Bénis amers
Par Jim McDonald
Vous connaissez mon amour pour les plantes amères. J'en parle souvent. C'est l'un de mes outils principaux pour les problèmes digestifs. Je voulais me lancer dans une ode aux amers, puis je me suis rappelé que mon collègue américain Jim McDonald avait déjà écrit un morceau de choix.
Jim m'a aimablement donné la permission de traduire son article. J'espère que vous l'apprécierez, il contient beaucoup de sagesse.
Je sais, l'article est long. Mais si vous voulez vraiment comprendre les plantes amères, il faudra passer un peu de temps avec elles. Vous pouvez lire et relire cet article, il prendra chaque fois un peu plus de profondeur.
Vous trouverez plus d'écrits (en Anglais bien sûr) sur le site de Jim ici : http://www.herbcraft.org/index.htm.
En herbalisme, nous parlons souvent de propriétés des plantes. La plupart des livres contiennent une section qui liste ces propriétés - anti-inflammatoires, anti-spasmodiques, hépatiques, altératives, diurétiques, toniques et une pléthore d'autres mots variant du familier à l'obscure.
Certaines actions parlent beaucoup plus que d'autres. Par exemple, dire qu'une herbe est “anti-inflammatoire” est utile, car cela nous dit comment l'utiliser. Mais cela ne nous dit rien sur comment la plante réalise cet effet. Cela ne nous dit rien sur la nature essentielle de la plante.
Pourquoi cette plante est-elle anti-inflammatoire? Est-elle aromatique, contenant des huiles volatiles? Est-elle riche en flavonoïdes? En mucilages adoucissants? Est-elle astringente?
Ces actions fournissent la connaissance essentielle de l'herbalisme, car elles nous indiquent les vertus de la plante. L'odeur d'une plante est son langage. Sa couleur communique.
Parmi les goûts les plus communs dans le monde des plantes, nous trouvons l'amertume. N'est-il pas intéressant de noter que ce goût, tellement répandu dans la plupart de nos remèdes les plus appréciés, est un goût qui nous est étranger ? Un goût qui souvent décourage les gens d'utiliser les plantes médicinales ?
Le syndrome de déficience en amers
Nous avons tous besoin d'amers dans notre alimentation. Aucune culture traditionnelle n'aurait pu envisager une alimentation sans amers - chose que nous avons réalisé dans la plupart des alimentations modernes. Ceci ne veut pas dire que l'on doive se forcer à manger un bol de racines de pissenlit, mais plutôt que nous devons considérer l'action “médicinale” associée aux amers sous une lumière différente.
Je crois fermement en l'existence d'un syndrome de déficience en amers. Cette notion postule que la plupart des problèmes modernes de santé prennent racine dans le manque d'amers dans notre alimentation, et que la plupart des problèmes digestifs pour lesquels nous considérons les amers comme “remèdes” sont en fait des symptômes de déficience.
Il n'est peut-être pas correct de penser que les amers doivent être utilisés pour traiter une digestion lente, mais plutôt que le manque d'amers pourrait être la cause d'une digestion lente. Peut-être que la plupart des conditions pour lesquelles nous faisons appel aux amers apparaissent à cause de leur omission dans notre alimentation, un peu comme le rachitisme apparaît dû à un manque de vitamine D.
J'ai été introduit à cette notion par James Green, qui écrit dans The Male Herbal :
« J'estime que l'absence quasi-totale de nourriture amère dans l'alimentation aux Etats-Unis et au Canada est un facteur contribuant aux problèmes communs tels le syndrome prémenstruel, d'autres dysfonctionnements sexuels masculins ou féminins, les déséquilibres hormonaux, les migraines, les indigestions, les dysfonctionnements du foie et de la vésicule biliaire, un métabolisme anormal, l'hypoglycémie, le diabètes, etc. »
Les années ont passé depuis que j'ai lu ce passage, et je suis de plus en plus en accord avec cette notion, constatant directement l'action restauratrice des amers. Pour mieux comprendre cette notion de syndrome de déficience en amers, regardons de plus près les vertus des amers.
Un goût et ses actions
On ne peut pas séparer le goût amer de ses propriétés thérapeutiques. En goûtant simplement l'amertume d'une herbe, on peut immédiatement connaître un certain nombre de ses vertus. Si l'on ne goûte pas l'amertume (peut être la plante est-elle emprisonnée dans une capsule), les actions ne se manifesteront pas pleinement.
