Extrait du « Traité Pratique et Raisonné des Plantes Médicinales Indigènes » de F.-J. CAZIN, 1868
Aune ou Aulne
Inula helenium
Helenium vulgare. Bauh. — Helenium. Dod.— Aster helenium Scop. Aster omnium maximus, Helenium dictus. TOURN. —Helenium sive Enula campana. J.-B. OFF. — Vulg.
Aunée officinale, — aunée commune, — inule campagne, — inule aunée, — inule héléniaire. — hélénine, — lionne, — œil-de-cheval, — laser de chiron.
Synanthérées. — Astérées. Fam. nat. — Syngénésie Polyg. SUPERFLUE. L
L’aunée, plante vivace, grande et belle, ayant l’apparence en petit des hélianthes ou soleils, croit naturellement dans les prairies grasses et ombragées de l’Italie, de l’Angleterre, de la Hollande, de l’Allemagne, de la France. Elle est assez abondante dans les bois de Montmorency, de Senart, de Meudon, de Chevreuse. Elle est plus rare dans les départements du Nord, où on la cultive souvent dans les jardins, à cause de la beauté de ses fleurs. Elle tire son nom du mot aunaie, lieu planté d’aunes, où elle se plaît. Les anciens la faisaient naître des larmes d’Hélène, d’où son nom d’Helenium.
Description. — Racine grosse, charnue, rameuse, fauve ou brune à l’extérieur, blanche intérieurement. — Tige de 1 à 2 mètres, droite, ferme, pubescente, peu rameuse.— Feuilles radicales (non représentées sur la figure) très-amples, longues de 30 centimètres et plus, ovales-allongées, molles, crénelées, vertes et ridées en dessus, nerveuses, cotonneuses, blanchâtres en dessous; feuilles caulinaires moins grandes, ovales-pointues, sessiles, pétiole canaliculé, un peu amplexicaules. Les unes et les autres alternes. — Fleurs jaunes, solitaires, radiées, terminales sur chaque division de la tige (juillet-août). — Involucre composé de plusieurs rangs de folioles imbriquées, ovales, cotonneuses. — Réceptacle convexe, nu, alvéolé; fleurons d’un beau jaune, hermaphrodites au centre, tubuleux, quinquifides, ayant leurs anthères terminées chacune à leur base par deux filets libres et pendants ; demi-fleurons de la circonférence nombreux, femelles, ligulés ; réceptacle nu, légèrement convexe, présentant de petites alvéoles recevant les fleurons. — Fruit consistant en plusieurs akènes oblongs, couronnés d’une aigrette simple, sessile et poilue.
Parties usitées.— La racine.
Culture.— Demande une terre franche et même humide, elle se propage par semis, le plus souvent on en recueille les pieds dans les montagnes et on les transplante; on peut aussi les multiplier par division des pieds opérée au printemps.
Récolte. — La racine doit être récoltée à la deuxième ou troisième année. Quand elle est très-grosse, il faut la fendre, avant de la faire sécher, pour l’empêcher de pourrir. La couleur et l’odeur de celte racine se modifient par la dessiccation: elle devient grisâtre et prend l’arôme de la violette ou de l’iris; mais ces changements n’altèrent en rien ses propriétés.
Propriétés physiques et chimiques. — La racine d’aunée exhale une odeur forte, pénétrante; sa saveur est singulière, elle tient de l’amertume; mais, en la mâchant, elle devient aromatique, piquante ; contient une résine acre, une huile volatile, un stéaroptène (hélénine, camphre d’aunée), et une fécule particulière qui ne forme pas gelée avec l’eau, qui est soluble dans l’alcool bouillant, et qui ne prend pas la couleur bleue par l’iode (inuline, alantine, Tromsdorff), et environ 37 pour 100 d’extractif amer, de la gomme, de l’albumine et des sels à base de potasse, de chaux et de magnésie. L’eau et l’alcool dissolvent tous ses principes actifs.
(L’inuline existe dans plusieurs plantes et prend alors un nom tiré d’elles : datiscine (dalisca caunabina), dahline (dahlia), etc.)
PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES
A L’intérieur
- Décoction ou infusion, de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau; la décoction, qui dissout la résine, est très âcre; l’infusion est très aromatique, ce qui rend la première plus convenable pour l’extérieur, et la seconde pour l’intérieur.
