Liens évoqués dans la discussion
- Le site d'Audrey et Julien : Melilotus
- Le site du Syndicat des SIMPLES
- Mon interview avec Thierry Thévenin
(photos copyright Audrey Benavent et Julien Barataud)
Transcription
Christophe : Audrey et Julien, bonjour, je suis content de vous avoir. Tout d’abord, est-ce que vous allez bien tous les deux, vous avez un grand sourire, vous avez l’air en forme, est-ce que vous allez bien ?
Audrey et Julien : ben oui, ça va, bonjour, merci pour l’invitation
Christophe : écoutez, ça me fait bien plaisir, ça fait un moment que je voulais vous interviewer et puis finalement, c’était un peu plus compliqué que prévu. On est finalement arrivé à synchroniser nos calendriers et bon voilà, on va avoir une bonne discussion aujourd’hui. Alors, surtout pour ceux qui nous écoutent, restez avec nous parce qu'on va vous donner des petits conseils au passage, Audrey et Julien vont vous donner leur petite routine pour cette période d’arrivée des jours froids, on va voir des petits gestes à faire pour garder une bonne vitalité pendant l’hiver et ça on va en parler dans la deuxième partie de cette discussion. Audrey et Julien vous êtes producteurs de plantes médicinales en Corrèze, nous sommes à la mi-novembre, racontez-nous un petit peu, on fait quoi en cette période de mi-novembre, lorsqu’on est producteur en attendant que les jours froids arrivent.
Julien : c’est vrai qu’avec la météo de ces derniers jours, on était plus à l’intérieur qu’à l’extérieur, beaucoup sur les filtrations, les mises en flacon de toutes nos macérations qu’on a fait au cours de l’année. Donc les macérations de bourgeons, les teintures de plante fraiche, les macérâts huileux aussi, les hydrolats à flaconner, enfin toutes les transformations qu’on a fait à cette période-là. Mais c’est vrai qu’on est plutôt sur la fin des récoltes, et sur la partie transformation, et puis commercialisation aussi.
Christophe : tout à fait, et c’est vrai qu’on en parlait un petit peu juste avant qu’on commence à enregistrer, et on a un petit peu l’impression que lorsqu’on est producteur, et lorsque l’hiver arrive, c’est vraiment une période où tout ralentit, où on ne fait pas grand-chose. Mais en fait, voilà, Julien tu me disais qu’il y a quand même du travail aux champs, Audrey tu disais que c’est vrai. Et après, voilà la période des bourgeons. Et en fait, vous n’arrêtez pas quoi.
Audrey : ben c’est quand même assez saisonnalisé notre activité, on a quand même un gros morceau entre début mars et puis je dirais mi-octobre fin octobre. Et après il y a une sorte de pause où c’est plus ralenti quand même, on a plus les journées de 12 heures de travail, voilà.
Julien : Mais on pense partir en vacances sur ces périodes-là
Audrey : il y quand même un ralentissement., il y a aussi un peu une partie administrative où effectivement, on essaye de rattraper les retards sur la période d’hiver elle-même pour se remettre un jour dans les dossiers, oui.
Christophe : oui, on croit comprendre qu’il y a un petit peu de paperasse à faire, donc on va en parler un petit peu plus tard. Mais avant, on va parler un peu de vous aussi, parce qu'aujourd’hui, vous travaillez la terre, vous fabriquez de magnifiques produits au travers de votre entreprise "Mélilotus", on va mettre le lien dans la transcription sur mon site. Vous vendez tout un assortiment de mélanges à tisanes, vous avez des macérats de bourgeons, des macérats huileux, des alcoolatures, des huiles essentielles etc. vous faites un travail en fait, qui est assez monumental aujourd’hui, c’est une reconversion pour vous, ce travail de paysan herboriste, racontez-nous votre histoire, qu’est-ce que vous faisiez avant et comment vous en êtes arrivé à cette reconversion ?
Audrey : tu veux le faire ? (Rires).
Dans notre ancienne vie, on travaillait dans le monde de la protection de la nature, dans une association qui est basée au nord de Montpellier qui s’appelle "les écologistes de l’Eusière" et qui faisait à la fois de l’expertise du milieu naturel, donc c’était le milieu dans lequel on travaillait, on réalisait des études d’impact pour des projets. Et puis il y avait aussi tout une partie de pédagogie, sensibilisation du public, aux questions de l’environnement et de la nature. Et on en a eu un petit peu marre de devoir travailler sur des projets qui détruisent la nature, on a eu envie d’avoir un peu une action plus concrète, qui soit en accord avec nos convictions. Et c’est vrai que le monde agricole, ça nous est apparu comme quelque chose d’un peu évident en fait, et c’est à partir de ce moment-là qu’on a fait la reconversion, c’était en 2010-2011, ouais.
Julien : voilà, et un monde qu’on ne connaissait pas trop. Comme beaucoup de gens, on l’avait sans doute un peu idéalisé aussi au départ, donc on a commencé par faire une année où on est passé de ferme en ferme, on s’est fait un petit tour de France, chez pleins de producteurs, dans la production de légumes et de plantes médicinales, on avait déjà plutôt ciblé la production végétale. Et au début, c’est vrai qu’avec les plantes médicinales, on ne pensait même pas que c’était possible d’en vivre. Donc on était plus partis sur une production légumière pour gagner notre vie, et puis faire des plantes parce que ça nous faisait plaisir mais on ne pensait pas que c’était possible d'en vivre au départ. Et puis il y a des rencontres avec des producteurs, dans le cours de cette année-là, on a vu ben en fait que c’est possible, il y a des gens qui arrivent à s’en sortir, et qui font des gammes de plantes avec des produits transformés. Et donc c’est là qu’on s’est motivé pour se lancer sur ce projet-là. C’est des rencontres et des échanges avec des petits producteurs qui nous ont donné envie et qui nous ont appris aussi, parce qu’on a beaucoup appris sur le parc, à la fois sur les techniques de culture, sur la transfo, sur comment monter un projet, construire une gamme de produits, sur ça on a beaucoup appris auprès des producteurs.
