Réglementation plantes médicinales 2023 : (abonnez-vous au podcast ici)
Bonjour.
Que se passe-t-il aujourd'hui, en France, dans notre petit monde de l'herboristerie, d'un point de vue réglementaire ? Est-ce que les choses bougent ? La réponse est oui.
Je m'apprête à interviewer 2 personnes qui vont nous aider à faire le point sur les différents dossiers en lien avec les plantes médicinales et l'herboristerie. Ces deux personnes représentent des syndicats et fédérations qui ont été moteurs ces dernières années, qui ont fait un énorme travail pour faire avancer les choses. Les avancées se situent plutôt autour des métiers de la production et de la vente de plantes. Pour l'instant, les autres métiers sont en attente, car... une étape à la fois. Mon métier de praticien, par exemple, ne sera pas inclus dans ces 2 parties de la discussion, on en reparlera peut-être une autre fois.
Mes 2 invités sont Audrey Benavent (interview - site) et Thierry Thévenin (interview - site). Audrey est secrétaire générale et porte-parole du Syndicat SIMPLE, un syndicat qui regroupe des productrices et producteurs de plantes médicinales. Thierry est président et porte-parole de la Fédération des Paysan-ne-s-Herboristes, la FPH, une fédération qui a pour but de promouvoir la reconnaissance de la profession de paysan.ne herboriste.
Avant d'interviewer ces deux personnes, je voulais vous faire un résumé des discussions politiques et réglementaires de ces dernières années, telles que j'ai pu les comprendre. Autant vous dire que ce n'est pas chose facile, car je n'ai pas été autant impliqué que des personnes comme Thierry. D'un autre côté, je pense que c'est peut-être aussi un avantage d'avoir été à la périphérie et d'essayer de vous donner une vision la plus simple possible. Et vous allez voir, on a des dossiers qui sont parfois un peu incompréhensibles vu de l'extérieur.
Si vous avez l'intention de travailler dans le monde des plantes, je pense que vous allez apprécier cette discussion. Si vous n'avez pas l'intention d'en faire une activité professionnelle, mais que vous nous soutenez, s'il vous plait, restez avec nous, j'espère que vous allez écouter jusqu'au bout, pour comprendre le système dans lequel on essaie de faire notre travail.
Avant de démarrer, sachez que je ne suis pas un juriste. Et je ne suis certainement pas un politicien. On va parler de dossiers juridiques, je vais vous donner pas mal d’informations, mais s'il vous plait, allez toujours valider avec un juriste compétent en la matière, ne prenez pas ce que je dis au pied de la lettre.
Allez, vous êtes prêts à venir vous griller quelques neurones avec moi ?
Mission d'information de 2018
On va démarrer avec l'historique des discussions politiques à partir de 2018. Je ne vais pas remonter plus loin, ça serait trop compliqué.
Tout démarre avec un contact entre un producteur, militant et représentant de notre cause, Thierry Thévenin, avec un sénateur, et pas n'importe quel sénateur. On parle de celui qui est à l'origine de l'interdiction des désherbants, d'abord dans la sphère privée, puis ensuite dans les collectivités territoriales, les communes et les établissements publics. La "loi Labbé" est bien connue aujourd'hui. Le sénateur, c'est Joël Labbé. Thierry demande au sénateur s'il veut bien porter le dossier et la cause de l'herboristerie. Labbé accepte le projet, qu'il considérera comme significatif de son 2e mandat.
Et on ne peut pas parler de Joël Labbé sans parler de Fanny Duperray, sa collaboratrice parlementaire, qui a fait un travail titanesque de coordination et de participation dans les différents groupes de travail.
Ceci nous mène à la mission d'information au Sénat qui débute en avril 2018. Elle est intitulée "Mission d'information sur le développement de l'herboristerie et des plantes médicinales, des filières et métiers d'avenir". Alors… quelques explications… quand un parlementaire veut porter un projet compliqué et en faire, peut-être un jour, des propositions de loi, il démarre parfois avec une mission d'information pour exposer la situation. Pour dire "voilà Messieurs Dames, ne pensez-vous pas qu'on a une problématique à résoudre ?"
