Connue depuis l'antiquité pour ses puissantes propriétés diurétiques, la baie de genièvre est aujourd'hui beaucoup plus consommée dans le fameux gin que dans les infusions médicinales. Dans cet article, je vous propose de renverser cette tendance.
Le genévrier pousse dans quasiment toutes les régions du monde, vous en trouverez probablement près de chez vous. La ramasse est un peu délicate à cause de son tempérament piquant ! Mais je vous explique plus bas comment contourner ce problème.
Le genévrier oxycèdre ou genévrier cade (Juniperus oxycedrus) est utilisé d'une manière interchangeable avec J. communis. Lieutaghi explique que “les fruits et les feuilles de l'oxycèdre s'emploient comme ceux du genévrier commun ; peut-être sont-ils même plus actifs”. C'est en tout cas mon expérience car l'oxycèdre est très abondant chez moi en Provence.
Attention : si vous voyez des feuilles en écailles, vous avez affaire à un genévrier toxique - genévrier Sabine (Juniperus sabina) ou genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea).
Nom commun : Genévrier
Nom latin : Juniperus communis, J. oxycedrus
Famille : Cupressaceae
Constituants (baies) :
- Huiles essentielles, de 1 à 4% (terpinène-4-ol, α- et β-pinène en particulier)
- Sucres (oligosides), de 15 à 30%
- Résines, environ 10%
- Protéines, 4%
- Lactone (principe amer) : Junipérine
- Tanins condensés (proanthocyanidols)
- Flavonoïdes : rutine, quercétine, apigénine, etc.
- Vitamine C
- Minéraux (soufre, cuivre, cobalt, etc.)
Goût :
- Epicé
- Acre
- Doux
- Huileux
- Légèrement amer
Energétique :
- Réchauffante
- Asséchante
Il est d'ailleurs intéressant de noter que Cazin recommande le genièvre pour ceux qui habitent dans des régions humides et froides afin de se protéger contre les maladies infectieuses. Cela colle bien avec son tempérament énergétique.
Utilisation du genièvre
Il est moins usité qu'il ne devrait l'être. Il le serait d'avantage s'il était moins commun.
C'est la triste vérité. Au plus une plante médicinale est commune, au plus on la dénigre. Et pourtant, le genièvre renferme une puissance peu soupçonnée aujourd'hui.
La clé d'utilisation réside dans son tempérament réchauffant et asséchant. On va donc plutôt l'employer dans les conditions anciennes, chroniques, des conditions considérées comme “froides”. Pareil pour les conditions “humides” avec rétention de liquide et sécrétions atoniques de mucus. On ne parle pas ici de la sécrétion abondante qui accompagne l'inflammation aigüe, mais du suintement lent de la condition chronique.
Diurétique
Le genièvre est un puissant diurétique. On l'utilise dès que le corps à du mal à évacuer un excès d'eau. Ceci s'exprime souvent par des rétentions d'eau, en particulier dans la partie inférieure du corps - cuisses, chevilles, pieds (ref : Wood).
On va aussi l'utiliser pour toute condition qui bénéficie d'une irrigation accrue des reins afin de balayer la zone : infections urinaires ou pour faciliter le passage de petits calculs.
Mais là où le genièvre se distingue, c'est dans sa capacité à désinfecter le système urinaire. C'est l'un des antiseptiques urinaires les plus puissants. Et c'est probablement l'une des seules plantes qui puisse faire une différence dans un cas d'infection urinaire résistante aux antibiotiques (ref : Buhner). Notez-le car si une telle situation vous arrive, le genièvre peut faire toute la différence. A utiliser sous forme de teinture ici.
Dans ce contexte d'infection urinaire, le genièvre s'associe bien à la busserole (Arctostaphylos uva-ursi), la bruyère cendrée (Erica cinerea), le karkadé (Hibiscus sabdariffa), le thym (Thymus vulgaris), etc. Le genièvre va souvent faire la différence lorsque les infections deviennent récurrentes et chroniques. Elle ne remplace pas les autres plantes, busserole et compagnie, mais elle se combine avec pour rajouter de la force au protocole.
On peut aussi l'utiliser pour les blennorragies car, là encore, la plante est fortement antibactérienne.
Sphère utérine
Le genièvre a été traditionnellement utilisé pour les aménorrhées (absence de règles) ou dysménorrhées (règles douloureuses). La plante n'est pas aussi efficace que l'armoise commune (Artemisia vulgaris) pour l'aménorrhée ou l'achillée millefeuille (Achillea millefolium) pour la dysménorrhée, mais donnez-lui une chance si vous n'avez pas accès aux deux autres.