Christophe : ouais, ben ça c’est bien, vous soulevez un point qui est quand même assez intéressant, c’est que moi-même au fil des années, j’ai découvert qu’il y avait tout un tissu, tout un écosystème de producteur, de cueilleurs, ces gens on ne les voit pas, littéralement aujourd’hui ils travaillent un petit peu dans l’ombre et pourquoi, parce que ces gens ont peur de se faire taper sur la tête, et ça, je trouve que c’est vraiment triste je pense, on va peut-être en reparler un petit peu plus tard, comme on parle de tout ce qui est en train de se passer aujourd’hui au sénat. Donc d’accord, je comprends un petit peu mieux votre transition vers ce monde-là. Alors, pour avoir travaillé la terre moi-même, je n’ai pas travaillé à votre niveau, je n’ai pas été producteur, mais c’est vrai que pendant quelques années, j’ai vraiment fait du gros jardinage, et avant de m’y mettre, j’avais un petit peu d’émotion, l'attrait romantique du retour à la terre, et puis une fois que je mettais vraiment les mains dedans, je me suis aperçu que c’est un beau métier, on tire énormément de plaisir, parce que c’est magique de faire ses semences, de les voir pousser, de les récolter et de les transformer. Mais on est un petit peu esclave de la terre, c’est un énorme travail. Alors pour ceux qui n’ont jamais travaillé la terre et qui pensent se reconvertir peut-être un jour, qu’est-ce que vous leur diriez et Audrey j’ai vu que tu fais toujours une formation sur « devenir producteur » avec Dominique LEPAGE, du "Jardin du Centaure", Dominique qui m’avait accueilli il n’y a pas mal d’années maintenant, quelqu’un de très généreux qui donne beaucoup de son temps pour accueillir les autres, qui vend aussi des autres magnifiques produits. Donc quelques conseils pour bien se préparer à cette transition, d’un travail de bureau par exemple, à un travail de la terre, ce n’est pas facile.
Audrey : ben je vois plusieurs pistes en fait, il y a déjà « sortir de chez soi » et d’aller à la rencontre de la nature, c’est-à-dire de voir déjà ce qu’on peut avoir autour de chez soi. Puis aller rencontrer des gens qui y travaillent, des producteurs, pour pratiquer en fait, et pratiquer, pratiquer, pratiquer et voir des situations différentes, et effectivement, tu disais là, Dominique LEPAGE, lui ça a été quelqu’un d’hyper important dans notre reconversion, moi j’ai fait 3 semaines de stages chez lui en 2011, quand j’ai fait mon BPREA, mon diplôme agricole, donc c’est un diplôme agricole pour tourner autour des plantes médicinales et qui m’a permis d’acquérir un peu ces questions techniques, d’itinéraires de culture, et puis de transformation, et Dominique il nous a beaucoup aidés, il nous a donné des plans, il nous a donné des conseils, et ça pour moi c’est vraiment important en fait d’aller faire des stages conventionnés ou pas, mais d’aller à la rencontre des producteurs pour vraiment pratiquer le métier et voir les différents aspects tout au long de la saison
Christophe : il y a une vraie communauté aujourd’hui, parmi vous, les producteurs et les herboristes, une vraie communauté qui se soutiennent les uns les autres, vous avez ressenti un bon soutien comme ça ?
Audrey : carrément parce que, alors nous on était déjà proche du syndicat simple, on en avait déjà parlé dans une interview avec Thierry THEVENIN, c’est un syndicat qui regroupe les petits producteurs de plantes médicinales en vente directe, en France avec un cahier des charges qui va beaucoup plus loin que le cahier des charges de l'agriculture biologique. Et donc dans ce syndicat, en fait c’est comme une grande famille, on y rentre et on rencontre des gens et on partage autour des réunions, autour des visites de ferme, on s’appelle quand on a des questions, on s’échange des plantes, et voilà tout ça c’est comme une sorte de grande solidarité et un soutien hyper précieux en fait, quand on s’installe, parce qu’on peut avoir l’appui des gens qui ont déjà l’expérience et Dominique LEPAGE était un peu cette image-là pour nous, un peu un parrain en fait dans le lancement de notre activité. Et effectivement, aujourd’hui, on propose cette formation au printemps, sur une semaine, plutôt à destination des gens qui ont juste le germe d’une idée de reconversion et qui auraient envie de voir, vraiment balayé sur une semaine, c’est hyper rapide, on met toute la partie culture, cueillette, transformation. Puis jardin pédagogique, parce que Dominique a un magnifique jardin pédagogique.
Christophe : ah oui, absolument fabuleux aussi. Allez rendre visite au jardin de Dominique, c’est super quoi, ouais. D’ailleurs, au passage pour ceux qui nous écoutent, c’est vrai que ces derniers temps, j’ai beaucoup parlé du syndicat simple et c’est vrai que des fois je croise les producteurs qui me disent, oui mais nous on est Nature et Progrès, on existe aussi, voilà. Donc il y a des labels de grande qualité aujourd’hui, tous les producteurs de plantes médicinales s’intéressent beaucoup à cultiver dans le respect de la nature, il y a plusieurs organisations, là on parle du groupement simple parce qu’il y a vraiment des cahiers des charges de très haute qualité, mais voilà, il ne faut pas oublier les autres producteurs qui travaillent aussi dans l’amour de la plante, les autres labels qui existent aussi.
Audrey : oui et qui font des choses très bien aussi , ouais.
Christophe : Donc c'est bien, tu accueilles ces gens-là avec Dominique et vous leur donnez du travail impliqué. Ça nous fournit une petite transition dans la partie administrative et Audrey, voilà, on a suivi ta présentation à la mission d’information au sénat, sur l’état des lieux de l’herboristerie en France, déjà c’était une super présentation, vraiment ça nous a marqués, j’ai trouvé que c’était édifiant, ça nous a ouvert les yeux, sur la complexité du travail et toute la paperasse nécessaire ici en France, lorsqu’on veut s’installer et vendre ces produits. Aujourd’hui, je pense que tu as enfin une bonne vue de toute la partie administrative des dossiers. Au final, est-ce que c’est gérable, est-ce que vous vous êtes un petit peu découragés, voilà, rassurez-nous, vous allez continuer ce travail même s'il est compliqué, il y a de la lumière au bout du tunnel, comment vous voyez les choses aujourd’hui ?
