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- Ma formation sur la Santé du Foie (et les stratégies de détox pour garder la santé)
La santé, telle une plante, se cultive
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Voici la transcription de la vidéo :
Dans cette vidéo je vous donne mon opinion sur la question suivante – cure détox, info ou intox ? C’est une vidéo assez longue, pleine d’information dans laquelle je partage mon expérience pratique et de terrain. Et ne vous inquiétez pas, pas besoin de prendre des notes, je vous ai créé un PDF sur mon site dans lequel je vous ai fait un résumé de cette vidéo. Vous trouverez le lien dans le petit « i » entouré d’un cercle en haut à droite de la vidéo.
Je tiens aussi à vous dire que dans toutes mes vidéos, mon but n’est pas de vous convaincre, mon but n’est pas de vous dire « je détiens la vérité », je n’ai pas cette prétention. Je veux juste partager mon expérience, mon petit monde avec vous. Vous trouverez différentes opinions sur le sujet, à vous de décider celle qui vous correspond le mieux. Et comme toujours, soyez prudent, si vous avez actuellement un problème de santé sérieux qui demande un suivi médical ou si vous prenez des médicaments, demandez conseil à votre médecin avant de prendre des plantes.
Alors, toutes les années, à chaque printemps, vous verrez ressurgir le sujet de la cure détox. Ca va faire la une des magazines, sur la toile on va aller dépoussiérer le même article qu’on a posté année après année, on va en parler dans le journal télévisé, etc. Et je dois vous dire qu’on mélange un peu tout en ce qui concerne les objectifs. On va parler de cure détox pour avoir le ventre plat, on va parler de cure détox pour des problèmes digestifs, pour des problèmes de fatigue chronique, etc. Et si vous êtes confus aujourd’hui, je vous comprends car à mes débuts dans le monde de la santé naturelle, j’ai moi même du faire un grand ménage dans tout ça, avancer à tâtons et faire pas mal d’erreurs. Je vais donc vous donner mon analyse basé sur mon expérience, pas sur ce que j’ai lu, mais sur ce que j’ai vu.
On commence par le commencement. Avons-nous besoin de faire des cures détox occasionnellement ? Je pense que oui. Tout d’abord nous sommes constamment bombardés par des polluants en tout genre. Même si vous mangez bio, local, même si vous passez au peigne fin toutes les étiquettes sur les produits que vous achetez, votre corps va toujours être exposé à une grande quantité de polluants qui viennent de l’air, de l’eau que l’on boit, des produits que l’on met sur notre peau, des plastiques qui sont utilisés pour emballer nos aliments, etc. La liste est très longue aujourd’hui. En principe, notre corps a gardé une bonne capacité à éliminer tout cela. Les deux organes principaux de détoxifications sont le foie et les reins et ils ont une capacité assez incroyable à détoxifier l’organisme. Si votre alimentation est saine et constituée en majorité de végétaux, si vous bougez régulièrement, si vous buvez une bonne eau pure, si vous n’êtes pas stressé, si vous dormez bien, votre corps peut très bien faire ce travail de nettoyage.
Mais là vous allez me dire – eh oh Christophe, tu vis sur quelle planète ! Et vous avez raison ! Même lorsque l’on fait attention à sa santé on va toujours devoir faire des écarts, on va toujours avoir des périodes de stress, de périodes d’abus alimentaires, des périodes où l’on doit travailler dans des villes polluées, etc. On n’est pas parfait, on ne peut pas l’être aujourd’hui, c’est dur, donc acceptons nos imperfections et travaillons avec. Donc oui, certains vous diront que vos organes d’élimination sont capables d’éliminer tous les déchets et que vous n’avez pas besoin de faire une détox de temps en temps. Mais en réalité, lorsque la machine fatigue à cause de la vie moderne, et elle va fatiguer a un moment ou à une autre, je vous le garantie, et bien la cure peut faire beaucoup de bien.
Ce que je vais vous dire maintenant est très important. Le but d’une cure dépurative ce n’est pas de mincir. Ce n’est pas d’avoir un ventre plat. Ce n’est pas de nettoyer les intestins. Le but c’est de faire un nettoyage de notre environnement interne. Et pour faire cela, on va gentiment encourager le foie et les reins à éliminer. C’est vraiment ça l’objectif et vous allez voir c’est à la fois très simple à faire et très efficace.
Les pièges du marché des compléments alimentaires, les voici :
Maintenant on va parler de quand faire la cure détox. Tout d’abord, nos ancêtres en faisaient au changement de saisons, au printemps et à l’automne. Pourquoi ? Et bien parce que notre corps est bercé par les rythmes de la nature, que l’hiver tout ralenti, en général on fait moins de choses, on récupère, au printemps la sève remonte dans les arbres, l’activité reprend, on reprend les activités. Donc il y a un changement de rythme. De même à l’automne, après une longue période d’activité en extérieur, on va se préparer pour l’hiver, les choses vont ralentir, on va passer d’une alimentation fraiche et vivante à une alimentation moins nourrissante. Donc traditionnellement, nos aïeux faisaient la cure 2 fois par an, et si vous vous sentez bien, en bonne santé, bonne vitalité, et bien je vous propose de suivre ce même modèle, une petite cure disons en avril, une petite cure disons en octobre.
Au-delà de ces deux périodes, on peut faire une cure détox lorsque le besoin s’en fait sentir. Et je dirais que c’est le modèle qui est beaucoup plus intéressant aujourd’hui, plus que de faire aux changements de saison. Et basé sur mon expérience, voilà les signes qui ne trompent pas. On rentre dans une période où l’on se sent constamment gonflé, engorgé, on digérait bien avant mais là, on a l’impression que la digestion stagne. La langue peut être blanche et chargée au lever le matin, il peut y avoir une mauvaise haleine le matin ou toute la journée. Parfois, lorsqu’on souffre de problèmes chroniques comme un eczéma, qu’on a des migraines, ou des allergies, ça peut se traduire par une aggravation de la situation. On va avoir une poussée d’eczéma, plus de migraines, une poussée d’acné chez l’adolescent, etc. Alors, le stress peut créer ces situations aussi donc essayez de toujours voir s’il y a aussi se sentiment de lourdeur et d’empâtement au niveau abdominal. Et bien évidemment, ne faites pas n’importe quoi, consultez un médecin pour vous assurer que tout va bien. Et si tout va bien, à ce moment là vous pouvez faire une cure détox.
Autre moment pour faire la cure, après des abus alimentaires qu’ils soient solides ou liquides si vous voyez ce que je veux dire. Ca peut être les vacances d’été avec quelques semaines de barbecue bien arrosé, ça peut être un voyage d’affaire avec des sorties au resto, ça peut être les fêtes de Noël avec chocolats et champagne, etc.
Notez au passage que dans mon humble avis, la cure dépurative n’est pas adaptée aux périodes d’épuisements. Peut être que vous sortez d’une infection qui vous a éprouvé, ou d’une période émotionnelle qui vous a vidée. Dans ces moments, rien ne sert de vous drainer si vous l’êtes déjà, mieux vaut retrouver des forces d’abord.
OK, maintenant qu’on a posé les bases, on va voir comment mettre en place cette fameuse cure détox. D’un point de vue alimentaire, vous avez plusieurs cures et je vais les passer en revue rapidement car je veux surtout vous parler de plantes.
Tout d’abord, si vous avez un extracteur de jus à la maison, vous avez les cures à base de jus de légumes frais. Pendant quelques jours, vous allez ralentir au maximum les aliments solides et les remplacer par un jus de légumes frais et bio. Je vous donne mes 3 légumes favoris : céleri, carottes et fenouil. Côté fruits je rajoute toujours un citron car cela rend le jus très agréable à boire. Et le petit morceau de gingembre ou curcuma frais, ça, c’est le petit plus.
On passe maintenant aux monodiètes. Pendant plusieurs jours, vous allez manger un seul aliment et rien d’autres. Les classiques, vous avez la monodiète à la pomme, au raisin ou à la carotte.
