Chardon béni : digestion, détox, articulations : (abonnez-vous au podcast ici)
Une plante oubliée : le chardon béni. Aujourd'hui on va parler d'une plante pleine de poils, légèrement piquante mais pas trop non plus. Elle est utile pour relancer ou soutenir l'activité du système digestif. C'est le chardon béni. C'est un grand classique de l'herboristerie française, et je vais vous expliquer comment le ramasser, le transformer et l'utiliser.
Un peu de botanique
Le chardon béni appartient à la grande famille des astéracées. Son nom latin, c'est Cnicus benedictus. On l'appelle aussi Centaurée bénite ou centaurée sudorifique… sudorifique veut dire qui fait transpirer, on va en reparler dans quelques minutes, c'est effectivement une de ses propriétés.
C'est une plante annuelle de la région méditerranéenne. Chez moi il n'est pas très courant, mais j'en trouve dans les terrains secs et sableux, les terrains pauvres. Elle tolère très bien la sécheresse. Elle est en général au ras du sol. Elle peut être de petite taille, ou on peut en trouver de gros spécimens avec un diamètre dans les 50 cm ou plus.
Elle a un aspect laineux avec de nombreux petits poils qui ne sont pas spécialement piquants. Les feuilles sont de couleur vert pâle, recouvertes de poils blancs, bordées de dents épineuses. Elles sont aussi recouvertes de nervures blanches. Les tiges et la nervure centrale des feuilles, en revanche, sont de couleur rougeâtre.
Les fleurs sont de couleur jaune, elles sont tubuleuses et organisées en capitule. Les bractées sont pointues et piquantes, donc attention pendant la cueillette. La plante fleurit d'avril à juin/juillet en général.
Récolte
On utilise toutes les parties aériennes fleuries du chardon béni. En gros, tout ce qui dépasse du sol. Bien que lorsqu'on cueille dans le respect du végétal, on ne va prélever qu'une partie bien évidemment, afin de laisse à la plante le temps de finir son cycle et déposer ses graines pour qu'on puisse continuer d'en profiter.
Tout est bon - feuilles, fleurs, tiges. En général on attend que la plante commence à fleurir pour ramasser, c'est le moment optimal. Mais je vous dirais que j'ai parfois ramassé au besoin, bien après les premières floraison. J'ai une approche assez terre à terre et j'aime bien ramasser au besoin.
Ensuite on fait sécher la plante à plat sur une grille, c'est assez volumineux à cause des poils. Puis une fois sec on peut la couper en morceaux et la garder dans des sacs en papier kraft. Faites attention car une fois sec, les petits poils se cassent et peuvent devenir irritants.
Chardon béni : un peu d'histoire
En ce qui concerne l'utilisation historique du chardon béni, si on s'en tient à ce que nous dit Fournier dans son dictionnaire des plantes médicinales, on ne trouve pas grand-chose dans l'antiquité et au Moyen-Age. Sa réputation est arrivée un peu plus tard, au XVIe siècle, et c'est là où le chardon béni devient particulièrement populaire. On le considère un peu comme une panacée.
Et je pense que c'est probablement dû à ses propriétés sudorifiques, donc utilisé pour accompagner une fièvre, à une époque où les infections sont très communes avec des fièvres qui deviennent chroniques. Il y a les fièvres qu'on appelle "intermittentes" qui sont provoquées par la malaria qui sévit à l'époque dans notre pays. Et pour accompagner ces fièvres, on utilise de nombreuses plantes très amères depuis le fameux quinquina jusqu'au chardon béni en passant par la gentiane, etc.
Ensuite, à partir du XIXe siècle, il semble que l'intérêt diminue fortement dans le monde médical avec l'arrivée du médicament, logique. La plante reste ancrée dans la tradition populaire, et elle garde une bonne place dans les herboristeries dans les années 1900.
L'amertume oubliée
Aujourd'hui, franchement, c'est l'une des plantes médicinales oubliées. Je ne sais pas si vous entendez souvent parler du chardon béni. C'est assez rare. L'une de ses caractéristiques principales, c'est qu'elle est amère. Et je sais que je vous ai déjà parlé de l'amertume, plusieurs fois même. Eh bien figurez-vous que je vais en remettre une couche ! Car c'est un concept super important.
Il est fort probable que l'être humain ait évolué dans un contexte de goûts amers. De nombreux végétaux dans la nature ont un goût amer. Aujourd'hui, on a oublié tout ça car on a pris des plantes qui étaient à l'origine sauvage, et on les a croisés, recroisé pour que la taille devienne grosse, la forme devienne belle, le rendement soit maximal, tout ça au détriment du goût, des nutriments, des propriétés ! Même les endives ne sont plus très amères aujourd'hui.
