Cette petite sauvageonne de nos jardins est originaire d’Amérique du Nord. Elle est arrivée en France au 17e siècle, certainement dissimulée dans des peaux de bête. C’est du jardin botanique de Gaston d’Orléans à Blois qu’elle dut s’échapper et partir à la conquête de quasiment toute l’Europe. C’est une voyageuse tout terrain qui, malgré sa réputation d’envahissante, nous propose une large gamme thérapeutique.
Une fois que vous l’avez goûtée, vous ne pouvez plus l’oublier, après la première sensation un peu râpeuse liée à son aspect duveteux, un goût très épicé s’installe, et vous pouvez l’inviter dans vos salades, chaude ambiance assurée.
Description de la Vergerette du Canada
Elle fait partie de cette grande famille des Astéracées (donc attention aux personnes allergiques à cette famille). C’est une plante annuelle dont la taille varie entre 10 cm jusqu’à 1 m de haut et qui fleurit entre juin et octobre.
Elle possède une tige dressée qui se rigidifie au fur et à mesure de sa croissance, d’un vert cendré, velue, qui se termine en inflorescence très ramifiée.
Ses feuilles pubescentes (poilues) varient selon son évolution, dentelées, elles deviennent de plus en plus effilées, presque linéaires et glabres, quasiment desséchées au moment de sa floraison.
Ses fleurs jaunes tubulées au centre et ligulées (blanchâtres) en périphérie sont organisées en capitule de 3 à 5 mm de diamètre. Les capitules sont très nombreux et disposés en grappes sur les rameaux.
Elle peut fleurir dès le printemps, mais c’est surtout en été et début d’automne qu’elle s’épanouit, ses fruits sont des akènes allongés (1-2 mm de long), presque transparents surmontés d’une aigrette que le vent peut faire voyager sur de longues distances.
Elle est considérée comme une mauvaise herbe envahissante. Mais d’un point de vue herbaliste, cette "mauvaise herbe" pourrait bien devenir une des incontournables de nos jardins médicinaux.
Nom commun : Vergerette du canada, érigéron canadensis, fausse camomille
nom latin : Conyza canadensis, Erigeron canadensis
Famille : Astéracées
Constituants principaux :
- Composés phénoliques (acide caféique)
- Lactones sesquiterpéniques
- Tanins hydrolysables
- Flavonoïdes
- Phytostérols
- Huiles essentielles (limonène en particulier, qui lui donne cette petite odeur citronnée)
- Minéraux : calcium, potassium, phosphore, etc.
Tempérament :
- Réchauffant
- Asséchant
Goût :
- Très légèrement amer
- Épicé
Diurétique : infections urinaires et rétentions d’eau
La vergerette est tout d’abord diurétique. Elle stimule donc l’évacuation des déchets au niveau des reins. De très nombreuses plantes ont cette propriété, il n’y a donc rien de très original ici. Sauf que combiné à ses autres propriétés, vous allez voir que cette banale capacité de « faire pisser » devient tout à coup beaucoup plus intéressante.
Mais restons pour l’instant avec cet aspect diurétique. Forcer les reins à évacuer, ou « rincer le filtre rénal » comme le disait si bien le docteur Leclerc, a l’avantage direct de nettoyer une zone qui peut parfois être malade.
L’une des utilisations principales des plantes diurétiques, vergerette incluse, est donc de nettoyer les reins et la vessie lorsqu’il y a infection urinaire.
J’ai souvent entendu dire qu’elle ne doit pas être la seule plante utilisée, doit accompagner d’autres qui ont des propriétés plus désinfectantes : la busserole, la bruyère, le genièvre ou tout simplement le thym (très sous-estimé de ce point de vue là).
Mais ceci est probablement une vue trop limitante. En effet, elle est aussi réputée pour calmer les cystites et autres inflammations du système urinaire à elle seule, peut-être par la capacité de certains de ses constituants (conyzolides et conyzoflavones) à détruire des bactéries intestinales de type Escherichia coli (2), qui sont nombreuses aux environs de l'anus et peuvent contaminer la vessie.