Une mission d'information, ce n'est pas rien, ça consomme du temps et des ressources du Sénat, donc un sénateur ne va pas proposer une mission comme ça à la légère. Il faut que le projet soit considéré comme important.
L'idée de la mission d'information, c'était de faire ressortir les opportunités et les défis de la filière, les complexités, les incohérences, les frustrations des différents acteurs, la possibilité de faire revivre des métiers disparus. Cette commission a été très instructive, on en a beaucoup parlé dans nos cercles. Plus de 200 auditions au total (certaines n’ont pas été enregistrées, donc officiellement, on parle de 36 auditions, mais en pratique il y en a eu beaucoup plus), une centaine d’acteurs sollicités avec des producteurs, cueilleurs, gérants d'herboristerie, pharmaciens, médecins, universitaires, chercheurs, industriels. Des auditions, des tables rondes, des visioconférences et de deux déplacements en région. Ces échanges ont permis de mettre à jour des situations parfois un peu ubuesque, il faut le dire, au sujet de la pratique de nos métiers.
Quelques mois plus tard, fin septembre 2018, le Sénat produit un rapport qui vient boucler la mission d'information. Ce rapport contient 39 propositions, organisées par thématiques. Je vous mets le lien vers le rapport sur mon site, c'est un rapport très instructif. D'ailleurs, je vais vous mettre tout un tas de liens intéressants dans l'article associé à cet épisode.
Le rapport est signé à l'unanimité par tous les membres de la commission. C'est fort comme message. La seule proposition qui n’a pas fait consensus, c'est celle concernant la reconnaissance des métiers de l'herboristerie qui nécessiterait des formations reconnues par l'État et encadrées formellement. La commission a dû faire face à des réticences des représentants de certaines professions de la santé qui ont vu ici un risque pour la santé publique. Donc sur ce point-là, les recommandations ont été de "poursuivre les réflexions".
Colloque de 2019
Arrive ensuite le colloque du 24 mai 2019 intitulé "Les métiers de l'herboristerie : état des lieux et perspectives" et organisé par Joël Labbé, au Sénat. Ce rendez-vous n’impliquait pas toute une équipe parlementaire comme la mission d'information. Joël Labbé était d'ailleurs le seul parlementaire qui s'est exprimé dans le colloque.
Le but du colloque, c'était de continuer l'élan de la mission d'information, de remettre tous ces sujets sur la table en faisant venir des représentants de chaque filière métiers, de montrer ce qui se faisait ailleurs dans d'autres pays. De continuer de parler de la problématique dans les médias.
On y a d'ailleurs entendu le témoignage d'Audrey, qui va être avec nous dans la 2ᵉ partie de cette discussion, témoignage qui était assez marquant et qui disait, en gros, "je suis jeune productrice, voici mon casse-tête quotidien pour répondre à toutes ces réglementations". Et pour la cosmétique particulièrement, le fait qu'on lui demande autant de paperasse que ce qu'on demanderait à une grosse entreprise comme L'Oréal.
Ce colloque a été clé, essentiel, fédérateur de toutes les forces vives de nos métiers en France. Il a fait que tous les gens ont été à fond dans les différents dossiers. On s'est tous un peu découverts ou redécouverts. On a eu envie de collaborer. Et quand je dis "on", ce n'est pas moi personnellement, car je n'y étais pas. Mais juste après le colloque, j'ai décidé de sortir de mon trou pour m'impliquer un peu plus.
La guilde des praticiens en herboristerie d’ailleurs, dont je fais partie aujourd'hui (j'en suis un des membres fondateur), n'existerait pas si on n'avait pas eu ce colloque. On a pu créer un dialogue apaisé entre les différentes fédérations, syndicats, associations. Peut-être même qu'un jour, on pourra évoluer vers une confédération qui chapeaute tous nos groupes et nos associations qui, bien qu’elles communiquent aujourd’hui, restent aussi un peu dispersées dans leurs objectifs… bon, ce qui est normal aussi.
Un petit coucou aussi, au passage, à une nouvelle association qui est en cours de création, "l'Association des Herboristeries de France" et qui a pour but de rassembler autour du métier de la vente et du conseil de plantes en boutique. Donc notre paysage commence à ressembler à quelque chose de cohérent ! La FPH pour les paysans-herboristes, l'association des herboristeries de France pour les boutiques, la guilde des praticiens pour le conseil et accompagnement individualisé. Désolé, j’en oublie, mais le message, c'est qu’on avance...