Ce goût amer a un effet très important, et très marqué sur tout le système digestif. C'est un effet tonique. D'ailleurs on appelle ces plantes les toniques amers. Lorsqu'on prend ces amères avant un repas ou en tout début de repas, nos organes digestifs vont sécréter plus de sucs digestifs. Dès la bouche avec une meilleure salivation. Au niveau de l'estomac aussi, du foie, du pancréas, des cellules du grêle.
Ensuite, les muscles lisses de tous les organes digestifs vont mieux se contracter, vont mieux malaxer la nourriture. Cet effet global sur la digestion est bienvenu. En particulier à une époque où on voit de nombreux cas de digestions très déficientes.
Ne pensez pas que ces toniques amers sont miraculeux, ou qu'ils agissent très vite. Alors, c'est vrai qu'il y a une première action quasi immédiate. Mais il y a aussi une vraie action de fond, comme tous les toniques. Une vraie action de reconstruction des fonctions digestives. Donc parfois il faut se donner le temps avec ces plantes et les prendre pendant plusieurs semaines si nécessaire.
Le chardon béni active les fonctions détox
Une autre action des amères, c'est un effet dépuratif, un effet détox. Car de nombreux poisons dans la nature sont amers. On pense donc que dès qu'on met une substance très amère en bouche, il y a un signal envoyé depuis les papilles gustatives jusqu'au cerveau qui dit quelque chose comme : "attention, toxine potentielle, on va métaboliser de la manière la plus efficace possible".
Au passage, on va avoir une activation des fonctions hépatiques et rénales. Ce sont des plantes qui ont une énergétique drainante, et parfois même asséchante en fonction de la puissance diurétique de la plante. Parce que bien sûr, on va perdre une partie de notre eau, c'est l'effet diurétique.
Du coup, les amères, on en a plein dans notre pharmacopée. Mais le chardon béni, on n'en parle plus aujourd'hui. Oublié. On s'est rabattu sur d'autres amères depuis la feuille d'artichaut jusqu'à la gentiane, mais ça c'est fait au détriment de la richesse de notre pharmacopée.
Ce n'est pas parce qu'une plante est amère qu'elle est interchangeable avec une autre amère. Il peut y avoir une collection de constituants complètement différente. L'amertume peut provenir d'alcaloïdes, comme dans l'épine-vinette avec la berbérine, ou d'irridoïdes comme dans la gentiane, ou de lactones sesquiterpéniques comme dans le chardon béni.
Il faut qu'on garde toute cette diversité d'amères, c'est important, c'est ce qui va nous permettre de maintenir un système digestif et un système d'élimination dans un état optimal, deux concepts que je développe en détail dans mes programmes sur le système digestif et sur le foie et la détox. Et je ne vous dis pas qu'il faut manger amer tous les jours, pas forcément. C'est quelque chose qu'on fait de temps en temps en fonction de son propre feu digestif et de ses propres besoins.
Le concept de tonique amer
Revenons sur le concept de "tonique amer" et penchons nous sur ce que nous dit Paul-Victor Fournier : "il s'emploie avant tout dans l'atonie générale, le manque d'appétit, la débilité des voies digestives".
L'atonie générale, c'est le manque de tonus, c'est un état de fatigue. C'était quoi l'idée derrière les amères ici ? Eh bien c'est de permettre à la personne de retrouver un état optimal au travers d'une meilleure nutrition. On relance le système parasympathique, on active tout l'axe "repos, réparation et nutrition", on dérobe un peu d'énergie à l'axe orthosympathique au passage, l'axe "fuite ou combat", l'axe de stress. On sort un peu de notre tête et on revient un peu dans nos tripes. C'est ça l'énergétique des amères.
Le chardon béni est sudorifique
Je vous propose qu'on passe à une autre propriété maintenant et qu'on parle de la peau. La peau est essentielle pour nous permettre de réguler notre chaleur interne. Les pores s'ouvrent, la transpiration est sécrétée et c'est comme ça qu'on évacue l'excès de chaleur. Ce phénomène qu'on appelle transpiration est absolument essentiel lors d'une fièvre.
Et dans le passé, une catégorie clé de plantes, c'était les plantes sudorifiques, c'est-à-dire les plantes qui nous aident à mieux transpirer, à mieux échanger la chaleur. Dans tous les vieux textes, vous verrez ô combien cette fonction était importante pour accompagner une infection. Il faut qu'on se rappelle de cette sagesse ancienne et qu'on en fasse une sagesse actuelle.
Fournier en parle pour les fièvres éruptives, c'est-à-dire des fièvres accompagnées d'éruptions cutanées. Pour les fièvres intermittentes, dans le passé plutôt associées à la malaria. Et d'une manière générale pour toutes les fièvres qu'on laisse s'exprimer d'une manière normale, pour les infections respiratoires par exemple. Et vous savez ce que je vais vous dire, en cas de fièvre, diagnostic d'abord auprès de votre médecin.