On l'utilise aussi pour les leucorrhées (sécrétions vaginales, glaires). A ce sujet, Cazin nous dit : “J'ai vu des leucorrhées anciennes avec débilité des voies digestives [...] céder à l'usage d'une forte infusion aqueuse ou vineuse de baies de cet arbuste.”
Bronches
Comme toute plante riche en résines, le genièvre est un désinfectant pulmonaire efficace. De plus, il est fluidifiant bronchique et expectorant et se combine bien avec d'autres plantes pour les bronches comme l'hysope (Hyssopus officinalis), le thym (Thymus vulgaris) ou le marrube (Marrubium vulgare).
L'huile essentielle est excellente en inhalation pour les infections respiratoires rebelles.
Pour être plus spécifique, j’aime beaucoup comment Cazin la positionne, Cazin qui était médecin dans les années 1800 et qui a beaucoup utilisé les plantes locales des campagnes. Il la positionne pour les problématiques chroniques, donc des conditions des poumons qui trainent. Il parle de son utilisation dans les zones froides et humides, des régions dans lesquelles on avait souvent des problèmes chroniques de poumons dans le passé.
En termes d’énergétique des plantes, on voit ici l’association d’une plante de nature chaude et sèche, typique des résineuses, pour des conditions froides et humides, des conditions qui trainent et dans lesquelles l’organe est fatigué et froid. La personne a peut-être eu une bronchite il y a quelques semaines, mais elle est toujours faible, il y a toujours un peu de toux grasse, les choses ont l’air de stagner, le plus gros de l’infection est passé mais il reste quelque chose et on n’arrive pas à résolution.
On peut utiliser le genièvre dans ce contexte, associé au thym, à l’hysope, au marrube, à d’autres résineuses comme le bourgeon de pin, etc
Digestion
Voici un autre domaine où le genièvre excelle.
Il agit sur les digestions paresseuses, les incapacités à digérer tout ce qui est un peu dense, les protéines et les graisses en particulier. Utilisez-le si vous avez l'impression que la digestion stagne pendant des heures au moindre écart avec douleurs intestinales et une forte production de gaz. Il est en particulier utile chez la personne âgée (les sécrétions gastriques diminuent avec l'âge).
Ses huiles essentielles créent une légère irritation des organes digestifs, ramenant la circulation et donc la fonction vers ces organes. Les huiles éliminent au passage certaines bactéries et levures responsables de la production de gaz.
Au final, c’est un excellent un anti-fermentation et antiputride intestinal, il ralentit les fermentations des glucides que l’on retrouve surtout dans le colon droit, et la putréfaction des protéines que l’on retrouve surtout dans le colon gauche, en particulier lorsque le système digestif n’a pas pu faire tout le travail en amont au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle.
Pour relancer la digestion, combinez le genièvre avec une amère de type gentiane (Gentiana lutea) ou petite centaurée (Centaurium erythraea). La combinaison des deux fera toute la différence. Ces plantes sont prises 10 minutes avant le repas, sous forme de teinture dans un peu d'eau, à faire pendant plusieurs semaines car relancer la machine prend un peu de temps.
Douleurs articulaires
Le genièvre est un évacuateur de l'acide urique et autres toxines responsables des douleurs articulaires (ref : Valnet).
Leclerc la combine avec la prêle (Equisetum arvense) pour les arthritiques dont la fonction rénale a besoin d'être stimulée, la prêle étant une excellente diurétique riche en silice et apportant donc l'un des matériaux de construction pour l'os et le cartilage.
De bonnes combinaisons aussi avec la feuille de bouleau (Betula pendula) et la feuille de cassis (Ribes nigrum), bouleau pour l’aspect dépuratif et cassis pour l’aspect anti-inflammatoire.
Usage externe
La plante sèche pulvérisée (les feuilles en particulier) peut être saupoudrée sur une blessure afin de résoudre ou prévenir une infection. Passez la feuille au moulin à café au dernier moment, passez la poudre à la passoire (celle utilisée pour les infusions par exemple) et utilisez la poudre tamisée.
Précautions
N'utilisez pas le genièvre si vous êtes enceinte (il stimule les contractions utérines) ou si vous allaitez.
D'après les ouvrages classiques, la plante a une action irritante sur les reins si on l'utilise trop longtemps ou à des doses trop fortes. La plante est contrindiquée dès qu'il y a irritation du tissu rénal, sang dans les urines, néphrite, etc. En suivant cette logique, elle serait donc contrindiquée dans le passage des calculs rénaux qui abiment la structure du rein, alors qu'au contraire la tradition l'utilise pour cela.
