Myrte commun : désinfectant pulmonaire et urinaire, désinfectant des plaies : (abonnez-vous au podcast ici)
Bonjour, il y a une dizaine d'années, on m'a donné un petit arbuste, un myrte commun. Je l'ai planté contre ma cabane de jardin, côté sud. Et puis je l'ai un peu oublié pendant quelques années et il a grandi tout doucement, il a pris sa place avec un port assez compact et arrondi. On peut dire qu'il occupe bien l'espace en largeur et pas beaucoup en hauteur.
Toujours est-il qu'il m'a tout de suite donné une belle production de feuilles, que j'ai commencé à introduire ces feuilles dans mes mélanges à infusions pour les problématiques hivernales. Et j'ai été agréablement surpris. Dans cet épisode, j'aimerais vous parler de ce que j'ai appris sur ce bel arbuste qui aime beaucoup les jardins du sud.
Un peu de botanique
On commence avec un peu de botanique avant de passer aux propriétés médicinales. Le myrte commun, c'est Myrtus communis, un arbuste de la famille de myrtacées.
Et cette famille-là, on la connait bien dans le monde de l'herboristerie. On y trouve le giroflier qui nous donne les fameux clous de girofle. On a aussi l'eucalyptus qui nous donne des feuilles très aromatiques. Et déjà, avec ces deux, on commence à voir apparaître un profil anti-infectieux très intéressant pour cette famille. Profil qu'on va pouvoir aussi appliquer au myrte comme on le verra dans quelques minutes.
Alors, le giroflier ne pousse clairement pas chez nous, du moins à ma connaissance, c'est un arbre du Sud-Est asiatique. L'eucalyptus arrive à pousser sur la bordure méditerranéenne, dans le Var et les Alpes-Maritimes. Et le myrte commun, lui, est un peu moins difficile peut-être, on le trouve un peu plus largement sur toute la côte méditerranéenne et en Corse. Pierre Lieutaghi explique qu'on trouve deux zones de myrte dans le sud-est. L'une s'étend de la frontière italienne jusqu'à Marseille, et l'autre de la frontière espagnole jusqu'à l'ouest de Montpellier.
Ensuite, plus au nord, je dirais que s'il est en plein soleil, s'il a une terre qui draine bien et qui ne lui crée pas de rétentions d'eau au niveau des racines, c'est peut-être possible. En fonction de la température l'hiver, je le mettrais dans un endroit à l'abri du vent, plein sud, et je lui mettrai un voile d'hivernage si vous avez des hivers froids chez vous. Je pense avoir lu qu'il tolère jusqu'à -10°C occasionnellement. Comme vous pouvez vous en douter, il fait rarement -10°C chez moi.
Par contre, ce que j'ai chez moi, de plus en plus, c'est de la sécheresse, et là je peux vous confirmer que le myrte est très adapté à un été rude et sans eau. Il souffre tout de même, car il peut brunir. Mais il s'en sort. Un peu d'eau de temps à autre, c'est toujours un plus. On peut le cultiver en pot. Et pour la reproduction, on peut faire du marcottage très facilement. On m'a dit qu'il se bouture très bien aussi, mais je n'ai pas encore testé.
Il fait des feuilles ovales, épaisses et coriaces, qui sont opposées deux à deux sur la tige. Les petites fleurs sont très jolies, blanches et bien odorantes, avec un long pédoncule. Elles sont disposées à l'aisselle des feuilles avec 5 pétales, 5 sépales et de très nombreuses étamines. Les fruits sont des baies de couleur bleu-noir à maturité, très aromatiques avec un goût résineux, de la grosseur d'un petit pois.
La partie que l'on va principalement utiliser, c'est la feuille. Et secondairement, le fruit pour préparer une petite liqueur de derrière les fagots, mais ça, ça sera pour une autre discussion. On utilise aussi le fruit en remplacement des baies de genièvre dans certains plats. Pour s'imaginer le goût des fruits, Lieutaghi nous donne cette description : "imaginez un miel de sauge et de laurier, avec une pointe de résine". Et effectivement, on retrouve ces saveurs dans le fruit. Ca vous aidera peut-être à l'associer avec le bon plat. N'oubliez pas que le fruit est très astringent, donc à utiliser avec modération d'un point de vue goût.