On résume souvent l'action des amers de la manière suivante : ils stimulent les sécrétions digestives et le métabolisme dans son ensemble, et ce faisant augmentent l'appétit, soulagent la constipation, et d'une manière générale soulagent la lourdeur associée à une digestion lente. Mais ceci est vraiment trop simpliste, et un regard plus approfondi apporte une valeur à la fois théorique et pratique.
L'étendue des amers
Les amers stimulent toutes les sécrétions gastriques : la salive, les acides, les enzymes, les hormones, la bile et plus encore. Chacune de ses substances agit comme solvant afin de déconstruire la nourriture pour mieux l'assimiler. La quantité et la qualité de ces fluides assurent une nutrition appropriée. Une production inadéquate de ces sécrétions est commune dans les cultures modernes (les cultures dans lesquelles les amers ne figurent plus dans l'alimentation), et les implications d'une telle déficience sont myriades.
Le goût amer favorise la salivation, qui démarre le processus de digestion en déconstruisant l'amidon et en commençant à travailler sur les lipides. Les récepteurs de goût dans la bouche (il en existe plus de 25 différents pour les amers) reconnaissent la présence d'amers, et déclenchent une réaction globale au travers du système digestif.
Dans l'estomac, une quantité suffisante d'hormones, d'acides et d'enzymes sont nécessaires pour dégrader les protéines et les glucides, et pour libérer les minéraux afin de les assimiler. Les amers stimulent la sécrétion de l'hormone gastrine, qui régule la production d'acide gastrique.
Une quantité inadéquate d'acide va bloquer l'absorption des minéraux, ce qui va priver le corps de nutriments essentiels pour la santé (même si ces nutriments sont consommés comme nourriture ou comme compléments alimentaires). Une hypoacidité va aussi affaiblir les tissus de l'estomac, et est souvent la cause du reflux gastro-oesophagien (bien que la plupart des gens pensent à tort qu'ils ont trop d'acides). NDT : j'en parle abondamment dans cet article.
Lorsque les personnes vieillissent, elles produisent moins d'acides. Ceci est parfois corrigé grâce à des compléments d'acide hydrochlorique, mais il est beaucoup plus logique de ramener les amers dans la nourriture, ce qui permettra au corps de fabriquer ses propres acides, plutôt que de se reposer sur un complément alimentaire, permettant ainsi la déficience en amers de perdurer.
Les amers augmentent la production de l'enzyme pepsine, qui aide à la dégradation des protéines et à la fabrication du facteur intrinsèque, essentiel pour l'absorption de la vitamine B12. La B12 a des effets tentaculaires depuis la fabrication du sang jusqu'aux fonctions neurologiques.
Les amers agissent sur le pancréas, le foie et la vésicule biliaire, aidant à normaliser le sucre sanguin et favorisant la production et la relâche d'enzymes pancréatiques et de bile, ce qui permet une bonne digestion des graisses et des huiles. Une bonne sécrétion de bile aide le foie à recracher ses déchets, et empêche la formation de calculs biliaires. La bile émulsifie les lipides, qui pourront, avec les protéines et les glucides, être mieux dégradés par les enzymes pancréatiques afin d'être absorbés dans l'intestin grêle.
La bile agit aussi comme lubrifiant pour les intestins, facilitant le passage de la nourriture digérée. Une vésicule et un foie paresseux peuvent amener une sécheresse intestinale, qui est souvent une cause de constipation chronique. Les amers favorisent la sécrétion de liquides digestifs dans le grêle, ce qui aide le transit et l'assimilation de nutriments.
Kiva Rose, herbaliste du Nouveau Mexique, rajoute :
« En relation étroite avec les effets exercés sur le foie et le pancréas, les herbes et aliments amers peuvent parfois calmer l'irritabilité, les ballonnements, les changement d'humeurs et les troubles digestifs du syndrome prémenstruel. »
En plus de l'action sur les sécrétions digestives, les amers peuvent aussi renforcer et tonifier les tissus du tube digestif, ainsi qu'aider à la réparation de muqueuses endommagées. Ils aident à la résolution du reflux gastro-oesophagien, des ulcères et du syndrome de l'intestin poreux. Le mouvement péristaltique, contraction en forme de vague des muscles qui recouvrent les organes digestifs, est lui aussi amélioré, permettant au bol alimentaire de traverser le tube digestif puis d'être expulsé.
Ces actions, groupées ensemble, peuvent ramener l'appétit, indiquant les amers pour les pertes d'appétit résultant de causes variant de l'indigestion chronique aux maladies et à l'anorexia nervosa. D'un autre coté, les amers semblent aussi être très utiles lorsque l'on veut calmer les fringales irrésistibles, en particulier les envies de sucre. Je suis convaincu que lorsque notre esprit a envie de sucré, ceci masque une envie d'amers. En effet, dans leur forme naturelle, la plupart des saveurs sucrées sont associées avec un certain degré d'amertume (les aliments et herbes sucrées, comme la cane à sucre, la racine de réglisse, la stévia, possèdent tous un degré d'amertume).