L’autre utilisation des diurétiques, c’est pour tout ce qui est rétention d’eau. Ces rétentions peuvent être relativement bénignes, chez la femme pendant la période des règles par exemple, ou parfois certaines personnes sont sensibles aux changements d’altitude ou de température, ça peut faire du bien de stimuler l’élimination des liquides pendant ces périodes.
Comme parfois, ces rétentions peuvent être liées à un problème cardiaque – le cœur n’a plus assez de forces pour faire circuler et pour pousser le sang au travers de la structure rénale, et donc il y a accumulation de fluides en général aux extrémités. On appelle alors ça un œdème.
Quelle que soit la situation, vous retrouverez ces diurétiques dans les formules pour éliminer ces rétentions indésirables.
Éliminateur d’acide urique : inflammations articulaires
Allons un peu plus loin dans les propriétés d’élimination de la vergerette. Elle stimule l’évacuation d’un déchet bien particulier : l’acide urique. Ce déchet est impliqué particulièrement dans les inflammations articulaires.
On aurait tendance à penser que l’acide urique est uniquement associé aux problèmes de goutte. Mais l’impact d’un excès d’acide urique est probablement beaucoup plus large que cela. En effet, il semble y avoir un lien entre élévation d’acide urique et l’ostéoarthrite, ce qu’on appelle communément « l’arthrose » ou « l’arthrite » (8).
Ceci met la vergerette en bonne place en traitement de fond, pour tous les rhumatismes chroniques ou inflammatoires, deux conditions qui impliquent souvent une surcharge de déchets métaboliques. Et bien sûr on pourra faire de bonnes combinaisons avec d’autres plantes, pourquoi pas la feuille de cassis, pourquoi pas la reine-des-prés, etc.
Astringente et hémostatique
La vergerette est astringente grâce à ses tanins. Ceci la rend très utile pour freiner tout petit saignement, qu’il soit digestif, utérin ou même pulmonaire. Cette propriété serait aussi attribuée à sa teneur en huile essentielle qui serait aussi hémostatique aussi (3)
Bien évidemment, à ce stade, vous savez ce que je vais vous dire : s’il y a saignements, obtenez un diagnostic chez votre médecin d’abord, cela serait un peu fou de stopper des saignements alors que vous ne savez pas pourquoi ils sont là, vous allez en fait cacher un problème qui peut être sérieux. Donc pas de bêtises, consultez votre médecin avant toute chose.
Michael Moore est la personne qui, à ma connaissance, a donné la vision la plus complète à ce sujet. Il positionne en effet la vergerette pour les conditions suivantes (tiré de son ouvrage « Specific Indications for Herbs in General use », 1994) :
- Épistaxis (saigements de nez)
- Hémoptysie (saignements pulmonaires provoqués par un cancer du poumon ou par la tuberculose, bronchite ou pneumonie).
- Rectocolite hémorragique avec saignements
- Dysenterie avec saignements
- Hémorroïdes avec saignements
- Ulcère digestif avec saignements
- Saignements passifs du post-partum avec manque de contractions.
En ce qui concerne les saignements utérins, chez nous du côté Français le docteur Valnet donne une utilisation un peu plus large pour les métrorragies, c’est-à-dire les saignements hors de la période des règles.
Pour revenir à l’aspect digestif, c’est une plante très intéressante pour ce qu’on appelle les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et qui incluent la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn. Ce sont des maladies qui épuisent complètement la personne, qui peuvent devenir très invalidantes, et toute plante qui peut faire une petite différence dans la vie de la personne est une très bonne plante.
Son action tonique (resserre les tissus) agit sur les parois intestinales lorsqu’il y a syndrome de l’intestin irritable avec son cortège de conséquences bien connues (mal absorption, inconfort digestif, etc.). Au niveau de l’estomac, elle protège la muqueuse lorsque ulcère gastrique (4).
Propriétés intéressantes mais plus spéculatives
Dépigmentation de la peau
Il semblerait que notre Erigeron canadensis ait une action intéressante sur la réduction des taches brunes et obtiendrait de meilleurs résultats que l’effet dépigmentant de l’arbutine qui provient de la busserole. L’arbutine rentre dans la composition de nombreuses crèmes cosmétiques vendues pour éclaircir la peau, et je signale au passage que c’est un ingrédient très contesté.