Et aujourd'hui au Sénat ?
Retour au projet politique.
À l'heure actuelle, on sait qu'il ne sortira aucune proposition de loi de tout cet effort, pour différentes raisons, en particulier le fait que le mandat de Joël Labbé est terminé. On ne sait pas si ce dossier sera repris un jour par un autre parlementaire. De toute manière, si on recherche des nouvelles lois, on est juste au début du chemin, car on le sait bien, de toutes les propositions de lois qui viennent de l'assemblée ou du Sénat, très peu aboutissent. L'essentiel des lois qui aboutissent vient du gouvernement, qui a toutes les cartes en main pour faire passer des lois.
Ceci dit, nous avons les 39 propositions... et certaines ne nécessitent pas de nouvelles lois pour avancer. Donc autant vous dire que les différents groupes de travail n'ont pas chômé. Les propositions qui ont le plus avancé, ce sont celles qui sont en lien avec la production et la vente de plantes. On va parler de 3 avancées significatives avec Thierry et Audrey.
Je vais vous donner un petit résumé des 3 dossiers d'abord.
1. Dossier plantes libérées
Premier dossier, les plantes libérées du monopole pharmaceutique.
Vous avez peut-être entendu qu'en France, 148 plantes, inscrites à la pharmacopée française, ont été libérées du monopole pharmaceutique et peuvent être vendues par des non-pharmaciens. Cette loi, ou du moins ce décret, date de 2008. Ces 148 plantes peuvent être vendues sous forme vrac, avec des possibilités très limitées de faire des allégations dessus. Ces deux points sont importants.
Vrac, ça veut dire un sachet de feuilles d'ortie ou de racines de bardane, non transformé. Donc vraiment une forme qui nous est chère dans nos valeurs d'herboristerie traditionnelle. Et encore, faut bien lire la loi, car les parties de plantes autorisées sont mentionnées aussi, par exemple, pour l'aubépine, en théorie, on peut vendre les fruits et pas les feuilles et les fleurs.
Ensuite, concernant les allégations, ça veut dire que je peux vous vendre mon sac de feuilles d'ortie, mais si vous me demandez à quoi ça sert, je dois utiliser des « réponses types » approuvées par les lois, et vous répondre, par exemple, que... L’ortie « Soutient l'utilisation de l'énergie corporelle ». Ça veut dire quoi ? J'en sais rien, ne me demandez pas. Mais on peut faire cette allégation. Ou encore, qu’elle « Aide à soutenir une vie cardiovasculaire consciente »... le sens de tout ceci, c'est "lost in translation", perdu au moment de la traduction de l'anglais au français. Autrement dit, si je vous vends la plante, je ne peux pas répondre clairement à vos questions : débrouillez-vous. Je ne peux pas indiquer toutes les propriétés librement. En particulier, si elles font référence à la prévention, le traitement ou la guérison d’une pathologie. Ça, c'est réservé à la profession médicale.
En pratique, est-ce que ceci est suivi et respecté à la lettre ? Comment font les vendeurs de plantes sur les marchés ou dans les boutiques ? Eh bien, ils font au mieux pour exercer leur métier, je n'en dirai pas plus.
Sachez que le décret précédent, qui datait de 1979, ne permettait de vendre que 34 plantes parmi lesquelles seulement 5 pouvaient être mélangées entre elles. Ce n'est plus le cas, le décret de 2008 n'aborde pas les mélanges, donc les mélanges ne sont plus interdits. Alors oui, pour faire des mélanges qui sont homogènes, bien formulés, avec des plantes qui ne se contredisent pas en action, c'est tout un art bien évidemment. Mais les mélanges sont autorisés.