Expectorant
Voici une propriété que je ne connaissais pas et que j'ai découvert en recherchant dans les vieux écrits. Le chardon béni est positionné comme expectorant. On le recommande lorsqu'il y a sécrétions bronchiques chroniques, pour aider les poumons à évacuer les déchets. Fournier en parle en fin de pneumonie lorsque il y a essoufflement et une évolution vers l'asthme, donc des conditions assez sérieuses, ce qui me fait dire que la plante est probablement efficace en tant qu'expectorant. Je n'ai personnellement jamais testé la plante dans ce contexte.
D'une manière un peu plus d'actualité, on pourrait le rajouter dans un mélange pour accompagner des allergies qui semblent toucher particulièrement les poumons, pour désencombrer et dégager l'arbre respiratoire. Et puis comme je vous explique dans mon programme pour gérer les allergies respiratoires, lorsqu'il y a terrain allergique, il a production chronique de substances inflammatoires et devinez quel organe est responsable de l'élimination de ces substances ?
Eh oui, le foie, que l'on va activer au passage grâce à l'amertume du chardon béni. J'adore ce genre de choses, j'adore quand on arrive à superposer différents effets pour construire des stratégies à la fois simples mais aussi efficaces.
Inflammations articulaires
Le docteur Leclerc parle du chardon béni pour les douleurs articulaires, il semble que la plante agisse en favorisant l'élimination de l'acide urique et de l'urée, donc une action drainante et éliminatrice, là encore, des substances inflammatoires.
D'ailleurs ça me rappelle d'autres amères qui étaient utilisées dans le passé pour les inflammations articulaires, le ményanthe par exemple, qu'on appelle aussi le trèfle d'eau (Menyanthes trifoliata). Très amer, très drainant, et donc potentiellement utile pour drainer les articulations des déchets inflammatoires.
Utilisation externe du chardon béni
En ce qui concerne l'utilisation externe, chez Fournier on voit une utilité pour les ulcères, pour les engelures. Et d'une manière générale, sous forme d'infusion en compresse pour les petites plaies ou problèmes de cicatrisation.
Autres usages divers
Voici un autre usage intéressant mais qui n'a rien à voir avec l'aspect médicinal de la plante. Fournier nous explique que les feuilles de chardon béni peuvent remplacer le houblon pour la fabrication de la bière. Apparemment après la Première Guerre, l'Allemagne, qui ne pouvait plus importer de houblon, s'est mis à cultiver le chardon béni pour fabriquer de la bière, pour abandonner ce projet un peu plus tard et revenir au houblon.
Chardon béni : formes et dosages
Pour les formes et les dosages, nous avons :
- Infusion ou décoction des feuilles : 15 à 60 g par litre chez Fournier, 3 tasses par jour avant les repas. 60 g par litre, ça me parait vraiment beaucoup pour les palais d'aujourd'hui. Déjà, je démarrerais avec 15 à 20 g par litre pour tester l'amertume.
- La teinture : 40 à 60 gouttes par prise chez Fournier
- Une préparation de vin amer chez Fournier : 30 à 50 g de plante sèche par litre de vin, 1 verre à bordeaux avant chaque repas. Je rappelle juste au passage que Fournier, c'était une époque, il publie son livre en 1947. Donc aujourd'hui, on va dire doucement avec ce genre d'approches. Mais bon, de temps en temps, pourquoi pas.
Précautions
Les précautions d'emploi :
- A fortes doses il devient émétique. Et sans parler de provoquer des vomissement, parfois lorsqu'on prend quelque chose d'amer pendant une certaine période on se lasse et on peut développer un état nauséeux, tout va dépendre de la sensibilité de la personne. Donc mieux vaut ne pas forcer les doses.
- Attention si allergies à la famille des astéracées, le chardon béni est à éviter.
C'est tout pour cette petite plante poilue et complètement oubliée. Si on ne se souvient que d'une chose, c'est le fait qu'elle est amère, et que cet amertume peut réveiller un axe digestif qui s'est peut-être un peu endormi à cause d'une hygiène de vie qui n'est pas optimale.