Dernière cure détox nutritionnelle, la détox ultime je dirais, le jeûne. Et là, on pourrait en parler pendant des heures car le sujet est complexe. Sachez aussi que vous avez plusieurs types de jeunes, certains plus longs que d’autres, vous avez aussi des jeunes intermittents, etc. Donc renseignez vous si cela vous intéresse et éventuellement faites vous accompagner.
On passe maintenant aux plantes. Et là, vous allez voir, on va faire très simple. Il existe de nombreuses plantes qui ont une action dépurative dans notre pharmacopée et on peut très rapidement se perdre. Je vous en donne trois qui ont toujours été efficaces dans mon expérience. Je vais aussi vous les donner de la plus forte, la plus énergique si vous voulez, à la plus douce. Elles vont toutes activer le métabolisme au niveau du foie et des reins, on va mieux filtrer le sang, on va mieux nettoyer tout l’environnement interne. On va prendre les plantes sous forme d’infusion ou de décoction. Pourquoi ? Et bien parce que cette grande quantité de liquide va contribuer au nettoyage. Laissez tomber les gélules ou même les teintures. De plus, vous allez boire la quantité de liquide tout au long de la journée et pas tout d’un coup, vous allez étaler la prise dans la journée.
On va prendre ces plantes tous les jours pendant 10 à 15 jours. Pas plus. Cela ne sert à rien de continuer, et même cela va commencer à fatiguer les organes d’éliminations. Vous pouvez acheter ces plantes très facilement en herboristerie, ce sont de grandes classiques. Et je vous explique où les trouver dans le PDF.
Première plante, bien de chez nous, l’aubier de tilleul. Le tilleul vous le connaissez bien, c’est ce grand arbre que vous verrez sur les places de nombreux villages. L’aubier c’est la partie sous l’écorce et vous pouvez en acheter en herboristerie. Je vous donne d’ailleurs des adresses dans le PDF que vous pouvez télécharger sur mon site. Personnellement j’estime que 20 g d’aubier par litre, c’est largement suffisant, et c’est beaucoup moins que ce que vous trouverez dans certains ouvrages. Mais dans mon expérience ça suffit. On va le préparer en décoction. Une décoction ça se fait comment, et bien vous pesez vos 20 g avec une balance de cuisine. Vous les placez dans une casserole. Vous versez 1 litre d’eau froide par dessus. Idéalement vous allez laissez macérer une heure dans l’eau froide pour que la plante se gorge d’eau, puis vous faites chauffer. Une fois que ça frémit, vous laissez frémir 5 minutes, puis vous éteignez le gaz et vous laissez reposer encore 10 minutes. Ensuite vous filtrez et vous buvez le litre dans le courant de la journée, chaud ou froid.
Deuxième plante, moins forte que l’aubier de tilleul et ma favorite pour la cure détox, c’est la racine de pissenlit. Je dis toujours, dans le doute pour une cure dépurative, choisissez la racine de pissenlit. On va utiliser 30 g de racines sèches par litre d’eau et on la prépare en décoction elle aussi. Même préparation que pour l’aubier de tilleul, vous buvez le litre dans la journée.
Dernière plante, une plante tellement commune qu’on a tendance à l’oublier et à la sous-estimer. C’est la plus douce des trois, le romarin. Elle se prend en infusion idéalement des feuilles fraiches, vous coupez une branchette comme celle-ci si vous avez un plant au jardin, sinon vous utilisez une cuillère à dessert ou une cuillère à soupe des feuilles sèches par tasse, faites selon leur force, certaines sont plus aromatiques que d’autres en fonction de l’endroit où vous les achetez. Ensuite vous laissez infuser 5 minutes, ça suffit, puis vous buvez une tasse 2 à 3 fois par jour pendant la cure.
Une note alimentation. Lorsque vous faites la cure, ne surchargez pas votre foie. Consommez en majorité des légumes et fruits de saison, bon le choix est un peu limité vers mars/avril, on fait avec ce qu’on a, crus ou cuits vapeur selon l’état et la vitalité de votre système digestif, le tout parsemé d’huile d’olive, d’épices doux et d’herbes de Provence, et éventuellement accompagné d’un peu de protéines de type poisson pour ceux qui le désirent.
Une note récupération. Pendant la cure détox, allez au lit tôt. Mettez les écrans de coté, faites-vous plaisir avec un bon livre, puis allez au lit à 22h maximum. Il faut savoir que le foie fait son travail de filtration pendant la nuit. Dormez donc autant que nécessaire pour vous réveiller reposé le matin, idéalement sans l’aide du réveil.
Voici un point à bien noter. Il arrive parfois que le système soit dans un tel état d’inflammation ou de surcharge que la cure va aggraver certains problèmes, problèmes digestifs, problèmes de peau, migraines. Certaines personnes ont des diarrhées par exemple, signe d’inflammation digestive causée par l’excrétion d’une bile qui est un peu trop irritante. Certaines personnes ont un eczéma qui s’empire au lieu de s’améliorer, signe d’une décharge un peu trop abrupte de toxines.
Si cela vous arrive, vous avez 3 possibilités :
Attention, si vous avez une obstruction des voies biliaires, cette cure peut aggraver la situation et vous est déconseillée.
Et bien voici qui termine mon petit tour d’horizon de la cure détox, j’espère que ça vous a plus et si oui, abonnez vous à ma chaine ! J’aimerais maintenant vous donner la parole, laissez-moi un commentaire, dites moi ce que VOUS avez essayé dans le passé, ce qui n’a pas fonctionné, ce qui vous a fait du bien. Car la seule cure détox qui compte, c’est celle qui fonctionne pour VOUS. Le reste, c’est du blabla ! Sur ce, à très bientôt pour la prochaine vidéo !
Il y a de l'intox dans la détox !
Jeu de mots mis à part, il se dit n'importe quoi sur la toile. Il y a beaucoup trop de marketing autour de la détox, un des termes les plus recherchés dans la sphère des thérapies complémentaires. Certains vous feront croire que de complexes mélanges de plantes exotiques nettoient le corps de toute impureté.
Je vais tenter d'apporter de la clarté dans cette confusion. Je fais aussi le choix de ne pas parler de certaines substances dans cet article - le DMSA en particulier, choisissant des formes qui me paraissent plus proches du naturel en premier lieu, moins brutales, c'est-à-dire favorisant une élimination en douceur et sur le long terme. [Lire plus...]
Bienfaits du millepertuis (revisité après 14 ans de pratique) : (abonnez-vous au podcast ici)
Les bienfaits du millepertuis, ma version 2024. C'était le tout premier article que j'ai écrit sur mon blog, fin 2009. On sortait d'une décennie pendant laquelle le millepertuis avait été marketé et vendu avec beaucoup d'entrain comme "prozac naturel"... le truc qui nous fait pas vibrer de la bonne manière, nous amoureux des bonnes herbes. Donc j'avais posé l'article, déjà, pour dire que ce positionnement était problématique.
Là, 2024, j'ai 14 ans de pratique en plus. Est-ce que mes positions ont changé au sujet du millepertuis ?
Je trouve l'article toujours d'actualité, mais je vais essayer de rajouter de la pratique, de l'expérience, des observations de terrain - les miennes et celles d'autres praticiennes et praticiens avec qui j'échange régulièrement dans différents pays, anglophones en particulier.
Donc le point de départ, c'est le fameux article, pour avoir une bonne base pour cette discussion. Je vais essayer de ne pas trop répéter ce que j'avais déjà écrit, et on va essayer d'aller un peu plus loin. Et j'aimerais avant tout sortir le millepertuis de cette éternelle prison de "l'antidépresseur naturel". Car croyez-le ou non, il est toujours bloqué dans cette caricature.
Avant de démarrer, je vous rappelle que je ne suis ni médecin, ni pharmacien, ni professionnel de la santé. Dans cet épisode, on va parler de conditions qui sont de nature médicale, qui touchent la psychiatrie ou la traumatologie ou autre. Toutes ces conditions passent par la case médecin d'abord, pour un diagnostic, pour une prescription, pour un accompagnement médical. Les informations que je vous donne sont un peu celle du défricheur d'information, dans un but de partage de connaissance, mais ne remplacent aucunement un suivi médical.
