Faut-il prendre les plantes en cure, ou peut-on les prendre en continu ?
Bon courage pour trouver une réponse à cette simple question. Ceci n'est pas abordé sur la toile car il n'y a pas de réponse standard.
Le concept de "cure"
Puissamment ancré dans la tradition herbaliste, nous trouvons le théorème suivant : les plantes se prennent en cure. Les plantes ne peuvent pas se prendre en continu. Il faut arrêter au bout d'un moment, ou faire des pauses.
D'où vient cette affirmation ?
Revenons à la fondation même de l'herbalisme. La plante est utilisée soit comme catalyste d'une fonction physiologique déficiente, soit comme modérateur d'une fonction excessive. Dans des termes plus simples, la plante tonifie ce qui ne tourne pas assez fort, et calme ce qui tourne trop fort.
Deux exemples :
- Pour une nervosité excessive, les plantes relaxantes et sédatives calment le système nerveux orthosympathique.
- Pour un foie fatigué, la racine de pissenlit facilite les fonctions du foie et augmente son métabolisme.
La plante vient donc rééquilibrer les choses, donnant un petit coup de pied à la fonction endormie, freinant légèrement la fonction surexcitée.
Mais en principe, on ne doit pas constamment stimuler ou freiner. Au bout d’un moment, le système doit « prendre le pli » sans avoir besoin de la plante. C’est une observation que des générations ont faite dans le passé. De plus, à force de donner des coups de pied, ne se retrouve-t'on pas avec un bleu ?
Pour citer comme exemple le docteur Henri Leclerc au sujet de la fumeterre (Fumaria officinalis) : « tonifiante au début, elle devient, par la suite, hyposthéniante, antipléthorique » (Précis de Phytothérapie, 5ème édition, 1973). En d'autres termes, la fumeterre, plante tonique et dépurative du foie, finit par épuiser l'organe et la personne si l'on en prend trop longtemps.
Le théorème semble donc raisonnable et logique.
Le problème chronique
Mais la donne change aujourd’hui. Nous ne sommes pas exactement dans le même contexte que celui de nos ancêtres. La maladie chronique prend largement le dessus sur le problème aigu qui était caractéristique du passé.
Le problème aigu est limité dans le temps. La plante se prend donc sur une courte durée, toujours légèrement au delà de la fin du problème. Si vous sortez d'une infection, continuez les plantes quelques jours après la fin des symptômes. Si vous sortez d'une gastrite passagère, faites de même, etc. En prévention, afin de stimuler une fonction paresseuse, faites de même (la fameuse dépuration du foie par exemple).
Il en est de même pour certaines mesures de prévention comme la cure dépurative, qui doit être limitée dans le temps à une dizaine de jours.
Le problème chronique nécessite un accompagnement au long terme. De nombreuses personnes continuent de bénéficier de certaines plantes pendant de longues durées. Ces plantes doivent être relativement douces, et ne pas provoquer une stimulation excessive.
- Doit-on arrêter l'éleuthérocoque lorsqu'une fatigue chronique causée par une maladie dégénérative nous terrasse ?
- Doit-on faire une pause d'ortie lorsque l'on souffre de déminéralisation chronique ?
- Doit-on diminuer le curcuma lorsque l'inflammation d'une maladie autoimmune nous ronge ?
Je ne pense pas.
Stratégie
La question “quand arrêter?” se pose donc surtout pour le problème de santé chronique.
En général, si vous prenez une plante trop longtemps, votre corps vous le fera savoir. Au lieu de tonifier, les plantes fatiguent. Au lieu de calmer, elles excitent, une observation classique en ce qui concerne les plantes adaptogènes par exemple.
Tenez un journal comme expliqué dans la méthode CLIMA afin de voir si vous continuez à faire des progrès, ou si vous commencez à plafonner ou régresser. Si c'est le cas, entamez un sevrage. Si les déséquilibres reviennent au bout d'un moment, revenez au protocole initial - vous n'êtes pas encore prêt à arrêter complètement.
Au long terme, votre système devrait pouvoir prendre la relève sans l'aide des plantes. Combien de temps avant que cela se produise ? C'est une question qui dépend de votre constitution, de votre condition, et du travail de fond que vous devez faire (analyser les causes et les adresser).
Écouter son corps reste, au final, le meilleur moyen de répondre à la question posée en début d'article.
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Renaud d'Abbadie dit
Bonjour, n'y aurait-il pas une solution, lorsque la situation est chronique, qui serait de passer d'une plante à une autre ? Dans mon cas (inflammations dues à l'arthrose), je suis au curcuma, mais je passerai, au bout de 3 mois, à la griffe de chat... pour 3 mois. (je suis au début de mon traitement donc je n'ai pas encore expérimenté cet aller retour).
sabine dit
Bonjour Renaud
Les situations chroniques nécessitent une connaissance approfondie de la situation , de l'hygiène de vie , de la tenue d'un journal de bord et de l'élaboration d'un protocole adapté , avec la possibilité d'adapter les plantes au fur et à mesure de l'évolution du problème.