Buhner réfute cette contrindication, à priori retracée à une seule étude administrant de fortes doses d'huile essentielle chez l'animal. Chez l'adulte à doses normales, Buhner explique que les risques d'irritation sont exagérés et ne devraient pas être pris en compte. Cela corrobore les observations des thérapeutes aujourd'hui. Voir aussi article (en Anglais) de Paul Bergner à ce sujet (basé sur les recherches de Mills & Bone).
Préparation du genièvre
Parties utilisées
On cueille la baie noire qui a parfois 2 ans d'âge, souvent 3 ans, car la baie est longue à murir sur la plante. C'est pour cela que l'on voit sur les genévriers à la fois des baies vertes et des baies mures.
Les fruits noirs ont un goût caractéristique : âcre et sucré. On les récolte en octobre ou novembre. Ramasser une quantité suffisante entraine de nombreuses perforations de doigts. Dans certaines régions où la plante croit abondamment, on peut couper des branches et les taper dans un seau afin d'en faire tomber les baies. On peut aussi fouetter les branches au-dessus d'un parapluie renversé (ref : Lieutaghi).
Eliminez ensuite les débris en faisant sauter les baies et en soufflant énergiquement, puis faites sécher sur une grille en une couche (n'empilez pas les baies les unes sur les autres). Conserver dans un bocal hermétique lorsque la baie est bien sèche.
Les jeunes pousses séchées sur une claie, coupées en petits morceaux et conservées dans une boite fermée, constituent un excellent thé (Valnet). On les coupe à la floraison.
Ma préparation préférée, celle que je trouve la plus efficace, est la teinture de baies fraiches et feuilles terminales. Je coupe donc les pointes des branches riches en fruits et feuilles, je les coupe finement et je les mets à macérer fraiches dans l'alcool. Voir section suivante.
Formes utilisées
- Teinture
- La teinture des fruits + feuilles terminales est la forme la plus efficace. Je les teinture frais au 1:2 avec de l'alcool à 90°.
- Vous pouvez aussi les teinturer secs au 1:5, alcool à 75° (taux d'alcool élevé car présence de résines). Si vous ne désirez teinturer que les fruits secs, utilisez ces mêmes proportions et taux d'alcool.
- Infusion
- Des fruits secs
- Fruits consommés entiers
Note sur l'huile de cade : elle est obtenue par distillation sèche et lente, à l'abri de l'air, du bois des vieux arbres, des branches et des racines de l'oxycèdre. Son utilisation est surtout vétérinaire : dermatose chez l'animal - eczéma, psoriasis, gale. On peint l'huile de cade sur le problème.
Doses
- Teinture
- 15 gouttes dans une infusion après les repas (Valnet).
- 20 à 40 gouttes (Moore).
- Prise avant le repas pour relancer une digestion difficile combinée à une amère, après le repas pour calmer crampes et flatulences.
- Infusion
- 20 à 30 g de fruits concassés par litre ou une cuillère à café par tasse, 3 tasses par jour (Valnet).
- Fruits entiers
- Gestion de la glycémie : moudre chaque jour une dizaine de baies et les absorber avec de l'eau (Valnet)
- Digestion :
- 15 à 20 baies à la fois (ref : Cazin)
Références
- Cazin, « Traité Pratique et Raisonné des Plantes Médicinales Indigènes », 1868
- Faucon, Michel, « Traité d'aromathérapie scientifique et médicale - Fondements et aide à la prescription » , 2015
- Leclerc, « Précis de Phytothérapie », 1973
- Lieutaghi, « Le Livre des Arbres, Arbustes et Arbrisseaux », 2004
- Moore, Materia Medica
- Valnet, « La Phytotherapie », 2001
- Wood, Matthew, « The Earthwise Herbal: A Complete Guide to New World Medicinal Plants », 2009
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Léane dit
Bonjour!
J'ai lu 2 fois, plutot dans des vieilles revues, que le macérat huileux de baies étaient utilisés en remède paysan pour lumbago, voire "mal de dos en général" et douleur articulaire en externe. Je ne trouve pas vraiment de ressources claires là-dessus. Ca vous dit qqch?
Merciiii :*)
sabine dit
Bonjour Léane
j'ai aussi trouvé cette information dans le livre Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France de Paul Victor Fournier.
Mais je n'en ai pas l'expérience.
maufroy dit
Bonjour! J'ai recemment entendu parler d une cure de cones ...1 cone à J1, 2 à J2, ....21 à J21 puis Resdescendre 20 Cones à J20 et ainsi de suite. Est ce une pratique commune en herboristerie pour redonner un bon coup de fouet ? Merci d'avance pour votre reponse 🙂 Belle journee à tout le monde
sabine dit
bonjour Maufroy
désolée mais je ne connais pas , j'ai entendu parler de cette méthode mais je n'en ai pas de retour