Et deuxième point, vous nous demandez souvent comment vous pouvez nous soutenir pour tout ce contenu gratuit qu'AltheaProvence met à votre disposition depuis 2010 et qui représente des milliers d'heures de travail pour moi et toute l'équipe. On vous met un lien avec les explications sous cet épisode, avec toute notre sincère gratitude.
On va démarrer avec la position classique : millepertuis en tant "qu'antidépresseur naturel". Il est vraiment coincé dans cette boite ! Oui, je sais, on a eu plein d’études sur le sujet. La première étude sur le millepertuis et la dépression date de 1979, étude allemande (1).
Mais le plus gros des études arrive dans les années 90, j'en ai recensé une bonne quinzaine (2). Et le pic de popularité, c'est, je pense, le début des années 2000... des petites gélules qui apparaissent dans toutes les boutiques de produits naturels. Du soleil en capsules ! Du bonheur standardisé en hypericine. J'en prendrai tout un carton !
Je blague... mais ça nous amène à vraie question. Est-ce que c'est un bon antidépresseur naturel ? En ce qui me concerne, et je sais que c’est une position partagée par d’autres praticiens de différents pays avec qui j’échange, c’est une plante qui peut très bien fonctionner pour certains types de situations dépressives spécifiques. Lesquelles ? On va y revenir.
Globalement, la dépression est une situation très complexe. Ce n'est pas juste une histoire de manque de sérotonine, le truc noir et blanc, un seul paramètre qui dévie de la normale. Ça serait trop beau ! D'ailleurs, l'hypothèse qu'on appelle "sérotoninergique" de la dépression, c'est-à-dire de sérotonine trop basse dans l'environnement cérébral comme cause de dépression, est remise en cause par certains experts, chercheurs, psychiatres... Je vous mettrai un lien sur mon site pour que vous puissiez suivre cet historique des discussions (3) ainsi que les résultats d'une revue systématique qui avait fait parler d'elle en 2022 (4). Donc le manque de sérotonine comme cause première de la dépression... c'est bancale.
Dans mon premier article, j'avais expliqué que le millepertuis agit sur la recapture des 5 neurotransmetteurs principaux : sérotonine, noradrénaline, dopamine, GABA and glutamate. Donc, il s'aligne extrêmement bien sur l'hypothèse de manque de sérotonine. Mais ce qui me parle beaucoup plus aujourd'hui, c'est peut-être son effet anti-inflammatoire et neuroprotecteur, et l'hypothèse d'inflammation cérébrale comme cause ou facteur aggravant majeur de la dépression (5).
D'ailleurs, saviez-vous que l'une des hypothèses de fonctionnement des antidépresseurs type fluoxétine et compagnie, c'est au travers d'un effet anti-inflammatoire cérébral. Lorsque ces médicaments fonctionnent, c'est peut-être grâce à cette propriété-là (6). Références sur mon site comme d'habitude.
Et soyons clairs, la dépression est une situation qui requiert un suivi psychiatrique, je ne suis pas là pour venir perturber cet équilibre actuel des forces. Diagnostic d'abord. Ensuite, à vous de valider avec votre équipe médicale si vous voulez tester le millepertuis.
OK, donc retour à la question importante. Comment positionner le millepertuis dans cette indication très vague de déprime ? Je vous propose, comme point de départ, la symbolique du millepertuis. C'est le soleil, c'est la lumière.
Le fameux phytothérapeute allemand Rudolf Weiss (j'aime beaucoup ses écrits, très grande expérience) nous donne l'explication suivante : le millepertuis induit une photosensibilité (c'est-à-dire une sensibilité accrue à la lumière, on en reparlera), donc rend la personne plus apte à capter les rayons du soleil.
Et je trouve cette image assez géniale... la plante qui nous permet de mieux capter les rayons de soleil, la lumière, la partie radiante de la vie. Nos origines, après tout, semblent se situer autour de la zone équatoriale, là où on a une intensité élevée du rayonnement solaire. Est-ce que le millepertuis, comme l'explique Weiss, nous permet d'en capter plus alors qu'on s'éloigne de l'équateur ? Je ne sais pas. Mais c'est intéressant.
Lorsqu'il fonctionne, je vais employer les grands mots, mais je suis convaincu que c'est un profond remède du système nerveux. Je pense qu'on a un remède majeur pour certains états de noirceur, d'aigreur, de renfermement sur soi, remède qui ramène la lumière et l'ouverture. Il faut le prendre assez longtemps et au bon dosage. On parle de 2 à 3 mois en général et je reviendrai sur les quantités un peu plus tard.
Je vous donne deux situations spécifiques de déprime.
La première, c'est la déprime saisonnière, qu'on appelle aussi "trouble affectif saisonnier". C'est un type de déprime qui arrive à un moment précis de l'année, généralement pendant les mois d'automne et d'hiver, dans les régions où on a un hiver plus rude, plus gris, plus sombre, mois d'ensoleillement.
Quand j'étais plus jeune, j'ai vécu quelques années au Canada, en Ontario, puis près de Chicago aux États-Unis, dans la région des grands lacs, deux régions froides, avec peu de soleil l'hiver. Et je me souviens de l'appréhension, des chutes d'humeur de certains de mes amis ou collègues qui étaient natifs du coin. Bon moi, c'était tout nouveau, donc j'étais plutôt excité que l'hiver arrive, en plus pour un Provençal. Mais eux, on voyait bien que la chute de lumière naturelle les affectait.
Dans nos cercles, pour ces situations, on parle beaucoup de vitamine D3, de luminothérapie qui semble plutôt efficace pour certains. Je dois dire que je suis fan de luminothérapie. Et du millepertuis, c'est l'une des situations dépressives pour lesquelles je trouve qu'il a toute sa place.
Une autre indication... J’ai toujours trouvé que c’était une plante vraiment intéressante pour la personne âgée qui a perdu le goût de la vie, qui s’enferme, qui reste dans l’obscurité… et là, l’inspiration, c'est un herboriste américain, grand monsieur des herbes qui s’appelle David Winston, et je le remercie de m’avoir mis sur cette piste, parce qu’aujourd’hui, nos vieux (et je dis ça avec beaucoup d’affection), ne vont pas très bien, on leur a dérobé toute l’utilité, toute la sagesse qu’ils apportent à nos sociétés, et ça m’attriste beaucoup, mais ça, c’est un autre sujet de discussion !
Parfois, il y a beaucoup de noirceur chez ces personnes âgées. On a la personne qui a peut-être perdu son compagnon ou sa compagne de vie et qui ne s’en remet pas, qui ne sort plus. Ou parfois, on a une certaine aigreur du monde, tout est moche, tout fout le camp, on ne sort plus car le monde est hostile... C’est une plante qui peut aider à relancer un peu le goût de la vie, rapporter un peu de lumière dans cette noirceur ambiante.
Bien sûr, ne pas utiliser chez la personne âgée et médicamentée, ce qui est une situation classique aujourd’hui, on va revenir un peu plus tard à la raison derrière cette mise en garde.
Je vais mentionner une autre situation de déprime, mais ça nous amène dans des discussions de variations hormonales. Et donc, à ce stade, il faut que je fasse une petite pause et que je vous parle de l'action du millepertuis sur le foie.
Le millepertuis a été l'une des plantes les plus étudiées au monde, justement un peu grâce à ce positionnement "prozac naturel". En conséquence, on a beaucoup de données sur comment il fonctionne, ce qui n'est pas courant dans le monde des plantes. Il a une action marquée sur la détoxification hépatique. Je vais passer très vite sur le sujet, si ça vous intéresse je vous invite à regarder mon programme "Introduction à la pratique de l'herbalisme", le lien se trouve dans l'article.