Geoffroy dit
Bonjour Sabine et Christophe,
Merci pour ces précisions. Pour les cures, vous comptez des prises de 3 semaines et des pauses pendant 1 semaine ?
et quand vous dites les "plantes doivent être relativement douces" vous avez éventuellement une liste non exhaustive ?
Par exemple, le romarin ou ortie peuvent se prendre sur du long terme, la sauge ou fumeterre sur du court terme
Bien à vous et belle journée.
sabine dit
Bonjour Geoffroy
La seule méthode valable à ma connaissance est le tableau de bord que l'on tient à jour , effectivement il y a des plantes qui ne posent pas de problèmes sur du long terme et d'autres qu'il vaut mieux manipuler avec précautions , non je n'ai pas de liste, ensuite savoir si l'on fait ou pas des pauses thérapeutiques dépend de comment vous vous sentez , se référer au journal de bord, et apprendre à écouter son organisme et apprendre à connaitre les plantes qui nous accompagnent.
Adeline dit
Bonjour et merci pour cet article.
Dans le cas de maladie chronique, ne vaut-il pas mieux cependant se pencher sur la cause de cette maladie et essayer d’améliorer la condition en changeant les comportements qui en sont inducteurs ?
La plante ne devrait-elle pas venir seulement en renfort d’un plan global et complet ?
sabine dit
bonjour Adeline
tout à fait , c'est un peu le message que transmet Christophe au travers du site et des ses formations
Laborde dit
Bonjour, j'ai des problèmes d'acné adulte, principalement avant mes règles et localisé sur la mâchoire et les joues, depuis l'âge de 21 ans. J'ai fais des cures de zinc et cela a bien atténué mes crises, malheureusement l'acné revient.... J'ai voulu tenté une cure dépurative (bardane, pensée sauvage, ortie, chardons Marie) en gélule en prenant le minimum de dose et couplé au zinc. Tout allait bien mais au bout de 10 jours j'ai eu de violentes crampes à chaque fois que je allais à selles! J'ai tout arrêté et mon transit va beaucoup mieux. Les plantes sont elles trop puissantes? Aurais je dû continuer? Dois je prendre une plante à la fois? Je ne sais plus quoi faire et je refuse de reprendre la pilule, aidez moi...À 38 ans je désespère!
sabine dit
bonjour Laborde
je pense qu'il est nécessaire d'agir avec méthode, d'avoir une vue globale de la situation afin d'avoir un protocole personnalisé et un suivi de manière à pouvoir changer les réglages quand nécessaire , et la tenue d'un journal de bord est nécessaire, par exemple dans votre cas, il aurait été intéressant de chercher la cause de cette réaction et de trouver quelle plante(s) a généré cette réaction
et ne pas négliger l'hygiène de vie en particulier l'alimentation
je vous propose quelques pistes à explorer
https://www.altheaprovence.com/acne-approche-naturelle/
https://www.altheaprovence.com/plantes-medicinales-methode-clima/
https://www.altheaprovence.com/lart-de-la-formulation/
Carole dit
Bonjour, je viens de découvrir votre blog et vos précieux conseils ! Je voudrais votre avis sur l'aide apportée par la phytothérapie pour le traitement de la maladie de crohn. Lorsqu'une prise continue de plantes semble ne plus faire autant d'effet qu'au début, préconiseriez vous de poursuivre mais en discontinu (5 jours avec et 2 jours sans) ou de changer carrément de plantes ?
Merci pour votre aide
sabine dit
bonjour Carole
oui il faut adapter selon ce que vous ressentez, mais le mieux est de tenir un journal de bord pour pouvoir avancer de façon pragmatique
je vous invite à aller lire ces articles https://www.altheaprovence.com/problemes-de-digestion/
https://www.altheaprovence.com/plantes-medicinales-methode-clima/
pascal27 dit
Bonjour Christophe, je découvre ce billet sur les cures ! Très intéressant et d'une logique totale avec notre alimentation ! ce n'est pas par ce qu'on aime les carottes et que l'on sait que c'est bon qu'il n'est pas aberrant d'en manger toute l'année ! Si on arrête les carottes on les remplace par un autre aliment ! Et si la carotte est indispensable on continue en modulant la dose !
La santé "digestive" nous rappelle que l'alternance et la quantité sont des règles d'équilibre pour nos organes ! Pour les plantes j'ai toujours considéré que ce doit être la même chose mais avec une nuance importante c'est que si on les utilise pour "soigner" c'est que leur concentration en un ou plusieurs éléments doivent être plus puisant qu'un simple aliment. Ne dit-on pas que c'est la dose qui fait le poison !
Excellente idée pour votre journal de bord CLIMA. Sa tenue est effectivement exigeante mais il en va de l'importance de ces détails journaliers pour faire une bonne synthèse.
La santé n'est pas un dû mais un devoir !
Je ne sais plus qui à dit cela mais j'adhère complètement.