L'amertume, par contre, est entièrement supprimée lorsque les sucres sont raffinés. Nos corps ont évolué avec cette association, et ils s'en rappellent toujours. Par conséquent, les envies de sucré dénotent un besoin d'amers, et elles peuvent souvent être calmées en prenant des amers. Et les envies ne sont pas forcément que du domaine de la nourriture. De petites doses de plantes amères peuvent être très utiles pour les envies associées aux accoutumances, dû à leur effet calmant sur l'esprit (expliqué plus bas). Par exemple, mâcher un morceau de racine d'acore odorant soulage les envies de tabac.
L'herbalisme traditionnel dans les cultures diverses considèrent que les amers ont une action “descendante”. Ceci fait référence non seulement aux actions digestives (ce qui inclut leur admirable efficacité pour faire disparaitre la mauvaise haleine), mais aussi à des vertus plus ésotériques.
Les amers nous ancrent, ils nous aident à renforcer la connexion avec notre instinct. Ils aident à déplacer la personne de son énergie intellectuelle (qui examine les chose, les déconstruit) vers son énergie gutturale (qui réagit aux évènements d'une manière instinctive indépendamment des considérations intellectuelles).
Par exemple, nous pouvons rencontrer une personne pour la première fois, et ressentir de mauvaises vibrations. Mais ensuite, la tête prend la relève et nous dit que nous sommes trop catégorique dans notre jugement, nous devons nous libérer de nos préconceptions... pour découvrir encore et encore que nos boyaux avaient raison en premier lieu.
Les amers nous aident aussi à revenir vers la réalité du moment présent. Dans les situation où nous ne sommes pas là, où que nous soyons, les amers nous ramènent ici.
L'herbaliste britannique Sarah Head considère que le goût amer a une action “qui relâche”. Allant au-delà de la relâche physiologique des sucs digestifs, nous pouvons constater que les amers aident à expulser l'énergie bloquée - en particulier la colère et la frustration - des émotions souvent considérées en médecine traditionnelle comme reliées à une énergie du foie stagnante. Les amers relâchent les énergies émotionnelles localisées dans les différents organes.
Cette corrélation entre amers et humeur peut paraître spéculative ou même fallacieuse. Mais nous avons des preuves abondantes et rationnelles pour étayer ces affirmations (pour ceux qui sont bloqués dans leur énergie mentale). Le système gastrointestinal, dans son ensemble, est le siège du système nerveux entérique (SNE), une partie du système nerveux autonomique qui contrôle les mécanismes involontaires de la digestion. Mais ceci n'est pas le seul rôle du SNE.
Beaucoup de gens sont surpris de découvrir que la plupart des hormones et neurotransmetteurs régulant l'humeur, incluant sérotonine, dopamine, endorphines et benzodiazépines, ne sont pas produites principalement dans le cerveau, mais plutôt dans le ventre par le SNE. Donc, si votre métabolisme est déficient, et que votre système gastrointestinal doit gérer tous les problèmes qui accompagnent cette déficience, ne semblerait-il pas logique que les substances qui tonifient les fonction digestives (amers) fassent aussi augmenter la production des hormones de l'humeur ? Pratiquement, les amers sont d'excellents calmants et peuvent souvent bannir les dépressions corrélées avec les déficiences digestives.
Donc, pour résumer, nous savons que les amers agissent sur un métabolisme paresseux, sur une hypoacidité, sur un manque de bile résultant dans une difficulté à digérer les graisses et protéines, dans les pertes d'appétit et les fringales, les addictions, le manque d'ancrage, l'anxiété, la dépression, et d'autres conditions qui sont monnaie courante dans nos cultures. Le fait que ces conditions soient très souvent adressées par des médicaments souligne le mérite des plantes amères.
Contrindications et autres considérations
Les amers sont d'énergétique “froide” en herbalisme traditionnel, et leur utilisation au long terme va “refroidir la digestion”, un effet qui n'est pas désirable. Ceci ne veut pas dire que nous devons les éviter, mais qu'il faut les combiner avec des plantes réchauffantes (gingembre par exemple), ou utiliser des amers réchauffants (comme l'acore odorant ou l'angélique).
Si la personne est fréquemment incommodée par des gaz, les plantes aromatiques et “carminatives” (fenouil, écorce d'orange, camomille ou anis) doivent être rajoutées, car les huiles volatiles qu'elles contiennent ont un effet dispersif, et leur utilisation favorise l'élimination des gaz.
