Je vais vous parler de l'alchémille, cette petite plante que vous allez trouver très facilement dans les herboristeries ou en nature, surtout dans les régions montagneuses.
C’est une plante très utilisée pour les soins de la femme et je vais vous expliquer comment l’utiliser dans cet article.
Un peu de botanique
L'alchémille est une plante de la famille des rosacées, donc même famille que le rosier (en herboristerie : Rosa canina) et que d’autres plantes médicinales comme l’aigremoine (Agrimonia eupatoria), l’aubépine (Crataegus monogyna, C. laevigata) ou la tormentille (Potentilla erecta).
C’est une plante vivace que vous allez trouver surtout dans les régions montagneuses en France. Si vous regardez la répartition sur le territoire, vous verrez qu’elle est surtout localisée dans les Alpes, le Massif Central, le Vercors, les Pyrenées, etc.
La plante n’est pas très haute, elle peut mesurer jusqu’à 20 à 30 cm de haut, elle est plutôt de forme touffue et trapue.
La feuille a une forme assez caractéristique qui vous aidera à reconnaître la plante : palmatilobée, c’est-à-dire avec plusieurs lobes avec une forme qui rappelle un peu une main. Les lobes sont dentés si vous regardez de près. La feuille est de couleur verte sur le dessus et blanchâtre sur le dessous.
Lorsque la feuille est jeune, elle est souvent plissée en forme d’éventail avant de s'ouvrir. Vous verrez aussi très souvent des gouttes d’eau sur la feuille qui sont retenues par des petits poils. Ceci explique la popularité de la plante chez les alchimistes (d’où le nom alchemilla).
En effet, ce liquide était réputé être d’une grande pureté. On l’utilisait pour faire certaines préparations. Ce liquide est en fait une combinaison de rosée déposée sur la feuille et d’un liquide sécrété par la plante, une sorte de transpiration si vous voulez.
Les fleurs sont petites, très discrètes, de couleur vert clair, et disposées en corymbes. En général la période de floraison s’étale de juin à août.
Parties utilisées
Pour la partie médicinale, on utilise toute la partie aérienne, ou juste les feuilles.
Dans le passé, on a aussi utilisé la racine mais aujourd’hui, c’est plutôt la partie aérienne qui nous intéresse. La racine est probablement largement plus astringente que les feuilles (c'est souvent le cas pour les plantes riches en tanins).
De plus, utiliser les racines impliquent souvent de sacrifier la plante, ce qui serait dommage. On cueille les parties aériennes vers le mois de juin, en début de floraison et lorsque les feuilles sont encore belles et vertes.
Une famille d'astringents
Pour mieux comprendre son caractère, on va s’intéresser à sa famille.
Comme je vous l'ai dit précédemment, c’est une rosacée. Dans cette famille, vous avez en général toujours une propriété commune : ce qu’on appelle l’astringence.
Cela signifie que la plante contient des tanins, et ces tanins resserrent les tissus affaiblis, les tissus qui ont été très sollicités par l’inflammation par exemple, qui ont étés abimés. Ils vont les tonifier, un peu comme quand on tanne du cuir pour le rendre solide, lisse et imperméable.
Sur nos propres tissus, cet effet astringent ne reste pas, il est transitoire. Mais on l’a toujours utilisé pour soulager certains problèmes dont je vais vous parler un peu plus bas.
L’alchémille contient les deux types de tanins dont je vous ai parlé dans ma vidéo sur les tanins : des tanins hydrolysables qui ont une forte action par contact, et des tanins condensés qui agissent aussi en passant en circulation sanguine.
Dans l’alchémille, vous avez aussi des flavonoïdes qui sont antioxydants et protecteurs des tissus abîmés ainsi que de l’acide salicylique, cette fameuse substance qui a mené à la découverte de l’aspirine, aux propriétés anti-inflammatoires.
Bouche et gorge enflammée
Si on combine toute cette structure chimique complexe, que peut-on faire avec l’alchémille ?