- Sirop, de 30 à 100 gr. en potion. Peu employé.
- Teinture, de 5 à 15 gr. en potion ou dans le vin.
- Vin (1 de racine fraîche sur 20 de vin blanc), de 60 à 100 gr.
- Extrait, de 1 à 10 gr. en bols, pilules, etc.
- Conserve, de 5 à 10 gr. en bols, pilules.
- Poudre, de 2 à 10 gr. en bols, pilules ou dans du vin.
A l’extérieur
- Décoction concentrée, pour lotions, fomentations.
- Poudre, 1 à 5 d’axonge, pour onguent, pommades, en frictions.
La racine d’aunée est tonique, excitante, expectorante, emménagogue, diurétique, vermifuge. Elle est généralement regardée comme utile dans l’atonie des organes digestifs, les catarrhes vésicaux et pulmonaires chroniques, l’asthme humide, la diarrhée séreuse, l’aménorrhée, la leucorrhée, etc. A l’extérieur, on l’emploie dans la gale et dans les dartres.
L’usage de cette racine remonte à la plus haute antiquité. Hippocrate, Galien et Dioscoride signalent ses bons effets sur l’utérus, sur les voies urinaires, et sur l’appareil respiratoire. Elle a toujours occupé une place distinguée dans les pharmacologies et les traités de thérapeutique. Alibert en faisait un fréquent usage dans le vin. Cependant Trousseau et Pidoux n’en ont pas fait mention dans leur Traité de thérapeutique et de matière médicale (5e édition).
Comme la plupart des substances amères et aromatiques, la racine d’aunée remédie à l’atonie de l’estomac et des intestins. Cette propriété s’étend ensuite à d’autres appareils d’organes suivant les dispositions de ces appareils. C’est ainsi qu’elle peut provoquer le flux menstruel, la sécrétion des urines, les sueurs, l’expectoration, etc. Son action sur les voies respiratoires, quand la toux est humide et l’expectoration abondante, s’observe constamment. Tronchin prescrivait, pour favoriser et tarir l’expectoration, l’infusion miellée de racine d’aunée et d’anis étoilé. L’anis étoile peut être remplacé par notre anis indigène. (Dehaen préconise contre la coqueluche soit le vin, soit le vinaigre d’aunée par cuillerées à café.)
Delens a lu à la Société de médecine pratique de Paris une notice sur l’efficacité de la racine d’aunée contre la leucorrhée et les maladies scrofuleuses (1836).
Depuis que ces faits ont été publiés, j’ai eu souvent occasion d’employer la racine d’aunée dans la leucorrhée, et toujours j’en ai retiré de grands avantages. Une jeune fille de la campagne, d’un tempérament lymphatique, ayant eu des engorgements glanduleux au col dans son enfance, était atteinte de flueurs blanches abondantes depuis près de deux ans. Elle était dans un grand état de débilité; des tiraillements d’estomac, de l’inappétence avaient lieu. Je lui fis prendre chaque matin une décoction de racine d’aunée (12 gr. dans 125 à 150 gr. d’eau). Au bout de huit jours, l’écoulement était diminué de moitié, l’estomac faisait ses fonctions, les forces revenaient, et un mois après je vis cette malade entièrement guérie. On peut rapprocher cette observation de celle que j’ai rapportée à l’article Absinthe, page A.
Vitet avait déjà conseillé, contre les flueurs blanches atoniques, la conserve d’aunée à la dose d’un gros (4 gr.) une heure avant chaque repas. Delens croyait avoir découvert la vertu antileucorrhéique de l’aunée : nihil novi sub sole.
On a employé la racine d’aunée dans les fièvres exanthématiques, lorsque l’éruption languit par asthénie. On l’a supposée utile dans les fièvres adynamiques et ataxiques (typhoïdes) et dans la peste même. (Faivre d’Esnans y a recours dans les convalescences des maladies graves, et n’a qu’à se louer de son usage.) Hermann prétend qu’elle dissipe le tremblement des membres produit par le mercure.