Les amers sont aussi asséchants, car ils augmentent les sécrétions et stimulent l'élimination des fluides. Une sécheresse constitutionnelle est souvent associée à une anxiété nerveuse, et là encore notre amie Kiva Rose nous offre une observation intéressante :
« J'ai observé le fait que les amers ont une capacité à dissiper les personnes qui sont déjà aériennes. Ceci est dû aux qualités asséchantes des amers. Ces personnes plutôt Vata ont besoin d'humidité additionnelle afin de garder ancrage et présence, et lorsqu'elles se dessèchent, elles ont une tendance à s'envoler. »
Ceci n'est pas vraiment une contrindication, mais souligne un besoin de rajouter une plante humidifiante - la réglisse étant exemplaire pour cela. Certains amers, comme le fenugrec, apportent aussi de l'humidité pour corriger cet aspect.
Ces considérations sont simplement adressées en combinant les amers avec d'autres herbes dans une formulation, ou en utilisant des amers qui sont aussi réchauffant, aromatiques, ou humidifiant. Ceci s'applique surtout lorsque nous utilisons les amers “médicinaux”, en contraste avec les aliments amers.
Aliments amers et plantes amères
L'amertume d'une plante varie grandement en caractère et en degré. De nombreuses herbes amères devraient plutôt être considérées comme aliments, alors que d'autres sont bel et bien médicinales dans leur action. Les aliments amers sont essentiels à une bonne nutrition, alors que les plantes médicinales amères doivent être réservées pour des problèmes spécifiques qui ne sont pas résolus par les aliments amers.
Comment pouvez-vous discerner entre les amers alimentaires et les médicinaux ?
Premièrement en déterminant si la plante peut être consommée comme nourriture. Les aliments amers se retrouvent dans de nombreux feuilles vertes qui sont incroyablement nourrissantes. La notion de salade avant le repas trouve son origine dans le rôle des amers, amers qui constituaient il y a bien longtemps le plus gros de la salade. En effet, la salade n'a pas toujours été une laitue “iceberg” (NDT : salade insipide des fast foods nord-américains, dénuée de tout nutriments) accompagnée d'une sauce bien grasse, mais était plutôt constituée de verdure sauvage comme le pissenlit ou la chicorée, et bien d'autres herbes communes qui poussaient naturellement autours des habitations.
Ces herbes très riches en nutriments étaient accompagnées d'une vinaigrette, le vinaigre extrayant les minéraux des plantes pour une absorption optimale. Une salade de cette nature non seulement fournit une entrée appétissante, mais aide aussi à la digestion des aliments plus lourds qui constituent souvent le plat principal.
Les amers médicinaux sont trop puissants pour être utilisés comme nourriture. Peu d'individus (même moi) apprécieraient un soufflé à la racine de gentiane, ou remplaceraient l'estragon (Artemisia dracunculus) avec l'absinthe (Artemisia absinthium). De telles herbes sont utilisées pour des besoins bien particuliers, pour l'indigestion chronique ou pour ce sentiment de lourdeur et de lenteur digestive qui suit souvent les périodes de fêtes.
Utilisation des amers
Comment introduire les amers dans votre alimentation ? Initialement, en augmentant graduellement la quantité d'aliments amers dans vos repas, ce qui inclut un immense choix de feuilles vertes, riches en vitamines, minéraux et autres nutriments. Lorsque vous préparerez votre prochaine salade, essayez de rajouter quelques feuilles amères, provenant de votre pelouse (NDT : non traitée), ou du supermarché : roquette, cresson, endives, chicorée rouge, et de nombreuses moutardes que vous pourrez découvrir dans certains magasins. Vous pouvez les consommer seules, ou mélangées dans un “mix de printemps”. Ou mieux, utilisez pissenlit, chicorée et autres herbes qui poussent dans votre propre jardin si vous les laissez faire - les feuilles amères sauvages se trouvent à foison.
Ces feuilles amères peuvent être utilisées dans vos sandwiches, ou pour garnir vos plats. J'en mets souvent sur les pâtes, avec un mélange de feuilles de pissenlit coupées finement, de graines de sésame et de graines de lin. J'amène aussi parfois avec moi un petit sac de feuilles amères au restaurant, afin de les substituer à cette pauvre laitue industrielle.
Les sautés peuvent être saupoudrés de feuilles amères, rajoutées juste avant de servir, et les pestos peuvent être transformés en préparation nutritionnelle et gouteuse en mélangeant des feuilles de moutarde au basilic.
