L’harpagophytum ou griffe du diable : si vous vous intéressez aux plantes médicinales, je pense que vous en avez déjà entendu parler.
Dans cet article, j’aimerais vous expliquer d’où il vient, vous donner mon opinion sur son utilisation et insister sur le fait que si on en achète, on doit utiliser des produits respectueux des ressources naturelles des pays dans lequel il pousse.
Généralités
On utilise deux espèces de plantes en phytothérapie : Harpagophytum procumbens et Harpagophytum zeyheri.
C’est une plante vivace de la famille des Pedaliacées, la famille du sésame, bien qu’elle n’ait absolument rien à voir avec le sésame d’un point de vue propriétés.
C’est une plante qui n’est pas du tout de chez nous : elle pousse en Afrique du Sud. Et même là-bas elle devient plutôt rare à cause des abus du marché. On l’a trop ramassée et aujourd’hui, certains pays s’en mordent les doigts.
Elle est vivace et grimpante, poussant dans des régions semi-désertiques : Namibie et Bostwana principalement, mais aussi en Zambie, en Angola, et au Zimbabwe.
Elle fait des fruits qui sont recouverts de crochets très acérés qui vont s’accrocher aux animaux qui passent par-là, c’est une manière de propager les graines. C’est pour cela qu’on l’appelle la griffe du diable, parce que lorsqu’elle a décidé de s’accrocher, ça peut faire mal !
Historique
Les Européens ont découvert ses propriétés au début des années 1900. Apparemment, ce sont des soldats allemands qui ont observé un membre de la tribu des Khoïkhoïs (que les colons ont péjorativement appelés les Hottentots, c’est le nom qui est resté dans les livres d’histoire).
Un membre de cette tribu s'était blessé, les médecins Européens pensaient qu’il était condamné, puis il a été traité par un tradipraticien, un praticien qui utilisait les plantes locales, et qui a sauvé cet homme grâce à l’harpagophytum.
On ne sait en fait pas grand-chose sur son utilisation en médecine traditionnelle Africaine. On l’a utilisé comme purgatif, comme tonique amer pour stimuler la digestion (d’ailleurs vous verrez, si vous faites la préparation dont je vais vous parler plus bas, c’est plutôt amer).
On l’a utilisé pour faire baisser les fortes fièvres, pour les infections urinaires, en application externe pour les blessures, les abcès. Et ces utilisations ont été répertoriées chez les Khoïkhoïs, les Boshimans, les Bantous. Mais cela reste très vague, du moins pour nous Européens qui ne sommes pas familiers avec les utilisations locales.
Commerce de Namibie
En ce qui concerne la récolte, on utilise les racines secondaires. Mais les ramasseurs peu scrupuleux ont très vite ramassé toute la masse racinaire. La plante a un long pivot central qui peut faire 2 mettre de longueur pour les plantes matures, et si on coupe ce pivot, la plante sera détruite.
D’un point de vue approvisionnement, c’est la Namibie qui fournit 90% de la demande mondiale. Les exports chaque année varient entre 300 et 800 tonnes de racines. Et donc le commerce de l’harpagophytum contribue d’une manière assez significative à l’économie du pays, et cela permet bien sûr à de petits producteur et cueilleurs d’en vivre.
Les premières grosses exportations ont commencé en 1962. Au départ, le gouvernement Namibien avait mis en place un système de permis. Mais à cause du manque de moyens (pour contrôler la ramasse, les transports, etc.) en 1986, le besoin d’obtenir un permis a été hélas supprimé. Ce qui a entraîné pas mal d’abus.
En 1999, en réalisant l’étendue du désastre, le gouvernement de Namibie a décidé de mettre en place un plan national de conservation de l’harpagophytum. Ce plan a été révisé plusieurs fois depuis 1999, le gouvernement admet que ce n’est pas encore parfait.
Par exemple, dans une version que j’ai pu lire qui date de 2010, le gouvernement explique que les vendeurs doivent s’enregistrer avec le ministère de l’environnement (pour obtenir un permis), mais en pratique, ceci n’est pas vraiment respecté et dur à contrôler. Mais au moins, les choses ont bien progressées et je pense que le désastre a pu être évité d’après les informations que j’ai pu trouver.