Audrey : déjà, j’aimerais juste préciser, je pense que ce n’est pas que les producteurs de plantes médicinales, on a quand même un sacré paquet de couches administratives qui se superposent entre les cosmétiques, les compléments alimentaires, l’hygiène et la sécurité alimentaire, il y a vraiment plein de choses, mais je pense que dans n’importe quel domaine, déjà il y a vraiment un gros gros morceau administratif qui existe en France, et effectivement, ce n’est pas toujours encourageant, ça ne donne pas forcément l’élan dans l’activité, de se dire bon ben aujourd’hui, c’est journée paperasses, mais c’est faisable, et après ce que j’ai trouvé compliqué, c’était d’arriver à appréhender vraiment cette globalité-là, de la réglementation, moi je n’en avais pas conscience à l’installation, et c’est petit à petit, morceau par morceau que ben j’ai mis mon nez dedans au fur et à mesure ben des exigences aussi comme celles demandées en termes d’étiquetages, en termes d’achat d’alcool, voilà pour les alcoolatures, il faut que j’achète de l’alcool, donc je vais voir mon douanier, puis là on se rend compte de l’énormité que ça représente, de devoir acheter de l’alcool pour faire les transformations, voilà c’est toute cette étape-là, alors oui c’est long, c’est fastidieux, je serais honnête en disant qu’il y a des jours où j’avais le moral dans les chaussettes et je me disais mais pourquoi on fait ça, j’avais l’impression que ça me déconnectait vraiment du métier que j’avais choisi, d’être dehors, d’être en lien avec le végétal, avec la nature, mais franchement c’est faisable. Après, il ne faut pas être allergique à l’ordinateur voilà, et aux démarches et aux déclarations. Et aujourd’hui, je pense, qu’on a quand même le recul et notamment, pour reparler du syndicat simple parce qu’on est très investi, enfin moi je fais partie du conseil d’administration et de nombreuses commissions, et puis je voulais juste présenter ce petit guide-là, qu’on voit là, c’est le guide de la réglementation pour le syndicat édité, alors je sais que la confédération paysanne aussi en a édité un, il y a plusieurs types qui existent maintenant. Et on commence vraiment par la mutualisation à pouvoir se sentir moins seul quand on est confronté à ces démarches à réaliser, et ça c’est super.
Christophe : ouais, j’ai vu plusieurs documents qui montrent vraiment une réelle organisation aujourd’hui pour se soutenir et surtout je pense qu'il faut commencer un petit peu quelque part, à élever la voix, élever le ton, pour dire qu’il va falloir que ça change au minimum, sinon aujourd’hui on ne va pas pouvoir continuer à faire tout ce travail qu’on fait dans les campagnes, donc on ne peut pas d’un côté donner le message qu'il faut faire revivre les campagnes, qu’il faut recréer de l’emploi, repartir au travail de la terre et puis d’un autre côté, dès qu’on essaye de s’y mettre, de mettre des bâtons dans les roues, voilà ce n’est pas possible. Vous avez commencé en quelle année ? En quelle année, vous avez démarré dans l’activité ?
Audrey : en janvier 2013.
Christophe : 2013, donc 2019 parce que vous, vous avez démarré en 2013 ; il n’y avait peut-être pas énormément d’informations pour vous et « de kits de démarrage », est-ce qu’aujourd’hui, la situation est différente, donc si on se lance aujourd’hui, les syndicats se sont organisés, les confédérations, il y a des documents, il y a des kits de démarrage, voilà, lorsqu’on démarre aujourd’hui, on sait vraiment où on va je suppose ?
Audrey : oui.
Julien : ouais, puis il y a une offre de formation aussi pour les porteurs de projet qui est plus importante qu’il y a quelques années,
Christophe : ouais.
Julien : il y a beaucoup de gens qui souhaitent s’installer et il y a de plus en plus d’installations, de plus en plus de gens qui souhaitent s’installer on le voit sur la sollicitation des gens qui veulent venir faire des stages, des choses comme ça, c’est une augmentation, donc il y a vraiment un engouement, il y a une offre de formation qui se développe aussi.
Christophe : oui.
Audrey : et c’est ce qu’il y a à voir dans cette situation de la réglementation.
Julien : ouais, voilà.
Christophe : ouais, d’accord.
Julien : il y a un boom au niveau des installations, on voit autour de chez nous quand on s’est installé en Corrèze, on était 3…
Audrey : ouais, on était les quatrièmes.
Julien : maintenant, je ne sais pas comme mais il y en a entre 10 et 15 quoi, juste en quelques années, et c’est chouette parce que du coup ça crée une dynamique, on est très loin de se faire concurrence, il y a encore beaucoup de place et on essaye justement plus de travailler de manière complémentaire et en bonne intelligence et c’est chouette. Plus on sera nombreux, plus ça sera intéressant quoi.
Christophe : absolument et moi aujourd’hui, voilà du côté évaluation de produit, parce que moi je fais ça depuis fin 2009 ici en France, c’est-à-dire que chaque mois j’achète littéralement des centaines d’euros de produits pour évaluer pour voir un petit peu de quoi est fait le marché pour pouvoir conseiller des gens qui me suivent. Pour ceux qui nous écoutent, achetez directement aux petits producteurs, ça veut dire en recevoir des sachets d’infusion, qui sont absolument magnifiques, dans lesquels les parties des plantes sont entières, on peut voir des fleurs, on peut voir des feuilles, on peut avoir des écorces, on voit de magnifiques couleurs, voilà, c’est vraiment la magie d’une belle plante, dans la tasse, et c’est pour ça qu’il faut aujourd’hui, qu’on fasse travailler tout ce tissu de petits producteurs parce qu’on a accès à une plante de qualité absolument extraordinaire, on avait littéralement perdu l’habitude de voir ce genre de spectacle de couleurs et de parfums et j’insiste sur un point parce que c’est quelque chose que je continue d’entendre, oui soyons clairs, c’est un petit peu plus cher, mais comme disait Thierry, si vous vous posez la question du prix, venez avec nous, venez avec vous hein pas avec moi parce que je ne suis pas producteur mais passez voir Audrey et Julien, passez voir comment se passe une de leur journée, et je pense qu’après on arrêtera de se poser ce genre de question, c’est pareil pour la nourriture qu’on doit acheter : du bon du bio, du local, quelque chose qui est vivant, qui a des couleurs, qui a des nutriments, il va falloir payer un petit peu plus. C’est comme ça, il n’y a pas de secret. Alors, je reviens un petit peu à ce label simple parce que les gens ne nous connaissent pas vraiment, vous nous avez dit que c’était, allez on va dire, plus que bio, comment ça se traduit jour après jour, voilà, quand vous travaillez votre terre, vous travaillez vos plantes, est-ce qu’on a des motoculteurs, est-ce qu’on peut utiliser des produits, donnez-nous une idée de votre manière de travailler, un petit peu.
Julien : alors, par rapport à la légalisation simple, il y a plein de choses autant sur tous les aspects culture, cueillette, transformation, vraiment toutes les étapes de la plante et du produit. Sur les aspects culture, en termes de produits, il y a des produits que l’on peut utiliser, nous on utilise par exemple des hydrolats, qu’on produit nous-mêmes et qu’on va utiliser de manière ponctuelle sur certaines plantes, des choses comme ce qu’on appelle les produits naturels peu préoccupants comme le purin d'ortie, des choses comme ça, qui sont bien sûr autorisées avec le label simple. Après, ben tout ce qui est produit.
Audrey : oui
Julien : ouais, mais là on est à peu près sur la même chose que sur le cahier des charges biologique.
Christophe : ouais.