Commençons par les applications locales. Dès que vous avez des tissus enflammés, boursouflés et qui suintent, vous pouvez appliquer l’alchémille. Par exemple, une utilisation classique est l’infusion prise en bain de bouche pour tout problème de gencives enflammées type gingivites ou aphtes.
On peut faire un gargarisme lorsque l’on souffre d'une angine avec des amygdales très enflées et infectées.
Fournier la recommande en lotion dans l’œil pour les problèmes de conjonctivite. Là encore on s’imagine l’œil très rouge, boursoufflé et qui suinte.
Alchémille pour les plaies
Une utilisation très classique dans l’histoire de la plante est l’application d’une décoction sur une plaie.
Les anciens observaient que l’alchémille asséchait la plaie, elle freine les suintements purulents et calme l’inflammation.
D’ailleurs, d’un point de vue énergétique des plantes, on va noter que toute plante très astringente est asséchante : elle bloque l’échange des liquides, elle précipite les protéines du mucus pour donner cette impression asséchante en bouche. Pareil sur une plaie, on freine les micro-saignements, on diminue la perméabilité capillaire, on assèche la zone.
Soins génitaux
On peut appliquer l’infusion ou la décoction des feuilles sur la muqueuse vaginale, sous forme de douche vaginale ou de bain de siège. Et là, on va encore revenir à cette image de tissus enflammés, boursoufflé et qui suintent.
C’est une plante qui a beaucoup été utilisée pour les problèmes de leucorrhée, qu’on appelle aussi les pertes blanches. Bien sûr, obtenez un diagnostic de votre médecin pour connaître les causes car les mélanges que l’on va préparer seront différents selon si la leucorrhée est infectieuse ou autre.
Rudolf Weiss, célèbre phytothérapeute Allemand et qui avait une grande expérience des plantes, nous explique qu’elle est particulièrement utile dans les leucorrhées constitutionnelles, c’est-à-dire une leucorrhée qui ne semble pas due à une cause bien définie.
L’organe n’est pas malade, la muqueuse n’est pas malade, mais la personne a régulièrement ces problèmes de pertes blanches depuis toute jeune, donc on est ici dans du chronique et du constitutionnel, et l’alchémille peut aider dans ces situations.
De nombreux auteurs classiques comme Leclerc recommandent l’alchémille pour les démangeaisons de la vulve, qui sont souvent dues à des mycoses, donc infections de type candida albicans. Ici on va faire un bain de siège qui va soulager les démangeaisons d'une manière rapide.
Règles abondantes et saignements
L'alchémille est très utilisée, en interne cette fois, pour toute problématique des règles. Lorsque les règles sont très abondantes (ménorragie), l’alchémille peut aider à contrôler le flux.
Elle contient des tanins condensés qui passent en circulation sanguine et qui vont resserrer les vaisseaux sanguins dans la zone utérine et ralentir les saignements. Là encore on va penser à son effet asséchant.
C’est aussi un effet que l’on appelle hémostatique, qui freine les saignements. L’alchémille peut être utile, toujours en interne, pour les métrorragies, c’est-à-dire les saignements entre les règles.
Même utilisation pour les saignements après l’accouchement, ou les saignements de la périménopause. Et bien sûr, dès qu’il y a saignements, n’oubliez pas de consulter votre médecin pour ne pas faire n’importe quoi.
Alchémille et ménopause
Deux grands spécialistes dans le monde anglophone, Simon Mills et Kerry Bone, recommandent l’alchémille pendant la ménopause avec une note assez intéressante : la garder en réserve lorsque les autres plantes classiques de la ménopause – trèfle rouge (Trifolium pratense), houblon (Humulus lupulus), sauge officinale (Salvia officinalis), etc. - ne sont pas efficaces.
L'alchémille n’est pas nécessairement une classique de la ménopause, mais elle peut peut-être débloquer les choses, lisser la chute soudaine des hormones, lorsque les plantes plus classiques ne fonctionnent pas.
Tonique utérin
L’alchémille va avoir un effet tonique sur tout l’appareil reproducteur féminin. Là encore, tout ceci est dû à sa richesse en différents tanins qui vont tonifier les tissus de l’utérus (muqueuses, tendons, ligaments), lorsque ceux-ci ont été très sollicités.
