Primevère officinale (Primula veris)

 

Primevère officinale : stress, sommeil, bronchites : (abonnez-vous au podcast ici)

Qu’elle est jolie cette petite primevère officinale ! On la trouve sur quasiment tout le territoire, elle fleurit au printemps avec ses magnifiques petites fleurs jaunes, on peut faire de petits bouquets avec, et puis on peut apprendre à la découvrir comme remède ancestral. C’est ce que je vous propose de faire dans ce nouvel épisode.


Un peu de botanique

La primevère officinale, on l’appelle aussi primevère coucou, ou juste coucou. Son nom latin, c’est Primula veris. « Primula » vient du latin « Prima », qui veut dire « Premier ». Veris, c’est le printemps. Donc la première du printemps, c’est l’une des premières fleurs que l’on va voir apparaître dans nos campagnes. Et on est content de la voir, cette belle fleur jaune, elle nous fait penser au soleil et aux beaux jours qui arrivent.

Elle appartient à la famille botanique des Primulaceae. C’est une plante vivace. C’est-à-dire que si vous la plantez au jardin, elle va ressortir chaque année. Notez au passage que vous avez de très nombreuses primevères décoratives qui sont de différentes couleurs. Ici on parle spécifiquement de Primula veris, c’est elle qui a été utilisée dans notre tradition, ne faites pas l’erreur de confondre avec d’autres primevères.

Notre cher Paul-Victor Fournier, botaniste qui nous a laissé de très beaux ouvrages sur les plantes, nous rappelle que certaines espèces de primevère sont toxiques. En revanche, certaines comme la primevère élevée, Primula elatior, sont probablement utilisables de la même manière que Primula veris. Fournier nous parle aussi de Primula acaulis, la primevère acaule, ou primevère des jardins, car c’est en principe celle que vous verrez dans les jardins d’un point de vue décoratif, et qui a probablement les mêmes propriétés. On l’appelle aussi Primula vulgaris.

Mais on va simplifier. Dans le reste de cette discussion, on va s’en tenir uniquement à Primula veris, c’est plus prudent, c’est celle que vous allez trouver dans les herboristeries de toute manière.

Primevère officinale : la première fleur du printemps

Vous allez la trouver où exactement cette primevère officinale ? Dans les prés, les pâturages, le bord des chemins, dans les clairières, de la plaine à la montagne. Elle n’est pas très courante chez moi en Provence mais j’arrive à en trouver, il faut aller la chercher dans des endroits bien frais dans les sous-bois car elle tolère mal le climat chaud et sec.

Vous n’allez pas la voir pendant l’hiver. Mais vers la fin de l’hiver, vous allez voir une rosette de feuilles apparaitre, elles sont de couleur vert clair, elles ont cette apparence comme froissée, plaquées au sol. Puis une tige va apparaitre au centre de la rosette et va donner un groupement de fleurs qui sont toutes attachées au même point. Les fleurs sont gamopétale, c’est-à-dire que les pétales de couleur jaune sont soudées, et vous allez voir 5 taches oranges réparties tout autour de la fleur, c’est vraiment super joli.

Le calice est gamosépale en forme de tube, donc ça c’est la partie verte de la fleur. Et pour employer des termes non botaniques, la fleur ressemble à une petite trompette jaune tachetée d’orange qui est située dans un tube vert.

Je vous donne une magnifique citation de Marie-Antoinette Mulot : Quand on va « aux coucous » au printemps comme « on va aux jonquilles », ce n’est pas seulement pour faire entrer le printemps dans la maison par les bouquets que l’on apporte. Elle nous apporte d’autres choses bien sûr, et on va mêler l’utile à l’agréable.

Primevère Officinale


Primevère Officinale : un peu d’histoire

En ce qui concerne l’utilisation de la primevère officinale dans les vieux écrits sur les plantes, on ne trouve pas grand-chose dans les civilisations anciennes. Et en fait, on m’avait dit que c’est probablement parce qu’elle ne pousse pas en Grèce ou en Italie, donc évidemment qu’on ne va pas trouver grand-chose dans les vieux écrits des civilisations grecques et romaines. Mais en fait, comme nous l’explique Fournier, on trouve la primevère acaule dans ces pays-là. Donc pourquoi aucune mention ? On ne sait pas trop.

On la trouve par contre dans les écrits du Moyen-Age. Sainte Hildegarde de Bingen en parle contre la mélancolie, et ici il faut voir un certain état de tristesse. Elle en parle aussi pour des situations beaucoup plus sérieuses comme l’apoplexie ou la paralysie… d’ailleurs on l’appelait « l’herbe à la paralysie » et je n’ai pas le contexte ici, je ne sais pas ce que les auteurs entendaient par-là.