Julien : après, il y a des choses sur laquelle on va plus loin, par exemple on considère qu’une plante pour exprimer tout son potentiel d’un point de vue thérapeutique, qu’elle doit pousser dans des conditions qui sont le plus optimales, donc par exemple, la culture sous serre n’est pas autorisée, donc on peut démarrer des plantes sous serre parce que voilà, il y a des zones où on peut avoir des plantes un peu plus tôt. Mais par contre, que tout le site de la plante soit sous serre, et donc sous atmosphère confinée, sans lien direct avec l’extérieur, ça ce n’est pas autorisé dans le cahier des charges .
Christophe : d’accord.
Julien : ça ce sont des choses qui peuvent paraitre un peu extrêmes pour certaines personnes, mais il est quand même important de garder ce lien à la terre, au ciel et tout ça. Et après sur les étapes de la transformation, que ce soit sur la distillation, sur les produits par exemple dans les intrants pour les produits cosmétiques à base de plante par exemple, on peut avoir que des intrants d’origine locale, donc éviter tous les intrants qui viennent de trop loin, enfin voilà, pleins de choses comme ça, après on pourrait citer pleins d’exemples.
Audrey : et puis surtout, je crois, la chose la plus fondamentale c’est que les produits qui sortent de notre ferme, ils doivent être issus de notre ferme en fait, on n'est pas commerçants, on n’achète pas pour revendre. Vraiment sauf en cas d'aléas climatiques ou voilà, ben nous cette année, les personnes chez qui on devait faire les vignes rouges, elle n’a pas rougi la vigne. Donc on va être obligés d'acheter de la vigne rouge, mais c’est quelque chose de très marginal et on va l’acheter dans notre réseau de producteurs en fait. Donc ça doit rester, voilà, tous les produits qui sortent de la ferme, c’est nous qui les avons récoltés, c’est nous qui les avons cultivés, et ça, c’est quelque chose qu’on peut avoir, ouais, dans notre cahier des charges.
Christophe : alors, ça me fait penser à ton intervention, justement la mission d’information, parce qu’aujourd’hui on a des systèmes très sophistiqués, qui sont faits pour des chaines de production dans lesquelles on a plusieurs sociétés qui participent, qui achètent, qui revendent, qui transforment. Et donc tu parlais de traçabilité, et tu expliquais mais tu disais "mais moi je travaille ma terre, moi je sème, moi je m’occupe de mes plantes, moi je récolte, moi je les transforme, la traçabilité c’est moi."
Audrey : ouais, exactement, on est là du début jusqu’à la fin, les semences, on les fait nous-même, on produit chaque année pour être autonomes en fait, et c’est vrai qu’on suit la vie de la plante jusqu’à la commercialisation et la vente et je ne vois pas d’autre garantie, meilleure que celle-là dans le processus de traçabilité aujourd’hui. Et c’est ce qu’on voudrait mettre en avant pour que cette réglementation qui effectivement était faite par et pour les industriels, et ben peut-être s'assouplisse un peu dans le cas des petits producteurs où on offre des garanties qui sont bien plus sérieuses que peut- être dans l’industrie où il y a effectivement une quantité d’opérateurs qui interviennent tout au long de la vie du produit.
Christophe : oui, absolument, et puis traiter avec de l’humain aussi, c’est-à-dire que quand on achète chez vous, on vous achète à vous et on vous voit, on vous entend, voilà on voit comment vous travaillez la terre, c’est vrai qu’aujourd’hui, on a perdu cette connexion, on achète un produit, on ne sait pas qui est derrière, et moi je fais mille fois plus confiance à ce que vous faites par rapport à un modèle où effectivement c’est un modèle d’achat, revente et au final on ne sait pas ce qu’on achète. Tu as eu un point julien, qui m’a fait réfléchir parce que moi à l’époque, où je jardinais pas mal, on me disait, oui mais tu sais au jardin tu n’arriveras jamais à reproduire la plante sauvage, les propriétés thérapeutiques de la plante sauvage. Et moi au bout de plusieurs années de vraiment faire de nombreux tests, je suis arrivé à la conclusion qu'en théorie, oui ça me parle, on n’arrivera jamais à égaler une graine qui est allée se planter exactement au bon endroit dans les bonnes conditions, mais moi au jardin, vu que voilà, j’essaie moi aussi de leur donner un environnement qui ressemble à la nature, je n’ai jamais noté une perte d’efficacité par rapport à ce que j’ai ramassé dans le sauvage, mais toujours aujourd’hui, je donne ce message d’une manière très confiante et je dis ce que je cultive au jardin ça a toujours été d’une qualité magnifique par rapport à ce que j’ai récolté sauvage hein, dans la nature. Est-ce que ça vous parle, est-ce que vous êtes d’accord avec ça ou pas, vous avez noté autre chose de votre côté.
Julien : mais sur le principe, moi je suis d’accord avec toi, c’est vrai qu’on a souvent tendance à dire que les plantes sauvages, elles expriment tous le potentiel parce qu’elles sont au bon endroit, au bon moment, et adaptées à ça et c’est vrai que nous quand on peut et que les ressources nous le permettent, on fait la récolte de plantes sauvages, dans notre gamme il y a beaucoup de plantes sauvages qu’on utilise, tout n’est pas en culture. Mais quand on peut, les plantes qui sont disponibles autour de chez nous, on les fait en sauvage, et par contre je te rejoins complètement sur le fait qu'au bout de quelques années, avec des tests, on arrive à trouver les endroits où elles se plaisent bien dans notre jardin. Il y a des fois où on fait des essais, ça ne marche pas, la lavande par exemple, on en avait mis sur une parcelle avec des sols très acides, on sentait qu’elle n’était pas à sa place, l’hydrolat qu’on sortait ne nous convenait pas vraiment en termes d’odeur, il y avait quelque chose qui ne collait pas. Et en cherchant différents endroits, on arrive à trouver des endroits où les plantes sont mieux adaptées, ou des techniques de culture qui leur conviennent mieux, et on peut arriver à faire des choses qui se rapprochent vraiment du sauvage et où elles peuvent exprimer tous leurs atouts. Et après ça peut passer par plein de choses, ça peut passer par des techniques de biodynamie. Nous on n’est pas là-dedans, on n’a pas envie d’appliquer que ce soit de la permaculture ou de la biodynamie, on ne rentre pas dans une de ces cases, on essaye de s’inspirer de pleins de choses, de faire des tests, de voir ce qui nous parle, ce qui parle aux plantes, comment elles réagissent, et donc au début, on fait des erreurs, on continue à en faire. Petit à petit, je trouve que le jardin est quand même de plus en plus gros, les plantes s’expriment de mieux en mieux, il y a aussi des plantes qui font leur vie maintenant dans le jardin, les plantes comme la cardère, la valériane, elles se ressèment toutes seules, et on s’en occupe même plus en fait, elles sont là, elles vivent dans le jardin, on les laisse, quand on désherbe, on va les laisser. Et donc là elles se sont ré-ensauvagées quoi, donc là on ne se pose même plus la question de savoir. Donc c’est un peu un mix de tout ça.