Dans le foie, nous avons deux phases de détoxification, phase I et phase II. Dans chaque phase, nous avons des enzymes qui vont transformer des molécules complexes à éliminer en d'autres molécules plus faciles à éliminer. En général, la toxine de départ est liposoluble, c'est-à-dire qu'elle a une affinité pour les lipides, et on va la transformer en une substance hydrosoluble, c'est-à-dire qui a une affinité pour l'eau, afin de l'éliminer dans l'urine, ou dans la bile puis dans les selles.
Donc imaginez une usine de recyclage avec différents tapis roulants, un pour le verre, un pour le carton, un pour le plastique, le métal, etc. Chacun de ces tapis porte un nom de code. Les enzymes de la phase I sont groupées en ce qu'on appelle le Cytochrome P450. Et chaque enzyme porte un charmant petit nom de code comme CYP3A4, CYP2C19, CYP2D6, etc. On a toute une liste de ces enzymes, et elles vont chacune avoir une spécialisation pour métaboliser certains types de toxines ou médicaments en fonction de leur configuration chimique.
L'enzyme qui est la plus sollicitée par les toxines, les médicaments, les hormones en excès, c'est le CYP3A4. C'est comme ça, c'est le tapis roulant le plus utilisé, le plus chargé si vous voulez. Et il s'avère que le millepertuis accélère ce tapis roulant. On dit que c'est un inducteur du CYP3A4. Et donc tout médicament, toute toxine, toute hormone qui chemine sur ce tapis sera éliminée beaucoup plus rapidement que prévu.
Ça peut être intéressant... ou pas. En tout cas pour le métabolisme des médicaments, c'est clairement problématique. Car un médicament est dosé pour s'assurer que vous avez une certaine quantité en circulation sanguine, en fonction de vos capacités moyennes de métabolisme et d'élimination. Et si vous accélérez son élimination, vous aurez moins de médicaments en circulation. Le médicament sera moins efficace. Et pour certaines conditions critiques, c'est problématique. Imaginez un immunosuppresseur en cas de greffe d'organe, ou un médicament qui régule les fonctions cardiaques, ou un anticoagulant type antivitamine K bien réglé sur son INR cible... ça peut causer des situations qui mettent la vie de la personne en danger.
Je vous donne la liste complète des classes de médicaments qui sont affectées par le millepertuis sur mon site. La liste est longue, et c'est normal, car ce fameux CYP3A4 est utilisé par tellement de médicaments, les immunosuppresseurs, les anticoagulants, les médicaments pour le cœur, etc. Je vous laisse aller la consulter.
A cette liste de médicaments s'ajoute les hormones sexuelles. Ah, ça, c'est intéressant. Donc les hormones sexuelles en excès, comme les estrogènes, sont métabolisées plus vite sous millepertuis. C'est d'ailleurs pour ça que le millepertuis est contrindiqué lorsqu'il y a prise de pilule contraceptive.
Les hormones métabolisées par le CYP3A4 sont :
Pourquoi est-ce que ça nous intéresse ? Aujourd'hui, on a de nombreux déséquilibres de santé qui impliquent des perturbations hormonales. Le syndrome prémenstruel, la préménopause avec parfois des cycles très erratiques. Le syndrome des ovaires polykystiques. On parle beaucoup du rôle des perturbateurs endocriniens, des situations d'hyperestrogénie relative à cause de ces molécules qu'on retrouve un peu partout.
L'idée de stimuler l'élimination des excès hormonaux me parait intéressante dans ces périodes d'instabilité du cycle associées à une instabilité émotionnelle - que l'on parle de déprime ou d'anxiété. Donc ça, c'est ma 3ᵉ situation pour le millepertuis, un mal-être émotionnel en lien avec le cycle féminin et certains déséquilibres hormonaux.
Il est fort possible que chez l'homme, on ait une situation similaire, on est, nous aussi, en proie aux perturbateurs endocriniens. Trop d'estrogènes, chez nous, c'est pas bon non plus.
Et puis on a, nous aussi, les instabilités émotionnelles liées à certaines variations hormonales, liées à l'âge avec le fameux DALA (Déficience Androgénique Liée à l'Age)... j'en parlerai probablement dans un prochain épisode. David Winston, là encore, donne des indications du vieil homme grincheux, colérique, aigri, en perte de vitesse dans la société, peut-être en perte de sens par rapport à un projet professionnel, on commence à le mettre sur la sellette, etc. Je pense que vous voyez l'image.
Sur ce, on va refermer la partie déprime.
Parlons des névralgies. Le millepertuis a cette réputation d'être l'arnica des nerfs. C'est-à-dire que lorsque le nerf lui-même est endommagé, lorsque la douleur provient du nerf et non pas de la zone à laquelle il est connecté, alors le millepertuis peut aider.
On va faire une application locale, sous forme de macérat huileux ou de teinture ou autre extrait liquide dilué, en appliquant le long du nerf enflammé. C'est long, faut être patient, parfois appliquer systématiquement plusieurs fois par jour pendant des jours. C'est pas un remède qui agit rapidement sur les névralgies en application locale. Mais il agit.
En interne ça peut bien fonctionner aussi. On a vu des résultats en prenant une bonne teinture bien rouge en interne, à raison de 5 ml par prise, plusieurs fois par jour. Donc, on ne parle pas de 20 gouttes ici, on parle de largement plus pour des conditions aiguës. Bien sûr, chacun est différent, chacun a des sensibilités différentes aux plantes, mais les observations de terrain, c'est qu'en interne, pour une situation aiguë de névralgie, c'est pas 20 gouttes.
On a pas mal d'écrits américains sur ces indications de névralgies : sciatiques, compression des nerfs dans différentes zones du corps, syndrome du canal carpien. Tout ce qui est blessure aux extrémités avec perforations, lacérations, on imagine ici des dommages spécifiquement aux structures nerveuses qui provoquent de la douleur. Et je peux vous dire que dans la pratique américaine, on est dans les années 1800, ce sont des médecins qui sont constamment à la frontière, avec des conditions rudes, avec pas beaucoup de moyens, et s’ils documentent des utilisations comme celles-ci, c’est pas pour faire joli.
Je pense qu'il y a beaucoup de potentiel en post-chirurgie pour tout ce qui est réparation et reconnexion des nerfs sectionnés et endommagés. Mais vu qu'il y a souvent médicamentation, c'est délicat à aborder, et parfois même pas possible pour une prise interne.
Mais globalement, pour résumer, dès qu'il y a douleur qui irradie le long d'un nerf, on pourrait faire une petite combinaison : application externe d'un macérat huileux avec un rajout d'huiles essentielles, peut-être 5 à 10% d'eucalyptus citronné ou autre, et une prise interne plusieurs fois par jour, en supposant zéro contrindication au millepertuis ici.
Ce qui m'amène à la gestion de la douleur. Il semble que le millepertuis, en agissant sur les nerfs, sur la communication nerveuse, apporte un petit effet anesthésiant qui rend les circuits de nociception, les circuits de la douleur, un peu moins réactifs. En particulier lorsque la douleur a une dimension neuropathique.
Lorsqu'il y a douleur chronique, si on construit un programme à base de plantes, on va souvent mettre des plantes aux propriétés antiinflammatoires, d'autres aux propriétés antalgiques, et on peut aussi travailler sur l'axe système nerveux central pour cette raison... pour "calmer" l'hyperréactivité des circuits de nociception. On pensera au millepertuis pour ça.
Et pour la gestion de la douleur, on est définitivement dans le médical, donc consultez votre médecin en premier lieu.
On positionne le millepertuis comme anti-viral, spécifiquement contre l'herpes, et donc utilisable pour l'herpes labial et les douleurs du zona. Je n'ai pas beaucoup de retours sur le sujet, donc je n'ai pas grand-chose à partager, mais sachez que c'est l'une des indications.
Clairement, avec l'intensité des douleurs du zona, et la nature névralgique de la situation, on voit comment le millepertuis aurait une grande utilité ici, si pas de contrindications.
Pour les brûlures et inflammations de peau et muqueuses, le millepertuis est clairement excellent. On a de très bons retours sur l'application du macérat huileux sur les coups de soleil ou autres types de brûlure, sur les irritations, érythèmes, égratignures, etc. C'est l'une des huiles à avoir à la maison pour les utilisations de tous les jours.