L’aunée est une plante indigène très-précieuse, et dont je fais un grand usage dans ma pratique. Je donne l’infusion de la racine dans l’eau contre la débilité générale. Je la fais infuser quelquefois dans le vin, ou tout simplement dans la bière, lorsque le vin est trop cher pour les pauvres, auxquels je l’administre souvent. Dans la chlorose, je donne l’infusion aqueuse coupée avec autant d’eau de clous rouillés : elle me réussit très-bien dans ce cas. La même infusion, à laquelle j’ajoute 30 gr. de suc d’oignon pour 180 à 250 gr. d’infusion, avec une suffisante quantité de miel, forme une potion expectorante et diurétique très-efficace dans le catarrhe pulmonaire à sa période d’atonie, dans la bronchorrhée, qu’elle tarit promptement, dans l’hydrothorax et l’anasarque.
Knakstedt (1) a publié dans les mémoires de l’Institut de Saint-Pétersbourg, une notice où il établit que l’usage de cette racine, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, serait un remède très-efficace contre les dartres, la gale, et d’autres affections cutanées.
Amatus Luzitanus dit avoir employé avec le plus grand succès contre la gale un onguent composé d’une demi-livre (230 gr.) de racine d’aunée fraîche, et de 5 onces (150 gr.) de graisse de porc, et avec lequel il faisait frictionner tout le corps : Est enim admirandae virtutis unguentum hoc, ut incantamento ejus opus simile videatur, dit cet auteur. Contre la gale, « chez les enfants, dit Hufeland, la pommade d’aunée est un moyen excellent, incapable de nuire, et qui souvent surpasse tous les autres en efficacité; on en fait chaque jour des frictions sur les parties qui sont le siège de l’éruption. » Ce médecin se servait de la formule suivante : 3 onces (90 gr.) de racines d’aunée bouillies dans une suffisante quantité d’eau de fontaine, ajoutant ensuite une certaine quantité d’axonge. Bruckmann (2) a également préconisé l’aunée contre la gale; sa formule diffère peu de celle d’Hufeland. Wolf (3) vante l’emploi extérieur de cette racine contre la maladie qui nous occupe. Rayer assure que dans plusieurs contrées la racine d’aunée, réduite, en pulpe, et incorporée avec de la graisse, est employée en frictions contre la gale. Les lotions avec une forte décoction de cette racine sont aussi antipsoriques. La racine fraîche, pilée et réduite en pâte fine, a été employée avec succès par Bodart, pour déterger les ulcères anciens, et surtout les ulcères indolents, causés par la diathèse scrofuleuse.
Je n’ai qu’un seul cas de gale guérie par des lotions faites avec une forte décoction de racine d’aunée, chez un garçon de dix ans. Ces lotions étaient faites tous les soirs pendant un quart d’heure. La guérison fut obtenue en huit jours. Celte gale n’existait que depuis un mois environ.
(L’extrait d’aunée en injections a présenté quelques avantages dans l’otite chronique et l’otorrhée.)
Les vétérinaires emploient l’aunée dans les affections chroniques de la poitrine, et lui reconnaissent des vertus excitantes dans certains parts laborieux) (en poudre de 64 à 128 gr. pour les grands animaux; de 16 à 32 gr. pour les moutons).
(1) Bulletin de la Société philomatique, t. I, p. 184.
(2) Mercure général de l’Europe, aunée 1787, p. 130.
(3) De viribus inulae helenii in scabie persanandâ, épist. Leipzig, 1787.
3 réponses
Bonjour,
Une partie du troupeau de vache de mon voisin a de la gale essentiellement sur la tête. Quelle est la meilleure formule dans ce cas? En poudre de racine séchée (vue la période, je ne peux plus en récolter elle est sous plus d’1m de neige…). J’avais préparé de la teinture mère pour ma consommation familiale (qui a été bien utile pour le bon rhume de mon fiston la semaine dernière).
En externe :En ongue racine séchée réduite en poudre ajouté à du saindoux (1/3 poudre 2/3 saindoux), comme vu dans un de mes bouquins de phyto animale.
Je peux aussi préparer un baume avec TM et cire d’abeille plus HM de calendula
En poudre, dans leurs compléments alimentaires (elles ont une portion de céréales pendant la traite), donc en interne.
D’après vous qu’est-ce aui serait le plus efficace, et simple d’usage (il y en a quand même un paquet à traiter… une trentaine!)
Merci encore pour votre boulot de partage et de transmission.
bonjour Claire
désolée mais je n’ai pas d’expertise dans ce domaine , ni Christophe
merci pour votre partage