Christophe : mais c’est bien parce que c’est vrai qu’on se dit dans cette période où il y a un vrai engouement de retour à la nature, c’est vrai qu’on se dit, si on se met tous à les cueillir dans le sauvage, toutes ces mêmes plantes parce que voilà le dernier magazine a parlé des magnifiques propriétés de l'achillée millefeuille et que tout le monde part cueillir l'achillée millefeuille, effectivement, on a une grosse problématique vu la population sur la terre aujourd’hui. Donc de voir qu’on peut créer un modèle tout à fait hybride où une partie de nos besoins sont couverts par la production, avec le travail que vous faites, une partie sera toujours satisfaite par la nature, mais aujourd’hui, je pense qu’il faut absolument qu’on allie les deux parce que sinon, on ne va pas arriver à soutenir ce rythme de consommation.
Julien : oui, il y a un vrai problème de ressource qui se pose sur certaines plantes, sur une plante comme l'arnica par exemple, dans les premières années, on la faisait en sauvage, et puis dans les stations d'arnica dans le massif central avec les sécheresses estivales successives, elles souffrent énormément, donc là on a décidé d’arrêter la récolte d'arnica en sauvage et depuis deux ans, on a mis en place une culture d’une autre espèce d'arnica parce qu’on n’arrivait pas à la cultiver
Christophe : chamissonis, je suppose.
Julien : voilà, et donc l'Arnica chamissonis elle se plait bien, petit à petit on est en train de basculer sur l'Arnica chamissonis parce que ça ne nous convient plus car ça ne nous convient plus de cueillir l'Arnica montana en sauvage parce que les stations autour de chez nous, elles sont trop menacées quoi.
Audrey : ouais, on a une responsabilité dans le maintien de la ressource sauvage, et il faut pouvoir respecter les populations sauvages, et quand elles sont trop peu nombreuses, je crois que c’est important qu’on dise aux consommateurs non, vous voulez cette plante, mais non là ce n’est pas possible parce que la ressource elle est en danger et la cueillir, ça serait participer à son extinction, ce n’est pas possible.
Christophe : ouais, c’est vrai ; tout à fait, c’est un très bon point, j’aime bien aussi l’aspect curiosité, débrouillardise et expérimentation, puisque c’est vrai que c’est une arnica que j’ai introduite au jardin il y a une bonne dizaine d’années et à première vue, c’est vrai que ses petites fleurs, ce n’est pas pareil que la Montana, on se dit est-ce que quand même côté organoleptique, ça ressemble et puis vraiment quand on se met à faire des préparations, c’est un excellent type d'arnica qu’on peut tout à fait utiliser d’une manière interchangeable avec Montana, donc c’est ça voilà, c’est ce type d’expérimentation qui nous fait avancer.
Julien : mais on peut cueillir quasiment toute la saison, tout l’été parce qu'on ramasse les fleurs et elles fleurissent derrière et la cueillette est vraiment longue. Finalement sur une touffe, on arrive à ramasser pas mal de fleurs.
Christophe : c’est vrai, ça produit peut-être pas assez, mais ouais on arrive à bien s’en sortir avec. Du coup, moi j’ai regardé votre catalogue et au final, vous arrivez à produire une gamme assez large depuis les mélanges à tisane, jusqu’aux alcoolatures, vous avez des macérats de bourgeons, vous avez des hydrolats, vous avez les huiles essentielles. Pour ceux qui viennent vous voir peut-être sur place, pour ceux qui vous croisent lors des foires, et qui ont un petit peu du mal à démarrer avec tous ces produits, comment vous arrivez à les aiguiller d’une forme vers l'autre, est-ce que vous avez une favorite, quel type de conseil ou d’aiguillage vous pouvez donner à ceux qui viennent vous voir ?
Audrey : très bonne question, ce n’est pas toujours évident en fait, parce que déjà on a toujours ce truc, un peu cette insécurité de dire la personne elle vient avec une problématique, et puis nous on n’a pas le droit de donner les vertus des plantes. Déjà, ça pose une sorte de cadre dans lequel on est hyper à l’étroit parce que forcément, on va être obligé à un moment donné d’expliquer à quoi ça sert la plante, les recommandations d’utilisations, et ça c’est quelque chose aujourd’hui, qui fait partie de nos revendications, de ce métier de paysans herboristes. Mais quand ces personnes elles viennent à la ferme, après je trouve que le plus important c’est l’écoute, déjà en premier lieu, de voir quelles sont ses pratiques, est-ce qu’elle a déjà utilisé des plantes, est-ce que cette personne-là, a des problèmes plutôt chroniques ou pas, et ça, ça va nous aiguiller plutôt sur le type de préparation, voilà. Et ensuite, c’est vraiment ce dialogue et cette écoute qui prend du temps, effectivement mais qui est indispensable pour arriver à faire le bon choix en fait sur le type de produit puis les plantes qui seraient les plus adaptées.
Julien : Quand on a une discussion avec les gens, souvent on a aussi des ouvrages qu’on amène sur les foires, qu’on a, on leur montre, on s’appuie sur des livres aussi parce que c’est important et puis on ne peut pas tout connaitre, nous on est avant tout producteur. Mais il faut aussi bien fixer la limite voilà, se replacer. Nous, notre métier c’est de produire des plantes, après on connait globalement les propriétés des plantes que l’on produit, mais on n’est pas des thérapeutes, je pense qu’il faut quand même bien refixer cette limite. Donc nous on peut expliquer aux gens à quoi servent les plantes qu’on produit, et c’est ça qu’on revendique, de pouvoir le faire sans risque et par contre, on ne va pas faire de diagnostic. Si quelqu’un vient nous voir, en disant « ah j’ai mal au ventre », on leur dit allez voir un médecin. Après, il faut aussi replacer ça.
Christophe : non, mais c’est bien de le préciser parce que du coup, on voit bien que c’est quand même un marché qui peut prendre ses responsabilités, qui peut travailler avec une grande éthique, qui ne va pas nécessairement partir dans des dérives, abuser de sa position, on est tous là pour apporter notre petite pierre à l’édifice, on est tous conscients de nos forces et de nos faiblesses, nos limitations de ce qu’on peut faire ou on ne peut pas faire. Après, nous donner un petit peu plus de liberté, nous faire confiance, c’est vrai que parfois, ça serait quand même pas mal. Parce qu’au final, comme disait Thierry, voilà on ne va pas diagnostiquer, on ne va pas prescrire, on ne va pas faire tout ce genre de choses qu’on ne peut pas faire. Mais après avoir la possibilité de dire que la feuille de ronce ça peut soulager un mal de gorge l’hiver, quelque chose que nos grands-mères nous disaient que nous aujourd’hui, on ne peut pas le dire par rapport à la loi, c’est vrai qu’on est tombés un petit peu dans l’extrême , espérons que voilà, les discussions en cours en ce moment vont pouvoir nous aider à ouvrir un petit peu ce genre de situation. Quelles sont vos formes préférées quand vous avez un petit problème de santé à la maison, votre réflexe va être d’aller vers quoi, les sachets de tisane plutôt ou les alcoolatures, ou les hydrolats, c’est quoi, ce que vous aimez bien utiliser.