Une précision importante, histoire d'en rajouter une couche : si une plante n'est pas dans cette liste des 148, mais qu'elle figure dans le livre Bleu du Conseil de l’Europe des “substances aromatisantes", alors, elle pourrait, en principe, être libre à la vente comme plante alimentaire. Ceci dit, le livre bleu n’a aucune valeur juridique, il n’offre pas la sécurité de pouvoir vendre des plantes en dehors des 148. Et puis le fameux livre bleu n'est plus réédité aujourd'hui, donc difficile à trouver, mais le syndicat Simples a mis la liste sur leur site. Je vous mettrai la référence dans mon article. Là encore, on nage dans le flou artistique.
Maintenant, accrochez-vous bien. Si vous vendez les plantes sous forme de complément alimentaire, c'est-à-dire gélules, ou ampoules, ou extrait liquide avec compte-gouttes, ou autre forme prédosée, le terme "prédosé" est important ici, donc le packaging et les recommandations sur la boite sont importants, alors vous pouvez vendre plus de 1000 plantes ! Vous m'avez bien entendu, plus de 1000.
Est-ce que vous pouvez vendre une magnifique échinacée, cultivée localement, forme vrac, 100 g des racines ? Non, ce n'est pas dans les 148 acceptées dans le décret de 2008. Et elle n'est pas non plus classée comme "aromatisante" dans le livre Bleu. Est-ce que vous pouvez vendre de l'échinacée forme gélules des racines et prédosée, avec des recommandations de dosages inscrites sur la boite ? Oui, c'est dans la liste des espèces végétales acceptées dans l’arrêté « Plantes » de 2014 pour renter dans la fabrication des compléments alimentaires.
Euh... c'est quoi l'histoire, là ?
La question que vous vous posez probablement, à ce stade : c’est quoi cette histoire tordue ?
Eh bien historiquement, ça s'est fait comme ça, avec 2 lois qui viennent de 2 directions différentes. Le décret des 148 plantes vient d’une réforme du Code de la santé publique de 2008. Cet élargissement s’est fait sous pression des lobbys de l’industrie de l’agro-alimentaire qui voulaient sortir du monopole pharmaceutique des plantes alimentaires comme le thym, le laurier, la menthe, etc. C’est une étape importante vers la fin du monopole pharmaceutique absolu. Jusqu’en 1941, ce monopole était partagé avec les herboristes certifiés. Pas diplômés, je précise, car en 1803, c'est un certificat qui est créé, sous la tutelle des facultés de pharmacies, pas un diplôme.
Bref. Ces herboristes pouvaient vendre toutes les plantes indigènes et acclimatées, à l’exception des plantes toxiques et stupéfiantes. Lorsque le certificat est supprimé en 1941, seulement 5 plantes restent en vente libre, ceci pour l’industrie du café et des limonadiers : tilleul, camomille, menthe, verveine et fleur d’oranger, et ce, jusqu’en 1979 où on obtient 34 plantes, puis le décret de 2008 ou on en obtient 148.
Laissez-moi maintenant vous parler de l’arrêté plantes de 2014, qui a listé au départ 541 plantes et permet aujourd’hui d'en vendre plus de 1000 sous forme de complément alimentaire. Cet arrêté a pour origine la loi compléments alimentaires de la Communauté européenne. Les forces vives derrière ce règlement, ce sont les sociétés qui vendent des compléments alimentaires - gélules et autres formes transformées. Donc ici, on a différents acteurs, un texte réglementaire différent qui arrive d'une direction différente, l'Europe, et qui fait qu'aujourd'hui, on se retrouve avec cette situation bizarre. Echinacée vrac, pas OK. Echinacée gélules ou teinture, OK.
En pratique, les petits producteurs et transformateurs doivent aussi se baser sur cet arrêté compléments alimentaires, et ont l’obligation d’utiliser ce statut (avec toutes les contraintes que ça engendre), pour la forme extrait hydro-alcoolique, qu'on appelle aussi teinture ou alcoolature. Pareil pour les gélules.
Donc plantes en vrac, c’est la loi 148 plantes. Plantes en teinture ou gélules ou autre type prépackagé et prédosé, c’est l’arrêté plantes de 2014.
Et juste pour votre information, sachez qu'on a des règles et des procédures encore différentes pour les produits à base de plantes vendus comme cosmétique (par exemple, un macérat huileux de fleurs de souci avec quelques gouttes d'huiles essentielles de lavande vraie). On a de beaux dossiers à monter et à soumettre pour ce petit pot fait d’une manière artisanale.
