Entre plante divine et plante de sorcières, la verveine officinale (Verbena officinalis) a un historique complexe rempli d'histoires fort fascinantes. Mais nous mettons la partie ésotérique de coté dans cette fiche pour nous concentrer sur ses propriétés terrestres et médicinales.
Je vous présente au passage la verveine hastée (Verbena hastata), sa cousine américaine. Autant l'officinale est discrète, autant la hastée attire les regards. Elles s'utilisent d'une manière interchangeable.
Nom commun : verveine officinale, verveine commune, herbe sacrée, herbe aux sorciers
Nom latin : Verbena officinalis
Famille : Verbenaceae
Constituants :
- Iridoïdes (verbénaline, hastatoside, etc.)
- Glycosides phényléthanoïdes (verbascoside, etc.)
- Flavonoïdes (lutéoline, etc.)
- Tannins
- Polysaccharides mucilagineux
- Huiles volatiles (traces)
Goût :
- Amer
- Astringent
- Légèrement âcre
Energétique :
- Refroidissante
- Asséchante
- Calmante
Tension nerveuse et musculaire
D'un point de vue physiologique, la verveine agit comme relaxant et antispasmodique des muscles squelettiques, en particulier des muscles des épaules et du cou. Ces muscles sont les premiers touchés lorsque la personne souffre de stress chronique.
La personne n'en est souvent pas consciente, sauf le soir, moment où les muscles sont tellement tendus qu'ils commencent à faire mal. La personne ressent le besoin de se masser, de s'étirer, de faire des mouvements de cou et d'épaules pour défaire partiellement ces noeuds.
La verveine fonctionne bien lorsque nous avons affaire à une personne ultra ambitieuse qui s'est fixée une mission de réussite. Les tâches s'accumulent sur ses épaules. Dans sa tête, c'est une tempête de projets.
Les nuits sont souvent courtes, le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Compliqué de faire confiance aux autres lorsqu'on peut tout faire soi-même. De toute façon, la barre est tellement haute que peu arrivent à l'atteindre. Se détendre, c'est pour ceux qui n'ont rien de mieux à faire. La personne puise constamment dans ses réserves physiques et mentales, souvent jusqu'à l'épuisement. Bonne corrélation avec la personnalité Pita en Ayurvéda.
On arrive bien évidemment à voir comment la personnalité verveine souffre de tensions dans les muscles du cou et des épaules !
Si vous vous êtes reconnu dans cette caricature, prenez la verveine officinale en infusion ou teinture pendant plusieurs semaines afin de voir si elle vous calme. Son action est lente et subtile. Dans mon expérience, elle agit sur les fondations du système nerveux (petites doses, long terme), beaucoup plus que comme plante d'appoint qui aiderait à traverser un stress ou une anxiété passagère et aigüe.
Elle s'associe bien avec la passiflore (Passiflora incarnata), le houblon (Humulus lupulus), le pavot de Californie (Eschscholtzia californica) et la teinture des fruits laiteux d'avoine (Avena sativa, A. fatua).
Et pour plus d'informations sur la gestion du stress et de l'anxiété par les plantes, n'oubliez pas mon programme complet d'accompagnement ici.
Digestion
La verveine officinale est très amère. Cela signifie qu'elle agit comme tonique digestif si vous la prenez avant le repas. Attention, le timing est important ici. C’est une prise de type "apéritif". Et notez que je ne suis pas en train de vous dire de boire une liqueur de verveine avant le repas. On va plutôt faire une prise sous forme de teinture diluée dans un peu d’eau, et ceci va stimuler la sécrétion des sucs digestifs en préparation au repas.
Le docteur Leclerc parle de “parasympathomimétique faible”, c'est-à-dire qui active le système nerveux parasympathique (celui qui favorise le mode repos, relaxation et nutrition) au profit du système orthosympathique (stress, “fuite ou combat”) (ref - Leclerc).
