Comment faire une teinture par percolation ?
Cet article est destiné aux personnes désireuses de s’instruire sur cette méthode de préparation qui n’est, à ma connaissance, pas utilisée à petite échelle. Pour une méthode plus simple (la macération), voir l'article à ce sujet.
Mais tout d'abord, je vous conseille de regarder cette vidéo, qui vous fournit les instructions d'une manière visuelle (note : la vidéo pour la pulvérisation des plantes se trouve ici).
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Faire une teinture par percolation
La percolation, encore appelée lixiviation dans le monde de la chimie, a été introduit dans l’herboristerie dans les années 1800. Aux US, ce sont les frères Lloyd, des petits génies de la pharmacie, qui ont mis au point les premières machines pour percoler à grande échelle, avec différents étages pour l’introduction des différents solvants.
Une percolation consiste à préparer un marc de plante broyée et humidifié préalablement de solvant, le placer au fond d’un cône à percolation, verser une colonne d’alcool par-dessus, et laisser percoler à raison d’environ 1 à 2 gouttes à la seconde.
Un cône de percolation est en verre. La meilleure manière de se fabriquer un cône de percolation maison est de couper le fond d’une bouteille d’1.5 litres en verre, avec un bouchon qui se visse sur le goulot pour contrôler le débit de la percolation. Voir photo ci-dessous.
La percolation est supérieure à la macération
La percolation est supérieure à la macération car la plante est constamment traversée par une quantité de solvant vierge, non saturé, qui permet l’extraction optimale des composants, sans problème de saturation.
Prenons un exemple avec l’Hydrastis canadensis, un excellent tonique pour les muqueuses malades. Simplifions à l’extrême – l’Hydrastis contient 2 alcaloïdes principaux, la berbérine, et l’hydrastine. La berbérine est très soluble dans le l’alcool. L’hydrastine est très coriace à extraire. Une macération donne lieu à une extraction rapide et quasi-totale de la berbérine, qui sature la solution. La solution saturée ne peut quasiment plus extraire l’hydrastine. Nous obtenons donc en gros l’équivalent d’une teinture de Berberis vulgaris, et non d’Hydrastis canadensis. La percolation, au contraire, va extraire l’hydrastine. Une fois la berbérine extraite, du solvant vierge et non saturé continue à traverser le marc, et donc peut faire le travail jusqu’au bout.
Toutes les plantes ne peuvent pas être percolées. Si la plante est trop riche en résines ou gommes, il y aura formation d’un « ciment » lors de la pré-humidification. Si la plante a été pulvérisée trop finement, même problème. Et bien sûr, on percole seulement la plante sèche. Si on veut effectuer une teinture de plante fraîche, il faut macérer.
Percolation - méthode détaillée
- Déterminer le bon taux d'alcool et les bonnes proportions plante/alcool. Pour cela, j'utilise plusieurs ouvrages. Mon ouvrage essentiel : la Materia Medica de Michael Moore (foundateur de la Southwest School of Botanical Medicine), un ouvrage qui reste la référence aujourd'hui aux Etats-Unis. J'ai traduis cet ouvrage en Français avec la gracieuse permission de la Southwest School of Botanical Medicine.
- Pulvériser la plante séchée (j’utilise un blender, puis un moulin à café pour les parties plus dures).
- Passer au tamis pour ne garder que les parties les plus fines. Repasser les parties restantes au moulin à café, répéter l'opération.
- Mesurer le volume occupé par la plante broyée et séchée à l’aide d’un verre mesureur (voir pourquoi plus loin). Disons qu'on a 300 g de plante qui occupe l'équivalent de 400 ml de liquide dans un verre mesureur.
- Préparer le solvant. Si on veut une teinture au 1:5 et qu’on démarre avec 300 g de plante séchée, il faudra préparer 300 x 5 = 1.5 litres. Il faudra aussi ajouter la quantité d’alcool qui va rester dans le marc à la fin de la percolation (car on ne pressera pas ce marc). Vu que notre plante occupait 400 ml dans le verre mesureur, on va ajouter 400 ml d’alcool, c’est-a-dire 1.5 + 0.4 = 1.9 litres. C’est le volume total de solvant nécessaire.
- Imbiber la plante dans l’équivalent de 2/3 de son volume de solvant. Ex : on avait l'équivalent de 400 ml de plante dans le verre mesureur, donc on imbibe avec à peu près 260 ml d’alcool. Donc il ne nous restera plus que 1.9 - 0.26 = 1.64 litres pour la percolation.