Et pour les huiles essentielles, alors là, c'est encore autre chose en fonction du positionnement du produit, est-ce qu'on est dans l'alimentaire, ou dans le cosmétique, ou dans le vétérinaire ou autre ? Donc la même huile essentielle, de camomille romaine par exemple, en fonction de ce qu'on inscrit sur la boite et des allégations qu'on veut faire, ça peut partir d'un côté ou de l'autre.
La tête vous tourne ? Bienvenue au club.
Mais revenons à notre dossier 148 plantes si vous le voulez bien. Parce que là, on est un peu parti dans des tangentes, mais je voulais vous montrer la complexité du système. On a un groupe de travail sur le sujet à la FPH. Car on a beaucoup d'autres plantes qui ne présentent pas de risques d'emploi. Le but de ce dossier, c'est de réexaminer cette liste et de l'augmenter avec de nouvelles plantes, pour que les producteurs, cueilleurs et boutiques aient plus de libertés.
Le groupe de travail est pluridisciplinaire, il a fait ses recommandations de nouvelles plantes à inclure dans la liste, ceci a été soumis à l’ANSM il y a 3 ans déjà. Audrey et Thierry vont nous faire le point sur ce dossier pour voir où on en est des discussions aujourd'hui, et vers quoi on pourrait tendre dans le futur.
2. Dossier allégations de santé
Ensuite, dans les 39 propositions, certaines concernaient la possibilité de faire des allégations de santé lors de la vente de plantes, par des non-professionnels de la santé. Ces allégations pourraient figurer sur le sachet ou la boite, ou être données à l'oral lors d'une discussion avec l'acheteur potentiel, sur un marché ou en boutique. Donc la possibilité de vous vendre de l'ortie, et vous dire à quoi elle sert vraiment, sans jouer au médecin ou au pharmacien, sans entrainer de risque sur la santé publique.
Globalement, tout le monde s'accorde à dire qu'il faut donner aux vendeurs la possibilité d'accompagner l'acheteur du mieux possible sur l'utilisation du produit, sinon on ne rend service à personne. Il faut que ces allégations soient fondées sur la reconnaissance de leur usage traditionnel tout en intégrant les avancées des connaissances scientifiques. Il faut sortir de ce blocage et de cette hypocrisie, car on le sait, l'information sera échangée entre vendeur et acheteur de toute manière. Ça se fait aujourd'hui, mais ça se fait dans la crainte, l'incertitude de se faire attraper, ce n'est pas sain du tout.
Avant le travail qu'Audrey et Thierry vont vous présenter, la situation était complexe. En fait, la seule source d'allégation qu'on avait, c'était un registre Européen, créé en 2008 et qui accompagnait la loi sur les compléments alimentaires autorisés, avec une liste d'allégations qui est toujours "en attente". En fait, lorsque le registre a été créé au niveau de l'Europe, de très nombreux pays, de très nombreuses sociétés de compléments alimentaires ont soumis des tas de demandes d'allégations, avec les justifications. Près de la moitié ont été refusées faute de justificatif « scientifiques », c’est-à-dire avec des essais cliniques. Pas de place pour la tradition ici. Et si vous pensez que les autres, celles qui n’ont pas été refusées, ont été acceptées, détrompez-vous. Elles ont été marquées "en attente" et n'ont jamais été vraiment examinées. Ceci dit, c'est tout ce qu'on a aujourd'hui, et c'est l'une des sources officielles d'information, bizarrement. Même en France, les administrations de contrôle utilisent cette liste "en attente" lors des contrôles sur les produits.
Grâce à la contribution de la FPH et au travail de l’administration, et on parle ici de la DGCCRF, nous avons maintenant un registre d'allégation français, traduit (parfois un peu bizarrement), mais plus accessible, téléchargeable sous forme de tableur. Le lien se trouve sur mon site. Audrey et Thierry vont nous expliquer comment on va pouvoir utiliser cette liste d'une manière plus claire, s'il y aura un manuel d'utilisation, et les perspectives de l'enrichir d'une manière ou d'une autre.
3. Dossier reconnaissance métier
Dernier dossier, celui sur la reconnaissance métier de Paysan-Herboriste avec tout le travail de la FPH.