Si le goût amer est nouveau pour vous, et que l'idée semble mieux acceptée par votre cerveau que par votre palais, procédez lentement. Essayez différents amers individuellement pour voir ceux que vous préférez, et mélangez-les à des salades principalement constituées de feuilles plus douces (qui peuvent inclure d'autres plantes sauvages, comme la stellaire ou les feuilles de violettes). Vous n'avez pas besoin d'agresser votre langue à coup d'amers; rajoutez-en juste assez pour ressentir un petit coup de fouet.
Les acides accompagnent très bien le goût et l'effet des amers. Comme mentionné plus haut, le vinaigre va attendrir le goût et aider à l'assimilation des minéraux. Le gingembre rajouté à une vinaigrette va “réchauffer” le goût. Un peu de jus de citron ou quelques tomates séchées peuvent aussi rendre les amers plus acceptables. Les lipides, épices, et un peu de sel de mer peuvent équilibrer le goût.
Bien qu'il existe souvent une aversion aux amers, vous découvrirez que le corps apprend vite à reconnaitre leur nature essentielle. Après avoir commencé à les utiliser, le cerveau enregistre le fait que le corps réagit à leur présence avec un “Ah, finalement !”. Le fait qu'ils comblent un manque que nous avons longtemps essayé de combler sans succès avec d'autres substances crée une sorte de “clic” - les choses se remettent en place.
L'utilisation des amers médicinaux demandent souvent plus de considération, bien qu'il existe de simples indications régissant leur utilisation. La plupart des problèmes digestifs simples et aigus peuvent être soulagés par une petite dose de plante amère ; 15 à 30 gouttes d'une teinture amère soulagera l'impression de lourdeur, de lenteur digestive qui accompagne les festins. En fait, le rajout d'Angostura au champagne est censé réaliser cet effet là (NDT : boisson alcoolisée à base de rhum, de gentiane, d'écorces d'orange, et d'autres substances amères). Pour les problèmes plus chroniques, il faut appliquer plus de discernement lorsque vous choisissez la plante à utiliser, et une étude plus approfondie ou la consultation avec un herbaliste expérimenté s'impose.
Les teintures amères peuvent être fabriquées en laissant tout simplement macérer pendant quelques semaines des racines de pissenlit ou de patience crépue dans de la vodka, le tout dans un bocal. Les teintures peuvent aussi être formulées à partir de plusieurs plantes pour une action plus large. Je fabrique un mélange de teinture de gentiane et d'écorce d'orange épicé avec un peu de gingembre, un mélange qui a bon goût et qui fonctionne bien. Un mélange de racines de pissenlit crues et grillées peut être utilisé comme produit de substitution à la gentiane.
Une petite quantité d'infusion peut aussi être utilisée. La goûteuse camomille, si on laisse infuser 30 grammes de fleurs sèches dans un litre d'eau chaude pendant toute une nuit, donne une préparation à la fois aromatique et amère. Une telle infusion concentrée peut être prise par dose de 30 cl, le reste pouvant être congelé dans des bacs à glaçons et décongelé au besoin pour faciliter la logistique. Il faut noter que les amers qui sont aussi diaphorétiques favorisent la transpiration plus que les effets digestifs lorsqu'ils sont consommés chauds, et doivent par conséquent être consommés tièdes ou froids.
Jusqu'au bout de l'amer
Ce qui nous paraît être d'amers essais sont souvent des bénédictions déguisées.
~Oscar Wilde
Les gens associent l'amertume avec des vertus négatives comme le dépit et le ressentiment. Et pourtant, l'amertume émotionnelle prend sa vraie origine dans la stagnation, l'incapacité à relâcher une croyance ou un sentiment qui ne sert plus la personne, mais plutôt freine le bien-être et le développement. C'est en acceptant l'amertume que nous pouvons découvrir ce qu'elle a à offrir.
Le même facteur résonne lorsque nous parlons des plantes. Nous évitons l'amertume car elle est inconfortable au palais. Elle nous provoque. Et pourtant, lorsque nous l'acceptons, elle nous offre une abondance thérapeutique qui nous permet d'échapper à un état de stagnation et de relâcher des choses, physiologiquement et émotionnellement, qui empêchent notre épanouissement.
Références
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Garner-Wizard, Mariann. “HerbClipTM Bitters: Their History, Conceptual Context, and Health Benefits.” Obtenu en-ligne à http://content.herbalgram.org/wholefoodsmarket/HerbClip/pdfs/020442-258.pdf le 10 septembre, 2008.
Green, James. The Male Herbal: Health Care for Men and Boys. California: The Crossing Press, 1991.