Et quand on est perdu, que l'on ne comprend pas où est le déséquilibre, le mal être; il y a les différentes formes de jeûne qui sont d'une aide précieuse. Rien de tel que de mettre nos organes au repos et de faire le vide des excès ça et là dans notre corps en comptant sur l'organisation combative de nos cellules ! Vous pourriez sans doute faire un billet sur les tisanes pour accompagner un jeûne ?
Merci Christophe de nous pousser à nous remettre nous même en question même si c'est au prix d'efforts personnels, les résultats n'en sont que plus enrichissants !
sabine dit
bonjour Pascal
et merci de votre "participaction" 🙂
Sylvie Prévost dit
Merci pour cet article qui fait le tour de la question. Je suis contente de constater qu'il n'est pas de mise d'avoir une attitude absolue et systématique. Finalement, c'est toujours une question de présence et de vigilance tranquille vis-à-vis son état de santé.
Silvia dit
Bonjour Christophe,
A la question initiale de votre article:
– Doit-on faire une pause d’ortie lorsque l’on souffre de déminéralisation chronique ?
je voudrais en ajouter d'autres, par exemple si à un certain moment le corps prend vraiment le relais et on pourrait arrêter de prendre ortie ou alphalphe pour une remineralisation en cas d'ostéoporose.
L'autre question, vu que l'ostéoporose est asyntomatique, comment savoir s'il faut continuer une cure ou par contre l'arrêter?
Un grand merci d'avance.
Christophe BERNARD dit
Bonjour Sylvia,
Il m'est compliqué de répondre à cette question dans l'absolu. Les études nous disent qu'un problème de minéralisation osseuse peut être dû à une déficience en vitamine D ou K, à un mauvais apport en minéraux, ou à une incapacité à les digérer (une hypoacidité gastrique par exemple). Supposons que le problème principal soit un mauvais apport. Dans ce cas là, l'infusion minéralisante est prises d'une manière journalière sans arrêt. L'arrêt n'a en fait pas trop de logique.
Si par exemple il y a une mauvaise acidité gastrique (problème du coté de l'absorption et non de l'apport), lorsque cette situation s'améliore, il est possible que la personne est un apport alimentaire correct. Pareil pour l'apport en vitamines D / K. Donc moins besoin des infusions.
regina dit
Merci,
je crois que j'ai trouvé réponse à ma question de la dernière fois!
je n'avais pas lu cet article;
votre site m'est vraiment bénéfique.
Merci encore pour le paratge que vous faites.
venezia dit
Bonjour Christophe,
Merci pour ces réflexions… qui font réfléchir.
Ce sujet en appelle un autre qui est celui de l'accoutumance. Je pense par exemple au thé et au café (qui furent à l'origine de leur consommation en Occident tenues d'abord pour thérapeutiques) et que la plupart d'entre nous consommons. Les grands buveurs de thé ou de café tolèrent sans sourciller de sacrées doses. L'organisme s'est "habitué", pourrait-on dire. En serait-il autant d'autres plantes médicinales?
Christophe BERNARD dit
Oui absolument, il peut y avoir ce phénomène, observable de temps en temps lorsque la plante à une certaine dose commence à plafonner et n'apporte plus autant de bénéfices qu'avant. Dans ce cas, il faut se poser la question - continuer, à quelle dose, la plante agit-elle dans la bonne direction, pourrait-on la remplacer, etc.
florence dit
Bonjour
Tous nos vœux également pour cette nouvelle année.
La question que vous abordez me brûlait les doigts depuis longtemps.
Qu'en est-il alors de la tisane quotidienne?
Je change de plante tous les jours en gardant toutefois comme base la sauge et le romarin.Pour 1 litre et demi d'eau je mets 3 feuilles fraîches de sauge et 2 cms de branche de romarin.S'y ajoutent suivant l'inspiration de la mélisse,de la verveine,de la citronnelle,du thym,de la petite pervenche,de la camomille,de l'ortie,de la mauve,du gallium aparine,du geranium robertianum,dela murdania loriformis,de la cannelle....
A priori je ne ressens aucun effet néfaste mais puis-je continuer sans dommages pour ma sante et celle de mes proches.?
Merci pour votre aide précieuse,au plaisir de vous lire.
Christophe BERNARD dit
Je ne pourrais pas vous dire pour la Murdiana loriformis, je ne connais pas la plante.
Pour Vinca minor, dans mon humble avis, pas une plante à tisane que l'on doit prendre régulièrement. Certains alcaloïdes (vincristine, vinblastine) pourraient être toxiques pour le foie et les reins. A partir d'une certaine dose bien sur.
Si l'on est pointilleux, certaines plantes comme le géranium robert, qui est purement astringent, ne devrait faire partie du mélange que si astringence désirée (inflammation des muqueuses digestives par exemple). Sinon il peut affecter la digestion et le transit.
La cannelle est elle aussi astringente (et circulatoire), mais elle donne un goût tellement sympathique aux infusions qu'elle est souvent bienvenue.
De plus, je suppose que l'on parle de petites doses, vu que vous parlez de 3 feuilles de sauge pour 1,5 litre d'eau 🙂