On a vu que le rapport de 2018 n'a pas pu s'accorder sur la renaissance de métiers reconnus de l'herboristerie. Donc faute de diplômes et de formations reconnues par l'État, les différentes filières métiers et certaines écoles ont décidé de soumettre des référentiels métiers à France Compétence, sachant qu'un référentiel métier, ce n'est pas un diplôme, cela ne donne aucun droit, mais ça représente un premier pas vers une officialisation.
Ici, on fera le point avec Audrey et Thierry sur le fait que les paysans-herboristes ont obtenu acceptation de leur référentiel métier. C'est une grande nouvelle, on verra pourquoi. Je pense que Thierry nous dira pourquoi c'est une avancée stratégique. On parlera des écoles qui comptent mettre en place ce référentiel métier, le fait que l'école doit travailler avec la FPH. On ne peut pas s'improviser centre de formation paysan-herboriste. Là, on a une fédération métier qui est en train de placer la barre pour le métier.
C'est un modèle qu'on est en train d'adopter dans plusieurs associations, parce qu'on est convaincu que les plus grands défenseurs de la qualité d'un métier, ce sont souvent les gens qui l'exercent, avec passion, avec fierté. Certains diront que ce n'est pas un système parfait, mais donnez-moi un système parfait aujourd'hui, vous en connaissez ?
Avant de vous quitter, je vous rappelle que je vous ai mis plein de liens intéressants sur mon site, plein de bonnes lectures pour les longues soirées d'hiver. Et je termine cette discussion en vous disant que si vous voulez avoir une excellente vue du ciel des enjeux, de l’historique, des opportunités de l'herboristerie, je vous recommande vivement le livre de Thierry « Plaidoyer pour l'herboristerie ». Là encore, s’il y a quelqu’un qui a suivi l’évolution de toutes les discussions ces dernières décennies, c’est bien lui.
Et d'ailleurs, on va le retrouver très prochainement dans la 2e partie de cette discussion, avec Audrey Benavent, chez Thierry, à Mérinchal dans la Creuse, avec en fond ces étagères remplies de flacons et de bocaux que j'adore voir quand j'interviewe Thierry. J'espère que vous serez des nôtres ! À très bientôt !
Références et liens
- Rapport de la mission d'information : https://www.senat.fr/rap/r17-727/r17-727-syn.pdf
- Les 39 propositions qui en ressortent, voir page 13 : https://www.senat.fr/rap/r17-727/r17-7271.pdf
- Liste des 148 plantes autorisées à la vente sous forme vrac : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000019375944
- Arrêté plantes de 2014 listant les 541 plantes autorisées sous forme compléments alimentaires (1000+ aujourd’hui): https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029254516
- Liste tirée du livre bleu des substances aromatisantes fournie par le Syndicat Simples : https://www.syndicat-simples.org/wp-content/uploads/2019/10/liste_aromatisants_CEE_conseil_de_l_Europe_1981.pdf
- Nouvelle liste d'allégations publiée par la DGCCRF (voir à la fois le fichier XLSX et le PDF téléchargeable en bas de page) : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Consommation/Etiquetage-des-produits/Allegations-nutrionnelles-et-de-sante
- Le livre de Thierry « Plaidoyer pour l’herboristerie » : https://www.actes-sud.fr/node/45698
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Mélanie Dupuis dit
ça fait longtemps que je n'ai pas mis un petit message ici mais merci Christophe (et toute l'équipe) pour ce sujet large, complexe et.... encore tabou.
sabine dit
coucou Mélanie 🙂 merci pour le rayon de soleil de ton passage
Rubus dit
Merci pour cette synthèse trè claire !
Hâte d'écouter Thierry et Audrey la semaine prochaine ...
Sylvain dit
Sur les compléments alimentaires cela ne nous est pas enseigné quand on passe un BPREA, je l'apprends 3 mois trop tard. Mais vaut mieux tard que jamais. Merci pour toutes ces infos.