Une petite note sur la ramasse des feuilles : dans le reste de cette discussion, je vais supposer que vous avez un arbuste au jardin ou que vous pouvez acheter des feuilles sèches d'une boutique de confiance, avec des feuilles qui ont été ramassées dans l'éthique de la cueillette. Et dans le respect du vivant. Pourquoi je vous dis ça ? Eh bien parce que le myrte est très localisé dans la région sud-est, du coup les ressources naturelles sont limitées. Thierry Thévenin, dans son excellent livre "Le Chemin des Herbes", explique que la plante fait l'objet d'une attention particulière dans la charte des cueilleurs corses
Découvrir le Myrte commun avec ses sens
Allez, on passe aux propriétés médicinales. Si on combine science et tradition, on voit que la plante nous offre une panoplie vraiment très riche de propriétés. Je ne vais pas toutes les passer en revue car parfois on peut se perdre dans des indications un peu obscures. Comme d'habitude je vais essayer de vous parler d'expérience.
D'abord, j'aimerais vous donner quelques clés de découverte. Si on goûte la feuille, qu'on la mâche, on voit bien que le myrte a quelque chose de résineux. En texture, il n'est pas forcément collant de résine, pas du tout même. Mais en goût et en odeur, on reconnait bien ce parfum aromatique et résineux.
Il y a d'autres impressions en bouche. On sent une plante fortement tannique avec cet effet astringent sur les muqueuses buccales. Du coup on commence à voir se profiler des indications de type tonique du retour veineux, de type qui freine les saignements. On sent une certaine amertume du coup on se dit tient, intéressant comme plante tonique de la digestion.
Donc déjà, apprendre à refaire confiance à nos sens. Se reconnecter à nos sens pour réapprendre à faire une certaine lecture, c'est important.
Myrte commun et infections pulmonaires
Mais revenons à la partie la plus intéressante du myrte commun qui est la présence de cet aspect résineux en plus des autres goûts et constituants. La première propriété qui va nous intéresser, c'est son affinité pour les poumons et les bronches. Avec les résineux, faut y penser, tout de suite. Ceci se confirme avec le myrte :
- C'est un désinfectant bronchique lorsqu'il y a infection ;
- Il est mucolytique et expectorant, c'est-à-dire qu'il facilite la production et l'évacuation de mucus. Et cette propriété là est toujours super importante lorsqu'il y a infection car ce mucus permet l'évacuation des déchets immunitaire. Faut pas que ça stagne, faut pas que ça s'accumule, que ça s'épaississe trop. Tout liquide, toute sécrétion du corps doit circuler et ne pas stagner.
Et donc, un peu comme les bourgeons de pin ou de sapin, le myrte peut devenir un excellent allié pour toutes nos préparations hivernales, spécifiquement pour protéger les bronches, et si infection il y a, pour aider notre système immunitaire à faire son travail.
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Fournier nous donne une information vraiment importante ici, il dit que dans la période aigüe et fébrile des bronchites, le myrte serait inutile ou même nuisible. Dans le sens où, à ce stade, tout est très enflammé, mais il n'y a pas grand-chose à expectorer. Donc le myrte pourrait venir trop stimuler et aggraver cette excitation.
Fournier explique qu'on va plutôt l'utiliser quand la fièvre est tombée, que la bronchite a parcouru une partie de son évolution, lorsque l'expectoration est abondante et que peut-être tout le système commence à fatiguer un peu. Là, à ce stade, on vient exciter les fonctions.
Au passage, je vous rappelle que je ne suis ni médecin, ni professionnel de la santé. Je suis juste un passeur d'information. Donc ceci ne remplace absolument pas un suivi médical, ceci n'est pas une prescription. Si vous avez une infection, allez consulter votre médecin bien évidemment.
Du coup, comment j'intègre le myrte dans mes mélanges ? Eh bien ça va dépendre de la situation spécifique. Je trouve qu'il se combine bien avec le thym, la réglisse, l'hysope, l'eucalyptus. Si je veux basculer un peu plus dans l'adoucissant car j'ai peut-être une condition plus allergique qu'infectieuse, il se peut que je me repose un peu plus sur des adoucissantes type bouillon-blanc, mauve, réglisse. Ca va dépendre. Du coup, je l'utilise rarement seul.
Et juste là, très récemment, je l'ai utilisé en combinaison avec de la sauge et du citron. De la sauge car j'avais la gorge bien prise, du myrte car je sentais que ça commençait à descendre dans les poumons. Citron car ça arrondit tous les goûts, c'est super bon, et dans le péricarpe on a des propriétés antiseptiques intéressantes.
Est-ce que j'utiliserais le myrte seul si je n'avais rien d'autre pour une problématique pulmonaire ? Oui, absolument. Et je pense que les auteurs classiques sont là pour nous rappeler que le myrte commun a une certaine efficacité si on le dose bien.