Et là, c'est pareil, on peut rajouter une ou plusieurs huiles essentielles. On peut préparer tout ceci à l'avance et avoir la petite bouteille prête à l'emploi. Par exemple pour les brûlures, je peux préparer un mélange tout simple avec 80% macérat huileux de millepertuis + 20% huile essentielle de lavande vraie.
On a eu des retours sur des cas de cystite chronique non infectieuse, le millepertuis a permis de calmer la situation. Donc il y a peut-être quelque chose à creuser en tant qu'anti-inflammatoire de la vessie et des voies urinaires. Donc peut-être à garder en tête pour les vessies hyperactives ou les cystites interstitielles.
Pour les formes, j'ai changé ma position ces dernières années. Je suis toujours très partisan des extraits hydro-alcooliques bien rouges préparés à partir de la plante fraiche. Mais j'ai aussi eu assez de retours sur la forme infusion pour me dire que c'était aussi une préparation valable. J'ai beaucoup moins d'expérience avec la forme infusion, à choisir, je conseille toujours une forme liquide. Mais vu qu'on aime bien proposer des mélanges à tisanes, on peut intégrer le millepertuis dans le mélange.
Autre information intéressante : sachez que le macérat huileux, la fameuse huile rouge, est une forme tout à fait valable pour une prise interne. C'est peut-être un peu plus dur à digérer si on en prend une cuillère à café, par rapport à un extrait liquide qui n'est pas huileux, une teinture de plante fraîche par exemple. Mais c'est une forme efficace. Et puis elle est particulièrement intéressante pour toute inflammation du tube digestif - oesophagite, gastrites ou ulcères.
Pour les dosages de la teinture de la plante fraiche, ces derniers temps, je me cale sur les dosages de Simon Mills et Kerry Bone, deux références du côté anglophone, avec 3 à 6 ml par jour pour un adulte, ce qui est plus élevé que ce que j'avais mentionné dans ma fiche de 2010, donc je vais aller corriger la fiche de ce pas.
Un petit mot au sujet de la photosensibilité. On a des cas rapportés dans la littérature médicale. Donc ce n'est pas juste une mise en garde théorique.
Tout d'abord, on ne consomme pas de millepertuis s'il y a déjà une photosensibilité connue ou si la personne prend des agents photosensibilisants, certains médicaments par exemple.
Dans mes cercles de praticiens, on n'a pas observé de réactions de photosensibilité avec les teintures ou autres extraits hydro-alcooliques ou avec la forme infusion. On pense que ce sont surtout les formes standardisées en hypericine, en général délivrées sous forme de comprimés, qui sont les plus aptes à provoquer cet effet indésirable.
Ceci dit, principe de précaution, on évite une forte exposition au soleil, on évite les expositions aux lampes UVAs. On fera particulièrement attention aux fonds de bocaux ou de bouteilles de teinture, car les sédiments au fond de la bouteille pourraient être un peu trop concentrés.
Simon Mills & Kerry Bone mentionnent qu'à partir de 2,7 mg d'hypericine totale par jour pour les comprimés standardisés, il faut commencer à se méfier. J'ai fait quelques calculs par rapport aux produits français en général titrés à 0,3% d'hypéricine, et ça commence à faire du style 4 comprimés par jour alors que sur la boite, on conseille de n'en prendre qu'un.
Et pour la petite histoire, j'ai moi-même fait l'expérience d'une photosensibilisation assez sévère après avoir passé une journée à ramasser du millepertuis... il faisait super chaud, j'avais les doigts rouge-noirs de millepertuis (du moins d'hypéricine), à m'essuyer le front pour enlever la transpiration. Eh bien j'ai gardé des marques (c'est-à-dire des brûlures) pendant bien 3 semaines. De beaux traits rouges en superstructure sur le front. Les copains en ont bien rigolé, pas moi.
Il y a d'autres précautions à prendre avec le millepertuis. Je vous ai mis la liste sur mon site dans l'article de 2010, je vous laisse aller le consulter.
C'est terminé pour cet épisode, j'espère que vous avez trouvé cette petite mise à jour utile. Merci d'être là. À la prochaine !
(1) Hoffmann J, Kühl ED. Therapie von depressiven Zuständen mit Hypericin. Zeitschrift für Allgemeinmedizin 1979;55:776-82.
(2) Linde K, Ramirez G, Mulrow CD, Pauls A, Weidenhammer W, Melchart D. St John's wort for depression--an overview and meta-analysis of randomised clinical trials. BMJ. 1996 Aug 3;313(7052):253-8. doi: 10.1136/bmj.313.7052.253. PMID: 8704532; PMCID: PMC2351679.
(3) Résumé de la remise en cause de l'hypothèse sérotoninergique sur Science et Vie : https://www.science-et-vie.com/cerveau-et-intelligence/chercheurs-remettent-question-role-de-serotonine-depression-92181.html
(4) Moncrieff, J., Cooper, R.E., Stockmann, T. et al. The serotonin theory of depression: a systematic umbrella review of the evidence. Mol Psychiatry 28, 3243–3256 (2023). https://doi.org/10.1038/s41380-022-01661-0
(5) Gałecki P, Talarowska M. Inflammatory theory of depression. Psychiatr Pol. 2018 Jun 30;52(3):437-447. English, Polish. doi: 10.12740/PP/76863. Epub 2018 Jun 30. PMID: 30218560.
(6) Tynan RJ, Weidenhofer J, Hinwood M, Cairns MJ, Day TA, Walker FR. A comparative examination of the anti-inflammatory effects of SSRI and SNRI antidepressants on LPS stimulated microglia. Brain Behav Immun. 2012 Mar;26(3):469-79. doi: 10.1016/j.bbi.2011.12.011. Epub 2012 Jan 11. PMID: 22251606.
Comprendre Les Études : observationnelles (partie 1) : (abonnez-vous au podcast ici)
Dans notre monde des plantes médicinales, on a trois sources d'informations pour continuer d'apprendre et de progresser. La tradition, pour laquelle j'ai énormément de respect. Notre propre pratique, notre travail avec les individus qu'on accompagne, pour celles et ceux qui sont praticiennes ou praticiens. Et puis la science. Dans ma vision des choses, les trois se croisent et s'entrecroisent, se combinent et s'enrichissent, les trois sont importants.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler des études scientifiques et vous fournir une petite carte du territoire. Je consulte régulièrement les bases de données d'études, sur les plantes spécifiquement, mais aussi sur la nutrition, l'hygiène de vie ou la santé d'une manière générale. Tout m'intéresse. Savoir rechercher et lire ces études, c'est une compétence importante. Mais c'est pas un travail facile.
Ce que j'aimerais faire aujourd'hui, c'est partager avec vous ce que j'ai compris des différents types d'études. Je vais faire de mon mieux pour vulgariser et simplifier. Simplifier oui, mais surtout pas tomber dans le simpliste.
Et notez qu'il est possible que vous en sachiez plus que moi sur le sujet si c'est votre domaine. D'ailleurs, j'en profite pour vous dire que si j'avance des informations qui ne sont pas correctes, vous me le dites, et je ferai une correction dans l'article associé à cette vidéo sur mon site.
Je vais diviser la discussion en 2 épisodes. Dans ce premier épisode, je vais vous présenter la pyramide qui montre les différents types d'études classées par niveau de preuve. Je vais vous expliquer comment la lire. Ensuite, toujours dans cet épisode, je vais passer pas mal de temps sur les études observationnelles, leurs limitations et les biais qui sont bien connus aujourd'hui. Et dans l'épisode 2, je me concentrerai surtout sur les études interventionnelles.
Warning : vidéo longue ! Mais toutes les informations sont ici, dans l'article associé. Donc pas besoin de prendre des notes. Restez juste avec moi, à écouter pendant une première passe. On va faire un petit peu chauffer les neurones, mais j'espère que vous allez me suivre dans cette exploration, et le faire avec curiosité et intérêt, parce que je peux vous dire que j'ai pu trouver, au fil des années, de vraies pépites qui m'ont aidé à mieux accompagner les personnes avec qui je travaille.