On va penser ici à la période après l’accouchement. Elle est parfois utilisée pour les problèmes de descente d’organes qui affectent l’utérus.
Stimulant de la progestérone ?
Certains positionnent l’alchémille comme stimulant de la sécrétion de progestérone, donc l’indiquent chez la femme lorsqu’il y a syndrome prémenstruel, ou dominance estrogénique.
Personnellement, je n’ai jamais constaté un effet très prononcé de ce côté-là, en particulier comparé au gattilier (Vitex agnus-castus), qui est largement plus efficace dans ce contexte. Je préfère donc largement le gattilier dans ce contexte spécifique.
Diarrhées chroniques
Si on applique ce même effet asséchant au tube digestif, on peut utiliser l'alchémille pour les problèmes de diarrhées, les problématiques chroniques en particulier que l’on peut voir dans les cas de colopathie fonctionnelle par exemple (syndrome de l’intestin ou du côlon irritable).
Utile aussi pour toute maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI). Pour les MICIs, il est bon de la combiner ici avec des plantes adoucissantes digestives comme la matricaire (Matricaria recutita), et des plantes antispasmodiques comme la mélisse (Melissa officinalis) ou la menthe poivrée (Mentha x piperita).
Formes et dosages
☀︎ L’infusion des parties aériennes est la forme classique. On utilise 30 g des parties aériennes sèches par litre d’eau, et on boit de 2 à 4 tasses par jour en fonction de la situation.
☀︎ Certains auteurs recommandent une décoction courte. La décoction semble faire un travail un peu plus efficace pour extraire les constituants de la plante, donc vous pouvez faire frémir pendant 2 ou 3 minutes, puis arrêter le gaz et laisser reposer 15 minutes avant de filtrer et boire. Même quantité de plante sèche par litre, même type de prise.
Pour une application externe, Fournier recommande d’utiliser 100 g de plante sèche par litre, donc une quantité 3 fois plus importante que pour une prise en interne.
☀︎ La teinture n'est pas une forme classique mais on la trouve chez Valnet à des doses de 100 gouttes par prise dans un verre d'eau.
Précautions
- À prendre loin de toute prise de médicaments car les tanins vont bloquer l’absorption au niveau de la muqueuse digestive.
- Idem pour les nutriments de la nourriture, prendre les plantes astringentes loin des repas, loin de la prise de compléments alimentaires.
- Ne pas utiliser si vous êtes enceinte.
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Céline dit
Bonjour,
Vous mentionnez que l’alchémille est contre-indiquée pendant la grossesse.
J'ai lu sur doctissimo qu'elle est utilisée pour l’accouchement.
https://www.doctissimo.fr/html/sante/phytotherapie/plante-medicinale/alchemille.htm
Qu'en pensez-vous?
Merci et bonne journée, Céline.
sabine dit
bonjour Céline
voici la réponse de Christophe
Pour l'alchémille, je n'ai pas assez de données aujourd'hui dans mes ouvrages de référence pour pouvoir affirmer avec un haut degré de confiance qu'elle est OK pendant la grossesse. Ce qui ne veut pas dire qu'elle soit nécessairement toxique ou problématique d'une manière générale, juste que dans ce contexte-là, on manque cruellement d'information. La position la plus précautionneuse est donc de la contrindiquer.
sabrina Marnet-letellier dit
bonjour, à titre personnel (je suis nutrithérapeute), je préconise souvent la TM d'alchemille pour les manques de progestérone et je la trouve plutot efficace, surtout si les oestrogenes sont dans la norme. Le gattilier (selon ma 'bible' de phytothérapie du Dr Lorrain...et ce que j'ai pu observer, mais je suis moins expérimentée que vous surement) tend plus à réguler le ratio oestrogene/progestérone en baissant les oestrogenes. Donc si j'ai progestérone basse ET oestrogenes un peu haut, je cumule gattilier et alchemille (en TM ou extrait sec standardisés), sinon que alchemille. Jusque là cela fonctionne bien
merci pour vos contenus toujours au top!