Récolte respectueuse
Ce que l’on trouve dans ce plan national est une manière de récolter la racine d’une manière éthique et responsable. On explique aux ramasseurs comment choisir les plantes les plus matures. Le fait qu’il ne faut pas toucher aux plantes qui sont en fleur et attendre que les graines se soient dispersées.
On explique comment creuser un trou sur un seul côté de la plante pour ne récupérer que les racines secondaires, qui sont facile à identifier, et on ne touche pas à la racine principale. Etc. Donc une initiative intéressante d’un gouvernement qui essaie de reprendre les choses en main.
C’est probablement loin d’être parfait. Mais la philosophie est là, et si vous achetez de l’harpagophytum, prenez un produit qui provient du cahier des charges du gouvernement de Namibie, certains labos vont vous donner cette information sur leur site internet.
(exemple d'un produit que j'ai pu trouver ici - notez que c'est un extrait concentré et que je ne l'ai pas testé).
Propriétés de l’harpagophytum
Pour faire simple, c’est principalement un anti-inflammatoire utilisé pour toute douleur articulaire : depuis l’arthrose classique jusqu’à la polyarthrite rhumatoïde.
On a eu plusieurs études à son sujet. Certaines études n’ont pas été faites dans les règles de l’art, c’est-à-dire qu'elles n'étaient pas en double aveugle avec placébo.
On a de très nombreuses études sur animaux qui sont positives. On a certaines études cliniques qui montrent des améliorations assez significatives des douleurs avec une efficacité équivalente aux anti-inflammatoires médicamenteux (1).
Mais aujourd’hui, d’un point de vue validation scientifique, nous n'avons pas de consensus. Donc dans ces cas-là, que fait-on ? Si l'on souffre, on teste et on voit si ça nous aide ou pas tout simplement. Pas besoin d’en faire une thèse ou d’avoir des discussions sans fin. Dans la santé, il faut savoir expérimenter et tester.
Ce n’est pas forcément une plante que l’on prend seule, on va souvent la combiner avec d’autres plantes pour faire baisser l’inflammation articulaire : plantes drainantes par exemple qui aident le corps à éliminer les complexes inflammatoires. Comme d’habitude tout ceci doit s’intégrer dans une stratégie plus large.
A-t-on des alternatives du côté des plantes locales, des plantes de chez nous ? Absolument, nous avons la reine des prés, le saule, la feuille de cassis, l’ortie, le frêne, etc. Nous avons accès à des épices qui ne menacent pas les ressources naturelles comme le gingembre et le curcuma.
Donc oui, des alternatives que je vous recommande de tester avant d’en arriver à l’harpagophytum.
Préparations de la griffe du diable
La préparation traditionnelle est conseillée par Valnet (2) :
- Vous prenez une bonne cuillère à café des racines coupées finement pour un demi litre d’eau. Sachez qu’on peut en mettre plus, certains vont plutôt utiliser une cuillère à soupe pour un demi litre, tout va dépendre de la sévérité de l’inflammation.
- Ensuite vous faites une décoction de 3 à 4 minutes
- Puis vous laissez reposer toute une nuit. Ca va permettre d’extraire les substances actives sans trop extraire le goût très amer. Valnet recommande de boire le demi litre le lendemain, en 2 ou 3 fois dans la journée, et de faire une cure de 20 jours.
En ce qui concerne les dosages en gélules, et dans les cas d’inflammation sévère, les ouvrages de référence (3) recommandent entre 3 et 6 g de racines en poudre par jour. Donc si vous avez des gélules de 300 mg par exemple, cela commence à faire pas mal de gélules par jour, mais c’est nécessaire pour obtenir des résultats.
D’ailleurs, vous pouvez faire vos propres gélules à partir des racines sèches, je vous explique tout ça dans ma formation sur la fabrication de produits à base de plantes (téléchargez le livret gratuit pour avoir accès à la page qui décrit la formation).