Avant de démarrer, je vous rappelle deux points importants. Tout d'abord, je ne suis ni médecin, ni pharmacien, ni professionnel de la santé. Je suis là pour partager des informations avec vous, mais ceci ne remplace pas un suivi médical, et n'a pas vocation d'être diagnostic ou prescription. Et puis dans le cas de la discussion aujourd'hui, je ne suis ni chercheur ni scientifique de métier.
Et second point, vous nous demandez régulièrement comment vous pouvez nous soutenir et nous remercier pour tout ce contenu gratuit qu'AltheaProvence publie depuis 2010 et qui représente des milliers d'heures de travail pour moi et toute l'équipe. Voici un lien avec des explications, et avec toute notre gratitude : https://www.altheaprovence.com/nous-soutenir/
Bon... petite pause... Il y a un point qu'il faut qu'on enlève du milieu, sinon il va grandement nous complexifier la tâche.
On peut utiliser les études scientifiques pour bâtir le savoir, comprendre, expliquer le monde qui nous entoure. Ça, c'est la science "noble" je dirais. Et on peut aussi les utiliser pour manipuler l'opinion, ou booster les ventes de certaines activités commerciales.
Peut-il y avoir manipulations et magouilles dans le monde de la publication scientifiques ? La réponse est oui, on le sait, on l'a vu, même dans les revues les plus prestigieuses. Comme partout, d'ailleurs. Dans notre petit monde des plantes médicinales et des pratiques du bien-être, on peut aussi trouver des tricheurs, des fraudeurs, des gens qui font du mal à toute la filière. Donc ça existe partout.
Et puis comme disent les Américains, "follow the money". Suivez l'argent. À quel endroit a-t-on le plus de chance de faire fortune ? Bien sûr que c'est une question importante. Bien sûr qu'il faut toujours l'avoir à l'esprit les conflits d'intérêt.
Mais je ne peux pas vous faire l'exposé d'aujourd'hui avec ceci dans l'équation. Il faut que je l'enlève. Je vais vous expliquer ma compréhension des études sans présupposition de manipulations, sinon je ne peux m'accrocher à rien. Mais on en reparlera peut-être dans un autre épisode pour aller plus loin.
Ceci dit, je vous propose que l'on parle des différents types d'études que vous allez rencontrer dans les journaux spécialisés et dans certaines bases de données comme PubMed, probablement la base de données Américaine d'études la plus connue.
Pour illustrer mes propos, j'ai pris comme point de départ la pyramide de l'université de Purdue aux États-Unis. C'est une pyramide qui présente les différents types d'études en fonction du niveau de preuve. Preuve dans le sens "capacité à prouver une hypothèse de départ". Donc ce qui est tout en bas, à la base de la pyramide, ce sont les études qui ont un niveau de preuves faibles. On ne pourra pas en tirer grand-chose d'un point de vue décisionnel, mais comme on le verra, elles sont utiles. Et tout en haut, on a les études qui ont un niveau de preuve élevé. Toutes sont importantes, toutes les couches de la pyramide, et on va voir pourquoi.
Est-ce que la pyramide est parfaite ? Non, et on verra pourquoi, en particulier pour les couches hautes. Mais ça nous aide à visualiser et comprendre. Ça a été ma base de compréhension, je l'ai traduite moi-même et je l'ai aussi simplifiée pour mes propres besoins, et c'est la version simplifiée que je vais vous livrer. J'espère que vous la trouverez utile.
A ce stade, il faut que je définisse 2 termes très importants : observationnel et interventionnel.
Une étude observationnelle, comme son nom l'indique, observe une situation sans intervenir. On regarde les données existantes, on peut faire de nombreux calculs statistiques sur ces données. Ou alors, on monte un plan d'étude pour mesurer de nouvelles données, dans le futur, sur un groupe de personnes choisi. On ne force pas ces personnes à modifier leurs habitudes, leur hygiène de vie, si ce n'est de faire certaines mesures ou capturer certaines informations. Ici, on démontre des liens de corrélation, pas de causalité. On reviendra sur ce point-là qui est tellement important, et tellement mal compris aujourd'hui.
Donc, par exemple, on pourrait sélectionner un échantillon de la population qui boit des tisanes de menthe poivrée plusieurs fois par semaine, un autre groupe qui n'en boit pas, et voir si on arrive à en tirer des tendances. Mais les personnes en boivent déjà, ou n'en boivent pas. On ne va pas leur de mander de changer quoi que ce soit. On observe juste ce qu'il se passe dans ces échantillons.
Une étude interventionnelle, comme son nom l'indique, intervient dans la vie de l'individu et lui demande de changer un paramètre. On emploie aussi le terme "étude expérimentale" dans le sens où il y a une expérience à réaliser et pas juste une observation. On va demander aux participants de prendre une substance en interne, ou leur faire suivre un autre type de traitement ou manipulation.
Dans le monde des plantes, il y aura, en principe, prise de la plante sous une forme ou une autre. Donc on vient s'insérer dans la vie des personnes. Si l'étude interventionnelle est bien faite, en général contrôlée randomisée en double aveugle (on expliquera ces termes), elle sera capable de démontrer d'une manière statistique, avec un certain intervalle de confiance, qu'une hypothèse de départ est vraie, par exemple "telle substance naturelle améliore la perception de la douleur dans les cas d'arthrose de la hanche". Et donc, quelque part, démontrer une causalité avec des outils statistiques. Tout ça, on en parlera dans l'épisode 2.
Dans la pyramide, vous verrez que les couches basses sont observationnelles, ensuite au-dessus, on a de l'interventionnel. Et encore au-dessus, on a de l'analytique et de l'évaluatif, c'est-à-dire qu'on va faire une analyse de toutes les études qu'on a trouvées, et que l'on a rassemblées, avec certains critères de qualité, et on va voir ce qu'on peut en déduire. On va faire une sorte de distillation de toutes ces données disponibles et voir quel type d'essence on peut en tirer.
Allez, on passe à la pyramide.
Niveau 0 : c'est une opinion, d'expert en général, c'est un éditorial, c'est une lettre à un journal scientifique avec un point à faire passer. Vous savez ce qu'on dit sur les opinions, tout le monde en a une, ou même plusieurs. Donc on a un niveau de preuve très bas, mais ça peut être une base pour faire une étude plus tard et pour monter dans la pyramide. En science, tout commence par une hypothèse de départ que l'on voudra tester par la suite. Comment génère-t-on des hypothèses ? En observant, en partageant, en exprimant une idée.
Exemple d'une hypothèse : l'existence d'un lien entre la consommation de feuilles de roquette sauvage dans l'alimentation et la prévention de l'ulcère de l'estomac à Helicobacter pylori. Notez que j'invente un exemple ici. Donc là, on aurait une hypothèse très spécifique qu'on aimerait tester au travers d'études futures.
D'où vient cette idée ? Elle n'est pas sortie de nulle part. Elle peut venir d'un expert en constituants des plantes qui s'est dit que basé sur la teneur en glucosinolates des roquettes sauvages, et vu les données existantes sur ces constituantes, il pourrait y avoir un tel effet. Donc là, on a une hypothèse que l'on aimerait bien tester et valider.
Est-ce que l'on peut prouver quoi que ce soit à ce niveau de la pyramide ? Non, absolument rien, c'est juste une opinion, une hypothèse, on n'a encore rien démontré, ni corrélation, ni causalité.
Niveau 1 : à un niveau au-dessus, on a l'étude de cas. C'est une observation faite sur un individu, donc l'échantillon le plus petit possible.
C'est souvent dans un contexte clinique. Un médecin a reçu une personne en consultation de gastro-entérologie, cette personne avait une récurrence d'ulcère à Helicobacter dans le passé, la situation était résistante aux antibiotiques classiques. Et là, le patient s'est débarrassé de la bactérie sans prise d'antibiotiques. Le médecin pose des questions et s'aperçoit que la seule chose qui a changé, c'est le fait que ce patient consomme maintenant des feuilles de roquettes sauvages d'une manière régulière dans sa salade. Je répète, mais j'invente cet exemple de toutes pièces.