Hardin, Kiva Rose. “The Medicine Woman’s Roots Terms of the Trade 4: Bitters.” Obtenu le 10 septembre 2008, en-ligne à http://bearmedicineherbals.com/?p=404.
Head, Sarah. “Bitters: Herbs which promote release?” obtenu le 13 septembre 2008, en-ligne à http://kitchenherbwife.blogspot.com/2008/07/bitters-herbs-which-promote-release.html.
Hoffmann, David. Medical Herbalism: The Science and Practice of Herbal Medicine. Vermont: Healing Arts Press, 2003.
Hoffmann, David. Healthy Digestion: A Natural Approach to Relieving Indigestion, Gas, Heartburn, Constipation, Colitis & More. Massachusetts: Storey Publishing, LLC, 2000.
“Herbwifery Forum: Bitters.” Obtenu en-ligne à http:// herbwifery.org/forum/viewtopic.php?t=272 le 14 septembre 2008.
King, Dr. Rosalyn M. “The Enteric Nervous System: The Brain in the Gut.” Obtenu en-ligne le 8 septembre 2008 à http://www.psyking.net/id36.htm.
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lisa dit
Bonjour Christophe Ala suite de l article sur les amers je comprends que le besoin parfois irresistible de sucre juste apres le repas est en fait du a un manque d amers, alors que les dieteticiens voient ce besoin de sucre lie a la redirection du flux sanguin vers le systeme digestif laissant les muscles en manque de sucre et donc en demandant. .Et une autre piece du puzzle qui se met en place, une!!!
framboise dit
bonsoir Christophe
Je viens de découvrir vos articles et c'est un vrai bonheur de vous lire.
J'habite au milieu du causse lotois et prépare depuis de nombreuses années baumes élixirs et alcoolatures de plantes, avec une préférence marquée pour le plantain (mes petits enfants m'appellent mamie plantain; car c'est souvent ma première proposition de remède) ferait-il partie des précieux amers dont vous faites l'éloge aujourd'hui ?
Un grand merci pour ce super travail que vous partagez si généreusement.
Christophe BERNARD dit
Bonjour Framboise, le plantain a une petite amertume qui lui est propre, mais il n'est pas vraiment considéré comme amer. Pour les "vrais amers" on va aller voir du coté de la gentiane, de la centaurée, du ményanthes, de la racine de cardère, de la feuille d'artichaut, etc.
Eve dit
Bonjour Christophe,
Je reviens vers votre site pour la deuxième fois cette semaine pour corriger un problème de reflux gastrique qui s'installe depuis plusieurs semaines. Je ne sais pas vers quel amer me tourner, même après la lecture attentive de votre article sur le reflux et ce présent article (tous les deux très intéressants)... pourriez vous m'aiguiller ?
Christophe BERNARD dit
Bonjour Eve,
Dans le doute, lorsque vous désirez utiliser un amer, nous avons une plante qui s'impose : la gentiane, sous forme de teinture, 10 minutes avant le repas. Il faut qu'elle laisse un goût bien amer en bouche, ce n'est pas la quantité qui compte mais plutôt cette sensation amère. Commencer avec une 30'aine de gouttes dans un petit peu d'eau, faire tourner en bouche, et avaler par petites gorgées.
sabine dit
bonjour Eve et bonjour Christophe
peut on aussi proposer pour ce reflux (si sensation de brûlure) un gel de racine de guimauve, question de protéger un peu les muqueuses ?
(rhoooooooo comment je fais l'élève sérieuse !!!)
Jacques dit
Victor Hugo l'avait déjà écrit "Homme libre, toujours tu chériras l'amer" 🙂
Lamy Nicole dit
merci Christophe d'avoir traduit cet article sur l'amer, qui ouvre des perspectives inédites, notamment sur le plan des émotions.
Question : où trouver une liste fiable des aliments amers ? Il y en a beaucoup plus que les salades sauvages le plus souvent citées.
J'ai remarqué que l'amer de la marmelade d'orange amère me blessait les muqueuses quasi immédiatement alors que le goût me convient, comme l'artichaut violet mangé cru. Avez-vous une réponse à ce sujet ?