Le stress a une influence très marquée sur la digestion. Sous l'influence de l'adrénaline et du cortisol, la digestion tourne au ralenti. Il y a mauvaise production de sucs digestifs, mauvaise contraction des muscles lisses. La digestion, dans ce contexte, sera petit à petit retonifiée par la verveine qui agira sur les deux axes en même temps : axe digestif et axe nerveux.
A garder en tête si vous avez des lenteurs digestives chroniques dues au stress.
Maux de têtes
Les déclencheurs des maux de tête sont très souvent multiples (en tant que migraineux de longue date, j'en parle en connaissance de cause). Lorsque l'un de ces déclencheurs est une tension des épaules et du cou (et donc indirectement un stress), la verveine officinale peut contribuer à la réduction de la fréquence des crises.
Ne la prenez pas ponctuellement lorsque le mal de tête démarre, elle ne fera pas grand chose. Testez-la plutôt en traitement de fond, sur plusieurs semaines.
Névralgies du trijumeau
Cette indication nous vient de Leclerc, qui a “obtenu de bons effets de l'extrait fluide de la plante stabilisée (1 à 2 cuillerées à café par jour) dans certaines formes légères de névralgie du trijumeau” (ref : Leclerc).
Cazin parle d'application locale pour d'autres types de névralgies : “Itard s'est servi, dans la névralgie de l'oreille, d'un cataplasme préparé avec les tiges de verveine écrasées, cuites dans du lait, et liées au moyen de la farine de graines de lin. Dubois, de Tournai, s'est bien trouvé, dans quatre cas de douleurs rhumatismales ou névralgiques de la tête, de cataplasmes préparés avec les feuilles de verveine cuites dans du vinaigre et écrasées” (ref : Cazin).
Dans les indications de Cazin, nous parlons donc d'une application locale d'un cataplasme de la plante, légèrement infusée dans très peu d'eau chaude afin d'en faire une pâte.
Sevrage de l'alcool (ou autres substances)
Lorsqu'on doit gérer des addictions, les amères sont souvent utilisées. Je ne pourrai pas vous dire comment elles fonctionnent exactement, je pense qu'elles ont une action au niveau du plexus solaire qui nous ramène un peu plus dans notre instinct de préservation, dans nos tripes, et nous extirpe du mental qui agit parfois comme dictateur.
Moore utilise la verveine officinale chez l'alcoolique qui a décidé d'effectuer un sevrage et qui traverse des yoyos de glycémie sanguine ainsi que des épisodes de dépression.
Pourquoi ces yoyos de glycémie ? Premièrement car lorsqu'on enlève l'alcool ou les cigarettes, on a tendance à se ruer sur des sucreries pour compenser. Ces hyperglycémies vont entraîner des hypoglycémies réactionnelles, donc encore plus d'envies de sucré ! L'infusion, prise dans la soirée, calme la personne, rend le sommeil moins problématique, et au long terme stabilise les yoyos métaboliques. Mais on peut aussi prendre l'infusion ou la teinture au besoin, dès que l'envie (de cigarette, d'alcool, de sucré) devient un peu trop forte.
Fièvre et toux
Les plantes amères ont une énergétique refroidissante. La verveine est un diaphorétique et fébrifuge classique, favorisant une meilleure transpiration et donc un meilleur échange de chaleur pendant la fièvre. Leclerc explique que “son action antithermique a été remise à honneur par le Dr Ricci qui prétend même qu'elle est supérieure à celle de la quinine” (ref : Leclerc).
Avant de vous jeter sur la verveine en cas de fièvre, consultez un médecin, et considérez les diaphorétiques qui sont plus agréables à boire, comme l'achillée millefeuille ou la fleur de sureau.
La plante a une activité expectorante, ce qui n'est pas étonnant car elle est aussi émétique (c'est-à-dire vomitive). Les deux propriétés se retrouvent très souvent dans les mêmes plantes, avec une action commune qui se fait par irritation du système digestif (puis transmission au travers du nerf vague) à partir d'une certaine dose. Cette propriété est solidement confirmée par l'école éclectique Américaine (ref : Scudder).
