose qui nous appartient, qui nous ressemble et vers quoi on tend. Si on n’y est pas pile-poil, la visite elle est là pour dire, ouais, tu es quand même un peu loin, mais telle solution peut t’aider. J’ai vu untel, il fait comme ça, etc. C’est plus dans cet état d’esprit bienveillant et de progrès ensembles qu’on le fait. S’il y a des choses vraiment qui ne collent pas, évidemment que ça ne passe pas.
Oui. Moi, je ne suis pas producteur, j’ai parfois fait du gros, gros, jardinage, donc je suis peut-être passé assez près, mais je n’ai jamais été producteur de métier. Quand j’ai lu le cahier des charges il y a quelques années, je me suis dit « Waouh ! » J’ai été impressionné par le fait que vous avez pensé à tout depuis la gestion de la semence, jusqu’à la plante en culture, la plante sèche, la transformation, l’environnement autour, les outils, et même les femmes et les hommes qui travaillent, qui vous aident. C’est un document qui fait quasiment 100 pages aujourd’hui et j’avais cette question, je me disais « Comment est-ce que ce cahier des charges est perçu par les postulants ? » On se croyait prêt, on regarde ça, on est un petit peu pris par surprise, par le fait que la barre est mise vraiment très haut ou alors, est-ce que l’on se reconnaît plutôt bien dans ce document au final ?
Oui. En tout cas, c’est ce qui s’est passé pour moi et quand j’en parle autour de moi, c’est ça. C’est-à-dire que le cahier des charges, il a essayé de traduire un certain état d’esprit, une certaine bienveillance, par rapport à la plante, par rapport à l’environnement, par rapport au client. Ça, c’est le côté environnement, qu’il n’y ait pas de choses qui puissent être mauvaises pour la plante à proximité. On va essayer d’utiliser des choses, qui nous aussi, ne polluent pas, etc. Mais si c’est pour avoir 12 000 personnes qui travaillent sous nos ordres et qu’on traite comme des chiens, ça ne va pas dans l’esprit non plus. La plante, elle ne sera pas bien. C’est tout un état d’esprit et quand on lit le cahier des charges, je dirais que c’est presque un soulagement. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui ont pensé que l’on pouvait travailler comme ça. Du coup, on se reconnaît dedans. Moi, je le sens plus comme ça. Peut-être qu’il y a des gens qui travaillent et qui regardent le cahier des charges, qui disent, « Ah non, ça, je ne peux pas ! » Mais ça, on ne peut pas le savoir, parce qu’ils ne nous demandent pas à rentrer au syndicat non plus. Souvent, les gens qui demandent, ça traduit plus un état d’esprit, une façon de travailler, mais qui est déjà là avant qu’il n’y ait l’étiquette.
Oui. Pour résumer ça, si tu es quelqu’un de bien, que tu te soucies des plantes, de l’environnement, des gens qui travaillent avec toi, tu as déjà mis en place quasiment tout ce qu’il y a dans le cahier des charges. C’est juste une histoire d’aller peaufiner quelques aspects.
C’est ça, il y a quelques petites choses à changer. Si ça paraît insurmontable, en général, tu ne postules pas. C’est pareil, on découvre le cahier des charges, mais il y a aussi un système de parrainages mis en place. On a l’impression qu’on est un peu dans cet esprit et il y a quelqu’un, en général, que l’on connaît, parce que c’est dans la démarche, on essaye de connaître d’abord les gens qui sont au syndicat avant de rentrer en externe. Du coup, il y a quelqu’un qui est venu en disant, « Vu comment tu es, vu ta personne ». C’est presque une validation de personne, je dirais, mais c’est un peu dur, parce que c’est quand même sur des pratiques culturales, mais « Vu comment tu pratiques, vu comment tu es dans ton travail, tu devrais postuler. » Ce sont des échanges aussi comme ça.
Oui. Vous êtes organisés en massifs, ça, c’était aussi une question que j’avais. Chaque massif a son groupe, ses réunions, ses représentants et je suppose que chaque massif accumule une vraie expertise sur les problématiques qui sont locales, de ces différentes régions. Peut-être au sujet du rendement ou de la connaissance de certaines plantes, comment les cultiver, les taux d’humidité, comment faire sécher. Est-ce qu’en massif, c’est un petit peu un centre d’expertise pour la culture des plantes à cet endroit même ?
Oui, parce qu’il va y avoir des échanges techniques de toute façon et les visites, les contrôles, sont faits, la plupart du temps, à l’intérieur de chaque massif, donc on se connaît. C’est à ce moment-là aussi que l’expertise circule, mais c’est vrai qu’un massif, quand on voit les gros massifs, maintenant, le plus gros, c’est Pyrénées, parce qu’Alpes, ça y est, c’est divisé, mais les massifs étaient de la taille du syndicat au départ, donc c’est vrai que ça peut être très dynamique.
C’est juste qu’historiquement, les producteurs étaient dans des massifs montagneux.
Historiquement, le syndicat était réservé à la zone montagne, oui. Il s’est ouvert à la plaine en 2011 ou 2012, je crois, avec des grands débats.
C’était parce que l’urgence était d’aller soutenir ces gens qui étaient dans des endroits isolés. C’est ça l’historique ?