Du côté français, elle va se prendre un coup de pied aux fesses dans les années 1800 avec Cazin qui estime que la plante pourrait disparaître de notre pharmacopée et qu’elle ne manquera à personne ! Je suppose qu’il a du l’essayer sans succès.

Et puis finalement, dans les années 1900, on voit un très clair regain d’intérêt dans certains hôpitaux, ou par certains médecins, pour toute problématique pulmonaire, et ça on va en reparler très bientôt. Ce n’est pas une plante médicinale très connue aujourd’hui et c’est bien dommage, on gagnerait vraiment à la redécouvrir parce qu’elle est très présente dans nos écosystèmes et qu’elle a cette grande utilité pour toutes les affections hivernales qui vont toucher les bronches.


Utilisation des fleurs de primevère officinale

Mais avant de parler de bronches, on va parler du système nerveux. Et on va parler de l’utilisation des fleurs. Et là, je vais faire une grossière simplification. Pardonnez-moi, mais ça va vous aider à ancrer certaines informations. On va dire que la fleur, c’est la partie qui travaille tout en douceur pour calmer le système nerveux. Et la racine, c’est la partie qui travaille avec force sur le système respiratoire.

Du côté anglais, voici ce que Maud Grieve nous dit au sujet des fleurs de primevère. Maud Grieve, si vous ne la connaissez pas, c’est une dame qui a fait un travail assez admirable au début des années 1900. Elle a écrit un ouvrage qui s’appelle « A Modern Herbal », c’est-à-dire un herbier moderne. Et je peux vous dire que pour le début des années 1900, c’était définitivement moderne, et surtout un travail encyclopédique sur les plantes assez remarquable. Cet ouvrage est disponible gratuitement sur un site internet aujourd’hui, sur ce lien : http://botanical.com/

Vous voyez, cet ouvrage, c’est l’équivalent de notre Paul-Victor Fournier « Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France ». Et vous savez Ô combien j’ai le Fournier en grande estime.

 


Fleurs pour le système nerveux

Au sujet de la primevère officinale, Grieve nous dit que dans les temps anciens, c’était un remède très apprécié pour renforcer les fonctions nerveuses et cérébrales, et pour soulager l’agitation et l’insomnie. Donc qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? Pourquoi est-ce qu’on irait renforcer les fonctions nerveuses alors qu’on est déjà stressé par exemple ? Est-ce qu’on ne va pas, du coup, empirer les choses ?

En fait non, pas du tout, ce qu’il faut comprendre ici, c’est que lorsqu’on a un peu trop tiré sur la ficelle, lorsqu’on a été stressé pendant une certaine période, à un moment le système nerveux va accuser le coup. Physiquement on peut se sentir très fatigué, et émotionnellement, on peut se sentir très fragile. C’est comme si tout à coup, le système nerveux n’avait plus assez de ressources pour faire face. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre « renforcer les fonctions nerveuses ». Pour donner, à nouveau, une certaine énergie au système nerveux, plus stable cette fois.

On peut l’utiliser aussi dans les phases d’excitation, donc avant d’en arriver à cette fatigue nerveuse et émotionnelle. Elle a des propriétés calmantes, anxiolytiques, sédatives dans les phases de stress aigu. Je ne vais pas vous dire que c’est nécessairement la plus efficace dans mon expérience, mais on peut la rajouter dans des mélanges, la combiner avec des fleurs d’oranger par exemple, des sommités fleuries d’aubépine, des inflorescences de tilleul. Faire un mélange à infusion uniquement avec des fleurs, qui va apporter cette énergie très douce, très florale.


Pour les maux de tête

Maud Grieve en parle pour les maux de tête aussi, et la positionne au même niveau que la bétoine de ce point de vue-là. D’ailleurs, c’est une utilisation qu’on retrouve du côté français, avec une indication pour les migraines d’origine nerveuse. Donc dans cette situation, pourquoi ne pas combiner fleurs de primevère et feuilles de bétoine par exemple.

primevère officinale


Et pour mieux dormir

Vous allez voir les fleurs de primevère dans les mélanges pour apaiser un sommeil un peu trop agité. Là encore avec d’autres plantes qui ont une action légèrement sédative. Pourquoi pas l’aspérule odorante. Pourquoi pas un peu d’inflorescences de tilleul là encore. Ou de lotier corniculé.


Primevère officinale et bronches

Bon, maintenant qu’on a fait un bon petit tour d’horizon de l’utilisation des fleurs, on va parler de la racine. La première fois que j’ai récolté des racines, j’ai vraiment été surpris par cet aspect bien aromatique des racines. Il y a un petit parfum anisé. Les racines vont avoir une affinité particulière pour les bronches. C’est-à-dire qu’on va en faire une teinture, d’ailleurs je recommande d’utiliser les racines fraîches si vous avez de l’alcool fort. On peut faire aussi une teinture des racines récemment séchées. Ou faire une décoction des racines.