Audrey : ça va dépendre (Rires) ouais, ça va dépendre du contexte en fait. Là en ce moment, je suis très tisane, là en ce moment, je prends beaucoup de tisane d'ortie, parce que c’est l'automne, parce que je me sens fatiguée, puis j’ai besoin de me reminéraliser après cette saison un peu éprouvante physiquement et moralement, donc là moi je fais toujours ma petite cure de tisane à l’automne, puis ce qu’on aime bien ce sont les macérations de bourgeons aussi. On a vraiment des super retours y compris pour la famille. Ce sont des produits assez faciles d’utilisation. Après, ponctuellement, on utilise quand même des hydrolats, mais peut-être plus sur des périodes de crises ou quand on a besoin d’une action un peu plus rapide, ouais.
Christophe : d’accord. Et sinon, pour vraiment tout ce qui est fond, tout ce qui est soutient du système, tout ce qui est rebâtir, c’est plus les infusions, que vous suggérez ?
Audrey : ouais, les macérations de bourgeons aussi.
Christophe : ouais, bourgeons aussi.
Audrey : on a vraiment travaillé sur quelque chose de plus profond et de plus sur le terrain en fait, ouais.
Christophe : d’accord. Donc du coup, on va passer un petit peu dans la préparation de la période hivernale qui arrive. Donc Audrey, tu me disais, on a beaucoup travaillé ; là c’est une bonne période, pour se reminéraliser, donc ça, ça fait partie de tes bonnes habitudes Audrey, en période d’automne, tu te reminéralises avec l'ortie, tu fais des cures de combien de temps ?
Audrey : En général, je fais 15 jours, 3 semaines de cure, et puis si j’ai besoin, j’en refais une. Après, avec une petite pause en fait, j’aime bien faire des pauses en fait de temps en temps dans la prise des plantes. Mais pour l'ortie ce n’est pas forcément indispensable, mais je préfère dire que les pauses sont importantes parce que sur certaines plantes, effectivement, ce n’est pas très bon de les prendre sur la durée. Donc ouais, 3 semaines ce n’est pas mal en moyenne.
Christophe : tu en mets combien dans ta tasse, comment tu doses ?
Audrey : en fait, moi je fais chauffer une casserole d’un litre et puis je mets une sorte de grosse pincée puis je ne sais pas comment ça peut faire. Une dizaine de grammes dans ma casserole pour la journée.
Christophe : d’accord, et tu bois ça dans la journée, d’accord. Est-ce que vous avez d’autres petites mesures pour préparer, voilà pour l’immunité, pour minimiser les petites infections hivernales, est-ce que vous avez vos petits mélanges favoris, vos formats favoris ?
Audrey : c’est quoi tes formats favoris ?
Christophe : peut-être que vous n’êtes jamais malade, ou que vous n’en avez pas besoin.
Julien : moi ce que j’aime bien faire, en période d’automne, début hiver, c’est déjà commencer par un drainage, un nettoyage assez léger, donc ça passe par des tisanes, et puis ouais des hydrolats. Alors après, ça peut être n’importe quelle plante, on a fait des mélanges avec des plantes comme le cassis, le pin sylvestre...
Audrey : la livèche, le romarin.
Julien : et donc c’est ce mélange-là qui va me permettre de faire un drainage un peu. Pour la préparation à l'hiver, je pense que c’est déjà bien, et puis après plus stimuler l’immunité, mais là quand on sent qu’il y a un début d’infection, avec les plantes comme l'échinacée, et puis après des anti-infectieux, des infusions, des hydrolats, de thym, des choses comme ça.
Audrey : sarriette...
Julien : ce sont des bonnes plantes.
Christophe : d’accord. Donc drainage, toi, il y a un petit mélange que vous faites à la maison.
Julien : et puis après, en fonction des mouvements, là par exemple, je me suis fait ces dernières semaines, plus une cure de bourgeons de noisetier par exemple aussi pour le drainage et pour le coté poumons parce que je le sentais comme ça (rires).
Christophe : ouais, mais des fois, c’est vrai que c’est très intuitif, on est attiré par certaines choses et pas d’autres. Et puis si vous avez un petit quelque chose qui arrive à la gorge, qui commence à grattouiller, une petite toux qui arrive, qu’est-ce que vous faites ?
Audrey : c’est le thym, souvent on a du thym, de l’hydrolat de thym en spray et en local plusieurs fois par jour. Prendre l’hydrolat de thym en vaporisateur directement dans la gorge, et puis du repos, en général c’est que là ça a commencé à tirer et qu’il faut associer ça un petit peu à la fatigue, genre lever le pied quoi.
Julien : pour les macérations de bourgeons, on peut faire aussi travailler sur du curatif aussi, mais en prenant des doses un peu plus importantes avec les plantes comme le cassis, le charme, l'églantier, les plantes comme ça qui vont jouer sur le renforcement de l’organisme. Là, on va être plus sur des prises toutes les deux heures, par exemple sur quelques jours. Par exemple à des doses plus fortes, mais sur des durées courtes. Ça fonctionne assez bien pour donner un coup de boost.
Christophe : d’accord, pour l’immunité, par exemple pour l'églantier tu conseilles une prise toutes les deux heures dès le départ du froid.
Julien : Oui ce mélange de trois plantes là booste bien l’organisme, le charme sur la sphère ORL qui est intéressant. Ça c’est des choses qui fonctionnent assez bien, on a des chouettes retours là-dessus. Le fait d’être en vente, qu’on teste des choses sur nous, on conseille les gens, on a des retours. Du coup, ça nous aide aussi à savoir sur quel truc on a des retours, si ça marche bien, et ça c’est chouette d’avoir ce lien direct avec les gens.
Christophe : ouais, absolument. Vous avez pas mal d’alcoolatures aussi, qu’est-ce que vous utilisez, vous utilisez des alcoolatures dans votre vie quotidienne ?
Julien : alors, les alcoolatures, pour nous, c’est quelque chose de plus récent, ce n’est pas quelque chose qu’on avait commencé à faire dès le départ, tout simplement parce que c’est pareil au niveau réglementation, ça nous paraissait compliqué, et du coup on avait mis ça de côté. Donc c’est réellement que depuis l’an dernier, qu’on a une gamme assez large qu’on commercialise. Donc c’est le produit sur lequel on a le moins de retours.