Oui, il y a une partie de ça. Il y a une partie aussi, et ça reste encore chez certains, que c’est en montagne où on fait les bonnes plantes.
D’accord. C’est vrai que les conditions sont davantage idéales, en particulier, en ce qui concerne, je suppose, la proximité aux routes, pollution, qualité du terrain, etc.
C’est ça. C’est vrai que ça a été un peu remis en cause avec des analyses, des choses comme ça, parce que finalement, l’air est un peu partout le même maintenant malheureusement, et même en montagne, ce n’est plus si idéal, mais c’est ce qui a motivé l’ouverture à la plaine.
D’accord. Est-ce que tu pourrais nous guider au travers du processus d’accréditation ? Combien de temps ça dure ? Comment est-ce que je suis accompagné pendant ce processus ? À quel moment, j’obtiens le label ? Est-ce que je le garde à vie ? Comment ça se passe tout ça ?
L’idéal, c’est de commencer, c’est même plus que vivement recommandé, c’est limite obligatoire, à adhérer au syndicat quand on est producteur en tant que producteur sans mention. Ça permet déjà de bien connaître les actions du syndicat, de bien connaître l’état d’esprit, de participer aux réunions de massifs donc de connaître ses voisins. Une fois qu’on a cette base, on connaît du monde. Il faut être parrainé, il faut un parrain, souvent, dans le massif. C’est bien que ce soit quelqu’un qui soit du même massif par rapport à l’expertise ou aux problématiques qui sont locales et aussi, dans les mêmes productions pour que ce soit un vrai parrain, qu’il puisse aider. Moi, je ne me sens pas du tout légitime d’aller aider quelqu’un qui distille. Je ne distille pas, je n’ai jamais fait de distillation de ma vie, quelqu’un qui fait que de la distillation, je ne vais pas pouvoir l’aider. Le premier qui vient sur la ferme, admettons qu’on arrive sans connaître personne, on va aux réunions de massifs en étant producteur sans mention, on fait connaissance de quelqu’un, il vient visiter la ferme, on discute, etc. Il dit oui, ça paraît être faisable. Le dossier est présenté en réunion de massifs, où là, en général, c’est validé aussi. Après, au CA d’octobre, les dossiers de postulants ou de pré-postulants sont validés. Le temps de faire tout ça, souvent, il y a une année de pré-postulat. C’est-à-dire qu’on sait que l’on va demander. Après, il y a une année de postulat, où là, il y a une deuxième visite. Normalement, il faut qu’il y ait deux personnes qui viennent visiter la ferme pour croiser les données. À nouveau, ces visites sont validées au CA d’octobre pour passer postulant et l’année d’après, si tout va bien, si tout colle avec le cahier des charges, on devient producteur. En gros, il faut compter trois, quatre ans entre le moment où on toque à la porte et le moment où on devient producteur. Après, non, ce n’est pas à vie. En pratique, il y en a très peu qui quittent le syndicat, mais il y en a quand même. Tant que l’on se sent bien dans le syndicat et tant que l’on respecte le cahier des charges, l’état d’esprit, que l’on participe à la vie du syndicat à minima en faisant nos visites, en recevant les visites, il n’y a pas de raison que ça s’arrête non plus. On a tous des parcours de vie différents. C’est-à-dire qu’il y a des moments, on ne va faire que ça, la réunion de massifs, la visite et recevoir et il y a un moment où on va avoir un petit peu plus de temps, où c’est chouette de pouvoir s’investir plus, devenir délégué de massif, s’investir au CA pour s’approprier aussi l’outil syndicat.
Combien vous êtes aujourd’hui avec la mention à peu près ?
180.
Je rappelle à ceux qui nous écoutent, que sur le site du Syndicat Simples, il y a une carte de tous les producteurs que vous pouvez trouver dans chaque région. Utilisez la carte, c’est pratique. Ça arrive souvent que certains producteurs se voient refuser la mention ? Et si elle est refusée, est-ce qu’en général, c’est temporaire et l’année suivante, ça va passer, parce que la personne, aura fait des modifications ou est-ce que parfois, ça arrive que non, on n’est pas compatible Simples ?
Les deux cas. C’est souvent au niveau du séchoir qu’il y a des soucis. Il devait le faire, il n’a pas eu le temps, etc. On lui dit, écoute, tu restes postulant un an de plus. C’est assez fréquent de faire deux, trois ans de postulat. Au lieu d’un an, on fait deux ans et finalement, ça s’améliore. Les autres soucis qu’on rencontre, c’est beaucoup plus compliqué à gérer. Ce sont des gens qui nous demandent et qui sont dans des secteurs pas compatibles. On a eu le cas, parce qu’il y avait eu beaucoup de culture de vigne et il y a des plantes qui sortaient dont on n’était pas sûrs de ce que c’était, de ce qui restait dans le sol, de ce que les plantes allaient capter du sol. Soit, de plus en plus, des gens qui sont dans des zones proches des villes avec des axes routiers, des crématoriums, etc. On a eu pas mal de cas comme ça où, c’est compliqué, parce que la personne, elle est super chouette, elle travaille très bien et elle serait juste à un autre endroit, elle ferait les mêmes plantes que tous ceux qui sont dans le syndicat. Sauf que pas de bol, la vie l’a menée à un endroit pourri et c’est très compliqué. Parce qu’en même temps lui dire oui, c’est aussi dire, ouais, les plantes simples, ce n’est pas grave là où elles poussent et ce n’est pas vrai. Pour le consommateur, ce n’est pas respectueux du consommateur. Et en même temps, vis-à-vis de ces personnes, c’est hyper compliqué de dire non. Là, il y a une réflexion qui est en cours au niveau du syndicat pour essayer de trouver une place pour ces gens qui sont vraiment chouettes et quelque part, on parle un peu de ferme de reconquête. Parce que des zones qui étaient vraiment viticoles et super traitées, c’est chouette si elles reviennent à quelque chose de plus naturel et de plus respectueux. C’est aussi une des missions d’un syndicat de producteurs de les soutenir pour aller dans ce sens. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ?