Si vous utilisez un extrait sec, c’est-à-dire un extrait concentré, les dosages vont dépendre de la concentration qui en principe devrait être stipulée sur la boite. En pratique ce n’est pas toujours le cas. Pour un extrait 3 fois plus concentré que l’équivalent en racines brutes, les recommandations (3) sont de 1 à 2 g par jour de cet extrait.
Précautions
● Vu le goût très amer et le fait que cette amertume peut stimuler la production d’acide gastrique dans l’estomac, on a une contrindication qui nous vient de la pratique allemande, et qui est d’éviter si ulcère gastrique ou duodénal, une recommandation qui semble être plutôt de nature théorique.
● Si vous avez un risque d’obstruction des voies biliaires, faites attention avec la plante, elle peut stimuler les contractions biliaires.
● Nous avons une mention dans la littérature scientifique d’une interaction possible avec les anticoagulants de type anti-vitamine K mais à priori il n’y a eu qu’un épisode documenté et encore les experts n’ont pas pu conclure avec certitude, donc il n’y a pas de consensus sur ce point-là.
● Dernier point, vu l’amertume de la plante, elle peut parfois provoquer des nausées ou accélérer le transit.
Conclusion
Je ne suis pas pour son utilisation à cause de l’impact de la récolte intensive dans certains pays.
Vous avez d’excellentes alternatives dans le monde des plantes médicinales que je vous conseille de tester d’abord, je vous ai fait de nombreuses vidéos sur les plantes de chez nous, et je vais continuer de vous en faire régulièrement.
J'espère que tout ceci vous aidera à progresser sur le chemin d'une santé stable et naturelle, respectueuse de la planète.
Références
(1) Chrubasik S, Junck H, Breitschwerdt H, Conradt C, Zappe H. Effectiveness of Harpagophytum extract WS 1531 in the treatment of exacerbation of low back pain: a randomized, placebo-controlled, double-blind study. Eur J Anaesthesiol. 1999 Feb;16(2):118-29. PubMed PMID: 10101629.
(2) Valnet, "La Phytotherapie", 2001
(3) Mills, Bone, “Principles and Practice of Phytotherapy”, 2013
Cette page ainsi que tout le contenu de ce site (vidéos incluses) est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Dominique Mahelle dit
Bonjour,
Savez-vous si il existe une plante qui serait capable de stopper ou, tout au moins, ralentir la progression d'arthrose au niveau cervical. J'aimerais pouvoir me faire un baume avec. Merci, Dominique
sabine dit
Bonjour Dominique
il n'existe pas de plante miracle , les plantes vont aider à gérer l'inflammation, vont apporter un mieux être , ce qui peut éventuellement stopper l'évolution c'est un ensemble (hygiène de vie : alimentation, exercices physiques et plantes )
Marie dit
Bonjour,
Mon père souhaitait prendre de l’harpagophytum pour ses douleurs arthrosiques (c’est tellement la plante conseillée partout !…). Une amie naturopathe me disait qu’elle déconseillait ce choix dans son cas : hypothyroïdie et maigreur (oui, oui...), hypotension, frilosité+++, numération leucocytaire insuffisante etc. Mon amie dit que l’harpagophytum est une plante « refroidissante » qui n’aide pas les constitutions « froides », en épuisement, et « sèches » (ne serait-ce que par l’âge). Le raisonnement me semble pertinent, même si cette vision des plantes est hélas rarement prise en compte. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article https://www.altheaprovence.com/energetique-des-plantes/. J’aimerais toutefois beaucoup avoir, dans cette optique, l’avis de Christophe Bernard concernant précisément l’harpagophytum (non abordé dans l’article sus-mentionné).
Concernant papa, par précaution, j’ai fini par le convaincre d’opter plutôt pour un complexe Cassis-Reine des prés-Ortie… À suivre…
Merci encore pour votre travail passionnant !
sabine dit
Bonjour Marie
si je résume ce que je comprends , vous souhaitez connaitre la nature énergétique de l'harpagophytum ?
autrement vous avez l'article concernant l'harpagophytum https://www.altheaprovence.com/harpagophytum-griffe-du-diable-arthrose/
Marie dit
Bonjour Sabine,
Merci pour la rapidité de la réponse. Pour le contenu, euh... à 7h38 vous n'aviez sans doute pas encore bu le café 😮 😮 ?!