Dans le monde idéal, l'observateur irait soumettre une étude de cas dans une base de donnée spécialisée. Elle pourra être utilisée par d'autres spécialistes qui ont peut-être fait une observation similaire. D'autres spécialistes pourront se dire "ah ben tient, c'est pas la première fois que ça arrive apparemment". Au fil du temps, il y aura peut-être d'autres études de cas très similaires qui seront soumises à la base de donnée.
Je vous donne un exemple réel. Étude de cas publiée en 2005 (1) sur une personne de 76 ans souffrant d'une inflammation des muqueuses digestives provoquée par la prise de methotrexate, un médicament, dans le contexte d'une polyarthrite rhumatoïde. La situation a été soulagée grâce à des bains de bouche à la camomille matricaire. L'équipe médicale de l'hôpital ayant fait l'observation, en Crête, a décidé de soumettre une étude de cas. Le but de l'étude de cas, c'est de dire "on a observé ceci, peut-être que d'autres bénéficieront de cette information".
Au niveau 2, on a quelqu'un, un expert, un chercheur, qui va combiner plusieurs études de cas similaires et va nous faire un petit résumé. C'est pratique. On commence à voir le nombre d'observations qui augmente. On appelle ça une "série de cas".
Un exemple : une publication de 2022 (2), qui rassemble 3 cas dans lesquels la médecine traditionnelle chinoise a soulagé un cas d'urticaire chronique accompagné d'allergies alimentaires. C'est super intéressant. Mais est-ce qu'on peut prouver causalité ici d'un point de vue scientifique ? Non. Et corrélation statistique ? Non, on a juste 3 cas, échantillon trop petit.
Car peut-être, allez savoir (et là j'invente encore une fois), les 3 familles se connaissaient, et ont partagé des astuces sur la situation de leurs enfants, et ont vu que les mettre à un cours de yoga pour enfant faisait une grande différence. Du coup, c'est quoi qui a vraiment aidé ici, la médecine chinoise ou le yoga pour enfant ? On ne sait pas.
Au niveau 3, on est dans le dernier niveau de la couche observationnelle, on va commencer à rentrer dans les études de cohortes. Une cohorte, c'est un groupe de personnes. Et là, tellement de choses à dire. On commence à voir des échantillons de grande taille. On ne parle plus de 2 ou 3 cas comme précédemment. Ici, c'est des centaines, des milliers de personnes, parfois plus. Mais on est toujours dans l'observationnel, on n'intervient pas dans la vie de ces personnes.
On a des études de cohortes qui ont été effectuées sur de très grands groupes. Par exemple, une étude de 2017 (3) effectuée sur plus de 270 000 personnes avec 30 années de données, qui mesurait l'association entre l'index de masse corporelle (IMC) et la mortalité de l'échantillon. Donc là, sur des échantillons énormes, on peut faire tourner des outils statistiques assez sophistiqués. Et on a vu que quand l'IMC est trop bas, donc personne en sous-poids, ou trop haut, donc personne en sur-poids, il y a une corrélation statistique avec la mortalité de l'échantillon.
Tiens d'ailleurs, j'en profite pour vous donner la différence entre morbidité et mortalité, deux termes que vous allez voir dans les études et qui créent souvent la confusion. La morbidité n'a rien à voir avec la mort, c'est l'incidence et la prévalence de maladies dans l'échantillon. Et la mortalité, c'est la fréquence des décès. Et donc, une question que l'on pose souvent, c'est quelle est la morbidité et la mortalité dans l'échantillon, les deux sont importants à connaître.
Ce qui m'amène à incidence et prévalence. Désolé, mais je déroule la définition des termes au fil de la discussion. L'incidence, c'est le nombre de cas apparus pendant une année dans l'échantillon. La prévalence, c'est la proportion de personnes touchées par une condition à un moment donné. Là encore deux termes que vous allez voir dans les études. Incidence et prévalence.
Retour à nos études de cohorte. Ces études peuvent être rétrospectives ou prospectives.
Une étude de cohorte rétrospective regarde vers le passé. Elle va analyser une masse d'information qui existe déjà, qui a déjà été obtenue, mesurée, stockée.
Par exemple, dans une étude taïwanaise de 2022 (4), on a examiné plus de 4 000 patients prenant un médicament anticoagulant. On a regardé les personnes qui prenaient certaines plantes ou formulations de médecine chinoise, et les personnes qui n'en prenaient pas. Et on a noté une association inverse entre prise de plantes et risques de saignements majeurs. Association inverse, ça veut dire que la prise de plante est associée à une diminution des accidents hémorragiques. Les données existaient déjà dans les bases de données médicales, là les chercheurs n'ont fait que sélectionner les données qui les intéressent pour faire tourner leurs outils statistiques.
Une étude de cohorte prospective regarde vers le futur. Les données n'ont pas encore été mesurées, mais on va le faire dans le cadre de l'étude.
Exemple d'étude de 2012 réalisée en Allemagne. L'étude s'est étalée sur 5 ans, on a recruté des médecins qui se sont déclarés comme pratiquant la médecine anthroposophique, 22 médecins au total. Les chercheurs ont épluchés plus de 2600 prescriptions, et ont constaté la chose suivante : les médecins ont prescrit du millepertuis dans 45% des cas, et de l'amitriptyline (un antidépresseur médicamenteux) dans 16% des cas. On n'a pas de données d'efficacité, ici le but était juste de comprendre les types de prescription. Il y a des sponsors et des conflits d'intérêts potentiels dans cette étude, je ne vais pas rentrer dans les détails car je voulais juste vous donner un exemple.
Là encore, on n'est pas dans l'interventionnel. On est dans l'observationnel. Que l'on fasse du rétrospectif, en regardant vers le passé, ou du prospectif, en regardant vers le futur, si on est dans une étude observationnelle, on ne demande pas aux personnes de l'échantillon de changer leurs habitudes. On capture juste des informations.
Je vous donne encore 2 termes pour rajouter à votre soupe : longitudinal et transversal.
Une étude transversale regarde une situation à un instant T dans une population. Au 26 janvier 2024, quelle est la prévalence des troubles respiratoires chez les fumeurs. On mesure la prévalence d'un phénomène. C'est un Polaroid figé à une certaine date.
Une étude longitudinale va suivre la fréquence de ce phénomène de santé au cours du temps. On va suivre la dynamique de ce phénomène. Comment évoluent ces troubles respiratoires au fil des années. On parle d'incidence ici. Quelle est l'incidence des nouveaux cas de troubles respiratoires chez les fumeurs dans la période 2019 à 2024, par exemple.
Maintenant, on arrive à la discussion intéressante. Peut-on prouver un lien de causalité dans ces études de cohorte ? Eh non, c'est très important de le comprendre. A ce stade, on est dans le lien de corrélation, pas dans le lien de causalité. Une corrélation, c'est phénomène A et phénomène B sont en relation, si l'un varie, l'autre varie aussi. Une causalité, c'est dire phénomène A provoque phénomène B, il est la cause de B.
Un exemple basé sur de vieilles études américaines : on va passer de quelque chose comme... "dans cette étude, on observe que le nombre d'accidents cardiovasculaires semble positivement associé à la quantité d'acides gras saturés consommés quotidiennement". Donc corrélation. Les gens qui mangent plus de gras saturés ont aussi plus d'accidents cardiovasculaires. Et puis dans les journaux, ça devient "les gras saturés sont la cause de maladies cardiovasculaires !" Eh non. Erreur. Et cette bascule de la corrélation à la causalité, on le voit tout le temps.
On fera une petite entorse à la règle dans quelques minutes avec les critères de Bradford-Hill. Mais pour l'instant, la réponse est non, pas possible.
Le problème principal avec les études observationnelles, ce sont ce qu'on appelle les "facteurs confondants", qu'on appelle aussi "facteurs de confusion". Ce sont d'autres facteurs, que l'on n'a pas forcément mesurés, que l'on ne connait souvent pas, mais qui pourraient bien être la cause du phénomène.