C’est chouette que vous fassiez ça, parce que j’imagine la très grande frustration comme tu dis, d’une personne qui travaille avec cœur dans ce qu’elle fait et qui n’a pas accès à une reconnaissance. C’est chouette que vous réfléchissiez peut-être à, alors je ne sais pas si ça ressemblera un jour, à un autre label ou quelque chose.
On ne sait pas.
Tu n’as probablement pas les infos pour y répondre, oui. D’accord. Je te propose que l’on passe à d’autres discussions aussi très intéressantes, les dossiers en cours. Pour ceux qui nous écoutent, il faut savoir qu’au fil des années, le syndicat s’est impliqué dans différents dossiers d’ordre réglementaire, parfois politique. Le syndicat et la fédération des paysans herboristes, ce sont des groupes militants, avec des membres qui passent beaucoup de temps à s’investir. Tout ça, c’est bénévole et c’est un travail incroyable, avec des dossiers qui sont compliqués, mais qui peuvent avoir un impact significatif sur le futur des plantes et de la commercialisation des plantes. Je vais te laisser résumer brièvement ces dossiers. Sachant que si j’en ai la possibilité, je vais essayer de faire une interview séparée sur chacun de ces dossiers, parce qu’ils sont super importants. Et j’aimerais que les personnes qui nous écoutent, qui ne travaillent pas forcément dans le monde des plantes médicinales, mais qui nous soutiennent depuis des années, sachent et réalisent que c’est parfois un parcours du combattant pour pouvoir commercialiser tous ces beaux produits que vous faites. Tout ce qui se passe, on ne le voit pas. C’est lié à tous ces dossiers et on va commencer avec le dossier « plantes libérées pour la vente libre hors monopole pharmaceutique ». Un petit résumé qui est le fait qu’aujourd’hui, 138 plantes peuvent être vendues hors monopole pharmaceutique. Elles doivent être vendues en l’état, non transformées, sans allégation. On va parler des allégations plus tard, parce qu’il y a un autre dossier allégation. Aujourd’hui, il y en a 138, est-ce que l’on peut espérer qu’il y en ait un petit peu plus dans le futur ?
Oui. Moi, ce que j’aime dire, c’est qu’il y en a 138, mais quand on regarde la liste en détail, en plus, il y a l’ail, il y a les pelures d’oignon, il y a la pomme plus des plantes exotiques. Ce qui est très bien pour les gens de l’Outre-mer, mais en gros, pour nous, concrètement, ça fait entre 40 et 50, je dirais, de plantes que l’on peut travailler ici et qui ne sont pas déjà alimentaires. Le chou, on est content d’avoir le droit de le vendre, mais bon… La plante, quand elle pousse, elle n’a pas de statut, elle ne demande rien à personne. Et si jamais, elle est reconnue comme médicinale, c’est un plus. Le framboisier, c’est ce qui s’est passé. Jusqu’à maintenant, le framboisier, c’était comme les framboises, c’était alimentaire, on ne nous embêtait pas trop, on avait le droit de le vendre. Mais une fois qu’il a été reconnu avec des propriétés, il passe au monopole pharmaceutique et après, il est libéré. C’est super compliqué. Là, il y a eu un gros travail aussi, parce que de fait, avec l’AFPH, pour répondre à la question, pour lister, c’est un travail qui a été pluridisciplinaire. C’est aussi suite à une enquête qui avait été faite par l’AFPH et avec un financement FranceAgriMer sur quelles sont les plantes commercialisées par les producteurs. Ça, c’était une enquête « producteurs ». Et aussi, une enquête consommateurs « Quelles sont les plantes que vous utilisez pour vous soulager des petits mots au quotidien, etc. » De ça, est sortie une liste assez impressionnante de plantes et il y a un groupe pluridisciplinaire avec des producteurs de l’AFPH et de Simples. Il y avait des pharmaciens, des médecins, des écoles d’herboristerie, qui ont fait un groupe pluridisciplinaire pour travailler et pour étudier toutes les plantes qui étaient sorties de cette enquête, en disant « Est-ce qu’il y a un risque ? » Parce qu’on sait aussi qu’il y a des plantes qui sont sous monopole pharmaceutique. Je prenais l’exemple du framboisier qui y est rentré, il n’y a pas longtemps, il a toujours été utilisé. Il se trouve sous monopole, parce qu’il a été reconnu médicinal, mais ça ne veut pas dire qu’il est dangereux. Pour arbitrer en se disant, ceux qui avaient une chance d’être libérés, c’est-à-dire qui sont vraiment réputées pas dangereuses, voir en vente libre dans nos pays voisins, parce qu’on n’est pas faits de façon si différente que les voisins. Donc, si les voisins y ont accès, pourquoi pas nous ? Cette demande, elle a été déposée en décembre à l’ANSM. Je crois qu’il y a une centaine de plantes dedans. Personnellement, je ne fais pas partie du groupe, mais en gros, il y a une centaine de plantes supplémentaires.