Christophe : d’accord.
Julien : et c’est vrai que nous personnellement, on va plus les utiliser sur du curatif, donc quand on a une problématique particulière, on va aller chercher des plantes. Après, je ne sais pas si on doit parler de nous, moi je sais que je n’utilise par exemple pas mal l'escholtzia pour les problèmes de sommeil, sur les périodes où on a des problèmes de sommeil l'escholtzia a de bons résultats. Moi je sais que j’utilise la grande camomille aussi pour les maux de tête et les migraines, j’en ai régulièrement, c’est des choses sur lesquelles j’ai testé pas mal de plantes qui ne fonctionnaient pas forcément bien. Et là la grande camomille, j’ai trouvé en tout cas que la plante me correspond à moi et me donne vraiment de bons résultats. (Rires)
Christophe : non, mais c’est bien justement, c’était ma question, de ramener ça un petit peu à un niveau personnel, parce que c’est toujours intéressant de voir comment on s’occupe de soi, parce que c’est vrai qu’il y a des gens qui démarrent juste l’utilisation plantes médicinales. Quand on explique notre étude de cas, c’est vrai que voilà, ça aide à comprendre. D’ailleurs, moi aussi, en tant que migraineux, j’utilise la grande camomille d’une manière assez régulière, ça me correspond bien aussi. D’abord, il y a cette amertume, et moi je suis un gars assez explosif, ça ne se voit pas trop dans ma vidéo. Mais voilà, je suis assez sanguin, moi je connais bien en médecine chinoise, moi tout ce qui est amertume, calmer la sphère hépatobiliaire, ça me réussit bien. Et puis c’est vrai que c’est une bonne plante que je prends soit en tisane soit en alcoolature. Et puis elle est tellement facile à cultiver, tellement productive, que voilà, c’est une des classiques de notre pharmacopée. Bon mais du coup, ça donne une bonne idée de tout ce que vous faites, moi j’ai une question super importante, on va finir là-dessus. Je vais y répondre en partie et puis après je vais vous donner la parole. La question c’est comment est-ce qu’on peut soutenir ce mouvement des petits producteurs de plantes médicinales en France parce que si on prend du recul vraiment, on se pose dans un contexte de problématique de santé, c’est pour ça qu’on veut retourner à l’utilisation des plantes médicinales aujourd’hui, pour qu’il y ait une efficacité sur ces problématiques il faut qu’on ai accès à de bonnes plantes, de bons produits, pour avoir accès à de bonnes plantes et de bons produits, il faut qu’on ai un circuit court, et pour en venir à un circuit court, il faut qu’on arrive à soutenir le travail des petits producteurs qu’on a sur notre pays. C’est un mouvement, qui nous aide à faire revivre des régions, qui se sentaient peut-être un petit peu délaissées aujourd’hui, c'est un mouvement qui permet de créer de l'emploi, il faudrait avoir ça en tête. C’est un mouvement qui permet au final de réduire les dépenses de santé publique, parce que voilà, on peut faire de la bonne prévention avec ce type de produit. Donc moi ma réponse, évidemment, c’est que d’abord, là je m’adresse à vous qui écoutez cette discussion, ce qu’il faut faire d’abord c’est d’aller acheter des produits chez vos producteurs, passez nous voir, passez localement, passez dans notre boutique, passez les voir parce que vous allez voir des jardins magnifiques, parce que vous allez voir des ateliers, vous allez voir des gros sacs pleins de belles herbes avec du rouge, avec du jaune, avec du vert, vous allez voir que ça sent bon, et que ça va vous amener une autre notion de la plante médicinale. Peut-être que vous les avez vues dans certaines boutiques où on les avait confinées dans des petits sachets, dans des petits paquets, et qu’on avait pulvérisées, qu'on arrivait même plus à reconnaitre ce que c’était. Là vous allez voir ce que c’est que de revenir à un bon produit. Passez les voir, passez aux foires, achetez les produits, testez-les, vous allez voir c'est ce qui va faire une énorme différence, ce qui permettre de soutenir l’effort des gens justement comme Julien et Audrey, sinon qu’est-ce que nous on peut faire d’autre pour soutenir votre travail pratiquement ?
Audrey : moi, je crois que tu as dit le principal parce que vraiment d’aller voir autour de chez soi, il y a de plus en plus de gens qui s’installent et je ne crois pas qu’il n'y a pas un seul département en France où il n’y a pas au moins deux ou trois producteurs de plantes, donc si ce n’est pas facile d’en trouver les coordonnées, à un moment donné, essayez de fouiller, de trouver le producteur à côté de chez soi ou sur les marchés pour aller lui acheter directement les plantes et discuter avec lui. Peut-être aussi essayer, ce que tu disais, de se réapproprier un peu cette responsabilité de dire comment la plante que j’achète, elle est faite par qui, où est-ce qu’elle a été produite, juste de se dire qu’on est responsable de ce qu’on consomme en fait. De se poser la question, quand je vais dans un magasin acheter un produit, où est-ce qu’il a été fait, par qui, dans quelle condition, et ça c’est quand même la base, il me semble. Ensuite, et ben peut-être essayer de se réapproprier aussi le savoir-faire, parce que finalement, retravailler sur l’autonomie par rapport à la santé, ça passe aussi, quand on a la possibilité, d’aller faire des balades, aller faire ces petites récoltes, et c’est possible de la faire même pour une échelle familiale et moi je trouve que c’est important de pouvoir se réapproprier ces gestes-là, de se faire une petite fusion, de se faire des macérations de bourgeons, c’est possible de le faire même pour soi-même.
Christophe : ouais, c’est vrai, tout à fait, tout à fait. Et puis, voilà, pour ceux qui nous écoutent, comme vous avez pu le comprendre, aujourd’hui, il y a une situation voilà où parfois ce n’est pas tous les jours facile de pouvoir vendre ces produits-là. Donc je pense que c’est aussi notre responsabilité quand vous allez voir les producteurs près de chez vous. C’est aussi de leur dire, on est là, on vous soutient, au nom des consommateurs. On vous soutient, continuez ce que vous faites, on est avec vous. Et je pense que c’est comme ça, en se soutenant, en voyant ce genre de message qu’on va faire évoluer les choses, je pense.
Julien : l’opinion publique a un rôle important à jouer dans l’évolution possible de la réglementation, autour des plantes médicinales. C’est pour ça qu’ils peuvent aider à faire basculer les choses et à faire en sorte qu'on puisse exercer notre métier avec moins de contraintes que ce qu’on fait actuellement, parce qu’on sent qu’il y a vraiment un engouement autour des plantes, on parle de plus en plus de ça. Il y a de plus en plus de producteurs qui s’installent, de plus en plus de gens qui en consomment, et ça, ça fait quand même une pression vis-à-vis des pouvoirs publics, qui peut inciter à faire basculer les choses vers une réglementation un peu moins contraignante.