L’effet sera expectorant. Et c’est une action qui semble se faire au travers de substances qu’on appelle saponosides. Saponosides, ça fait penser à savon, et c’est voulu, car ce sont des substances qui font mousser l’eau. On retrouve des saponosides dans la saponaire officinale, qui est bien connue pour ses propriétés tensioactives. On pense que les saponosides (qui sont irritants pour le système digestif, ça il faut le savoir) vont aussi aller irriter le système respiratoire.

Et on pense que cette irritation va être communiquée de l’estomac vers les poumons. Ces deux organes sont connectés par le même nerf, le nerf vague, qu’on appelait avant le nerf pneumogastrique, un nom qui avait l’avantage justement de nous rappeler que poumons et tube digestif sont connectés par le même nerf. Donc imaginez vous ces saponosides qui vont aller irriter l’estomac, cette irritation est communiquée par le système nerveux vers les poumons, qui vont recevoir ce signal d’irritation et se réveiller. C’est comme un petit coup de pied lorsqu’on est un peu fatigué. Ca réveille. Le résultat, une expectoration. Quelque chose de bienvenue lorsqu’en fin d’infection la personne n’a plus la force de bien faire remonter les déchets, et donc il y a stagnation, et ça c’est pas bon du tout.

N’oubliez pas que je ne suis pas médecin, je ne suis pas pharmacien, en cas d’infection vous consultez votre médecin pour ne pas faire n’importe quoi bien évidemment.


Utilisation externe

On peut faire une utilisation externe avec la décoction de la racine de primevère officinale. Dans notre tradition, on voit une utilisation pour les contusions, les ecchymoses. On préparait aussi un macérat huileux avec les fleurs, et on l’utilisait pour les inflammations de peau, les petites égratignures, les brûlures.


Formes et dosages

Pour les formes et les dosages, on trouve chez le docteur Valnet :

  • Décoction de la racine : 1 cuillère à dessert par tasse, bouillir 2 minutes, infuser 10 minutes, 3 tasses par jour entre les repas. Chez le docteur Leclerc, c’est 5 à 6 g des racines concassées pour une tasse de 200 ml d’eau.
  • Infusion des parties aériennes coupées ou simplement des fleurs : 1 cuillère à dessert par tasse, infuser 10 minutes, une tasse après les repas
  • Pour une application externe des racines, 100 g des racines sèches pour 1 litre d’eau que l’on va faire réduire d’1/3 avant d’appliquer en compresses, spécifiquement pour les contusions

Précautions

Pour les précautions d’emploi :

  • Il peut y avoir des allergies à la plante. Les ouvrages mentionnent que les allergies sont rares avec les espèces indigènes mais plus fréquents avec les variétés horticoles.
  • Les racines peuvent être irritantes pour le système digestif comme je vous ai expliqué, et peuvent provoquer nausées et diarrhées si on en prend trop ou si on y est très sensible

Voilà, c’est tout ce que j’ai à vous dire pour la primevère officinale, et franchement, c’est déjà pas mal. J’espère que vous allez la croiser au détour d’un chemin, dans la fraicheur d’un sous-bois. Et peut-être qu’à ce moment-là, elle sera d’accord pour vous céder quelques-unes de ses jolies fleurs. N’oubliez pas de lui envoyer votre gratitude.

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34 réponses

  1. Bonjour j’ai une question à propos du macérât huileux de primevères, par I. A où macération ? Peux t on utilisé les racines aussi ?
    Merci pour tout ce que vous faites C’est précieux

    1. bonjour Estelle
      oui on peut utiliser les racines , après je n’ai jamais testé par intermédiaire alcoolique pour une racine

  2. Bonjour,

    Quels dosages préconisez vous pour la teinture des racines fraîches de primevère afin d’obtenir un effet expectorant ?

    Merci d’avance et bonne journée !

    1. bonjour J
      Dans les 1 à 2 ml par prise pour obtenir un effet expectorant. Donc on tourne dans les 25 à 50 gouttes.

    1. bonjour Lorraine
      à ma connaissance et d’après le Fournier il y en a 3 qui sont utilisées traditionnellement : l’officinale, l’acaule et la primevère élevée
      pour les autres je ne sais pas , je n’ai rien trouvé de probant

  3. Très intéressant, j’en ai plein autour de chez moi et je ne connaissais pas ses vertus médicinales..

  4. tiens , ici , en Ardeche , les primeveres sauvages ne ressemblent pas à ces « coucou » .. plutot aux primeveres cultivées ms en jaune pale et plus « tendres » .. est-ce moi qui ne les trouve pas ? c’est etrange car je regarde partout et ne les ais pas remarqué ..