Christophe BERNARD dit
Bonjour Nicole,
Je n'ai pas de liste pour l'instant coté alimentation. Pour les aphtes, j'ai effectivement remarqué que certaines personnes tolèrent mal certains aliments ou plantes. Je note cela avec la cannelle, avec le fenugrec. Les amers créent une réaction sécrétoire des muqueuses, et si on fait une équivalence avec le foie et la bile, on peut dire que les muqueuses, au travers de la sécrétion de mucus, relâchent probablement une certaine quantité de toxines, qui pourraient provoquer une inflammation. Auquel cas on irait, comme souvent, regarder du coté du foie en supposant que si l'usine de recyclage centrale ne fait pas son travail, la peau et les muqueuses, d'une manière locale, doivent prendre la relève.
sabine dit
Bonjour Christophe
je viens de terminer la lecture et le sentiment qui en ressort est l'enthousiasme (ce pétillement intérieur donnant une énergie joyeuse!)
quelques petites questions
-j'interprète le terme que vous employez : "adresser" par corriger ou soulager, mais peut-être me trompe-je,( ex: les amers semblent aussi être très utiles lorsque l’on veut "adresser" les fringales irrésistibles...) car je ne connais pas cette expression dans ce contexte.
- le café et le chocolat (pur) sont amers .....pourtant leur consommation est souvent , voire même fortement déconseillée surtout le café ; leur amertume n'aurait aucun effet bénéfique ?
Peut être que dans le chocolat , si on le prend pur il n'y a pas vraiment de contrindications ? qu'en pensez vous !
sabine dit
et autre question
concernant la chicorée , je sais que ce sont les racines qui sont utilisées, mais quid des fleurs ? En ce moment Dame chicorée se drape dans une myriade d'étoiles bleues qui réjouit la vue et je me demandais, question aussi de réjouir mon système digestif , , si ces jolies fleurs avaient des vertus similaires à leurs racines ?
Christophe BERNARD dit
Je ne sais pas, je ne les ai jamais essayé en infusions. Je ne pense pas franchement, il n'y aura pas certains des composants essentiels de la racine (comme l'inuline).
Christophe BERNARD dit
Mes anglicismes... je vais corriger 🙂 Adresser = corriger.
Le café est un amer de type alcaloïde, avec des effets moins marqués pour la tonification de l'estomac, mais un cholérétique et cholagogue néanmoins. Et il est clair qu'un petit café sur la digestion aide beaucoup de personnes à mieux digérer. Donc les résultats ne trompent pas.
Le problème avec le café : son "énergie collatérale", stimulant le système nerveux et cardiovasculaire, et créant des problèmes chez certaines personnes (stress, palpitations, reflux gastrique). Chez ceux qui le supporte bien, le café est un excellent protecteur cérébral, antioxydant, protecteur du foie. Si café de bonne qualité (ça se trouve encore, en magasins bio), car sinon bourré de pesticides.
Le chocolat pur est bien amer, c'est vrai, mais je pense qu'il est lui aussi de type alcaloïde, donc moins complet qu'une gentiane. De plus, le 100% est dur à trouver, et implique la consommation de solide. Mais pourquoi pas !
sabine dit
Merci Christophe
Lorsque vous dites consommation de solide , est ce que cela veut dire que les amers sont plus efficaces pris sous forme liquide ?
Christophe BERNARD dit
Disons que les solides pourraient en quelque sorte interférer avec l'objectif voulu. La plante, sous forme d'infusion ou de teinture, n'apporte aucune calorie, et va agir d'un point de vue thérapeutique pure. Si vous travaillez avec quelqu'un qui souffre de reflux gastrique par exemple, et que vous lui faites consommer une certaine quantité de chocolat 100%, et que cela ne marche que partiellement ou pas du tout, vous ne saurez pas si (1) les amers ne marchent pas ou que (2) les amers fonctionnent, mais la personne a du mal à gérer le chocolat d'un point de vue digestif.
isabelle dit
Article fort intéressant, merci!
J'aime beaucoup le passage qui établit une relation entre consommation d'amers et émotions
A tester!
venezia dit
Quel plaisir de lire cet article! Je suis en effet une inconditionnelle des amers.
Je suis toujours agréablement surprise lors de voyages en Italie de découvrir combien les amers occupent encore une place importante dans son univers gustatif: utilisation de la trévise grillée, ce qui augmente l'amertume de cette salade. Les jeunes artichauts sont aussi très abondamment cuisinés et les Cynar, Fernet-Branca restent très présents dans le moindre bistrot, sans parler des Vermouth, Apérol et autres bitter. Je pense que si l'on veut introduire plus d'amers à table, on gagne à regarder les menus de nos voisins transalpins.