D’accord, en plus. Ça, c’est la bonne nouvelle.
On a aucune garantie sur l’acceptation ou pas de l’ANSM de chaque plante.
Oui, ça n’a pas encore été formellement accepté, mais disons que le dossier a été soumis et chaque plante a été étudiée par ces différents groupes comme tu dis, avec un consensus sur le fait que ces plantes sont tout à fait sécuritaires pour les vendre hors monopole pharmaceutique. Je pense que l’on va attendre ça avec impatience, en particulier, pour nous, producteurs, mais même pour nous, on se pose des questions. On se dit, pourquoi, ça, c’est vendu dans une herboristerie et pourquoi on ne trouve pas ça chez nos producteurs ?
Il y a des choses compliquées aussi, qui font qu’il y a des choses qui sont interdites à la vente, mais autorisées en compléments alimentaires.
Voilà, toutes ces lois incompréhensibles, qui font que si tu les mets en gélules et que tu as un dosage précis sur la boîte, tu peux vendre et si tu vends en vrac, tu ne peux pas, parce que ce sont deux lois différentes. Un, c’est la loi compléments alimentaires et l’autre, c’est une autre loi.
C’est juste le lobby agroalimentaire contre le lobby pharmaceutique, donc, nous, au milieu…
C’est ça, on fait du mieux possible là au milieu. Ça, c’est bien, c’est une bonne nouvelle et il n’y a pas beaucoup de monde qui savent que ces dossiers sont en train de progresser, donc c’est bien que l’on fasse passer le message. On va passer maintenant, au dossier allégations, parce que les gens qui nous écoutent, sont peut-être surpris d’apprendre que jusque-là, il était absolument interdit de mettre sur un sachet de feuilles de ronces, que les ronces, ça peut soulager un mal de gorge, par exemple. Ça, c’était interdit, c’est une allégation. Toute allégation sur la vente de produits était interdite. Qu’est-ce que tu peux nous dire sur ce dossier ? Est-ce que là encore, il y a de la lumière au bout du tunnel ?
Ce sont les allégations santé qui sont interdites, ce ne sont pas les allégations en soi. Ce qui est une allégation santé, c’est là où ça devient compliqué et où on résume en disant, c’est interdit. C’est Fanny Duperey qui travaille avec Joël Labbé, qui avait lancé la fameuse mission d’enquête sur l’herboristerie au niveau du Sénat, qui nous avait fait la réflexion, que non, on a le droit de dire des choses sur les plantes. Mais quand on cherche quoi ? C’est là où on va dire, soulage la gorge, ça ne va pas, parce qu’on a mis « soulage », irritation, ce n’est pas possible. On s’arrache les cheveux en se disant « Qu’est-ce qui est une allégation santé ? Qu’est-ce qui est plus biologique ? » Est-ce que « digestion », c’est un terme de santé ? C’est un terme biologique ? On s’y perd complètement.
Il y avait aussi au niveau européen, une liste d’allégations à mettre sur les plantes, où l’Europe avait dit, ok, on ouvre, dites-nous ce que vous mettez dessus et on étudie, on valide, telle allégation, telle allégation. Ça, c’est ce qu’on a appelé la liste des allégations en attente, parce qu’il y a eu énormément de demandes et les dossiers n’ont jamais trop été traités. Mais tant qu’elles étaient en attente, on avait le droit de les utiliser. Il y a un fichier d’ailleurs qui doit être disponible sur le site des Simples où les allégations en attente, que l’on a le droit d’utiliser, moi, ce qui me surprend, c’est qu’elles ne sont pas toujours pertinentes, mais on a le droit. C’est quand même très flou et ça ne sert pas à grand-chose.
Donc, là, il y a un groupe, le même groupe pluridisciplinaire, qui a travaillé dessus pour essayer de dire, « Qu’est-ce que l’on pourrait dire sur telles plantes ? ». Qui ne soit pas de la santé, parce que notre but, ce n’est pas de remplacer les médecins, mais qui soit dans le cadre des petits maux du quotidien. Certains utilisent « bobologie », d’autres ne supportent pas ce mot, mais en gros, c’est ce que disaient les grands-mères. On n’allait pas toujours chez le médecin dès que l’on avait la gorge qui grattait. La grand-mère, elle nous donnait d’abord quelque chose, parce qu’on n’était pas malade, on avait juste la gorge qui nous grattait. Il y a eu tout un travail de fait qui est encore en cours d’ailleurs et qui a été rejoint par la volonté de la DGCCRF aussi, d’y voir plus clair. Il ne faut pas se leurrer, les contrôleurs aussi, aimeraient bien savoir ce qu’ils doivent dire. Non, là, c’est vraiment de la médecine. À un moment, « règles douloureuses », c’était quelque chose de médicinal. C’est un petit peu biologique aussi donc, c’est compliqué. La DGCCRF travaille de son côté et s’est mise en relation avec ce groupe pluridisciplinaire pour essayer de voir dans quel sens on avance.