En effet, une étude effectuée sur des cellules de mélanome a montré une efficacité bien supérieure à l’effet dépigmentant de l’arbutine, la teneur en mélanine aurait diminué de 25,3% après traitement d’Erigeron canadensis alors que les résultats avec l’arbutine étaient de 17,5% (6).
Un macérat huileux ou un onguent à base de vergerette à tester pour les taches brunes ? Pourquoi pas.
Douve du foie
Information séduisante, lorsque l’on est cueilleur compulsif et amateur de salade sauvage, de se dire que la vergerette a virtuellement la capacité de détruire des parasites comme la douve du foie, une étude de 2015 a mis en avant la capacité de la Vergerette du Canada à inhiber la motilité des parasites, les paralysants jusqu’à la mort desdits parasites (7).
L’étude a été néanmoins effectuée in vitro et ne signifie pas que la plante est efficace sur l’homme. C’est néanmoins une donnée intéressante à garder dans un coin.
Précautions
Maniez la plante avec précaution si vous êtes allergique aux plantes de la famille des astéracées (certaines personnes sont allergiques aux lactones sesquiterpéniques de la plante).
Cueillette et séchage
Coupez toute la partie aérienne. Mieux vaudra ramasser juste avant la floraison si possible, car si vous ramassez une fois que la plante est en fleurs, comme beaucoup d’Astéracées, elle continue à évoluer après que vous l’ayez coupée et toute la sommité peut vous faire les fameux petits plumeux ce qui va compliquer le stockage et la préparation de l’infusion.
Vous pouvez soit couper la tige entière et détacher les feuilles tout de suite en tirant dans le sens inverse des feuilles, c’est-à-dire du haut de la tige vers le bas, soit vous faites sécher la tige entière puis vous détachez les feuilles une fois sèches.
Personnellement j’étale les tiges entières sur une claie de séchage, en une seule couche, puis je les retourne régulièrement pour qu’elles sèchent bien car parfois ça fait une certaine masse de feuilles. Une fois sec je les coupe grossièrement au sécateur et ensuite je les stocke dans des sacs en papier dans un endroit sec à l’abri de la lumière.
Formes et dosages
Infusions : 30 g par litre 3 à 4 tasses par jour (Fournier)
Extrait fluide : 2 cuillère à café par jour, dans un peu d’eau (Valnet)
Alimentation: on peut la consommer cuite dans des potages, gratins etc. ou crues dans les salades. Ses feuilles sont riches en calcium, potassium et phosphore.
Références
(1) Romaisa Lateef, Khursheed A Bhat, Suresh Chandra and Javid A Banday. Chemical composition, antimicrobial and antioxidant activities of the essential oil of Conyza canadensis growing wild in Kashmir valley. 2018; 6(1): 35-41.
(2) Shakirullah M, Ahmad H, Shah MR, Ahmad I, Ishaq M, Khan N, Badshah A, Khan I. Antimicrobial activities of Conyzolide and Conyzoflavone from Conyza canadensis. J Enzyme Inhib Med Chem. 2011 Aug;26(4):468-71.
(3) Kane, Charles, "Herbal Medicine of the American Southwest", 2006
(4) Park, W., Bae, J., Chun, M., Chung, H., Han, S., & Ahn, M. (2013). Suppression of gastric ulcer in mice by administration of Erigeron canadensis extract. Proceedings of the Nutrition Society, 72 (OCE4), E263.
(6) Hong ES, Nguyen DTM, Nguyen DH, Kim EK. Inhibition of melanogenesis by Erigeron canadensis via down-regulating melanogenic enzymes in B16F10 melanoma cells. Korean J Chem Eng. 2008; 25: 1463-66.
(7) Shafiq A, Kanwal R, Ullah Qureshi R, Riaz Chaudhry F. In vitro screening of Cymbopogon jwarancusa and Conyza canadensis against liver flukes. Trop Biomed. 2015 Sep;32(3):407-12.