Bouffées de chaleur
La verveine calme les bouffées de chaleur accompagnées de tension nerveuse et musculaire. Wood explique qu'elle a une action régulatrice sur l'échange des fluides, utile lorsque la personne est chaude mais ne transpire pas assez, ou au contraire lorsque la transpiration est surabondante, ce qui survient parfois lors des bouffées de chaleur nocturnes (oreiller trempé).
Ces amères pures ont une énergétique plutôt calmante et refroidissante, donc à utiliser dans ces situations de chaleur. On peut combiner la verveine officinale avec d’autres amères calmantes comme l’agripaume (Leonurus cardiaca) en particulier si les bouffées de chaleur sont accompagnées de crises d’anxiété.
Syndrome prémenstruel
Chez certaines femmes, les deux derniers jours juste avant les règles sont difficiles d'un point de vue émotionnel, avec parfois de grosses fringales incontrôlées. Aujourd'hui, on attribue ceci à une baisse prématurér de la progestérone.
Je ne pourrais pas vous expliquer comment la verveine officinale fonctionne dans ce contexte, mais elle peut vous aider. Commencez à la prendre 5 à 7 jours avant les règles.
Galactagogue
La verveine a été traditionnellement utilisée pour favoriser une montée de lait. Leclerc mentionne une “augmentation marquée de la sécrétion lactée” (ref : Leclerc). Valnet rajoute que “la découverte de la verbénine est venue confirme le bien-fondé de cette médecine empirique” (ref : Valnet).
Utilisations diverses
- En tant qu'amère, la verveine officinale a été utilisée comme dépurative pour les problèmes de foie, de peau, de douleurs articulaires (pour évacuer les déchets accumulés).
- C'est l'une des plantes amères de la convalescence, aidant la personne à rebâtir ses forces au travers d'une meilleure digestion et assimilation.
- Le courant éclectique américain l'utilisait comme émétique, c'est-à-dire qui provoque les vomissements. Je cite Scudder : “Dans des doses d'une once toutes les 10 minutes, jusqu'à ce que la personne vomisse. C'est un émétique très efficace, et peut être utilisé avec avantage dans les maux de tête provoqués par une indigestion, les débilités de l'estomac, les fièvre, et lorsqu'un émétique doux est indiqué” (ref : Scudder). Les émétiques ne sont plus utilisés aujourd'hui, car il n'y a rien de doux dans un émétique (le commentaire de Scudder doit être pris dans le contexte d'émétiques plus violents comme la lobelia, à une époque où les purges étaient de rigueur).
Point important donc : à faible dose, elle tonifie. A fortes doses, elle irrite et devient émétique.
Précautions
Vu son action tonique sur la sphère utérine, elle est contrindiquée pendant la grossesse. Elle est aussi contrindiquée pendant l'allaitement.
Préparation de la verveine officinale
Parties utilisées
- Les feuilles et sommités fleuries sont récoltées en général à la fin de l'été. Ne gardez pas toutes les tiges, gardez les plus fines, compostez les plus grosses.
- Moore explique que dans le passé, les racines étaient utilisées mais créent un effet émétique beaucoup trop prononcé (ref : Moore).
Formes utilisées
- Teinture de plante fraîche (1:2 – alcool à 80°) ;
- Teinture de plante sèche (1:5 – alcool à 50°) ;
- Infusion de la plante fraîche ou sèche ;
- Cataplasme de la plante fraîche ou sèche ;
L'infusion est relativement amère et pour certains pénible à boire. N'hésitez pas à la mélanger avec de la mélisse ou de la camomille matricaire par exemple pour la rendre plus agréable.
Moore fait remarquer que la teinture de plante fraîche ou sèche se transforme parfois en gel, et d'une manière assez imprévisible. Il attribue cela aux différentes teneurs d'amidon dans la tige et de stachyose dans la racine selon la plante, l'endroit et l'année. Il n'y a rien à faire lorsque cela arrive, le gel se dissout dans un peu d'eau.