- Notez bien : on fera attention à ce que le marc soit juste imbibé et pas trempé, sinon on démarre une macération et la percolation est gâchée. Pour tester, on prend une poignée de marc imbibé, on le compacte dans sa main :
- Si le marc ne se compacte pas et la boule s'effrite, rajouter un peu de solvant et remuer
- Si le marc se compacte mais laisse couler du solvant telle l’éponge qu’on essore, on a commencé une macération. Dans ce cas, faire macérer pour ne pas gâcher le marc (attention à bien retirer la quantité de solvant qui correspond au volume occupé par la plante sèche, 400 ml dans notre cas). Pas de percolation possible.
- Si le marc forme une masse compacte et que le solvant ne s’écoule pas ou peu, ne rien changer, on a atteint la bonne imprégnation du marc
- Laisser reposer le marc 24 heures.
- Le lendemain, placer un filtre à café (marron, non blanchi) au fond du cône de percolation. Verser le marc humide par-dessus en plusieurs fois. Tasser à mesure. Placer un 2e filtre par-dessus le marc tassé pour éviter la création d’un cratère dans le marc lorsqu’on verse le solvant par-dessus.
- Notez bien : on fera attention à ce que le marc soit bien compacté dans le cône de percolation, et mieux vaut compacter à mesure que l’on verse le marc, c’est-à-dire compacter par couches. J’utilise un long vase étroit à fond plat pour cette étape.
- Si le marc n’est pas assez compacté, la percolation ira trop vite. Et si l’on essaye de fermer le bouchon au maximum pour ralentir la percolation, on crée souvent un problème d’accumulation de liquide dans le cône qui va en fait macérer le marc.
- Si le marc est trop compacté, ce qui m’est aussi arrivé, le solvant n’arrivera pas à traverser le marc, ou parfois arrivera à trouver un endroit moins compacté dans la colonne et une sorte de percolation localisée va se créer (un cratère se forme).
- Verser le solvant au dessus du marc, toujours garder une colonne d’environ 2 à 4 cm de solvant. Lorsqu'il n'y a plus assez de solvant au dessus du marc, en remettre. Il faut toujours garder un œuil sur la percolation afin de rajouter du solvant d’une manière régulière.
- Regarder avec fascination la teinture produite instantanément (pas besoin d’attendre 3 semaines). Remarquer les différentes couches de couleur dans le récipient. Elles représentent les différents composants extraits à des moments différents de la percolation. On peut aussi goûter à des moments différents; très intéressant.
Non seulement l’extraction sera bien supérieure à celle obtenue par macération, mais la teinture sera aussi obtenue au bout de quelques heures, pas mal lorsqu'on a des contraintes en temps et qu’on ne peut pas se permettre d’attendre 2 semaines.
Pour en arriver à un stade ou l’on arrive à réussir la plupart de ses percolations, il faut bien sûr en avoir fait de nombreuses, et en avoir raté certaines pour apprendre de ses erreurs. Pour finir, quelques photos...
pour épouser la forme de la bouteille
Liens intéressants
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Virginie dit
Bonjour et merci pour toutes ces infos!
Pour ma 1 ère expérience en percolation j’ai choisi le reishi mais:
1: ce produit est-il adapté à cette méthode ?
2: quel alcool utiliser?
3: comment le pulvériser ? Faut-il le faire re sécher ?
Merci pour votre aide et bonne continuation!
sabine dit
Bonjour Virginie
Pour les champignons je vous invite à lire cet article https://www.altheaprovence.com/champignons-medicinaux-double-extraction/
Virginie dit
Mille mercis Sabine
Sylvie dit
Bonjour,
Je n'ai pas de filtre à café brun, mais seulement des filtres en papier blanc. Peut-on les utiliser quand même?
D'autre part, y a-t-il un "plus value" à percoler l'ortie, puisque cette plante se décante si bien même avec de l'eau (je la fais habituellement en teinture-mère, pour quelqu'un qui ne peut pas beaucoup boire et donc ne la prendrait pas en tisane).
Enfin, j'aimerais savoir s'il existe une liste des plantes "non percolables" car je n'ai pas les connaissances suffisantes pour savoir si telle ou telle plante contient trop de résine ou de gomme pour être percolée.
Merci et bonne journée.
sabine dit
bonjour Sylvie
les filtres blancs sont souvent blanchis , et donc tout dépend avec quoi ils sont blanchis
l'ortie en teinture est surtout intéressante quand allergies , mais pour avoir les minéraux il vaut mieux infusions
non je n'ai pas de listes il faut apprendre à les connaitre et faire des recherches
Lebey Félicie dit
Bonjour,
Pourriez-vous m'indiquer les dosages et titrages pour une percolation d'estragon ?