Là, on rentre dans le législatif pur et réglementaire, parce que si on met une allégation, c’est un certain bureau, mais si on met une contre-indication, c’est un autre bureau. Certaines allégations ne peuvent écrites que sous réserve de contre-indications, ce qui est normal, mais du coup, c’est un autre bureau. Là, on rentre dans l’administratif extraordinaire. Ce n’est peut-être pas le plus passionnant, mais n’empêche qu’il y a des producteurs et ce groupe pluridisciplinaires, qui essayent d’avancer là-dessus, pour se mettre d’accord sur une liste de choses qu’il y a à dire. Souvent, on me fait la réflexion, c’est très aberrant, on achète n’importe quoi, on a une notice de 25 pages pour ne pas mettre le chien au micro-ondes ou des choses comme ça et si on achète un sachet de tisane, il n’y a rien d’écrit dessus, on n’a rien le droit de dire. C’est compliqué.
C’est ça. Ce qui mène souvent à des noms du mélange à tisane assez cocasses, parce qu’on ne peut pas dire, « Va vous aider à trouver un sommeil plus réparateur », mais on va dire « La tisane gros dodo ». On fait passer le message d’une manière ou d’une autre, parce qu’il faut bien aider le consommateur qui se pose la question « À quoi ça sert ? » J’espère que là encore, il y a quelque chose de positif qui va ressortir de tout ça. J’espère que ces allégations vont avoir un côté très pratique aussi pour vous, pour nous, parce que si c’est trop générique, là encore, moi, j’ai des soucis que ça ne serve pas à grand-chose, mais on va voir. On va voir ce qui sort.
Personnellement, ma grosse hantise, c’est que l’on ait une phrase par plante, quelle que soit la forme de la plante. Des plantes en interne, en externe, en huile essentielle, en tisane, ce n’est pas la même chose.
Eh oui.
Déjà, si on arrive à avoir un cadre, ça sera une première étape, on va dire.
Oui, c’est vrai, parce qu’effectivement, la reine-des-prés prise en interne et la reine-des-prés prise en préparation externe dans un baume, il faudrait pouvoir dire que c’est pour des choses différentes, ça serait bien. On va garder un œil sur ce dossier et on va terminer par le dossier REACH pour enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques, qui moi, me donne une envie folle de me frapper la tête contre mon séchoir à plantes. Je sais ce que c’est, mais je vais te laisser nous expliquer. C’est quoi cette histoire de REACH ?
Là, il faudra que tu interviewes Jean-François Rousseau, il est beaucoup plus callé dessus. REACH, à la base, c’est une super réglementation, l’idée de base est géniale au niveau européen, c’est d’essayer de limiter tout ce qui est perturbateurs endocriniens, allergènes, etc. dans les substances que l’on rencontre dans nos quotidiens. En ce moment, ils sont beaucoup sur les perturbateurs endocriniens. À la base, c’est bien, de pouvoir dire, attention, là, vous utilisez ça, il y a telle substance nocive dedans, etc. Je pense que globalement, pour nous tous, on trouve ça pas trop mal, ça part d’une bonne intention. Sauf que les huiles essentielles ont été considérées comme des produits devant faire partie de REACH, comme des produits chimiques. C’est là où déjà, ça coince un petit peu, surtout quand on sait que les produits pétroliers n’en font pas partie. Ça fait encore plus mal là.
On se demande pourquoi…
Pas longtemps… Donc les huiles essentielles sont considérées par REACH, comme un assemblage de molécules et chaque molécule est testée. Sur les huiles essentielles, je ne suis pas hyper compétente, je connais un petit peu la lavande. Dans la lavande, il y a du linalol. Le linalol, il y a eu des tests réalisés avec du linalol de synthèse sur des patients, qui ont, pour certains, déclarés des allergies. Mais déjà, on a aucune idée si le linalol naturel et le linalol de synthèse, ont les mêmes actions et surtout, le linalol à l’intérieur de l’huile essentielle, peut très bien ne pas avoir un autre composant. C’est tout le problème, pour moi, du monde de la chimie actuelle où on essaye d’avoir la molécule, le virus, le machin, alors que l’on travaille sur du vivant. Le vivant, selon moi, ça ne pourra jamais s’expliquer par de la chimie. Il y a forcément quelque chose en plus, sinon, on ne serait pas vivant. Même si on met tout un tas de molécules qui nous constituent, ça ne fera jamais un être vivant si on les fabrique. Il y a autre chose. Ça, ce n’est absolument pas pris en compte par REACH et forcément, si on étudie chaque molécule des huiles essentielles, il y en a plein qui sont des perturbateurs endocriniens. Il y a forcément des réactions endocrines dans la plante donc on les retrouve dans l’huile essentielle. Très concentrées, parce que ce sont des huiles essentielles. L’étape d’après, c’est d’interdire complètement les plantes, mais si on interdit les plantes, on va finir par interdire de manger, on n’en peut plus. Donc, là, il y a un énorme combat, une énorme mobilisation en ce moment, pour essayer de dire, on veut que vous étudiiez les huiles essentielles entières, comme un élément et pas comme un assemblage de plusieurs molécules.