  5. coucou Sabine, je rebondis sur la question de Daniela. Séchée = mêmes propriétés ou elle en perd comme la mélisse ? grand merci

      1. Re-bonjour sur ce même article! Je viens de lire cette information concernant le séchage de la racine de primevère. Ma question de départ concernait les fleurs, mais en lisant cette phrase je me disais qu’il s’agit peut être d’une info intéressante, même si je ne comprends pas vraiment ce qu’elle veut dire… « La dégradation enzymatique de la primulavérine au cours du séchage de la racine donne naissance à des principes aromatiques, comme l’ester méthylique de l’acide 5-méthoxy-salicylique. » (WikiPhyto)

  6. Bonjour,
    du coup, chez moi, dans le jura, il y a beaucoup de primevères élevées, ont-elles les mêmes propriétés que leurs cousines officinales qui sont effectivement protégées et pour tout dire introuvables ?
    merci d’éclairer ma lanterne.
    Bénédicte

  7. Bonjour, je suis étonné que Christophe ne cite pas le mélilot officinal dans le paragraphe «  et pour mieux dormir », plus efficace selon moi que le lotier corniculé et plus facile à avaler.

    Bonne continuation et merci

    Un emmerdeur

  8. Bonjour Christophe, décidément vous vous promenez au niveau des pâquerettes, entre la petite violette et la petite primevère…. et moi, je me suis propulsé au niveau des pissenlits pour observer la morphologie des « primevères » qui poussent dans mon jardin et constater avoir tout faux car, à part les feuilles, elles n’ont aucune ressemblance pour ce qui est des fleurs sauf qu’elles sont également les premières à avoir émergé les matins frisquets et même sous la neige et les glaçons, mais pour ce qui est du reste, c’est bien loin d’être ressemblant… En fait, j’ai entretenu depuis plusieurs années des primevères d’opérettes, simplement décoratives mais qui ressurgissent toujours chaque année teintées de jaune pale, de roses ou de pourpres, sans les avoir semé ni invité à se reproduire dans mon jardin…. Il va falloir que je recherche leurs cousines naturelles dans quelques terrains sauvages, et d’en prélever quelques plants pour les acclimater chez moi… (j’avais déjà eu cette surprise avec de magnifiques massifs de millepertuis qui se développaient in situ mais qui n’en avait que le nom et la marque de leur producteur, celle d’une jardinerie qui ne mérite pas d’être nommée…)…Vous êtes réellement un garant des plantes naturelles contre l’artificialisation de bon nombre d’entre elles et leur manipulation génétique qui fait disparaître leurs bienfaits et les rend stériles à des fins médicinales….

  9. merci pour votre nouvelle lettre toujours pleine d humour qui va bien, je connais beaucoup les primevéres en normandie il en a à profusion mais je ne connaissais pas ses vertus médicinales je l èssaierai pour dormir merci

  10. Bonjour

    je ne vois pas le lien vers le livre de Maud Grieve.
    Merci pour vos video source de connaissance dont on a bien besoin

  11. Bonjour Christophe, Merci beaucoup pour vos vidéos et articles vraiment riches en infos utiles !
    Dans ma région (la Franche Comté) la primevère officinale est protégée : il est interdit de la cueillir (tout comme en Suisse il. me semble).

  12. Super ces infos sur le coucou! J’adore cette fleur printanière. D’où vient son nom? de l’oiseau qu’on entend parfois dans les bois?

    1. bonjour Clara
      d’après la définition botanique du dictionnaire , ce sont « des plantes à fleurs jaunes, désignant soit la primevère officinale, soit le narcisse des bois et des prés, etc., qui ont pour trait commun de fleurir au printemps lorsque le coucou commence à chanter. // dans le folklore populaire : « À l’approche de l’équinoxe de printemps, les jeunes filles (Berry) vont cueillir des primevères, dites coucous, dont elles font de grosses boules d’un jaune éclatant qu’elles se lancent en chantant : … P.-L. Menon, R. Lecotté, Au village de France,t. 1, 1954, p. 51.

  13. christophe, quel bonheur de lire vos lettres qui nous font sourire et nous apporte la connaissance de la nature…

  14. Bonjour et merci pour cet article sur le coucou ! Il en a pas mal en ce moment autour de chez moi! Est-ce qu’on peut faire sécher facilement les fleurs de la primevère pour en faire des infusions plus tard, au besoin? Merci !

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