Merci pour votre temps et toutes ces précieuses informations
sabine dit
bonjour Félicie
vous pouvez alcool entre 60 et 75° , quant aux dosages (tout dépend des personnes) mais on peut démarrer entre 10 à 20 gouttes 3 fois par jour dans un peu d'eau
Natalie Gouin dit
Bonjour, je me demandais alors pourquoi les plantes devaient rester un minimum de 2 semaines dans l'alcool pour une teinture-mère en comparaison avec percolation où les plantes ne sont que transpirer, si je peux dire ainsi par l'alcool ? Cela fait des années que je fais des teintures-mères, et maintenant j'ai très envie de faire des percolatures, mais je me pose la question à propos du temps que doivent avoir les plantes à infuser dans l'alcool. Pouvez-vous m'éclairer ? Merci pour toutes les précieuses informations que vous nous offrez. Bonne journée
sabine dit
bonjour Nathalie
le temps de macération dans l'alcool a été défini par la tradition , l'expérience des herboristes qui ont pu déterminer le moment où l'alcool a pu extraire le plus possible de constituants.
La percolation (ou lixiviation pour les puristes) est une méthode qui permet une extraction optimale , car dans la macération classique seront extraits en premier les constituants facilement extractibles , mais une fois que les constituants les plus rapides ont été extraits , l'alcool est vite "saturé" et fera un moins bon travail d'extraction.
La percolation résout ce problème en permettant à l'alcool de traverser constamment la plante sèche, évitant ainsi la saturation. C'est comme laver du linge dans une rivière plutôt que dans une bassine d'eau stagnante. L'alcool extrait d'abord les premiers constituants, puis les seconds, lessivant ainsi la plante de tous ses constituants ou presque.
Armand dit
Bonjour
Peut’on faire une percolation avec des racines de pissenlit sèches.
Merci et meilleurs vœux pour 2024
sabine dit
Bonjour Armand
oui tout à fait , il faudra réussir à les pulvériser avec un bon blender.
JCC dit
D'abord merci pour toute l'information extrêmement utile pour s'y retrouver.
Artemisia Annua: qu'est-ce qui va chercher le plus de molecules ou de matières nécessaires pour traiter un cancer?
1- TM de 1:5 avec alcohol 50% ou plus en prenant 10-15 ml de la teinture pendant 7-10 jours OU 2- 10-20 gr d'AA dans 1 litre de lait chaque jour pendant 7-10 jours
merci JCC
sabine dit
bonjour JCC
Désolée mais il n'y a pas vraiment d'études faites pour définir le mode opératoire
et je ne saurais dire, ce que je peux dire c'est que le cancer est une maladie multifactorielle et donc a besoin de plusieurs plantes, approches médicales différentes à côté des traitements classiques et ce à tous les niveaux; l'artemisia ne va pas traiter un cancer , mais elle peut participer à dégommer certaines cellules cancéreuses , tout dépend des cancers et de leur étendue dans l'organisme.
Jean-Claude dit
merci pour l opinion
Andrieux Arielle dit
bonjour ! je souhaiterais réaliser une teinture de propolis en application la méthode par percolation.Je réalise déjà ma propolis pulvérisée que je conserve ensuite au congélateur. Est-ce possible ?
merci pour votre réponse.
sabine dit
Bonjour Arielle
Avec la propolis il n'y a pas d'extraction avec l'alcool , l'alcool ne "récupère " pas les molécules de la propolis
la propolis est une résine et l'alcool va la dissoudre , donc non une percolation n'est pas une bonne option (ne serait ce que du côté du filtre )
rodolphe Bellina dit
Bonjour,
Tout d'abord merci pour votre article c'est fantastique.
Plutôt qu'une bouteille j'ai obpté pour un flacon de laboratoire avec un pied.
Dois-je faire aussi le marc?
Je ne pourrais donc pas tasser non plus, comment puis-je faire au mieux s'il vous plait?
Meilleures salutations et merci beaucoup
sabine dit
bonjour Rodolphe
je ne vois pas à quoi pourrait ressembler ce flacon, donc difficile de vous répondre
rodolphe Bellina dit
Bonjour Sabine,
Merci pour votre aide.
voici le lien
https://images.nexusapp.co/assets/44/0d/12/9266707.jpg
c'est un entonnoir de séparation
Du coup je ne peux pas tasser ni mettre un filtre.
bonne journée
sabine dit
bonjour Rodolphe
ha ok effectivement c'est un entonnoir de décantation (par exemple pour séparer les huiles essentielles de l'hydrolat ou l'eau de l'huile
pour une percolation il faut un autre matériel
Rodolphe dit
Bonjour Sabine,
merci pour votre réponse, effectivement, j'ai regarder pour prendre une colonne de laboratoire en 4cm par 20cm
Une très belle journée