Quels sont les groupes qui mènent cet effort ? Je dis peut-être des bêtises, vous vous étiez mis avec la Confédération paysanne pour ça ?
C’est ça, il y a la Confédération paysanne, mais il y avait aussi PAM de France qui avait réagi. Plus sur la lavande, mais on a vu l’été dernier, tous les panneaux « Lavande en danger », « La lavande n’est pas un produit chimique », etc. Ça, c’était plus PAM de France, mais il y a tout un groupe interministériel qui se met en place avec l’AFPH, avec Simples, je crois qu’il y a la conf, qui essayent de faire avancer les choses et surtout, de faire reconnaître les huiles essentielles comme entité.
Par rapport aux autres dossiers, j’ai l’impression que c’est celui-là qui est le plus nébuleux. Est-ce qu’il y a un espoir ? Est-ce que l’on sait par où rentrer dans la Communauté européenne pour influencer ce dossier ? Est-ce que ça va bouger ?
C’est compliqué, parce que quand ils nous l’ont présenté, déjà, ils envisagent de réviser REACH, donc, c’est dans l’hypothèse, au cas où, etc. Mais c’est en amont. Je pense aussi qu’à la création de REACH, il y a eu une grosse erreur de laisser les huiles essentielles y aller, même si on n’est pas assez puissants pour freiner tout ça et que là, il faut travailler en amont pour éviter que ça continue dans cette folie.
Que ça ne se reproduise plus, oui. On va peut-être se retrouver avec une étiquette qui ne veut rien dire pour l’huile essentielle de lavande, mais au moins, pour le futur, on va essayer que ça ne se reproduise plus. C’est ça que tu nous expliques ?
C’est ça. Et là, l’enjeu, il est important, parce que ça veut dire que les huiles essentielles, ça va être pour tous les produits. Même en cosmétique, les huiles essentielles, c’est fini, on ne peut plus utiliser d’huiles essentielles. Ça paraît complètement aberrant.
Oui, ça paraît fou, parce qu’il y a un énorme marché de la cosmétique en plus.
Même les lessives, même les vêtements, tout, ça s’applique à tout. Et l’idée de base encore une fois, de la loi, elle est bonne, mais elle s’applique sur des choses…
Oui, mais mal appliquée, mal utilisée. Basée sur une incompréhension totale de ce qu’est une allégation.
C’est ça, une négation du vivant, mais on est en plein dedans.
Oui, tout à fait. On va refermer ces parenthèses, parce que comme je le disais, je vais essayer d’aller voir les experts de ces dossiers pour y revenir, en parler plus en détail, parce qu’il faut que les gens sachent ce qui se passe en ce moment. On va parler de quelque chose de plus sympa et joyeux, parle nous des fêtes pour les 40 ans du syndicat. Où est-ce qu’elles vont se dérouler ? Est-ce qu’elles sont ouvertes à tous ?
Les 40 ans du syndicat, c’est cette année, puisque ça sera en 2022. Ça se déroulera les 23, 24 et 25 septembre et ça sera partout. L’idée, c’est que l’on ne va pas faire de fête nationale pour plein de raisons. Déjà, c’est très lourd à organiser. En plus, dans le contexte actuel, vu que ça concentre beaucoup de monde et que l’on ne sait pas trop ce qu’ils vont nous pondre d’ici l’automne prochain, ça va être sanitairement, pas très sûr. On a préféré multiplier et faire ça, on va essayer qu’il y ait une ferme dans chaque massif, un petit peu partout en France, voire à plusieurs endroits. Il y a une personne qui a été recrutée au niveau de Simples pour gérer ça, qui va nous faire un super lien Internet pour qu’il y ait une communication commune, que l’on s’y retrouve. Il y aura sûrement des vidéos communes, des choses ça et des ateliers qui seront sur chaque ferme, un peu partout.
Ouverts au public ?
Ouverts au public bien sûr, mais l’idée de base, c’était que sur nos fermes, l’été dernier notamment, quand on accueillait du monde, les gens respiraient. On est dehors, ils oubliaient toutes les contraintes sanitaires de la ville, ils retrouvaient une vie plus normale. Sur nos fermes, on peut le faire, parce qu’on a de la place, parce que c’est chez nous et qu’on a le droit d’accueillir du monde. Il faudra voir ce qu’ils nous mettent dans les roues d’ici là.
Donc, il y aura peut-être un site Internet ou une page sur les réseaux sociaux ?
Voilà, tout ce qu’il faut, un lien.