Vous évoquez la camomille: s'agit t'il de la matricaire ou de la camomille noble?
merci pour ce rappel sans amertume
Christophe BERNARD dit
Bonjour Venezia,
Pour la matricaire, soit on infuse longtemps (et en quantité) avec les fleurs, soit on infuse moins longtemps mais en mettant fleurs + feuilles. La camomille romaine est plus amère que la matricaire, donc si l'on recherche l'amertume, je recommande la romaine plus que l'allemande (matricaire).
venezia dit
Merci pour votre réponse. J'utilise beaucoup la matricaire (que j'ai plus sous la main que la romaine) au parfum un peu bonbon anglais. Merci pour l'idée d'en mettre en quantité pour atteindre la note amère!
Christophe BERNARD dit
Et surtout laisser infuser longtemps pour en extirper les amers...
jeanne dit
Comme il est curieux de constater que certains écrits résonnent particulièrement en nous, comme s'ils mettaient en mots ce que nous ressentions sans pouvoir l'exprimer. Cette phrase extraite de l'article ci-dessus illustre parfaitement mon ressenti : "Le fait qu’ils comblent un manque que nous avons longtemps essayé de combler sans succès avec d’autres substances crée une sorte de “clic” – les choses se remettent en place."
Merci pour cet article.
Sur le site de ma pharmacie-herboristerie un article oppose teinture mère "matière première pour fabriquer les dilutions homéopathiques" "s'utilise par gouttes", et teinture officinale "solution médicamenteuse obtenue par action prolongée de l'alcool sur des substances végétales desséchées" "s'utilise par cuillère à café".
Dans votre lettre sur les plantes amères vous conseillez de prendre 20 gouttes de TM angélique et gentiane.
Alors gouttes ou cuillérée?
Christophe BERNARD dit
Bonjour Jeanne,
J'utilise souvent le terme teinture mère, je devrais tout simplement utiliser le terme macérât alcoolique, car le terme TM est plus ou moins domaine de Boiron jusqu'à maintenant.
Bref, gouttes. Pour les amères, ce n'est pas la quantité qui prime, mais la présence du goût amer sur les papilles gustatives. Il y a aussi un effet par contact, mais moins prononcé. Le but est de surprendre le palais. 20 gouttes dans un peu d'eau est souvent largement suffisant.
Catherine dit
Merci Christophe de tous ces partages, vraiment j'adore vos articles !
J'envisage de faire une teinture de brou de noix, avez-vous des conseils sur ce sujet ?
Merci
Catherine
Christophe BERNARD dit
Bonjour Catherine,
Je fais moi aussi de la teinture de brou de noix, excellent produit, anti-parasitaire, astringent et relativement amer on peut dire. Cela donne une belle teinture noire, très concentrée. Bien écraser la brou au pilon puis simplement recouvrir d'alcool, pur si brou fraiche, 50° si brou relativement déshydratée (il peut rester un peu d'humidité, pas très grave). Une fois la brou bien imbibée d'alcool après plusieurs jours, je passe souvent le tout au blender pour augmenter la surface de contact, puis je laisse encore bien 2 semaines.
Catherine dit
Merci Christophe ! A partir de quel moment peut-on utiliser le brou ? J'habite dans le Haut Var à 600 m et les noix sont formées, on peut les éplucher, même si elles ne sont pas encore à complète maturité. Est-ce le moment de prendre l'enveloppe extérieure ou faut-il attendre ? Dernière question pratique : est-ce que vous laissez la peau ?
Merci d'avance, j'ai hâte de passer à l'action !
Christophe BERNARD dit
Bonjour Catherine,
L'enveloppe extérieure doit être verte et en bonne santé. Pas de marron, pas de taches jaunes. Un beau brou d'une belle couleur. S'il le faut, j'utilise un baton pour déloger quelques fruits qui sont toujours sur l'arbre.
Ensuite, prenez des gants (le brou tache) et enlevez l'enveloppe des fruits (laissez la peau), puis pilez-les au pilon afin d'augmenter la surface de contact avec l'alcool. Puis faites une teinture mère d'une manière très simple : recouvrez les brous concassés avec de l'alcool le plus fort possible (au moins 50° si possible).
Une bonne teinture de brou devient marron foncé, quasiment noir. Elle est très forte au goût, presque épaisse, et s'utilise à de faibles doses.
Bonne préparation !
Catherine dit
Merci Christophe, je pars à la cueillette tout de suite !
Don-Mathieu dit
L'Amer icain est vraiment très bien 😉
Mais la question essentielle est de savoir comment gère son temps Christophe pour faire autant de choses et nous les faire partager... Un grand merci !!
Christophe BERNARD dit
Merci Don-Mathieu. Ecrire est un peu comme un petit accouchement pour moi. J'ai bien trop d'idées en tête, il faut que je les laisse filer, et le site est un excellent remède pour cela !
sabine dit
Merci Christophe de nous embarquer dans ce voyage au bout de l'amer !