HERVE GOURIOU dit
JE vous ai bien écouté et réécouté et reréécouté car parfois je me suis demandé, avec ahurissement, si j'avais bien entendu et tout bien compris... Mais, en fait pas étonné, pour connaitre déjà, quelques unes des règles de base restrictives, concernant les règlementations relatives aux Plantes Médicinales et les paperasseries administratives qui s'y rapportent, ainsi que les feux d'artifices technocratiques qui atteignent ici, désormais, des sommets courtelinesques et kafkaïens à la fois, je n'ai pas été étonné que des plaidoyers, dont vous avez fait état, émergent enfin, de tous les défenseurs des droits des citoyens utilisateurs et consommateurs mais également et surtout, des professionnels suffisamment aguerris et instruits des choses thérapeutiques , pour faire valoir institutionnellement les libertés de consommer à bon escient ce que la nature offre gracieusement à portée de main à tout le monde, à partir du moment où des scientifiques tels que vous, continuent à nous informer et nous instruire. Il n'est point besoin de ces règles et interdictions faussement précautionneuses, mais véritablement et volontairement restrictives, conçues par les Technocrates qui prétendent nous gouverner, alors qu'ils méconnaissent totalement ce dont ils font état dans leurs directives.
Carlier Viviane dit
Bonjour,
un grand bravo et merci pour cette compilation !
À noter que si l’on ne vend pas de plantes et qu’on ne fait que du conseil, le code rom K1103 autorise l’activité de conseil en herboristerie https://www.chambre-syndicale-sophrologie.fr/wp-content/uploads/2012/03/code-ROME-K1103.pdf. Ce que bien sûr, on ne peut pas faire si on vend des plantes.
cela fait près de 10 ans que je me suis affichée comme telle sans contrôle à ce jour… mais rien dans les textes de loi ne s’y oppose, au contraire, puisqu’ils ont l’air de stipuler qu’on a le droit de tenir un cabinet en tant que tel.
Belle continuation….
sabine dit
bonjour Viviane
voici le point de vue de Christophe
je crains que vous ne connaissiez pas trop la complexité du contexte juridique et qui se cache derrière ce truc, et ce que cela comporte comme risques , vous avez de la chance de n'avoir pas été contrôlée. En plus, même si pôle emploi décrit un métier, je doute que ceci ait valeur juridique .
Saskia dit
Super précieuses comme informations, un tout grand merci ! J'ai hâte d'écouter l'entretien !
Aurore dit
Le sujet semble incompréhensible pour de simples consommateurs mais je vois deja 2 points qui justifient ce cadre:
-cela permet tout de même de garantir une sécurité car l'importation de plantes cultivées avec des normes différentes peut faire courir des risques non négligeables si mal répertoriées/mauvaises traductions... ce qui indirectement reconnaît le pouvoir des plantes.
- quand on entend sur les marchés, les allégations que les producteurs de produits cosmétiques "maison" se permettent de dire, ça fait peur et on comprend pourquoi il faut un cadre car on a l'impression que ce sont des médecins qui vous promettent de soigner cancers et autres maux en appliquant une petite crème, sans savoir quel dosage, si ingrédients nocifs utilisés... c'est souvent de l'exercice illégal de la médecine, et ces personnes ne voient pas le problème mais juste ne maîtrisent pas du tout les conséquences de leurs pseudo conseils
Bodineau Marie Therese dit
Vous lire est enrichissant et bien agréable. J'essaie de "contaminer" mon entourage.
Godard dit
Mais quel travail ! Merci pour celle compilation intelligente et touffue !
Julienzo17 dit
Super article… Le sujet est “épineux”, parfois “urticant”, merci de “débroussailler” et “simple..ifier” pour nous, en espérant qu’au final, ce soit au bénéfice des consommateurs qui souhaitent choisir de quelle façon ils ont envie de se soigner ….
Ps : j’ai adoré le petit film où l’on voit Mr Thevenin au milieu de son jardin, de son séchoir, de son….bureau ! Très bien réalisé!!!
Emmanuel dit
Bonsoir,
quels statuts doit-on demander pour s'installer en producteur et vendeur de plantes à parfum, aromatiques et médicinales ?
Bien à vous
sabine dit
bonjour Emmanuel
je vous invite à vous rapprocher du syndicat des simples
Emmanuel dit
je vous remercie pour cette information. Bien à vous