D’accord, très bien. Dès qu’on aura l’info, je relayerais l’information. Je suis en train de regarder ma liste et je viens de réaliser que l’on a oublié un des dossiers, il faut qu’on en parle. Rapide, parce que là encore, probablement, que j’y reviendrais, mais est-ce que tu peux nous dire deux mots sur le fameux dossier « Diplôme » qui est en train d’émerger ? Qu’est-ce qui se passe de ce côté ? Qu’est-ce que tu peux nous dire surtout ? Parce que peut-être que tu ne peux pas nous dire toutes les infos.
Oui, on a pas mal de choses. C’est toujours à la suite de la mission qui avait été mise en place par le Sénat sur la nécessité de refaire quelque chose au niveau de l’herboristerie. On a travaillé depuis deux ans maintenant au niveau de l’AFPH avec quelqu’un qui nous aide. La première étape, c’est de créer un titre enregistré au RNCP, au Répertoire National, dont l’AFPH est maître. Là aussi, on a fait tout un travail, on était un groupe d’une quinzaine pour dire quelles sont les compétences nécessaires à faire notre métier, quelles sont les connaissances. C’est assez fastidieux à faire. On se dit, ça va, on a deux mains, deux yeux et on fait notre métier, et en fait, quand on décortique… On a décortiqué ça en cinq chapitres entre cueillette, culture, transformation, conseils/vente et gestion de l’entreprise. Au niveau transformation, on a imposé distillation et séchage et on voit les autres transformations qu’il y a, alimentaires, cosmétiques, etc. Là, le référentiel métier est écrit. On travaille depuis septembre en collaboration avec deux CFPPA, celui de Nyons et celui de Montmorot, qui sont les historiques avec lesquels on bossait avant pour faire des petites productions. Parce que des CFPPA en PAM, il y en a, mais ce n’est pas forcément notre approche de la plante. C’est en bonne voie. On a été retenu comme métier émergent au niveau du RNCP, on devrait déposer le dossier bientôt et ça devrait commencer en septembre ou décembre de l’année prochaine.
D’accord. Si je fais un petit résumé parce que c’est important, il y a une première étape qui est un référentiel métiers. Ce n’est pas un diplôme, c’est quelque chose qui est soumis à France Compétences. C’est un premier niveau de reconnaissance avec des compétences clairement listées. Il y aura des évaluations dans les CFPPA, on ne va pas délivrer ce titre de manière aléatoire. C’est probablement sur le point d’être accepté, c’est le premier niveau. Je rappelle à ceux qui nous écoutent, FPH, c’est Fédération des Paysans Herboristes pour pas que l’on oublie. Ça, c’est le premier niveau. Après, il y a un deuxième niveau.
Le deuxième niveau, ça serait la proposition de loi et d’avoir un métier réglementé. Je suppose que c’est ce à quoi tu fais allusion. La grosse différence, c’est que là où on en est, on respecte la réglementation actuelle. On n’a pas de droits supplémentaires, on a juste le titre et quelque part, ça nous donne une légitimité, mais c’est tout. C’est presque de l’autosatisfaction. J’exagère un petit peu, parce que par rapport aux gens qui arrivent, on s’est rendu compte que nous, tous autant qu’on était autour de la table pour la création de la Fédération des Paysans Herboristes, on avait double formation. On avait une formation agricole, parce que ça ne s’invente pas et une formation des écoles d’herboristerie classiques. C’est en prenant des petits bouts dans chaque, que l’on arrivait à faire notre métier et une seule formation nous apportait des choses intéressantes, mais des choses qui nous dépassent. Donc on a voulu créer quelque chose qui nous ressemble vraiment, qui ressemble vraiment aux compétences dont on a besoin.
Mais pour l’instant, évidemment, vu que ça va être validé par France Compétences, on l’espère, il y a aussi toute une partie d’apprentissage qui est la réglementation. Ce n’est pas la partie la plus aimable du métier, mais c’est indispensable. Moi, j’aime prendre cet exemple. Faire sécher des feuilles de sauge, les mettre dans un sachet, ça, c’est une compétence que l’on peut expliquer, que l’on peut transmettre. Par contre, après, savoir mettre sur l’étiquette si c’est une tisane, si c’est pour mettre dans le bain, si c’est pour brûler, ça, ce sont des réglementations différentes qui demandent des étiquettes différentes. Là, c’est beaucoup plus compliqué, mais n’empêche que ça doit être de nos compétences. Ce n’est pas inné, mais on doit l’apprendre et on doit s’y confronter. C’est toute cette partie. Et l’avantage d’un métier réglementé, là, ça serait par décret d’État la proposition de loi, etc.
C’était plus ou moins prévu pour l’automne et peut-être aussi avec l’emploi du temps des producteurs, qui, l’été, ne sont pas très disponibles, je pense que ça va être repoussé. Mais l’idée, c’est que d’avoir un métier réglementé, encadré par la loi qui donne plus de droits. Du coup, ça serait géré par l’État, mais c’est quand même un énorme avantage d’avoir fait cette première étape, parce que comme tu disais tout à l’heure, ça ne viendra pas du haut. C’est un métier qui sera créé par des gens du métier, mais qui a un petit peu plus d’authenticité et de cohérence. Par contre, si on arrive à une profession réglementée, là, on pourrait augmenter des droits, y compris plus de plantes encore que celles demandées et plus de transformation, etc.