Cette page ainsi que tout le contenu de ce site (vidéos incluses) est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Charlotte dit
Bonjour, ou trouver la référence du Docteur Leclerc SVP
sabine dit
bonjour Charlotte
c'est à dire ?
roselyne dit
Bonsoir Sabine et Christophe
Merci pour votre réponse rapide
J ai une question concernant le chardon béni
En effet en Martinique nous avons une plante appelée chardon bénie mais qui ne correspond pas à celle présentée ici
Ont elles les mêmes propriétés ? elle se nomme Eryngium Foetidum c est une apiacée
Merci pour la reponse
Roselyne
sabine dit
bonjour Roselyne
le chardon béni chez nous Cnicus benedictus est une astéracée , l'Eryngium Foetidum est une apiacée (coriandre japonaise ) elles n'ont pas les mêmes propriétés /usages
EMERY dit
Bonjour Patrick Dupré, au sujet des crampes, il y a un petit remède assez efficace. Je conserve les épluchures d’oignons de bonnes qualités. Je les passe au mixeur et je me fais de petites infusions avant le coucher durant une dizaine de jours et plus de crampes. (Antioxydant aide à diminuer le taux de cholestérol fait mincir contient un pigment quercétine pour réduire l’hypertension et prévenir les artères obstruées. À vous de voir. Et belle Vie à Vous.
Chaffardon dit
Bonjour Christophe,
Un immense merci pour ces précieuses informations si bien délivrées ! Je ne voudrais rien changer !
Merci beaucoup !
Muriel
Hirondelle dit
Je n'ai jamais vu de chardon bénit piquer une pointe spontanément dans les prairies de notre nordique royaume, mais ça n'a pas d'importance - tout est intéressant sur ce site. Merci pour vos articles généreux !
Hervé GOURIOU dit
Pendant plusieurs années j'ai laissé se développer des "pseudo chardons béni" car persuadé que c'en était, dans divers endroits de mon jardin.. jusqu'au jour où j'ai doté mon téléphone d'une application me permettant d'identifier les plantes (plantnet ou pl@ntNet) et là ma méprise a été évidente, car en fait, la plante, également une Astéracée, fut identifiée et dénommée "Helminthie fausse vipérine" ou Helminthotheca echioides "... En recherchant les études réalisées sur celle-ci j'ai trouvé qu'elle permettait de lutter contre les candida albicans, les vers intestinaux dont le ténia...(bon élève, j'applique ce que vous évoquiez dans votre précédente communication...).. Exit donc la présence de chardon béni dans mon jardin... Par contre je me consacre à la culture d'un autre chardon qui pique terriblement celui-là, qui est magnifique et dont l' identification est incontestable... c'est le Chardon Marie !.. Toutefois, je vous remercie Christophe, pour tout ce que vous m'avez appris sur le Chardon Béni.. et peut-être qu'un jour ferez-vous une communication sur cette Helminthie qui prolifère beaucoup chez moi et que désormais j'arrache ....
boussavie dit
je n'arrive plus à voir vos vidéos
sabine dit
bonjour Boussavie
c'est à dire ? vous ne pouvez les voir sur le site ou bien vous ne les recevez plus ? ou autre?
Dupre Patrick dit
Bonjour Christophe, c’est toujours avec un grand plaisir que je lis toujours tes articles. Je suis un lecteur acharné. Je suis un papy de 75 ans avec plusieurs maladies. J’essaye dans la mesure du possible d’eviter Les médicaments chimiques de Big pharma. Je voulais apporter à ton article une petite recommandation importante, concernant les plantes diurétiques. Ne pas les utiliser en permanence car elles provoquent la perte par les urines des électrolytes : Potassium, calcium, magnésium etc. Peu alors provoquer des crampes, voir de la déshydratation par fortes chaleur. Hyper natrémie. Principalement pour les personnes âgées. Le gros problème de la déshydratation est que c’est asymtomatique. Ce qui explique le nombre de morts par forte chaleur chez les personnes âgées et les bébés.
sabine dit
bonjour Patrick
merci pour ce rappel important 🙂
Paloma dit
Bonsoir Sabine,
Je suppose que vous ne vous souvenez pas de mon dernier commentaire(normal !!!) au sujet que je ne transpire pas en faisant du sport.
Vous m'aviez conseillé plusieurs diaphorétiques (sudorifique) et j'ai choisi le sureau (pas parce que c'est comme la baguette magique de Harry Potter, mais parce que c'est ce que j'avais chez moi.)
Cela fait à peu près une semaine que je prends des infusions de sureau et 3 jours que j'ai changé à 15 gouttes 3 x par jour d'extrait de sureau.
Je ne sais pas si c'est le beau temps et les 25° ou bien que le sureau commence à faire de l'effet, mais depuis deux jours, je sens un peu mois d'excès de chaleur... mes mains commence à transpirer... alors, je fonce dans le sport, mais toujours pas de la transpiration... on ne peut pas dire que la douche soit nécessaire après l'exercice... je déjeune peinard... Enfin bref, ma question, c'est le chardon béni est plus diaphorétiques, bénéfique que le sureau???
Merci.
sabine dit
bonjour Paloma
je ne saurai vous dire, il faut peut-être essayer pour comparer
Paloma dit
Ok, merci Sabine, je vais tester.