Attendez voir... et si ceux qui mangent plus d'acides gras saturés, aux États-Unis où l'étude a été faite, sont des gens qui passent beaucoup de temps devant la télé, avec une bière et un burger ? Et si on avait plus de fumeurs dans cet échantillon ?
Alors certes, une étude observationnelle bien faite essaie de mesurer tous ces autres facteurs, y compris la situation socio-économique des participants, pour ensuite calculer le poids statistique de ces facteurs. Mais on ne pourra jamais tous les enlever. Et puis on ne connait pas tous, ces facteurs confondants, et on peut en avoir une belle brochette. Donc on ne pourra pas établir de lien de causalité avec ce genre d'étude.
On a aussi de nombreux biais dans ces études observationnelles.
Un biais très connu, que les américains appellent "healthy user bias", le "biais du participant en bonne santé". C'est l'un des plus courants dans le monde de la santé.
Par exemple, imaginons une étude qui nous dit : "la consommation de thé vert semble associée à une prévalence de cancers plus basse". OK, mais il est possible que les personnes qui consomment du thé vert soient beaucoup plus conscientes de leur hygiène de vie, de leur alimentation, de leur activité physique, fasse de la méditation. Il est possible que le thé vert soit un marqueur, en quelque-sorte, d'une bonne hygiène de vie. Du coup, c'est quoi qui diminue l'incidence des cancers ici, le thé vert ou l'activité physique ou la méditation ou tout combiné ? On ne peut pas conclure.
Un autre biais que l'on va rencontrer dans ces études, c'est le biais de remémoration. Et ça, c'est tellement classique dans les études nutritionnelles. C'est pour ça que dès que vous voyez les gros titres des journaux "tel aliment provoque tel problème de santé"... regardez l'étude qui est derrière. Comment a-t-elle été réalisée, comment a-t-on capturé les informations ?
Dans de nombreuses études observationnelles, on demande aux participants de se rappeler ce qu'ils ont mangé, ce qu'ils ont fait, à quelle fréquence, à quelle intensité. Parfois, on les voit une fois par mois pour collecter l'info. Parfois, c'est encore plus espacé ! Et devinez quoi ? La mémoire est très faillible !
On demande souvent aux personnes de se souvenir de combien de fois ils ont mangé des flocons d'avoine ou des amandes ou des produits laitiers sur une période assez longue. Vous vous imaginez ? Je me rappelle à peine ce que j'ai mangé il y a 2 jours, donc le mois dernier... Parfois, on demande la fréquence de consommation des aliments sur une année ! Et de là, on va tirer des conclusions.
Il y a de bien meilleures manières de procéder, de collecter des données, ça coûte plus cher bien sûr, donc toute une discussion sur le sujet dans laquelle nous ne rentrerons pas.
Allez, un autre biais, c'est ce qu'on appelle le biais de performance. C'est le fait que je suis observé, et que ceci va modifier mes habitudes de vie et mes performances. Si je suis tout seul à faire du vélo en salle, j'ai une certaine performance. Mais si vous m'observez, là c'est pas pareil. Je vais peut-être mouliner un peu plus fort.
Si vous me demandez de tenir un journal des repas, le fait que je vais devoir tout noter et que vous allez regarder mon journal... ça va peut-être me faire réfléchir au sujet des 2 barres au chocolat que je voulais m'enfiler avec mon café. Donc le journal même, comme si j'avais une personne qui m'observe, va me faire changer mon comportement.
On le voit aussi avec des appareils comme les moniteurs de glucose, ou avec tout appareil de mesure. Il y a une sorte de comportement très joueur du participant, qui veut, en quelque sorte, améliorer le score, améliorer la performance, et va donc agir d'une manière qui est déformée par rapport à sa réalité habituelle.
Donc là, avec le biais de performance, on a quelque chose de bien réel, de connu, et qu'on a un peu de mal à maitriser.
Je vais m'arrêter là avec la liste des biais, mais sachez qu'il y en a d'autres et que ma liste est non-exhaustive. Une étude observationnelle de qualité devrait toujours préciser les risques de facteurs confondants et de biais. Et si ce n'est pas fait dans l'étude, c'est bien dommage, le travail n'est pas complet.
Une manière d'éliminer ces biais serait au travers d'une étude interventionnelle avec groupe contrôle. Et dans les 2 groupes, on va gérer les participants exactement de la même manière. On va les observer de la même manière. Un groupe prend du ginseng, un groupe n'en prend pas, on les fait pédaler sur le vélo d'entrainement de la même manière. Oui, il y aura un biais de performance, mais vu que c'est le même dans les deux groupes, on peut l'éliminer des résultats. Encore faut-il traiter les 2 groupes exactement de la même manière.
Donc vous l'avez compris, la seule manière d'éliminer ce problème sera de faire une étude interventionnelle. Cela nous permettra de prouver la présence ou l'absence d'un lien probable de causalité.
Ceci dit, l'étude observationnelle a toute sa place. Elle n'est pas mauvaise en soi. Elle offre juste un niveau de preuves limité. Mais elle aide les chercheurs à partir défricher certaines zones, à voir ce qu'il ressort d'études sur de grands échantillons, de générer de nouvelles hypothèses ou même parfois, lorsqu'une étude interventionnelle ne serait pas éthique à mener, de se contenter d'observationnel.
Par exemple, imaginez qu'on suspecte le fait qu'une molécule de l'environnement provoque un type de cancer. Si on voulait prouver un lien de causalité, faudrait faire une étude interventionnelle (on en parlera dans l'épisode 2), dans laquelle on fait prendre cette molécule à un groupe de personnes. Mais ce n'est pas éthique, on est d'accord. Ou si on voulait démontrer qu'une molécule provoque des malformations fœtales.
Donc il va falloir faire avec des études observationnelles sur de grands groupes dans lesquels on analyse les paramètres des personnes qui n'ont pas le cancer et ceux qui en ont. On appelle ça des études "cas-témoins".
Si on voyait une grande différence entre les 2 groupes, imaginons que les personnes exposées à la fameuse substance développent 100 fois plus de cancers que le groupe témoin. Et si on a aussi tout un nuage de suspicions au sujet de cette molécule, au travers d'autres études, car on a prouvé qu'elle endommageait les tissus humains in vitro, qu'elle provoquait des cancers chez l'animal. Alors, on pourrait mouiller la chemise et dire que cette substance provoque probablement ce type de cancer chez l'humain et il faut l'éviter. Probablement.
Oui, mais vous allez me dire attend, y a corrélation ici, pas causalité. Oui, je sais. Mais on n'ira pas faire de recherches interventionnelles car ce n'est pas éthique. Donc on a cette étude cas-témoin avec un grand échantillon qui semble de bonne qualité, on a toutes ces autres informations, on les met ensemble et on se dit, ce n'est pas parfait, mais tout de même, il est légitime de suspecter une causalité.
Par contre, ça serait bien d'être clair dans le raisonnement, qu'on ait l'info.
Existe-t-il une liste de critère qui aiderait à déterminer si on pourrait suspecter une causalité à partir d'une corrélation ? Oui, nous avons un fameux épidémiologiste qui s'appelle Bradfort-Hill et qui a établi cette liste : stabilité, cohérence, spécificité, etc.
Allez, on va donc prendre les escaliers et aller un étage au-dessus dans notre pyramide et on va aller rendre une petite visite aux études interventionnelles ou expérimentales. Mais ça, on va le faire dans la partie 2 de cette discussion car là, je pense que vous avez besoin d'une petite pause.
A très bientôt, donc, pour la partie 2 !
(1) Mazokopakis EE, Vrentzos GE, Papadakis JA, Babalis DE, Ganotakis ES. Wild chamomile (Matricaria recutita L.) mouthwashes in methotrexate-induced oral mucositis. Phytomedicine. 2005 Jan;12(1-2):25-7. doi: 10.1016/j.phymed.2003.11.003. PMID: 15693704.
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