Et un métier plus large vu que ça implique aussi la fédération française des écoles d’herboristerie. Ce sont plus de filières de métiers qui seraient concernées probablement.
L’idée qui se trame, il n’y a rien de fait encore, ça serait deux métiers, un métier de paysan herboriste et un métier d’herboriste de comptoir qui correspond plus à ce que l’on apprend dans les écoles.
Ok. On va suivre ce dossier beaucoup d’intérêt, parce que là, effectivement, ça implique de déposer une nouvelle loi, donc ça va être plus compliqué pour que ça passe. On va voir comment ça se passe dans les mois qui viennent et comme je disais, je reviendrais probablement sur tous ces sujets et on va essayer de suivre l’actualité avec beaucoup d’intérêt. Comment on peut soutenir votre travail qui est assez magistral, tout ce travail en tant que bénévole ? Comment on peut soutenir le Syndicat Simples ?
Il y a une adhésion soutient qui est faite pour ça, qui, de mémoire est à 20 euros, qui permet aussi de se tenir au courant de tout ce qui se passe au syndicat. Il y a aussi des fêtes locales qui s’organisent, pas seulement dans le cadre des 40 ans. Il y a toutes les infos. Ça permet aussi d’être au courant de tout ce qui se passe au niveau du syndicat.
Je confirme.
Je pense qu’au moment de la proposition de loi, on aura besoin d’une grosse mobilisation citoyenne comme ça se fait souvent.
Oui, pour que le bruit remonte. Il y a un moment où il faudra faire du bruit pour soutenir ce projet. On sera tous là bien sûr pour en parler. France, en attendant, je te remercie pour tout ce temps que tu as passé avec nous. On se retrouve pour la grande fête des 40 ans. Pas des miens, parce qu’on serait un petit peu en retard pour cette date, mais ceux du Syndicat Simples. Je me réjouis d’avance et j’espère retrouver plein de gens. Bonne continuation, à bientôt.
À bientôt.
4 réponses
Un article complet sur le sujet pour les producteurs, productrices des belles plantes comestibles médicinales ou paysannes, paysans en herboristerie autonome
Vraiment il faut avoir la foi, car le parcours de France Charvin n’a rien d’une rivière tranquille, car arrivée au but qu’elle s’était fixée, les règlements internes et les cahiers des charges du Syndicat des Simples semblent être un carcan administratif et d’étroites surveillances permanentes… Il est certain que les Herboristes et les consommateurs ont de ce fait toutes les garanties de plantes saines, bien que souvent pour ce qui concerne certaines provenances ou conservations j’en doute beaucoup… C’est un peu comme les produits labelisés Bio (Tous bio ?.. Hum ?…)
Personnellement, je préfère me fier à ce que vous nous enseignez sur telles ou telles plantes que l’on peut cultiver et produire et conserver soi-même suivant nos besoins, si l’on suit vos conseils ou encore mieux vos formations ! …à défaut, il faut bien évidemment s’adresser à son Herboristerie habituelle et attitrée avec qui une confiance s’est établie…
Je trouve le travail fait de concert avec Joël Labbé et toutes les structures et groupes, très intéressant pour faire aboutir une reconnaissance d’un plus grand nombre de plantes à des fins médicinales ainsi que le métier d’herboriste MAIS réclamer une tutelle de l’Etat ne me parait pas si judicieux que çà.
En tout cas vous pouvez d’ores et déjà assurer, à France Charvin, que le moment venu pour soutenir la proposition de Loi dont elle fait mention elle aura un soutien et une grosse mobilisation citoyenne, tout comme lutter contre les directives Européennes aberrantes (mais sans doute française également) sur leurs règlementations scélérates vis-à-vis des Huiles Essentielles !…
Bonsoir Christophe et France. Bravo pour ce dialogue fort intéressant dont j’ignorais beaucoup de contraintes pourtant existentielles ! Drôme, Ardèche, Vaucluse, Lozère… (j’en oublie forcément) de belles régions sauvages néanmoins touchées par la pollution (routière, nucléaire, cimenterie…)
Pour revenir à l’échange; quelle énergie à développer pour valider des « simples » pas simple mais devenu indispensable pour le respect des plantes (cueillette), des hommes/femme (ceux qui s’investissent et en vivent) et des utilisateurs.
L’air est pollué, et atteint même les zones censées être vierges comme les montagnes. Intégrer la plaine comme outil de production avec une charte précise permet sans doute d’éviter une sur exploitation en zones naturelles (exemple de l’Arnica). Quand je vois le débat « totalitaire » pour détruire l’Homéopathie alors que l’efficacité n’est plus à démontre; je crains pour nos simples qui par leur bienfaits gênent le marché de la santé !
Vous me faites prendre conscience que la communication sur ces organisations de fond est à faire savoir pour exprimer la fragilité de ces simples pourtant si utiles pour notre bien être à toutes et tous. Gratitudes à tous les acteurs de ce secteur nature et vitalité.
Ps/ quand y aura t-il une charte à suivre par toutes professions sur le respect de l’air, l’eau, la terre ? Respect et droits de la NATURE végétal/animal ?
pascal
bonjour je suis déjà abonnée