Doses
- Teinture
- 30 à 90 gouttes, jusqu'à 4 fois par jour (ref : Moore)
- Infusion
- 1 cuillerée à dessert de plante coupée pour une tasse d'eau (ref : Valnet)
- 3 à 4 g de plante par tasse, 3 fois par jour (ref : Fournier)
A cause de sa nature émétique, mieux vaut la prendre par petites doses.
Références
Livres et ouvrages cités :
- Cazin, J.F., « Traité Pratique et Raisonné des Plantes Médicinales Indigènes », 1868
- Fournier, « Dictionnaire de Plantes Médicinales et Vénéneuses de France », 1947
- Leclerc, « Précis de Phytothérapie », 1973
- Moore, Michael, « Medicinal Plants of the Mountain West », Second Edition, 2003 ;
- Scudder, John,« The American Eclectic Materia Medica and Therapeutics », 1898
- Valnet, « La Phytotherapie », 2001 ;
- Wood, Matthew, « The Earthwise Herbal: A Complete Guide to New World Medicinal Plants » , 2009.
Capian Valérie dit
Bonjour et merci pour la générosité et la qualité de vos partages !
Votre dernière news letter aborde brièvement la pratique du jeûne et souligne la prudence nécessaire liée à d’éventuelles problèmes de santé et traitements médicaux associés. Je voulais juste vous signaler la récente création par des médecins, de l’AMJ, (académie médicale du jeûne).
Elle propose de former des médecins à cette pratique afin qu’ils puissent accompagner des jeûneurs.
Deux sessions avec accompagnement médical sont déjà programmées par l’AMJ, pour accueillir des jeûneurs avec pathologie. Voir sur le site de l’AMJ.
Merci encore pour les trésors que vous transmettez !
vass dit
bonjour, j' allaite mon bébé de 2 mois, et je me prépare depuis quelques temps, régulièrement des tisanes de verveine+camomille sauvage+mélisse en me disant que cela serait bénéfique pour les douleurs au ventre (beaucoup de gaz) de mon petit. Je dois arrêter la verveine? merci beaucoup
sabine dit
bonjour Vass
lorsque vous dites Verveine c'est verveine officinale ? celle de l'article ? ou la verveine citronnelle ? https://www.altheaprovence.com/verveine-citronnelle-aloysia-citriodora-calmante-digestive-antioxydante/
vass dit
bonjour Sabine, en fait c'est la verveine citronnelle, je viens de l'apprendre en regardant des photos de la plante.
Merci! En fait, je modifie un peu mes tisanes tous les jours, cette semaine je rajoute de l ortie aux graines de fenouil sauvage, et graines de fenugrec. D'autre fois je vais mélanger, camomille sauvage avec mélisse et verveine...etc.
Dany dit
Dans son livre christophe dit que les aromatiques perdent de leurs huiles essentielles lors du séchage. Mais alors, les faire sécher n'est pas problématique ?
sabine dit
bonjour Dany
je pense que c'est la manière de les faire sécher qui peut poser problème , par exemple si la température est trop élevée (style un four)
Dany dit
Dans livre christophe dit que les plantes qui contiennent de l'huile essentielle doivent se faire plus en teinture qu'en tisane (l'alcool étant un meilleur solvant pour les huiles essentielles que l'eau). C'est systématiquement vrai ou pas tout le temps (car j'ai l'impression que dans ses articles christophe ne le précise pas pour les plantes aromatiques, donc est-ce vraiment important ?) ?
sabine dit
bonjour Dany
en règle générale l'alcool est un meilleur solvant pour les huiles essentielle, les he se diluent bien dans l'alcool , l'eau va extraire de la plante aussi les he mais elles n'y seront pas diluées mais même si elles flottent à la surface quand vous les boirez vous les absorberez
olivier dit
bonjour et bravo pour le travail de votre équipe que j'affectionne (le travail et l'équipe :)) ... peut on faire usage de la verveine rigida polaris en substitut de l'officinale
sabine dit
bonjour Olivier
désolée mais je ne sais pas , je n'ai pas d'information sur une utilisation médicinale de cette verveine