L'article que vous m'invitez à lire est... justement celui que nous commentons à l'instant !!
Pour le reste, je viens de relire ma question et ne vois pas comment être plus claire.
J'espère donc avoir un retour pertinent à un moment plus favorable. Merci.
sabine dit
voici la réponse de Christophe
"L'harpago est très amer et donc en terme de goût, on est plutôt dans le rafraichissant. Il n'est pas connu pour être très diurétique, donc on n'a pas un effet asséchant des fluides très marqué. Je dirais qu'il vaut mieux utiliser des plantes anti-inflammatoires des articulations qui sont aussi de nature réchauffante et circulatoire : gingembre, curcuma, romarin. De plus, la plante est très menacée en Afrique du Sud, le seul endroit du monde qui en produit. Aujourd'hui, nous essayons donc d'éviter son utilisation (on parle de la scrofulaire noueuse comme remplacement, de par sa teneur en harpagosides...)"
Marie dit
Merci beaucoup. Voilà des éléments qui répondent parfaitement à mon questionnement. Bon dimanche.
Esther Jacquemettaz dit
Ce message n'est pas urgent, prenez votre temps,
bonjour, je dois me mélanger les pinceaux, qu'en est-il de la plante griffonia simplicifolia que l'on appelle aussi griffe du diable mais dont on se sert des graines pour leur effet entre autre d'antidépresseur (5HTP) précurseur sérotonine. ? Rien à voir avec harpago? ou juste leur nom vernaculaire?
Merci, cordialement,
sabine dit
bonjour Esther
Je n'ai pas connaissance que l'on appelle le griffonia griffe du diable , Griffonia simplicifolia fait partie de la famille des Fabacées (Sous-famille des Caesalpinioideae, tribu des Cercideae) c'est une légumineuse.
Harpagophytum procumbens fait partie de la famille des Pedaliaceae (mot qui vient du grec "harpagos (harpon) car ses fruits possèdent des crochets acérés, d'où son tendre petit nom de griffe du diable.
Isabelle dit
bonjour vous conseillez de compléter avec des plantes drainantes, est ce qu’il s’agit de celles que vous décrivez dans vos articles où il est question de détox ? Ou bien y a t il plusieurs types de drainage suivant ce qui est à traiter ? merci encore pour toute ces connaissances que vous mettez à notre portée !
sabine dit
bonjour Isabelle
je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question
oui il y a plusieurs sortes de drainages selon l'objectif que l'on souhaite atteindre (peau , veineux, lymphatique, foie etc), sous forme de massages et/ou de protocole de plantes par ex:
l'Artichaut (Cynara scolymus) connu pour son soutien à la digestion et à la fonction hépatique. Il peut être utilisé pour faciliter le drainage hépatique ou l'ortie pour favoriser l'élimination des déchets et des toxines de l'organisme etc..
Bingen dit
bonjour,
quelles sont les alternatives locales svp? le cassis?
et peut on prendre des teintures mères de griffe du diable merci?
sabine dit
bonjour Bigen
oui le cassis , vous avez aussi la rein des prés , l'écorce de saule blanc ,scrofulaire, curcuma ....
oui vous pouvez prendre de la teinture d'harpagophytum
I.lary dit
Merci d'avoir proposer des alternatives de plantes locales.
Fayard Alain dit
Bonjour, peut on faire un onguent avec des racines d'harpagophytum
sabine dit
bonjour Alain
oui tout à fait , vous suivez la méthode décrite ici https://www.altheaprovence.com/macerat-huileux/
sylvie baron dit
Bonjour,
la scrofulaire peut-être aussi une alternative à l'Harpagophytum pour les douleurs articulaires.
Même si les interactions sont identiques
Vous avez d'ailleurs écrit un article dessus
Cordialement
Véronique R. dit
bonjour, la prise d'harpagophytum présente t elle des contres-indications notamment pour les personnes qui prennent des anti-coagulants ? merci pour le retour. Bien à vous
sabine dit
bonjour Véronique
il semble que l'harpagophytum soit déconseillé avec la prise d'anti coagulants