Et pour terminer la partie respiratoire, je précise que Valnet en parle aussi pour les sinusites et otites. Donc un rôle beaucoup plus large sur tout le système respiratoire et ORL.
Infections urinaires
Autre propriété intéressante, le myrte est un bon désinfectant urinaire. Le docteur Leclerc nous rappelle que "le myrtol (qui est l'un des constituants) s'élimine surtout par les bronches et passe aussi dans l'urine". Et va, au passage, nettoyer le système urinaire lorsqu'il y a présence d'un pathogène. Donc on retrouve un peu le même profil que le bourgeon de pin ou de sapin. Et c'est un peu normal car c'est l'aspect résineux qui détermine ce profil commun.
Là encore, pour une infection urinaire, je n'irai pas forcément utiliser le myrte seul, mais le combiner avec une aromatique comme le thym, une antiseptique des voies urinaires comme la bruyère, là on commence à avoir des combinaisons intéressantes.
Applications locales
On passe à d'autres propriétés, maintenant on va se concentrer sur l'application locale de la plante. Eh oui, car là on a une combinaison vraiment intéressante avec l'aspect résineux et astringent.
Valnet explique qu'on peut faire des lavages avec l'infusion sur des plaies purulentes. Je vous rappelle que pour une utilisation externe, en principe on va plus concentrer les préparations. Donc mettre plus de quantité de feuilles sèches par litre. Lieutaghi parle aussi de l'utilisation de la poudre des feuilles sèche sur une plaie.
En local, on peut aussi utiliser le myrte pour des problèmes d'hémorroïdes, pourquoi pas faire un macérat huileux par intermédiaire alcoolique comme je vous ai expliqué dans mes programmes.
On peut utiliser l'infusion en bain de bouche pour des problématiques de gencives.
Préparations et quantités
En ce qui concerne les préparations et quantités à utiliser. La forme traditionnelle, c'est l'infusion. Mais rappelez-vous que la plante est relativement riche en constituants qu'on appelle "terpéniques" et qui ne sont pas bien extraits par l'eau. On va en extraire une partie, mais pas aussi bien qu'avec de l'alcool.
Du coup, la teinture de plante sèche ou fraîche est une bonne forme. Valnet recommande de prendre entre 2 et 4 g de teinture pour les dosages, et si on fait une approximation ici, on peut dire que ça équivaut à peu près à 2 à 4 ml de la teinture. Pas exactement vu qu'il faudrait qu'on fasse une conversion en prenant la masse volumique de l'alcool à un certain titrage, la température ambiante, etc. Trop compliqué pour une utilisation maison, donc cette approximation fera très bien l'affaire, entre 2 et 4 ml, voir un peu plus, disons 5 ml, c'est-à-dire une cuillère à café.
Mais revenons à l'infusion. On trouve cette préparation dans de nombreux ouvrages classiques. C'est une forme qui a été testée et approuvée par la tradition. Donc c'est une bonne forme.
Les quantités pour l'infusion :
- Leclerc : 15 g des feuilles sèches par litre d'infusion (nombre de tasses non spécifié)
- Fournier : 25 g des feuilles sèches par litre, 2 tasses par jour.
Comme je vous ai dit, pour une application externe, personnellement je monterais à une 30'aine de grammes par litre, voir un peu plus.
Donc, on ne va pas se priver de l'infusion. Laissez bien infuser, plus que les 10 minutes traditionnelles, ici laissez bien 15 à 20 minutes. On peut utiliser sur feuilles fraiches, mais je trouve que le processus se fait mieux sur feuilles sèches.
Ceci dit, question : n'y aurait-il pas une manière de libérer un peu plus de substances résineuses dans notre préparation ? Souvenez-vous de l'astuce que j'avais partagé avec vous pour les bourgeons de pin, de sapin ou d'épicéa. Vous placez la plante au fond de la tasse, vous rajoutez un petit filet d'alcool fort si vous en avez, si vous avez la chance d'avoir accès à de l'alcool de consommation à 96° par exemple. Ou sinon un peu de vodka. Juste un petit filet. Ensuite, vous triturez la plante sèche avec l'alcool pendant quelques minutes, vous tournez, vous écrasez. Puis vous laissez reposer quelques minutes. Ensuite, versez l'eau bouillante par-dessus. Vous allez voir la différence.
Si vous regardez la version vidéo de cet épisode, je vous montre 2 tasses d'infusion. A gauche, sans le filet d'alcool. A droite, avec le filet. Vous verrez qu'à droite, le liquide est beaucoup plus trouble, chose que j'explique par une meilleure extraction des constituants résineux. Reste-t-il beaucoup d'alcool dans la préparation ? Non, pas vraiment, on ne sent rien au goût. Mais bon, il va en rester un peu, c'est sûr.