Christophe : oui, on l’espère.
Audrey : ce métier de paysan herboriste, on a en France la fédération des paysans herboristes, qui œuvrent pour faire reconnaitre enfin ce métier-là, qui a été rayé de la carte des métiers existant en France, et voilà c’est un peu notre combat aujourd’hui.
Julien : il y a aussi une pétition en ligne, sur le site de la fédération des paysans herboristes.
Christophe : d’accord.
Julien : ça peut faire repartir des choses.
Christophe : ouais, ben je mettrais le lien dans l’article pour ceux qui nous regardent. Bon ben du coup on sait quoi faire maintenant. Merci beaucoup Audrey et Julien d’avoir pris temps précieux.
Audrey : et merci à toi.
Christophe : pour nous expliquer ce que vous faites et mettre en valeur vos produits. On espère vous retrouver bientôt, peut-être dans une foire bio, ou ailleurs et puis peut-être une autre fois pour une autre conversation Skype pourquoi pas. Merci, bonne journée à vous, à très bientôt.
Audrey : à très bientôt.
Julien : ciao ciao.
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Fournier-Bise Nicole dit
Bravo à ces jeunes qui osent se lancer pour notre bien et celui de la planète.
Ici en Suisse, je commande mes tisanes et autres produits depuis 40 ans dans l’herboristerie Aries. C’est bio et j’ai toujours été très satisfaite. Je vous mets l’adresse : aries-herboristerie.com, c’est près de Lausanne, à Bioley-Orjulaz. Merci pour vos super vidéos
pascal27 dit
Bonsoir Christophe, on ne peut pas rester insensibles à vos échanges.
Bravo et gratitude à vous trois, on sent bien la passion et la symbiose de vos paroles avec les plantes et l'envie de partager savoir et savoir faire.
Nous participons de près ou de loin à cette modification progressive de cette période où la médecine conventionnelle s'acharne à soigner la maladie et se perd dans ce monde de spécialisation qui dilue voire annihile les responsabilités. A mon sens cette médecine reconnue et indispensable dont il faut protéger la recherche, est à solliciter en dernier recours. Quand on a fait des erreurs de parcours il faut alors prendre les grands moyens tout en sachant qu’il faudra corriger par ailleurs afin de réduire ce temps de prise chimique dont les effets indésirables à long terme sont délétères. Actuellement trop de gens font l’inverse et demandent aux plantes de réparer les dégâts trop ancrés… Ainsi on entend dire « les plantes c’est …)
Reconnaissons qu’avec les plantes et les médecines parallèles on soigne d’abord la personne, c'est une autre approche plus responsable, un partage. Ces pratiques naturelles nous donnent l'envie de connaître le végétal, l’envie de comprendre notre mal pour nous soigner et en plus nous responsabilisent. Quel bonheur de retrouver l’autonomie des soins préventifs, une compréhension pour décrypter les premiers symptômes que notre corps nous envoie ! Un bonheur aussi de s’entraider avec ces plantes qui nous entourent.
Merci Christophe dans cette vidéo vous transmettez les réels bienfaits des plantes, Audrey et Julien vous expliquez clairement ce qu’est le métier responsable de paysan herboriste. C'est pour ces raisons essentielles que nous allons retrouver les métiers de l'herboristerie et du conseil du semis à la cueillette en passant par l’utilisation, la recherche et l'observation dans le plus grand respect de la nature.
Le prix des plantes ? Christophe n'est pas important pour ceux qui ont compris l’alliance plante/santé. Le prix nous l'avons déjà payé très cher avec toutes ces méthodes de soins dont la chimie semble à bout de souffle avec les mutations naturelles qui nous sautent au visage en contournant la chimie. Notre corps n’est pas fait pour ingérer des corps étrangers, nos cellules s’adaptent comme tous ce qui vit sur cette planète terre.
Beaucoup d’entre-nous en ont assez d’obéir à une ordonnance où nous ne comprenons rien à cette chimie (lecture du mode d’emploi où on se demande si ça soigne ou si c’est dangereux), ordonnance trop souvent dictée sans le moindre son de voix ! Le temps de parole avec le patient n’entre plus dans la rentabilité sans cesse insuffisant !
Oui quand on utilise des plantes on est déjà en symbiose avec le vivant au bout de nos doigts ; et il est normal et important que l’herboriste ait le devoir de nous dire pourquoi on associe telle et telle plantes et pour quelles raisons ! Il est totalement irréel de ne pas avoir le droit (devoir) de parler des bienfaits des plantes, de leur posologie et bienfaits…
A mon sens, ceux qui se donnent le droit d’interdire devaient avoir le devoir de laisser les plantes s’exprimer, le devoir de nous laisser cette symbiose vitale. Nos organismes humains sont tous différents, se soigner n’est pas un dû mais un devoir, à chacun sa liberté de croire ou non dans la mémoire de l’eau, des plantes, du temps, de nos ancêtres …
Le constat d’une prise de conscience de la qualité de notre nourriture, de la quantité ingérée, de la provenance et des pratiques de productions, le respect de l’environnement en redevenant consom’acteur local, la recherche de compréhension des causes de notre mal être biologique et psychologique … Sont tous des signes qui annoncent le besoin de retrouver nos racines.
L’agriculture (alimentation) et la santé (responsable) sont en réels mouvements positifs. Ce qui est à craindre c’est que la chimie passe le relais à la chirurgie et que le corps humain devienne une marchandise à vendre…
Cordiales gratitudes à Vous Christophe, Audrey et Julien pour cet échange tourné vers un avenir proche.
pascal
Hervé GOURIOU dit
GEANT !.... MAGNIFIQUE DISCUSSION ET AVEC DES MOTS.... SIMPLES !...Compréhensibles... Tout à été dit et je suis d'accord pour rajouter que la balle est dans notre camp.... IL FAUT ABSOLUMENT SE BOUGER... REMUER... DIFFUSER.... RESISTER.... ET ACHETER DANS DES RESEAUX DE PETITS PRODUCTEURS...En dernier ressort commander en ligne dans les herboristeries qui, en fait sont des revendeurs.... BRAVO ET MERCI CHRISTOPHE POUR CES COUPS DE PROJECTEURS ET CES CONVERSATIONS ET LIENS QUI NOUS PERMETTENT DE NOUS IMMERGER UN PEU PLUS A CHAQUE FOIS DANS LE MILIEU DES PRODUCTEURS DE PLANTES MEDICINALES ....
Georges Verpoorten dit
Bien sûr, toujours dans la bonne humeur et l'envie d'en savoir tous le jours un peu plus.