Myrte commun : précautions
En ce qui concerne les précautions d'emploi, je vous dirais que je n'ai rien trouvé dans tous mes ouvrages, rien de connu aux formes et doses traditionnelles.
Il y a des précautions pour l'utilisation de l'huile essentielle de myrte, et parfois on voit des précautions qui sont des extrapolations de l'utilisation de l'huile essentielle. Mais on ne parle pas d'huile essentielle ici. On parle des formes traditionnelles de type infusion ou teintures et là, rien de connu.
Eh bien, c'est terminé pour le myrte commun. Si vous avez la chance d'en avoir au jardin, n'oubliez pas d'en faire une petite provision pour cet hiver. Et ramassez aussi les fruits, je pense que vous trouverez de nombreuses recettes sur la liqueur de myrte, je peux vous dire que ça vient vous titiller juste au bon endroit. À utiliser avec modération, bien sûr !
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Eléanor Pascal dit
Bonjour!
Dans l'article Christophe parle du fait qu'il vaut mieux faire une infusion de 15-20min, pour quelle raison? Pour mieux extraire les résines?
Merci!
sabine dit
bonjour Eléanor
oui vu que les feuilles sont riches en terpènes , laisser infuser plus longtemps permet d'extraire un peu plus de constituants
Jérôme JEANNE-BROU dit
bonjour, merci pour votre travail . Concernant les propriétés des myrthe pouvez vous me dire si vous faite une différence entre Myrthus communis ssp communis et Myrthus communis ssp Tarentina.
bien cordialement
Jérôme
sabine dit
bonjour Jérôme
désolée mais j'ai demandé à Christophe et lui non plus ne connait pas
Gilson Eliane dit
christophe, après avoir lu votre article, je l'ai envoyé à ma belle-fille qui avait une infection des bronches, cela lui a fait penser qu'elle en avait ramené de Cavalaire et mis ds l'alcool...et oublié
j'ai gouté un petit verre mais quel arôme , un vrai délice et bon remède....
Ann dit
Merci beaucoup pour tous ces beaux renseignements Christophe (et pour ce mail si "pays du Sud" qu'on en sourit...et j'y suis, dans le Sud -mais pas en Corse-, c'est tout à fait ça !)
Je vais regarder attentivement, je me demande si j'ai de la myrte, en fait ...j'ai du pistachier lentiscus, ça, c'est sûr, c'est inratable, du coup, j'ai l'impression que la myrte lui ressemble terriblement. Je vais voir ça de plus près.
Et au fait, peut-on faire des préparations de gemmothérapie avec ????
Merci mille fois en tous cas
sabine dit
bonjour Ann
je ne l'ai pas sur ma liste des bourgeons utilisés , mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas intéressants, à expérimenter 🙂
Dinosaurus dit
Par curiosité, je suis aller voir sur Wikipédia "casgiu merzu". La façon dont Christophe en parle était...alléchante... L'article, peu long par ailleurs, est sans langue de bois ! Oh p**** ! Ce que j'ai préféré, vers la fin: "ne peut pas être commercialisé, ne correspond pas aux normes européennes"...... Ah bon ???!!!
Si des générations de Corses en ont mangé et en mangent encore, c'est bien que l'homo prétendument sapiens est un animal plus robuste que l'on s'imagine, malgré l'acharnement des corps médical et pharmaceutique réunis et toutes les cases où on veut le faire entrer !
Merci pour vos articles que je lis toujours avec beaucoup d'intérêt.
Dinosaurus.
NATHALIE MOREL dit
Merci pour le partage.
A quelle période peut-on ramasser les feuilles, toute l'année ou c'est mieux au printemps ?
sabine dit
bonjour Nathalie
Thierry Thevenin dans son ouvrage :" le chemin des herbes " explique je cite : la cueillet s'effectue d'avril à octobre, la partie prélevée est la partie aérienne (jeunes repousses)...."
Julie dit
Bonjour Christophe,
Le semis de myrte se fait très bien aussi !! C'est sans doute un peu plus long, mais c'est toujours un plaisir de les voir grandir !
Belle journée, et merci pour ce super article !
Jean-François Lestrade dit
Bonsoir, pour extraire efficacement les constituents résineux du myrthe, la décoction ne serait-elle pas un bon moyen ?
sabine dit
bonjour Jean François
et non l'eau n'est pas un bon solvant pour les résines
Gras Daniel dit
consommer avec modération, ça va sans dire.